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à‰volution du débat sur la rétroactivité de la norme prétorienne en droit privé : vers un droit transitoire pour la jurisprudence ?

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par Julien MOAL
Facultés des affaires internationales, Le Havre - Master de recherche en théorie générale du droit 2006
  

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§ II / Critique de la conception déclarative de la jurisprudence : l'existence d'une norme jurisprudentielle rétroactive.

La conception classique de l'office du juge enferme le juge dans un « statut constitutionnel »117(*) qui non seulement l'empêche de créer une norme jurisprudentielle, mais l'empêche également de produire autre chose qu'une interprétation de la norme législative. Cet interdit supposé respecté est l'une des prémisses du raisonnement classique concernant le rapport de la « norme » jurisprudentielle au temps.

Mais cette conception d'un juge neutre dans son action, simple « bouche de la loi », a été assez tôt remise en cause par une partie de la doctrine. Or, dès lors que la norme jurisprudentielle retrouve une existence (que celle-ci soit ou pas légitime) , la question se pose de son rapport au temps, et la conclusion est sa rétroactivité naturelle (A) .

Cette conception de l'existence d'une norme jurisprudentielle, comme nous l'avons vu, n'a pas empêché la Cour de Cassation de réaffirmer la conception classique de l'office du juge et d'en tirer les conséquences. Pourtant, des « craquements », pour reprendre l'expression du Professeur Philippe JESTAZ118(*), apparaissent en plusieurs domaines. Surtout, cette jurisprudence est menacée par les engagements internationaux de la France (B) .

A. La remise en cause de la conception classique de l'office du juge et ses conséquences.

Comme nous l'avons dit, l'une des prémisses du raisonnement classique - l'inexistence de normes d'origine jurisprudentielle - a été contestée par une partie de la doctrine, qui n'y voit qu'un mythe (1) . La conséquence de cette insertion dans la hiérarchie des normes est de permettre la mise en évidence d'un « conflit entre jurisprudences successives »119(*) (2)

1) L`inadéquation de la pratique jurisprudentielle avec son statut

Les conceptions de l'office du juge diffèrent, mais elles partent toutes de la constatation de la normativité, au moins de fait, de la jurisprudence (a) . Cette constatation ne peut pas ne pas être sans conséquences pour notre sujet (b) .

Toutefois, Nous ne reprendrons là encore que les grandes lignes de ce débat, en tant qu'elles ont une incidence sur la prémisse du raisonnement classique concernant le rapport de la jurisprudence au temps.

a. le « désenchantement » de la doctrine

a.1) La remise en cause des postulats classiques : L'expression de « désenchantement » est de Denys de BECHILLON120(*). Elle traduit probablement bien l'état d'esprit apparu avec le temps chez une grande partie de la doctrine moderne, état d'esprit résumé par le Doyen Paul ROUBIER, « la doctrine contemporaine est devenue plus réaliste : elle a pris contact avec les formations coutumières de la jurisprudence ; elle y voit en général une source du droit moderne, quelques-uns disent même la seule source du droit coutumier moderne »121(*). C'est ainsi que, dès 1967, le Professeur Henri BATIFFOL a pu commencer sa « note sur les revirements de jurisprudence »122(*) par l'affirmation suivante : « les discussions sur le point de savoir si la jurisprudence est source de droit ont beaucoup plus pour objet aujourd'hui le choix entre les raisons de répondre affirmativement que l'hésitation sur l'affirmative ».

Cet état d'esprit a d'ailleurs atteint la Cour de Cassation lui-même, puisque, comme nous le verrons, les professionnels du droit doivent, sous peine de voir leur responsabilité engagée, avoir une connaissance aussi grande de la loi que de la jurisprudence. Mais c'est probablement aller un peu vite dans notre démonstration.

Comme nous le disions, une grande partie de la doctrine voit aujourd'hui dans la jurisprudence plus que la simple révélation, grâce à la découverte par le juge, de ce qui ne serait qu'une vérité juridique préexistante au jugement, et ce grâce à un acte d'interprétation. Elle y voit désormais une source de précédents, dans lesquels le juge donne non pas le sens de la norme législative, mais un sens à la norme législative. Ici est en cause l'idée d'une inadéquation entre le statut de la jurisprudence et le comportement réel des juges qui la font123(*).

Une source de précédents, tout d'abord. L'absence de précédents était à l'origine, comme nous l'avons dit, de la distinction entre arrêts de principes et arrêts de règlement, les premiers restant dans l'ombre de la loi, et n'ayant pas cette force obligatoire qui lierait tant les destinataires de ces principes que les juges qui l'ont rendu eux-même.

Or, cette distinction, aussi importante soit-elle en tant que fondement de notre droit, ne correspondrait pas à la pratique judiciaire, car pourquoi établir un principe si ce n'est pour le faire respecter dans d'autres arrêts ? Citant les écrits de A. RIEG - « Il est incontestable que, par leur formulation, ces décisions se présentent comme de véritables arrêts de règlement »124(*) - à propos des arrêts de principe, Bernard BEIGNIER écrit que « dans l'arrêt de cassation pour violation de la loi, l'attendu de principe, précédé du visa en guise d'appariteur, laisse tomber d'emblée l'argument d'autorité dont dépend le raisonnement qui va suivre : c'est l'assurance du dominicain ; dans l'arrêt de cassation pour défaut de base légale, il revêt la forme la plus modeste de la fine question : c'est l'habileté du jésuite. « Dans tous les cas, il semble se détacher de l'espèce pour se présenter comme le règlement permanent de toutes les difficultés analogues que prohibe l'article 5 du code civil »125(*). Mais l'arrêt de principe ne sera déclaré tel qu'au vu de sa postérité. C'est précisément là qu'est le caractère réglementaire occulte de l'arrêt de principe. Le « chapeau » devient l'accessoire obligé du « visa ». Et alors que la cour de Cassation se garde bien de citer sa propre jurisprudence, elle en reprend toutefois constamment le contenu : le résultat est identique. »126(*)

« Bref, « non seulement le revirement est rétroactif, mais encore, il débouche en fait, sur une variété d'arrêts de règlement : ce que la Cour de Cassation a dit une première fois, elle risque fort de le redire pour tous les autres litiges qui lui seront soumis, ce qui vaut a fortiori pour les juridictions du fond soumises à son contrôle » 127(*). L'opposant au juge Anglais, Laurent-Xavier SIMONEL explique que « si le juge français croit devoir trouver, dans les décisions précédentes adoptées par d'autres juges ou dans ses propres précédents, la source de la décision à rendre, alors il doit faire preuve d'une discrétion totale. Il lui faut accepter de s'impliquer directement, là et quand il juge, en faisant totalement siens les raisonnements et les solutions déjà retenus, par une incorporation qui va devoir nier l'histoire judiciaire en cause, pour la réduire à néant. S'il découvre une « ratio decidendi » suffisante, qu'il l'applique mais qu'il ne le dise jamais »128(*).

Opposant plus loin le « devoir d'amnésie » auquel est soumis le juge Français par rapport à « l'obligation qui est faite à son homologue Anglais d'habiter son temps », il explique que cette « amnésie contrainte et absolue est contredite par la réalité du processus juridictionnel, dont l'on peut penser qu'il se nourrit nécessairement d'une mémoire collective, d'une histoire commune composée par la succession, qu'il faut rendre cohérente, des faits historiques que constituent les décisions précédentes rendues dans des litiges similaires ou comparables. Cette réalité-là est bien traduite par les écritures prises, dans le procès, par les avocats, pour les parties. Les conclusions soumises aux juridictions judiciaires ou les mémoires déposés devant les juridictions administratives assoient toujours leurs principaux arguments sur des décisions jurisprudentielles identifiées, dont les termes ou les commentaires auxquels ils ont donné lieu sont souvent intégralement reproduits. »129(*)

Mais cette remarque vaut également pour les avocats-généraux de la Cour de Cassation, chargés de rendre compte des préoccupations qui devront être celles des magistrats durant leur délibéré :« Les conclusions du parquet général devant la Cour de cassation ou du commissaire du gouvernement devant les formations contentieuses du Conseil d'État restituent le litige et son issue possible dans la continuité d'une véritable « doctrine de la Cour » très proche de la « judicial doctrine » mise en oeuvre par le juge anglais. Une véritable opinion personnelle y est exprimée, parfaitement enracinée dans le déroulement linéaire du temps judiciaire, reposant sur les constructions juridiques de la « ratio decidendi », rappelant parfois certains «dicta » utiles, et proposant la solution en l'inscrivant dans le futur, en en présentant les conséquences prévisibles et en proposant une évaluation de son impact sur l'ordonnancement juridique ».130(*)

« Ce n'est pas là seulement l'effet de l'interprétation de règles ou de solutions antérieures. Ce n'est pas l'effet d'une découverte de solutions ou d'interprétations préexistantes que la Cour de Cassation révèlerait. C'est là l'effet de toute décision dont le contenu est admis au-delà du cercle des parties au litige. Dès lors qu'une décision de la Cour de Cassation est reconnue par les juridictions inférieures comme une ligne à suivre, elle a un effet normatif. Dès lors que cette décision instaure l'unité de la jurisprudence, et s'impose par l'autorité morale et hiérarchique de son auteur, elle devient norme. L'effet normatif donne une efficacité erga omnes à la solution de droit que contiennent certains arrêts des cours supérieures et concrétise la fonction unificatrice de la Cour de Cassation131(*).

Car pour cette partie de la doctrine, il y a plus grave : la Cour de Cassation n'est pas censée faire autre-chose qu'interpréter les règles mises en place par législateur afin d'en révéler le sens. Or, là encore, des auteurs de plus en plus nombreux n'y voient qu'un mythe ; le pouvoir d'interpréter la norme donnerait au juge le pouvoir de la refaire, pouvoir dont il use dans le cadre de politiques législatives liées autant à un contexte socio-économique qu'au sens de la règle de droit, comme avait pu l'expliquer Henri BATIFFOL : « Le magistrat penché objectivement sur le problème qui lui est soumis a conscience d'une dualité inéluctable : la droit s'élabore à partir d'une analyse des réalités, mais ne peut faire abstraction des résultats auxquels aboutissent les conséquences de l'analyse » 132(*).

Par ailleurs, « entendue comme la signification d'un acte, la norme vaut avant tout dans les termes où on la comprend. De sorte que l'interprète, bas situé pourtant, dit en fait la Loi ; bien plus que le législateur lui-même. »133(*) L'interprétation consiste donc parfois non en un acte de révélation, mais en un choix entre plusieurs interprétations possibles qu'aucun critère objectif ne permet de départager.

Evoquant les arrêts de principe comme n'étant rien d'autre que des « arrêts de règlement déguisés »134(*), le Professeur Catherine PUIGELIER cite ainsi Olivier TOURNAFOND à propos de ces « arrêts de règlement déguisés », « dans lesquels on retrouve deux éléments : un texte de loi elliptique ou ambigu ; une volonté législative putative en ce sens que la Cour de Cassation prête au législateur sa propre volonté pour en tirer méthodiquement un certain nombre de conséquences. Mais dans certains cas, la volonté du juge apparaît au grand jour et n'hésite pas à dénaturer le texte initial »135(*).

MM MARTY et RAYANAUD avaient ainsi pu résumer les fonctions « réelles » de la jurisprudence : « 1. la jurisprudence crée du droit par le seul fait qu'elle applique la loi. La loi très souvent s'en tient à des directives très générales, c'est l'application jurisprudentielle qui en précise les contours. Par exemple : l'article 1382 qui déclare qui déclare qu'on est responsable du dommage qu'on cause par sa faute, mais qui ne définit pas la faute. Les tribunaux ont à se demander dans chaque cas s'il y a faute ; lorsqu'un certain nombre de décisions concordantes ont dit qu'il y a faute à se conduire d'une certaine façon, la notion de faute se trouve précisée pour tous les cas semblables.

2. La jurisprudence crée le droit de façon beaucoup plus visible encore lorsqu'en présence d'un texte insuffisant ou vieilli, elle le complète ou le rajeunit par une interprétation déformante, par exemple l'interprétation constructive de l'article 1384, alinéa 1er, pour organiser la responsabilité des choses inanimées insuffisamment réglées par le code.

3. Enfin, a fortiori, la jurisprudence crée des règles juridiques lorsqu'elle fournit les solutions en l'absence de toute règle préexistante »136(*)

Le processus de création du droit par le juge reste d'ailleurs en partie un phénomène non seulement naturel mais aussi bénéfique du point de la sécurité juridique, comme l'explique le Professeur Petr MUZNY137(*) : la loi étant le plus souvent écrite en des termes assez généraux pour englober un certain nombre de situations, le juge, dans son travail de concrétisation de la norme, ajoutera des éléments qui serviront à l'observateur ayant besoin de critères pour déterminer dans quels cas la loi est applicable à la situation qu'il étudie.

Mais sur cette question, on citera aussi les travaux de David JACOTOT138(*), étudiant précisément un arrêt de la Cour de Cassation sous l'angle de la méthode du juge : « L'on peut comprendre que la jurisprudence fasse oeuvre créatrice lorsque la loi est obscure, désuète, ou encore en l'absence de textes ou en présence de dispositions contradictoires ; en bref, pour remédier au déclin de la loi sociale. En revanche, quand le juge déforme des dispositions claires, la perplexité l'emporte. Telle est bien l'hypothèse de cet arrêt où les termes de la loi ne sont pas équivoques, ce qui n'empêche pas la Cour de Cassation de modifier le contenu de la loi. Mais la règle d'origine prétorienne mérite parfois d'être précisée ; elle engendre lors un processus de création de nouvelles règles jurisprudentielles que les juges rattachent très naturellement à la loi dont le contenu ne cesse de s'étirer ».

Quant à Patrick MORVAN139(*), il va jusqu'à expliquer que « la thèse selon laquelle, en droit Français, la jurisprudence crée du droit trouve un impressionnant renfort dans la jurisprudence qui élabore des principes contra legem. », évoquant ensuite « quelques exemples illustres dont ne pourra contester le caractère... illégal ». Du reste, le juge « détient le pouvoir de restreindre la portée de la loi jusqu'au point de l'évincer complètement ».

Comment cette remise en cause des théories classiques a-t-elle pris de l'importance ? Le Professeur Pierre MAYER l'explique avec franchise : « Ce qui compte pour les individus ( et par voie de conséquence pour la façon dont la société fonctionne effectivement) , ce n'est pas le processus, situé en amont de leurs comportements, par lequel des normes ont été valablement posées, mais ce qui, en aval peut être prédit des effets attachés à ce comportement. Si une règle a été adoptée, conformément par la Constitution, par le législateur, mais que les tribunaux, de façon constante, en ont, sans que la Constitution leur en ait pourtant donné le pouvoir, déformé le sens (par exemple pour l'adapter à une évolution des moeurs) , ce que chacun, juriste ou simple particulier, considère comme la règle positive est celle que les tribunaux appliquent. Non parce qu'ils l'ont appliquée : qu'importeraient aujourd'hui, en eux-mêmes, quelques errements passés de la jurisprudence s'ils ne devaient pas se reproduire ? mais parce qu'ils vont l'appliquer, ou plus exactement parce que, au vu de la façon dont ils ont statué dans un passé récent, on peut raisonnablement prédire qu'ils vont établir une relation d'imputation entre une situation-type et un effet-type. On énonce la règle, légitimement, au présent, sur la base d'une prédiction, selon laquelle les juges vont faire leur la relation d'imputation qu'elle énonce »140(*).

C'est ainsi que Catherine PUIGELIER résume les choses : « le juge de cassation, qui dispose donc d'une procédure autoritaire [la cassation] lui permettant de préserver sa doctrine tout comme pourrait le faire un juge au cours d'un parcours judiciaire favorable à l'arrêt de règlement, accompagne son autorité d'un raisonnement, tel que celui-ci est dégagé par l'ouverture en cassation, suffisamment souple destiné aux revirements de jurisprudence nécessaires, mais également à fournir à ses décisions une coloration juridique irréprochable ; le plus remarquable étant le fait que la cour régulatrice condamne l'arrêt de règlement ou le grief d'origine prétorienne alors qu'elle repose sa position sur ce premier »141(*). La distinction entre arrêts de principe et arrêts de règlement ne pourrait finalement être éclairée que par la psychologie, plus particulièrement le cognitivisme142(*)

a.2) Le mode d'action du juge : Cette vision du pouvoir créateur du juge ne peut évidemment être dégagée de toute idée d'interprétation : c'est dans le cadre même de sa mission d'interprétation que la jurisprudence a pu établir des règles de droit : par son action dans les cas individuels, le juge crée une norme susceptible de s'appliquer au-delà du litige pour lequel cette solution a été créée. « La jurisprudence de la Cour de Cassation est faite de cette lente remontée du contentieux qui se nourrit des conflits et des stratégies de chacun. Elle se construit peut-être par tâtonnements, attentive à la résistance des juges du fond. Elle tiendra compte de l'avis de la doctrine : la fin de l'autolicenciement est un bon exemple de dialectique constructive. La critique doctrinale a conduit la Cour de Cassation à, selon son rapport annuel, « réfléchir de nouveau à la pertinence de sa première interprétation »143(*). La source jurisprudentielle a un avantage sur les autres : elle peut affiner son discours, rechercher progressivement la meilleure formulation, c'est-à-dire rechercher la sécurité par l'insécurité.»144(*)

Le pouvoir créateur doit d'ailleurs de ce point de vue être fortement relativisé : non seulement il ne peut surmonter totalement les « infirmités jurisprudentielles »145(*), mais il ne pourrait, même en le voulant, donner lieu à un « gouvernement des juges »146(*), si l'on en croit Denys de BECHILLON. Le juge est tout au plus un « législateur négatif »147(*), et ce point même est discutable.

Mais il n'empêche : pour toute une partie de la doctrine, c'est donc bien un pouvoir créateur qui se dessine. Loin de la vision d'un juge qui ne ferait que révéler le droit, l'action du juge viserait donc bien à construire, à partir des cas individuels des règles : « la règle de droit est d'abord une règle, c'est-à-dire une disposition abstraite, soit générale dans l'espace et permanente dans le temps, supposant une virtualité d'application à un nombre indéfini d'hypothèses futures. La norme jurisprudentielle présente bien ces caractères de la règle ; bien plus, on est conduit à observer que la norme jurisprudentielle n'a pas sur ce plan d'effets différents de ceux produits par la norme légale. Comme celle-ci, elle a en effet vocation à s'appliquer dans l'avenir à toutes les personnes qui viendront à se trouver dans la situation qu'elle envisage et réglemente. »148(*).

Plusieurs tentatives ont été faites pour rationaliser le phénomène jurisprudentiel. Si les secondes visaient à proposer une nouvelle approche scientifique du phénomène, les premières ont visé à l'insertion de la jurisprudence parmi les sources du droit.

Les premières partent de cette perception de la jurisprudence comme source de droit en fait. Si certains auteurs, comme le dit Olivier DUPEYROUX, se contentent de cette affirmation, estimant qu' « il est aussi vain de rechercher en quelque sorte le titre juridique de telles règles, que celui d'un passager clandestin »149(*), d'autres vont plus loin dans cette réflexion. On évoquera ici les principales thèses.

« Une première étape de leur recherche les conduit généralement à observer que les obstacles théoriques classiques à la reconnaissance de la jurisprudence comme source de droit ne sont pas absolument déterminants »150(*), et ce sur le fondement d'un critère formaliste151(*). Si le juge ne peut s'ériger en législateur, et si le système du précédent est rendu impossible par l'autorité de la chose jugée, ces auteurs estiment toutefois que l'interdiction du déni de justice permet de justifier l'intervention du juge au delà de la cause pour laquelle il se prononce.

Ces interdictions n'ayant plus la même force, plusieurs fondements ont été avancés pour l'action du juge. La première est l' « assimilation de celle-ci à la coutume, qui est traditionnellement admise au nombre des sources du droit », notamment par PLANIOL et LAMBERT.

Une autre tentative de justification est faite par Jacques MAURY : « deux éléments donnent, par leur réunion, à la règle jurisprudentielle, le caractère de source de norme juridique établie : la décision du pouvoir que sont les tribunaux, l'assentiment, le consensus des intéressés »152(*) A coté de cette thèse pluraliste, la thèse de Marcel WALINE, selon laquelle le législateur, en ne « combattant » pas la jurisprudence, ne s'oppose pas à son entrée dans la hiérarchie des normes.

On doit enfin évoquer une tentative faite par le Professeur René CHAPUS pour la jurisprudence administrative : il leur reconnaît une valeur « infra-législative » et « supra-décrétale », la loi s'imposant au juge mais pas les actes de l'exécutif, qu'il peut être chargé d'annuler153(*).

Enfin, l'approche scientifique la plus récente est proposée notamment par Michel TROPER, et a pris pour objet de recherche la nature réelle de l'interprétation opérée par le juge. La « théorie réaliste de l'interprétation » analyse certes le travail du juge comme un travail d'interprétation, mais le sens du terme interprétation n'est pas ici le même : « 1) l'interprétation est une fonction de la volonté et non de la connaissance. 2) elle n'a pas pour objet des normes mais des énoncés ou des faits. 3) elle confère à celui qui l'exerce un pouvoir spécifique. »154(*) Ces postulats ont pour conséquence la remise en cause de l'analyse hiérarchique classique, et entre autre de la supériorité de la loi sur le juge. En apparence, la hiérarchie des normes est saine, mais il y a en réalité une dualité : d'un coté, un « univers de discours et d'apparence », qui est la forme d'expression de la volonté de l'interprète, et de l'autre un univers « strictement réel et factuel »  sur lequel va « reposer l'essence du phénomène juridique dans son ensemble »155(*).

L'interprétation donnera donc le sens de la norme, sans que ce sens soit nécessairement conforme à celui qu'avait voulu lui donner le législateur à l'origine156(*). L'interprète est libre pour poser cette norme, et le seul contrôle qu'il peut recevoir dans son action est issu d'éléments extra-juridiques : les cadres de pensée et d'action auxquels doivent se conformer l'interprète, les « rapports de force ou de coopération », ... « Il y a à cela une raison simple, mais imparable : le pouvoir du juge repose d'abord sur un fait de force, pur et radical. Est souverain celui qui a le dernier mot. Le juge donc celui qui peut, dans l'efficacité la plus totale, s'affranchir des contraintes qui sont éventuellement susceptibles de peser sur lui à l'heure de donner au texte une signification au détriment d'une autre »157(*).

Denys de BECHILLON résume ainsi les propositions de Michel TROPER : « l'interprète est le seul auteur de la norme ; l'interprète n'est pas lié par une norme prétendument supérieure ; l'interprétation fonde donc une hiérarchie réelle, globalement inverse de la hiérarchie apparente »158(*). L'analyse scientifique du droit devient donc une analyse mi-juridique, mi-politique, et le juge, dans une certaine mesure devient un acteur doté d'un pouvoir créateur non-négligeable, et non plus seulement investi de la mission de révéler une vérité juridique qui préexisterait au jugement.

On rappellera simplement qu'il ne s'agit pas d'une tentative de légitimation du phénomène jurisprudentiel, ni d'une tentative de le faire entrer dans la hiérarchie des normes159(*), mais d'une approche scientifique d'un phénomène juridique.

b. Les conséquences : la remise en cause du raisonnement classique.

Ainsi s'élabore une vision de l'office du juge censée être dégagée de tout mythe, à partir de l'idée d'une inadéquation entre le statut de la jurisprudence et sa pratique réelle. C'est là la première étape d'un travail de sape : comment en effet continuer à soutenir le raisonnement selon lequel la jurisprudence n'existe pas et que, par conséquent, aucun droit transitoire ne peut lui être consacré et dans le même temps théoriser une pratique jurisprudentielle toujours plus vivante ?

Il est nécessaire, à ce stade, de préciser que nous ne nous intéressons pas encore, à proprement parler, au champ d'application de la règle jurisprudentielle. Mais la remise en cause des principes classiques concernant l'office du juge est à examiner sous l'angle du raisonnement classique et de son point de départ.

Le droit transitoire destiné à la jurisprudence était classiquement un non-sens : il n'y avait aucun intérêt, il n'y avait pas même de logique, à réglementer quelque chose qui n'existait pas. Mais la remise en cause de l'office du juge fondée sur cette idée d'inadéquation entre son office statutaire et son office réel remet également an cause toutes les conséquences de cette inexistence, et en premier lieu l'inutilité de la réflexion sur un droit transitoire jurisprudentiel. Classiquement, peu importe qu'il n'y ait rien de prévu pour les précédents puisque toute référence au précédent est interdite. Mais le problème se pose dans d'autres termes si le précédent réapparaît.

Mais il y a plus grave : si la jurisprudence n'est qu'une interprétation de la règle de droit, il n'y a donc pas rétroactivité de la règle jurisprudentielle mais simplement déclarativité ; mais ce « désenchantement » d'une partie de la doctrine conduit à remettre ce raisonnement en cause : si le juge a un rôle plus actif que la simple recherche de ce qui est simplement obscur, alors le pouvoir du juge n'est pas un pouvoir révélateur mais un pouvoir créateur, et le produit de son action est une norme à part entière. Thierry BONNEAU lui même explique ainsi que l' « effet déclaratif permet d'expliquer l'application d'une nouvelle jurisprudence aux faits qui sont à l'origine de la décision qui l'exprime, il paraît en revanche inapte à expliquer son application par des décisions postérieures à des faits similaires. Certes, les arrêts de règlement sont interdits : ce ne devrait donc pas être parce que des décisions uniformes se répètent que l'explication devrait être différente. Toutefois cette vision paraît bien artificielle à une époque où l'on admet le caractère normatif des règles jurisprudentielles. Aussi doit-on considérer que la nouvelle jurisprudence se détache des faits qui en ont été à l'origine et qu'ainsi l'effet déclaratif ne permet plus d'expliquer l'application de la nouvelle jurisprudence à des faits antérieurs. »160(*)

Par ailleurs, si la norme jurisprudentielle (quelle que soit la nature de cette norme) s'inscrit, comme nous l'avons dit, dans des politiques législatives liées autant à un contexte socio-économique qu'au sens de la règle de droit, alors la jurisprudence est liée à une époque ; elle essaie de devenir le reflet de ces préoccupations et de ces impératifs, et de s'adapter à ses impératifs autant que d'imposer le droit aux justiciables. Or, les préoccupations et les impératifs évoluent, la jurisprudence devient obsolète, et il devient nécessaire de changer les normes jurisprudentielles. Aujourd'hui, peu d'auteurs pensent même à reprocher à la Cour de cassation d'avoir affirmé qu'il n'y a pas de droit acquis à une jurisprudence figée. L'affirmation, en soi, est heureuse, l'adaptation du droit étant un signe de vie.

Mais si la jurisprudence est placée hors du temps, alors elle s'appliquera à des faits pour lesquels elle n'a pas été prévue : liée à une époque, elle est indissociable de ses valeurs, et l'appliquer à des situations passées contient un danger expliqué par William DROSS161(*), critiquant l'affirmation selon laquelle « l'interprétation jurisprudentielle d'une même norme à un moment donné ne peut être différente selon l'époque des faits considérés »162(*) : « l'interprétation - ou l'affirmation - d'une norme par le juge, loin de ne pouvoir être différente selon l'époque des faits considérés, se doit au contraire de l'être. La mission du juge est, en l'absence de loi, de trancher le litige selon ce qui est juste, et cela non pas selon ce qui est juste dans la société Française au moment où il se prononce, mais selon ce qui était juste dans la société Française au moment où le comportement contesté a eu lieu. N'oublions pas que, idéalement, le litige devrait être dénoué immédiatement et non après dix années de procédure. Surtout, c'est cette manière de raisonner qui fonde seule ce lien indissociable entre le litige et la règle de droit créée pour le résoudre et qui permet à la Cour de Cassation de respecter pleinement l'article 5 du code civil. Contrairement à ce qu'elle affirme, l'interprétation d'une même norme peut être différente selon l'époque des faits considérés, parce que ce qui apparaît comme juste aujourd'hui dans la société Française ne l'était pas nécessairement quelques dix ans plus tôt »163(*)

Or, de ce point de vue, il peut être assez dangereux de juger des faits d'après une jurisprudence qui sera faite pour une autre époque. C'est d'ailleurs ce qu'explique le Professeur Denys de BECHILLON à propos de la règle prétorienne de responsabilité, naturellement élaborée à rebours du temps dans le présent pour des faits passés164(*) : « En responsabilité, c'est le passé que l'on juge. Et on le fait toujours à la lumière du présent et ses preuves. » Le problème est encore plus grave lorsque la règle apparaît longtemps après le dommage, car les données et les opinions de l'époque peuvent être fondamentalement différentes : « plus le temps passe, plus la distance cognitive s'installe vis-à-vis des catégories de pensée qui régnaient au moment des faits. Jusqu'à les rendre incompréhensible ».

L'idée du pouvoir créateur du juge, même de fait, a donc un effet profondément déstabilisateur sur le raisonnement classique concernant la rapport de la jurisprudence au temps : en attaquant sa première prémisse, elle mine également le point de départ du raisonnement. La remise en cause de la conception classique du juge n'est donc pas un phénomène à prendre à la légère pour le sujet qui nous occupe car elle n'est rien de moins que la remise en cause de tout la construction dans laquelle le juge s'insère pour appréhender - ou pas - ses précédents.

Pour nous résumer, la question posée par les classiques est la suivante : quel sens aurait une réflexion orientée vers la maîtrise dans le temps de ce qui ne doit pas exister ? L'interrogation à laquelle arrive une partie de la doctrine moderne est aujourd'hui : pourquoi maintenir hors du temps ce qui existe de fait ?

Cette réflexion portée sur la maîtrise de quelque chose qui n'existe qu'en dehors de la hiérarchie des normes - qui ne peut exister qu'en dehors de la hiérarchie des normes, nous dit Denys de BECHILLON165(*) - a tout de même un défaut : le débat portant dans deux optiques différentes sur deux aspects différents du droit - d'un coté, le fait, d'un autre coté le droit - ne peut mettre en évidence que l'inadéquation du fait au droit. Mais le schéma imposé par le « statut constitutionnel du juge » reste en soi inattaquable.

C'est dans cette optique que doivent s'analyser les tentatives faites par la doctrine pour insérer les règles jurisprudentielles. A partir du moment où l'on insère la jurisprudence dans les sources du droit, qui plus est d'une façon qui est censée être légitime, il devient impossible d'éviter la réflexion sur un éventuel droit transitoire destiné à la jurisprudence, car cette réflexion devient alors une obligation pour les acteurs du droit : si l'existence d'une norme suppose de lui voir associée certaines garanties, et notamment de déterminer précisément son insertion temporelle dans la hiérarchie des normes, alors l'insertion de la jurisprudence dans la hiérarchie des normes - en dessous des règles édictées par le législateur, en dessous, ou même sur un plan différent comme l'explique Patrick MORVAN166(*) - oblige à entamer une réflexion sur la façon dont elle s'insère dans l'ordonnancement juridique, tant au niveau individuel qu'au niveau collectif.

Nous n'estimons pas à cette étape de notre démonstration, qu'il est nécessaire de mettre en place un droit transitoire pour la jurisprudence afin de moduler dans le temps les effets des arrêts de principe, voire de façon plus restrictive des revirements de jurisprudence. Nous ne nous prononçons d'ailleurs pas plus sur les mérites des différentes thèses. Mais l'évolution du débat pour une partie de la doctrine a conduit celle-ci à cette simple réflexion : si la jurisprudence a un pouvoir créateur, alors le système classique bâti sur la notion de déclarativité, parfaitement adapté pour une situation d'inexistence de la jurisprudence, devient sans objet et il de devient nécessaire de le remplacer. Pour le remplacer, une réflexion sur l'effet de la jurisprudence dans le temps est inévitable, et peut éventuellement mener à proposer un droit transitoire pour régler le problème de son insertion temporelle dans l'ordonnancement juridique.

L'idée est aussi, implicitement, qu'une règle doit présenter certaines garanties quant aux personnes dont elle régit les droits. Le principe de légalité, dans le domaine de la loi, oblige le juge à faire application de la loi telle qu'elle existait au moment des faits, et non pas de la loi, telle qu'elle existe au moment du jugement. On doit alors prévoir comment cette norme s'insère dans l'ordonnancement juridique, donc connaître précisément le champ d'application de cette norme, ce qui conduit alors à mettre en place un droit transitoire pour définir précisément le champ d'application de cette norme. Si la jurisprudence est source de droit, alors un droit transitoire devrait être prévu, dans l'optique que nous venons d'expliquer, pour la norme produite par la jurisprudence.

Quoi qu'il en soit, c'est finalement la position adoptée par le Rapport MOLFESSIS, ne s'intéressant toutefois, en définitive qu'aux seuls revirements de jurisprudence et non à toutes les décisions par lesquelles la cour de Cassation crée du droit : « la question ici soulevée n'est pas de savoir s'il est opportun que la Cour de Cassation crée des règles. Il n'est pas douteux qu'elle possède un tel pouvoir créateur et en use en diverses circonstances. Les décisions par lesquelles elle pose un nouveau principe ou encore retient une interprétation innovante, distincte de celle qui prévalait jusque-là, ont indéniablement vocation à avoir un effet normatif Dès lors que la portée créatrice de ses décisions est admise, on doit en prendre acte pour envisager dans quelle mesure l'effet rétroactif qui y est attaché est, ou non, source d'insécurité juridique. C'est à cette seule condition qu'il sera éventuellement possible d'y porter remède.

Ainsi, le groupe de travail a-t-il estimé que la fiction de l'absence d'effet créateur de droit de la décision de revirement faisait obstacle, par hypothèse, à toute possibilité de remédier aux inconvénients qui pourraient y être attachés, et que la seule possibilité d'améliorer éventuellement un système juridique au sein duquel la jurisprudence joue un rôle prépondérant est de reconnaître l'existence d'un tel rôle pour en permettre l'aménagement. »167(*)

Deux arguments sont ici ajoutés : d'une part, la prise en compte du pouvoir créateur de la jurisprudence serait non seulement compatible, mais dictée par l'évolution des rapports entre les pouvoirs dans le système juridique : « Nécessaire dans un système juridique qui repose tout entier sur l'affirmation de la suprématie de la loi et sur son exclusivisme, la négation du rôle créateur de la jurisprudence n'est plus justifiée dans un système qui veut s'intéresser à l'insertion des règles qui ont cours en son sein. L'attention croissante portée à la connaissance des règles et, plus généralement à la sécurité juridique, impose de lever la fiction de l'absence de pouvoir normatif de la jurisprudence. Elle ne saurait être soustraite, par statut, au contrôle croissant des règles qui caractérise les systèmes juridiques rationalisés »168(*)

Le deuxième argument est le suivant : la remise en cause de la « fiction » de l'absence de pouvoir créateur du juge pourrait être faite sans danger : « la légitimité des acteurs juridiques ne tient pas au respect intangible d'une distribution théorique des compétences normatives qui contraindraient, au cas présent, à faire un départ tranché entre la loi et le juge. Il faut prendre en compte l'acceptabilité sociale des fictions juridiques et ne pas négliger le réalisme que le traitement des phénomènes juridiques réclame. Parce que le juge n'est pas la bouche figée de la loi, il n'est pas possible que le système juridique dans son entier se comporte, sans nuance et toujours, comme s'il l'était. Admettre son pouvoir n'est pas ouvrir sur un « Gouvernement des juges » qui ferait retour à une conception avec laquelle les révolutionnaires ont voulu, il y a plusieurs siècles, rompre. La profondeur d'ancrage de l'Etat de droit dans notre pays, avec ce qu'elle suppose de solidité et de stabilité des institutions démocratiques, permet sans nul doute aujourd'hui de composer avec le dogme d'un juge serviteur de la loi169(*). Et ce d'autant plus que force restera toujours aux institutions démocratiquement élues puisque le législateur, voire s'il le faut le constituant, peuvent toujours décider de s'opposer au pouvoir normatif du juge. Dans les sociétés démocratiques, les évolutions juridiques s'opèrent toujours sous réserve : le souverain peut dresser un lit de justice, selon la formule du Doyen VEDEL, s'il entend avoir le dernier mot »170(*).

Il est regrettable, toutefois, que le rapport MOLFESSIS se soit contenté d'admettre le pouvoir créateur de la jurisprudence sans en préciser le fondement, ainsi que les caractéristiques de la règle prétorienne : « Concrètement, comment différer les effets du revirement, Théoriquement, comment le juge judiciaire crée-t-il de nouvelles règles, Il serait doux de penser que la première question est urgente quand la seconde pourra se bonifier avec le temps. Toutefois, s'aventurer dans l'exercice d'un pouvoir créateur sans avoir fait un choix théorique sur sa nature exacte relève plutôt de la précipitation imprudente, certes compréhensible après des années d'inhibition, mais non moins hasardeuse. »171(*)

* 117  : Jean CARBONNIER, Droit civil, introduction, PUF, p.227

* 118  : Philippe JESTAZ, « La jurisprudence constante de la Cour de cassation », in Autour du droit civil, écrits dispersés, idées convergentes, Dalloz 2005, p.113

* 119  : ROUBIER Paul, Le droit transitoire (conflits des lois dans le temps , Dalloz, 2ème édition, p.25

* 120  : Denys de BECHILLON« Comment traiter le pouvoir normatif du juge », in mélanges Philippe JESTAZ, p.29

* 121  : ROUBIER Paul, Le droit transitoire (conflits des lois dans le temps) , Dalloz, 2ème édition, p.25

* 122  : « Note sur les revirements de jurisprudence », Archives philosophiques du droit, 1967, p.335

* 123  : Le vocabulaire employé est d'ailleurs frappant. Ainsi, Denys de Béchillon, concluant sur l'opposition entre les classiques et les « réalistes », par référence aux théories réalistes de l'interprétation, évoque leurs opposants en doctrine comme les « idéalistes », par référence à un statut légal que l'on ne retrouverait pas dans la réalité : Denys de BECHILLON, « Le gouvernement des juges, une question à dissoudre », Dalloz 2002, n°12, p.973. Il ne va pas aussi loin que J. BOULANGER : « Nous ne sommes pas très sûrs que par rapport à la jurisprudence le problème des sources de droit ait été examiné avec un souci suffisant de la réalité. » (Répertoire de droit civil, Dalloz, tome 3, jurisprudence, n°22, cité dans Olivier DUPEYROUX La doctrine Française et le problème de la jurisprudence source de droit, in Mélanges Gabriel MARTY)

* 124  : A. RIEG, Jurisclasseurs de droit civil, art. 5, n°35

* 125  : C. ATIAS, « l'ambiguïté des arrêts dits de principe en droit privé », JCP, 1984.I.3145, n°3

* 126  : Bernard BEIGNIER, « Les arrêts de règlement » précité

* 127  : Pierre-Yves GAUTIER, « Rétroactivité de la jurisprudence et arrêts de règlement : au sujet de la contrepartie à la clause de non-concurrence », RTD civ. , Janvier/mars 2005, p.159

* 128  : SIMONEL Laurent-Xavier, « Le juge et son précédent », Gazette du Palais, 10-11 décembre 1999

* 129  : Il poursuit : « Les démonstrations des parties trouvent fréquemment le point d'orgue de leurs moments de conviction lorsqu'elles parviennent à se clore par une référence à une décision univoque rendue, si possible, par la Cour suprême et, mieux encore, par la formation la plus solennelle de cette Cour. Le dossier de plaidoirie qui, dans la plupart des cas, va établir le premier véritable contact entre le juge et l'affaire et sur lequel la plaidoirie orale va se fonder, contient certes, dans ses cotes, les principales pièces discutées devant la juridiction, mais ils sont surtout rendus volumineux par la reproduction intégrale, notes et commentaires y compris, des décisions topiques dont l'avocat espère que le faisceau créera le tracé du chemin lumineux de la solution juridique à laquelle il veut conduire le juge.»

* 130  : David JACOTOT, dans un article sur la méthode suivie par les juges a propos de l'arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 24 avril 2001 , arrivait d'ailleurs aux mêmes conclusions sur la prise en compte explicite, par l'avocat général, des précédents

* 131  : Christian MOULY, « Le revirement pour l'avenir », JCP G 1994, n°27, p.325

* 132  : « Note sur les revirements de jurisprudence », Archives philosophiques du droit, 1967, p.335

* 133  : Denys de BECHILLON, « L'ordre de la hiérarchie des normes et la théorie réaliste de l'interprétation, réflexions critiques », RRJ 1994-1, p.245

* 134  : Catherine PUIGELIER, « Le revirement de jurisprudence est-il une erreur ? », in L'erreur, sous la direction de Jean FOYER, François TERRE et Catherine PUIGELIER, PUF, 2007, p.205

* 135  : olivier TOURNAFOND, « Considérations sur les nouveaux arrêts de règlement (à partir de quelques exemples tirés du droit des obligations et du droit des biens) », in mélanges P. JESTAZ, p.556

* 136  : G. MARTY et P. RAYNAUD, « Droit Civil, tome 1, 2e édition, p.217, cité dans « La doctrine Française et le problème de la jurisprudence source de droit », in mélanges Gabriel MARTY

* 137  : Petr MUZNY, « Quelques considérations en faveur d'une meilleure prévisibilité de la loi », Dalloz 2006, n°32, p.2214

* 138  : David JACOTOT, « Retour sur le phénomène jurisprudentiel, à propos de l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 24 avril 2001 », RRJ 2002-4, p.1631

* 139  : Patrick MORVAN, « En droit, la jurisprudence est une source du droit », RRJ 2001-1, p.77

* 140  : Pierre MAYER, « Existe-t-il des normes individuelles ? », in Mélanges Michel TROPER

* 141  : Catherine PUIGELIER, « La création du droit, libre propos sur la norme jurisprudentielle », RRJ 2004-1, p.17

* 142  : sur cette question, pour un parallèle entre l'arrêt de principe et l'arrêt de règlement sous l'angle de l'analyse cognitiviste, révélatrice de l'emploi de mécanismes d'ordre psychologique pour asseoir l'autorité du juge, voir aussi « d'une approche cognitive de l'arrêt de principe » RRJ 2002-4, p. 1631

* 143  : Rapport annuel pour l'année 2003.

* 144  : Antoine MAZEAUD, « La sécurité juridique et les décisions du juge », Droit social, n°7/8 Juillet/août 2006, p.744 ; sur cette question, voir notamment Pascale DEUMIER, « Création du droit et rédaction des arrêts par le cour de cassation », in La création du droit par le juge, sous la direction de Jean FOYER, François TERRE et Catherine PUIGELIER, Dalloz, 2007, p.89

* 145  : Jean CARBONNIER, Droit civil, introduction, PUF, p.232 : ces infirmités sont la lenteur, l'incertitude qui entoure souvent l'arrêt de principe, l'insécurité, l'indifférence aux justiciables, l'impuissance à dépasser certains obstacles pratiques, telles que la modification d'un texte de loi

* 146  : Denis de BECHILLON, « Le gouvernement des juges, une question à dissoudre », Dalloz 2002, n°12, p.973

* 147  : sur cette question, Michel TROPER, « Le bon usage des spectres, du gouvernement des juges au gouvernement par les juges », in Mélanges CONAC

* 148  : Alain HERVIEUX, « Observations sur l'insécurité de la règle jurisprudentielle », RRJ 1989-2, p.257

* 149  : Olivier DUPEYROUX, « La doctrine Française et le problème de la jurisprudence source de droit », in mélanges Gabriel MARTY

* 150  : Olivier DUPEYROUX, « La doctrine Française et le problème de la jurisprudence source de droit » précité

* 151  : Voir par exemple, Patrick MORVAN (« Le revirement de jurisprudence pour l'avenir : humble adresse aux magistrats ayant franchi le Rubicon », Dalloz 2005, n°4, p.247) : « La prohibition des arrêts de règlement ne bride en rien la faculté créatrice du juge. Elle signifie que les juges « ne sauraient (...) se lier pour l'avenir en déclarant qu'ils jugeront les mêmes questions d'après les principes par eux posés » (civ. 2ème,16 juin 1955). En revanche, « ils peuvent mais encore ils doivent indiquer les règles et principes généraux de droit sur lesquels ils fondent leurs décisions » (cass. req. 1er fév. 1882) . En somme, l'article 5 n'interdit au juge que d'exercer « un pouvoir législatif, en la forme et à la manière qui est celle du législateur » (P. HEBRAUD, « le juge et la jurisprudence, in Mélanges COUZINET) . Or, la Cour de Cassation n'énonce jamais le droit qu'à l'occasion de litiges particuliers ; elle ne légifère jamais ex nihilo, en dehors des faits, à l'image des Parlements de l'Ancien Régime. »

* 152  : Jacques MAURY, « Observations sur la jurisprudence en tant que source de droit » in mélanges RIPPERT, cité dans O. DUPEYROUX, « La doctrine Française et le problème de la jurisprudence source de droit » précité

* 153  : Sur cette question, voir notamment Gilles LEBRETON, « Droit administratif général », p.52 à 55

* 154  : Michel TROPER, « La théorie du droit, le droit, l'Etat », Paris, PUF, 2001, cité dans Manuel ATIENZA, « Les limites de l'interprétation constitutionnelle, retour sur les cas tragiques », in mélanges Michel TROPER

* 155  : Denys de BECHILLON, « L'ordre de la hiérarchie des normes et la théorie réaliste de l'interprétation, réflexions critiques » précité, p. 250

* 156  : « Si la signification (d'un) acte, par exemple la signification de l'acte du législateur, est déterminé par l'organe d'application, il en résulte immanquablement qu'une Loi valide est la signification d'un acte humain telle qu'elle est déterminée par le juge. L'existence juridique d'une norme législative ne résulte pas de sa conformité à la Constitution, mais de l'interprétation par le juge. La validité ne provient pas de la norme supérieure mais du processus de production de normes inférieures. En d'autres termes, si la Loi est non pas l'acte de volonté du législateur, ni le texte publié au journal officiel, mais la norme que ce texte contient, c'est le juge qui énonce la loi, et non le législateur. » Michel TROPER, « Kelsen , la théorie de l'interprétation et la structure de l'ordre juridique », cité dans Denys de BECHILLON, « L'ordre de la hiérarchie des normes et la théorie réaliste de l'interprétation, réflexions critiques »

* 157  : Denys de BECHILLON, « Comment traiter le pouvoir normatif du juge ? », in Mélanges JESTAZ, p.29

* 158  : Denys de BECHILLON, « L'ordre de la hiérarchie des normes et la théorie réaliste de l'interprétation, réflexions critiques » précité

* 159  : même si des tentatives ont été faites en ce sens, voir par exemple Patrick MORVAN, « En droit, la jurisprudence est une source du droit » précité

* 160 Thierry BONNEAU, Brèves remarques sur la prétendue rétroactivité des arrêts de principe et des arrêts de revirement, Recueil Dalloz 1995 p. 24 ; il ajoute toutefois : « Doit-on pour autant considérer que celle-ci s'explique par la rétroactivité ? Il ne le semble pas parce que cette application ne se fonde pas sur la volonté de l'auteur de la nouvelle jurisprudence, mais sur son acceptation par la communauté des juristes. »

* 161  : William DROSS, « La jurisprudence est-elle seulement rétroactive ? », Dalloz 2006, p.472

* 162  : Civ.1ère, 9 octobre 2001, Pourvoi n° 00-14564

* 163  : Poursuivant sur l'exemple de l'arrêt du 9 octobre 2001, il estime qu': « en l'espèce, les juges de la Cour de Cassation auraient dû se demander si, en 1974, il était juste que le médecin informe ou non sa patiente des risques graves mais exceptionnels que présentait un tel accouchement. Les magistrats peuvent répondre positivement ou négativement : il en va précisément de leur mission, en l'absence de tout texte de loi explicite. Le fait qu'ils aient estimé, en 1998 que le médecin était tenu d'une telle obligation n'a en soi aucune portée contraignante, sauf alors à se demander à quelle époque s'étaient produits les faits examinés par la Cour de Cassation dans cette espèce. Or, il s'agissait d'un acte médical remontant à 1987, ce dont il faut alors déduire que, pour la jurisprudence, en 1987, la justice commandait qu'un médecin informe ses patients sur les risques exceptionnels de l'opération. Mais rien ne peut laisser penser qu'il devait en aller de même treize années auparavant. S'ils avaient estimé dans cet arrêt de 2001 qu'une telle obligation n'existait pas en 1974, leur décision n'aurait absolument pas fait figure de revirement de jurisprudence, par cela qu'ils ne sont pas législateurs : ils ne posent pas par un acte de pouvoir une norme au jour où ils statuent, mais ils disent par un acte d'autorité ce qui devait être tenu pour juste dans la société Française au jour où la situation litigieuse s'est produite. »

* 164  : Denys de BECHILLON, « De la rétroactivité de la règle jurisprudentielle en matière de responsabilité », in mélanges Franck MODERNE, p. 5

* 165  : Denis de BECHILLON, « Le gouvernement des juges, une question à dissoudre » précité

* 166  : Patrick MORVAN, « En droit, la jurisprudence est une source du droit » précité

* 167  : Rapport MOLFESSIS, p. 12

* 168  : Rapport MOLFESSIS, p.13

* 169  : Sur ce point, on peut évoquer la réponse de Vincent HEUZE (« A propos du rapport sur les revirements de jurisprudence, une réaction entre indignation et incrédulité », JCP G 2005, n°14, p.671) , exprimant son vif désaccord, expliquant que cette « profondeur d'ancrage de l'Etat de droit dans notre pays, avec ce qu'elle suppose de solidité et de stabilité des institutions démocratiques », « loin d'être une réalité, en est une simple représentation, dont l'optimisme est certainement aussi imprudent que l'était la croyance, si largement répandue à l'orée de XXème sicle, dans le caractère définitif du triomphe des valeurs de la civilisation »

* 170  : Rapport MOLFESSIS, p.13

* 171  : Pascale DEUMIER, Rafael ENCINAS DE MUNAGORRI, « Faut-il différer l'application des règles jurisprudentielles ? Interrogations à partir d'un rapport », RTD civ., janvier/Mars 2005, p.83

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