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Maisons d'hôte, naissance et développement

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par Salma BELHAJ SOULAMI
Ecole supérieure de technologie de Fès - Diplôme Universitaire Technologique 2008
  

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2. Les impacts sociaux du phénomène

C'est dans le domaine sociologique que l'impact du tourisme est le plus aisé à démontrer car il suffit de voyager pour se rendre compte. Cependant, ce n'est pas toujours ce qui interpelle le plus les touristes car ceux-ci s'attachent davantage à leur propre confort, à la qualité de service, à leur santé en voyage, à leurs dépenses et font souvent peu cas de leurs hôtes. Dans leur quête d'exotisme et d'horizons différents, les touristes sont parfois à l'origine de dégradations irréversibles sur les populations d'accueil.

En nous limitant au phénomène des Riads et maisons d'hôtes, nous pouvons relever plusieurs aspects sociaux dus à l'affluence des touristes dans la médina. La médina, milieu relativement préservé, s'est trouvée soudain confrontée à ce phénomène, qui s'est rapidement développé, et a conquis de l'espace en l'absence de toute directive et à l'insu d'une quelconque réglementation.

Le phénomène s'est brutalement imposé, sans que la population locale y soit préparée, ce qui a donné lieu à des confrontations.

Avec le phénomène des Riads et maisons d'hôtes, on n'est plus dans le modèle de la société locale face aux touristes dans un espace délimité. Désormais, ce sont les sociétés locales et les différents types de touristes qui se croisent partout dans la médina. Tout cela a provoqué une sensation d'étouffement de la population.

En peu de temps, elle s'est retrouvée sans espace ni temps qui lui soit spécifique.

Précédemment, les différents espaces étaient bien marqués : l'espace touristique et l'espace de vie de la population. Désormais, tout l'espace est devenu touristique et plus aucun espace n'est propre aux autochtones. Le phénomène des Riads et maisons d'hôtes a fait entrer le touriste dans la société : il ne se trouve plus dans l'hôtel, en face, il est le voisin d'à côté avec lequel on partage des problèmes directs.

La même sensation d'oppression se produit dans le temps, le changement des goûts des touristes qui ne sont plus uniquement à la recherche du soleil et du beau temps, mais la découverte et la rencontre avec les traditions ont contribué à désaisonnaliser l'activité touristique, si bien que la présence de touristes est constante en toute saison.

Sans espace et sans temps qui lui soient propres, la population locale doit faire face à une nouvelle situation : celle de son immersion totale dans un monde touristique. Et c'est là que commencent les questions identitaires.

Le conflit entre le touriste et l'hôte est peut-être le plus évident, il est né en partie d'une divergence radicale d'objectifs : le premier se livre à une activité de loisir, le second travaille ou lutte pour vivre décemment.

Le touriste arrive avec beaucoup d'attentes, de nombreux hôtes n'ont souvent aucune idée de ce à quoi ils doivent s'attendre.

Néanmoins, l'émergence et la croissance de l'activité des maisons d'hôtes au sein de la médina a développé deux tendances opposées : la tradition et la modernité. Les habitants vivent ainsi un tiraillement entre l'ouverture au monde, à travers le tourisme, et le repli sur la sphère locale en préservant leurs traditions et leurs modes de vie ancestraux.

L'adoption de la première tendance, c'est à dire l'ouverture constituera irréfutablement une menace pour la diversité culturelle actuelle.

L'adoption de la seconde tendance, c'est à dire le repli engendrera une société rigide et fermée. Elle provoquera l'engourdissement de l'économie entravera le progrès et le développement.

Certes, le tourisme favorise l'échange entre les peuples, mais il lui est reproché par contre de réduire les réalités culturelles à des stéréotypes, dont se sert l'industrie du tourisme pour faire la publicité. Il provoque, par ailleurs, la « chosification » ou la « marchandisation »de la culture à des fins touristiques.

Si le tourisme, forme de culture éphémère, offre à l'individu d'intéressantes possibilités d'enrichissement interculturel, il est, pour les cultures locales traditionnelles, vivant au sein de la médina, un élément perturbateur. En effet, il provoque des phénomènes d'acculturation ou de mutation de l'identité au service du tourisme qui, d'un point de vue sociologique, dénature les comportements de la population locale (modes de consommation, folklorisation, par ex.)33(*)

Si la fréquentation touristique a le mérite de valoriser l'image de la médina et de revitaliser sa vie commerciale, elle peut entraîner des risques non négligeables sur le patrimoine et la qualité de vie des résidents et des usagers.

La puissance économique des touristes pèse sur l'atmosphère du lieu traditionnel qu'est la médina où vivent généralement des populations dont les revenus sont très bas. Cette provocation par des étalages et des démonstrations de grande aisance dans un milieu discret et modeste peut provoquer, outre un sentiment d'infériorité ou de frustration chez les habitants, une influence sur des jeunes fragiles, très vulnérables, souvent confrontés à des conflits de génération conjugués avec l'oisiveté et la fascination exercée par l'occident.

Cela peut aussi mener cette même population à la mendicité ou à la prostitution, éléments destructeurs de l'équilibre et de la cohésion de la famille et du groupe. Parfois, en

mendiant ou en proposant ses services de faux guide, un enfant de 10 ans gagne plus que son père qui travaille 10 à 12 heures par jour, Une femme qui se prostitue auprès des visiteurs étrangers gagne plus en une journée qu'au cours d'un mois entier d'un travail honnête.34(*)

Le marchandage, pratique communément admise par les touristes comme faisant partie d'un jeu qui pimente les vacances, est également une arme à double tranchant. Les touristes marchandent sans discernement - avec une ardeur qui n'a d'égal que l'amusement qu'ils en tirent - auprès de petits artisans dont tout le fonds de commerce tient dans la main. Alors qu'ils paieront le prix fort auprès d'un bazariste qui exploite les petits artisans.

Il y a également une corrélation entre flux touristique et inflation. C'est une conséquence qui peut s'avérer dramatique pour la population locale. Le volume des touristes provoque généralement un accroissement des prix qui engendre des frustrations importantes chez la population locale qui ne peut plus consommer ses propres produits mais voit des étrangers venir les consommer sous ses yeux.35(*)

On notera aussi les interdictions et les restrictions qui sont faites à la population locale pour pénétrer dans les établissements touristiques, dans son propre pays, afin de préserver les touristes de tout désagrément.36(*) A cet effet, nous retenons les témoignages de certains habitants qui disent : « si cela continue, on aura bientôt besoin d'un visa pour rentrer dans la médina car elle ne sera plus la nôtre ».

Les emplois que font miroiter ceux qui préconisent le développement par le tourisme, sont bien souvent un leurre. Car l'expérience démontre qu'il s'agit souvent d'emplois subalternes voire dégradants, la plupart du temps sous-payés, en décalage avec le niveau de vie moyen de l'ensemble de la population et saisonniers, ne permettant pas toujours de vivre décemment. Les postes de responsabilité étant généralement réservés pour les étrangers.

La cohabitation entre une population pauvre et des étrangers aisés a crée un déséquilibre social, difficile à régulariser.

Une telle situation a fait exploser, ou du moins a encouragé certains phénomènes sociaux comme la prostitution, la pédophilie, l'homosexualité et bien d'autres pratiques que le « nouveau venu » n'osait pas faire dans son propre pays.

En construisant ces demeures avec le pur respect des traditions et des moeurs séculaires, nos ancêtres n'auraient pu imaginer que ces mêmes maisons seraient, des années plus tard, le théâtre de débauche et de permissivité de tout genre qu'une demande accrue encourage.

En effet, plusieurs articles sont apparus dans les journaux dénonçant ces pratiques qui constituent une atteinte aux bonnes moeurs des habitants de la médina. Par ailleurs, une enquête effectuée par deux journalistes de l'Economiste a permis de démanteler un réseau de prostitution qui opère au nom d'une agence de location de Riads.36(*)

Autre conséquence affligeante, c'est le fait que certains derbs de la médina sont en train de se vider de leur population traditionnelle. Il n'est pas rare de trouver près de six Riads qui appartiennent à des étrangers dans le même quartier.

Cette modification résidentielle du quartier peut être une source de nuisance pour les habitants : la présence d'une maison d'hôtes attirera un restaurant à proximité, pourquoi pas un bazar ensuite. C'est alors que tout le quartier pourra être déstabilisé, surtout que les résidents sont souvent issus de milieux sociaux défavorisés et l'intrusion d'éléments nouveaux risque d'être source de conflits.

En effet, les conflits de voisinage se multiplient, liés essentiellement à la restauration des Riads qui n'est pas réglementaire, à l'installation des piscines sur les terrasses, à la construction de cheminées. Les terrasses restent la première source de discorde. Si les marocains acceptent de se calmer moyennant réparation, les européens n'hésitent pas à porter leurs litiges devant les tribunaux.

Les premiers européens qui ont acheté des Riads dans la médina étaient de vrais amoureux du Maroc, ils restaient discrets et respectaient tant les coutumes de notre société que sa richesse architecturale. Pour bon nombre d'entre eux, ils ne cherchent pas à comprendre la culture et l'esprit de la médina.37(*)

Les étrangers qui viennent maintenant ont une mentalité de colons, ils ne cherchent à connaître ni les traditions ni les lois non écrites. Fiers d'avoir pu réaliser leur fantasme de posséder un palais, ils se ferment et s'isolent de la société locale.

C'est cette conscience de faire partie d'une élite qui freine leur désir de s'intégrer et de connaître un peu mieux la société qui les accueille.

* 33 Les touristes, recherchant des expériences riches et vraies, sont de plus en plus demandeurs de spectacles et de formules culturelles exotiques et souvent uniques. La culture risque alors d'être réinventée en fonction des impératifs de l'industrie touristique.

* 34 F.El Alaoui, mémoire de recherche effectué dans le cadre d'un Master de Management du Tourisme

* 35 G. Cazes : Tourisme et Tiers-monde, un bilan controversé, Paris, L'Harmattan, 1992

* 36Voire annexes : « Enquête : 6500 DH la soirée « chaude » dans un Riad à Marrakech ».

* 37 A.Ait Ben Abdellah, cité par S.Véran, « Marrakech, main basse sur les Riads, la bataille de la médina », le Nouvel Observateur, du 20 au 26 juin 2002,p 55.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery