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L'extinction de l'instance en justice

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par Daniel Duplex NDE TAWEMBE
Université de Yaoundé II-Soa (Cameroun) - diplôme d'études approfondies en droit privé 2005
  

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SECTION II - L'EXTINCTION DE L'INSTANCE DU FAIT DU DECES DE L'UNE DES PARTIES

128. En cas de décès d'une personne, son patrimoine est dévolu à ceux qui sont appelés à sa succession : héritiers et légataires universels ou à titre universel324(*). Ceux-ci recueillent les éléments actifs et passifs du patrimoine du de cujus et sont appelés à « continuer sa personne ». Ils devraient logiquement hériter également de ses actions en justice325(*), et ainsi prendre sa place dans une instance qu'il aurait introduite ou alors qui aurait été introduite contre lui avant sa mort. Il n'en est cependant pas toujours ainsi. Le décès d'une partie à l'instance fait disparaître avec lui dans certains cas le droit d'agir en justice, ce qui entraîne conséquemment l'extinction de ladite instance (§1). Une telle situation est tributaire de la nature de l'action en question. Mais le décès du délinquant quant à lui entraîne des conséquences sur les actions nées de l'infraction qui ne tiennent pas toujours compte de la nature de celles-ci (§2).

§ 1- L'INCIDENCE DU CARACTERE DE L'ACTION

129. Nous n'envisagerons à ce niveau que l'action dite de nature civile, qui est celle exercée devant les tribunaux civils en réparation d'un dommage, mais en l'absence de toute infraction pénale. En principe, l'ayant cause peut recueillir de son auteur ses actions en justice et les poursuivre : on dit dans ce cas que l'action est transmissible. Il existe cependant des actions intransmissibles dont l'exercice n'est reconnu qu'à leur seul titulaire.

Ainsi, lorsqu'une personne partie à une instance dont le droit en litige est transmissible décède, ses héritiers peuvent le remplacer dans ladite instance en qualité de demandeur, de défendeur ou d'intervenant, selon le cas. Dans une telle occurrence, l'instance est tout simplement interrompue326(*). Il y aura donc lieu simplement à reprise de l'instance interrompue conformément aux dispositions des articles 145 et suivants du CPCC.

130. En revanche, lorsque l'action est intransmissible, les héritiers de son titulaire ne peuvent pas la recueillir, dans la mesure où elle est exclusivement attachée à sa personne. Son décès entraînera la disparition avec sa personne de ladite action, et si une instance avait été introduite, cette disparition de l'action entraînera accessoirement l'extinction de l'instance327(*). Il en est ainsi de la plupart des droits extrapatrimoniaux comme les droits de la personnalité328(*), qui sont en principe hors du commerce juridique ; même s'il est vrai que la classification traditionnelle droits patrimoniaux-droits extrapatrimoniaux semble remise en cause depuis quelque temps puisque le contrat, avide de conquérir des territoires nouveaux, a élargi son domaine de prédilection à certains droits extrapatrimoniaux. Il peut aussi arriver que le décès d'une des parties entraîne l'extinction de l'instance parce que ce décès fait disparaître l'objet du litige. C'est le cas par exemple en matière de divorce. En effet, d'après l'article 77 de l'Ordonnance n°81-02 du 29 juin 1981 portant organisation de l'état civil et diverses dispositions relatives à l'état des personnes physiques, le mariage est dissous par le décès d'un conjoint ou le divorce judiciairement prononcé. L'action en divorce devant le juge civil ayant pour but d'obtenir la dissolution du lien conjugal, cette dissolution a lieu de plein droit par le décès de l'un des conjoints, parties à l'instance en divorce. Par conséquent, si un tel décès survient en cours d'instance, celle-ci n'a plus de raison d'être et doit prendre fin.

En somme, Le décès de l'une des parties n'est une cause d'extinction de l'instance que si l'action est non transmissible soit parce qu'elle est exclusivement attachée à la personne, soit parce que le décès fait disparaître l'objet du litige.

§ 2- LE DECES DU DELINQUANT EN CAS D'INFRACTION PENALE

131. Comme on le sait, l'infraction à la loi pénale peut donner naissance à deux actions : une action publique pour l'application des peines et une action civile qui a pour but la réparation du préjudice subi par la victime de l'infraction329(*).

132. L'article 62 alinéa 1(a) du Code de Procédure Pénale dispose que : « L'action publique s'éteint par la mort du suspect, de l'inculpé, du prévenu ou de l'accusé (...) ». Ces différentes appellations tiennent compte des différentes phases du procès pénal où l'auteur présumé prend des qualificatifs différents selon que l'on est respectivement à l'enquête, à l'information judiciaire, devant le tribunal statuant en matière correctionnelle ou de simple police ou alors devant le tribunal statuant en matière criminelle330(*). Ainsi, peu importe le stade auquel il survient, le décès de l'auteur présumé d'une infraction éteint l'action publique. Cette solution se justifie par le principe de la personnalisation des peines. Ce principe s'oppose à ce que les héritiers de l'auteur d'une infraction ne soient punis à sa place, la responsabilité pénale ayant un caractère essentiellement individuel. Une telle solution ne souffre en principe d'aucune exception. Si donc, l'infraction pénale n'avait donné lieu à aucune action civile, ou alors si bien qu'ayant donné lieu à une action civile celle-ci n'avait pas été exercée, le procès prendra fin. Toutefois, dans l'occurrence où la victime s'était effectivement constituée partie civile dans les conditions prescrites par la loi, les conséquences du décès du délinquant sur l'action civile varient selon que l'on se trouve en première instance ou alors en instance d'appel.

133. En effet, l'extinction de l'action publique du fait du décès du délinquant a forcément des répercussions sur l'action civile née de l'infraction. Lorsque le juge répressif est saisi d'une infraction, il est compétent pour statuer également sur l'action civile si la victime s'est constituée partie civile331(*). Dans la mesure où l'action civile est accessoire à l'action publique, si l'action publique s'éteint du fait du décès en cours d'instruction du délinquant, l'on voit mal comment le juge répressif pourrait statuer sur l'action civile notamment en condamnant une personne dont la culpabilité n'a même pas pu être établie. De même, si l'action civile avait été portée par la victime devant le juge civil comme la loi l'y autorise, celui-ci aurait sursis à statuer en attendant la décision du juge répressif sur l'action publique, en vertu du principe « le criminel tient le civil en état » et de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil. Ainsi donc, si le juge répressif n'a pas pu se prononcer sur l'action civile à cause du décès du délinquant, il convient de conclure que le juge civil ne pourra pas se prononcer sur les intérêts civils. Dans les deux hypothèses, l'instance s'éteindra et la procédure prendra fin.

134. En revanche, il en est différemment lorsque le décès du délinquant n'est intervenu qu'en instance d'appel. En effet, si l'auteur de l'infraction décède alors qu'une décision est déjà intervenue en première instance, seule l'action publique s'éteindra, en vertu du principe de la personnalité des peines. Mais, dans la mesure où il y a déjà eu une décision au fond rendue dans cette affaire, et notamment quant à l'action civile, la juridiction répressive du second degré demeure compétente pour statuer sur les intérêts civils332(*).

En définitive, nous pouvons dire que le décès d'une partie à l'instance en matière civile n'entraîne l'extinction de l'instance que lorsque l'action est intransmissible, les héritiers du de cujus devant, dans le cas contraire, continuer l'instance qui est tout simplement interrompue, en effectuant une reprise d'instance. Au contraire, le décès du délinquant, lorsqu'une infraction pénale a été commise, a des effets plus énergiques, puisqu'il entraîne de manière irréversible l'extinction de l'action publique, et ne laisse subsister l'action civile que pour autant qu'une décision ait déjà été rendue sur le fond.

CONCLUSION DU CHAPITRE II

135. De manière incidente, l'instance peut prendre fin avant son aboutissement, accessoirement à l'action qui la sous-tendait. L'action peut d'abord prendre fin parce que les droits dont la mise en oeuvre, la sanction ou le respect étaient recherchés ont perdu leur caractère litigieux, et qu'ils ne souffrent plus de contestation. Il peut en être ainsi parce que le demandeur a purement et simplement reconnu le bien-fondé des prétentions de son adversaire et ainsi acquiescé à la demande. Il peut également en être ainsi parce qu'en cours d'instance, l'une des parties, quelle qu'elle soit, le demandeur ou le défendeur, a renoncé à réclamer son droit, en opérant un désistement d'action ; ou alors, les parties peuvent mettre fin par anticipation à leur litige en concluant une transaction, au moyen de concessions réciproques.

136. Ensuite, l'extinction de l'instance peut intervenir accessoirement parce que l'une des parties au litige est décédée en cours de procédure. Si l'action était intransmissible, les héritiers n'ayant pas vocation à la recueillir, l'instance ne pourra pas se poursuivre. Dans l'hypothèse des actions nées de la commission d'une infraction pénale, le législateur affirme et il est de jurisprudence constante, que le décès du délinquant éteint l'action publique, et que cette extinction de l'action publique a des répercussions sur l'action civile qui disparaît elle aussi, sauf dans de rares cas.

CONCLUSION DU TITRE II

137. Lorsqu'elle n'a pas pu se poursuivre jusqu'à son terme normal qu'est le jugement, l'instance peut s'éteindre de manière incidente, soit à titre principal, parce que la cause d'extinction n'atteint que l'instance en cours en laissant subsister le droit d'agir, ce qui implique qu'il demeure loisible aux plaideurs d'introduire une nouvelle instance si le droit lui-même n'est pas atteint par ailleurs par une cause d'extinction comme la prescription par exemple ; soit à titre accessoire, parce que c'est le droit d'action lui-même qui est atteint, l'instance introduite pour le mettre en oeuvre devenant sans objet.

Dans l'hypothèse d'extinction à titre principal de l'instance, nous avons vu qu'elle pouvait être due soit au non respect des délais pour accomplir les actes de la procédure par les parties, ainsi de la caducité de la citation ou de la péremption d'instance. Elle peut également être due à une renonciation volontaire des parties à la poursuite de la procédure : c'est le cas du désistement d'instance. Dans tous ces cas, seule l'instance concernée est éteinte, les parties pouvant introduire une nouvelle instance, à moins que le droit d'action lui-même ait disparu.

138. Le droit d'action peut disparaître et entraîner accessoirement l'extinction de l'instance, et ceci de manière irréversible, parce que les droits qui faisaient l'objet de contestation ne sont plus en litige : il en est ainsi en cas d'acquiescement, de désistement d'action ou de transaction intervenue entre les parties à l'instance en vue de mettre fin à celle-ci par le biais de concessions réciproques. L'instance peut également s'éteindre de manière accessoire, du fait du décès de l'une des parties survenu en cours de procédure, ceci dans certaines conditions.

Dans tous ces cas, le juge doit rendre une décision de dessaisissement qui n'est pas une décision sur le fond du litige originairement porté devant lui, mais qui constate seulement l'extinction « prématurée » de l'instance.

* 324 STARCK (B), ROLAND (H) et BOYER (L) : Introduction au droit, 5ème édition, Paris, Litec, 2000, n° 1371. V. à ce sujet, Christine LESCA D'ESPALUNGUE, La transmission héréditaire des actions en justice, P.U.F, 1992.

* 325 L'action en justice est définie comme le pouvoir reconnu aux sujets de droit de s'adresser à la justice pour obtenir le respect de leurs droits ou de leurs intérêts légitimes. Lexique des termes juridiques, 13e éd., Dalloz, 2001.

* 326 C.S, Arrêt du 21 fév. 1980, RCD Série 2, n°s 32-34, 1982, p. 83 : « Survenu avant la mise en état de l'affaire le décès interrompt l'instance (...) » ; C.S.C.O, Arrêt n° 23/cc du 11 avril 1967, Bull. n°16 p. 1797 : « Seule la mort de l'une des paries peut interrompre l'instance, à l'exclusion de la cessation des fonctions de l'avocat défenseur dont le ministère n'est pas obligatoire devant les tribunaux ».

* 327 Cf. art. 384 NCPC « (...) l'instance s'éteint accessoirement à l'action..., dans les actions intransmissibles, par le décès de l'une des parties (...) » ; et art. 388 du Code de Procédure Civile, Commerciale et Sociale du Mali «« (...) l'instance s'éteint accessoirement à l'action..., dans les actions non transmissibles, par décès d'une partie (...) ».

* 328 La Cour de cassation a eu à juger que «le droit d'agir pour le respect de la vie privée s'éteint au décès de la personne concernée, seule titulaire de ce droit» (Cass. 1ère civ., 14 déc. 1999, Bull. civ. I, n°345, D. 2000, p. 372, note B. Beignier).

* 329 Art. 59 du CPP

* 330 Art. 9 du CPP

* 331 La victime de l'infraction peut se constituer partie civile soit à l'information judiciaire devant le juge d'instruction si elle n'avait pas mis l'action publique en mouvement par une plainte avec constitution de partie civile conformément à l'art. 157 du CPP, ou alors devant la juridiction de jugement, conformément à l'article 385 du CPP, à moins également qu'elle n'ait mis l'action publique en mouvement par citation directe.

* 332 V. Cass. crim., 3 février 1965 (Bull. crim. n°32 p.69) : « L'action civile en réparation du dommage survit à l'action publique lorsqu'une décision est intervenue devant la juridiction pénale avant le décès du prévenu ». V. également Cour suprême du Mali, Arrêt no 25 du 23 juin 1986 :  « Attendu qu'au contraire il est de jurisprudence constante que lorsque le décès survient alors qu'une voie de recours a été formée (soit par le prévenu, soit par le Ministère public, soit par la partie civile), la juridiction saisie doit déclarer l'action publique éteinte, mais reste compétente, pour statuer sur les intérêts civils sauf s'il s'agit d'une opposition, que l'action civile peut être intentée ou suivie contre les héritiers. On sait qu'elle doit s'exercer devant la juridiction civile, à moins qu'un jugement pénal ne soit intervenu du vivant de l'inculpé »

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote