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L'arbitrage ohada à l'épreuve de l'arbitrage investisseur-etat

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par Cassius Jean SOSSOU
Université de Genève Faculté de Droit et Hautes Etudes Internationales et du Développement - Master of Advanced Studies in International Dispute Settlement (MIDS) 2008
  

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c.- La jonction d'instances en matière d'arbitrage d'investissement et l'OHADA

c1.- Définition et fondement de la jonction dans le cadre d'un arbitrage d'investissement OHADA

198. La jonction est le mécanisme procédural par lequel deux instances, voire plus, sont réunies en une procédure unique concernant toutes les parties voire tous les différends quelle que puissent être leur nature. Il s'agit d'un concept récent pour l'arbitrage en matière d'investissement, mais qui n'est pas nouveau dans le contexte de l'arbitrage commercial, où il est utilisé lorsque plusieurs procédures arbitrales ont été ouvertes en parallèle. La jonction d'instances dans le cadre d'un arbitrage d'investissement CCJA présente un grand intérêt pour les investisseurs puisque les relations et les différends qui en découlent peuvent souvent concerner un grand nombre de parties et de contrats. Dans le domaine de l'arbitrage en matière d'investissement, qui met en jeu des questions d'intérêt public, le risque d'incohérence des sentences, bien qu'il soit faible, reste un argument non négligeable en faveur de la jonction d'instances. En conséquence, un État pourrait être confronté à deux sentences contradictoires concernant une même mesure (une décision qui le condamnerait pour violation de ses obligations internationales et l'autre qui ne lui imputerait aucune responsabilité ; voir par exemple les «affaires tchèques«).

199. Le code de règlement de procédures d'arbitrage applicable devant le CCJA ne comporte aucune disposition relative à la jonction d'instances. Or, une pareille procédure est d'autant plus fondamentale dans le contexte tout spécifique qu'est celui de l'arbitrage d''investissement soumis à ce Code dans la mesure où, les projets d'investissement, en général et dans cet espace en particulier, deviennent de plus en plus complexifiés, impliquant un réseau très alambiqué de relations contractuelles entre les différents acteurs intervenant pour la réalisation dudit investissement. A titre illustratif, un investissement pour la construction d'une usine de traitement d'eau dans la zone OHADA peut impliquer, mis à part l'accord d'investissement entre l'investisseur privé et l'Etat, un autre contrat »joint venture Agreement« entre un consortium d'entreprises de construction et d'autres multiples sous contractants ou un contrat entre le consortium d'entreprises de construction et d'autres sociétés de construction. De cet Accord d'investissement il peut donc résulter des conflits entre les mêmes ou différentes parties à l'investissement sur le fondement soit de l'accord lui-même, soit de la législation nationale applicable, soit enfin sur le fondement de contrats différents mais liés entre eux par le lien juridique crée par l'investissement. Une autre hypothèse pour schématiser le cas de figure juridique dans lequel on peut avoir une jonction d'instances est celle où un demandeur (par exemple un investisseur privé) au lieu d'introduire un arbitrage unique contre plusieurs défendeurs (l'Etat hôte et/ou ses démembrements ou sociétés lui appartenant) ou, au lieu d'introduire une demande sur plusieurs objets se décide d'en intenter plusieurs, autant qu'il y a d'adversaires ou d'objets litigieux, quitte à requérir de l'organe institutionnel (par exemple la CCJA) ou du juge compétent la jonction de ces procédures et la désignation d'un seul tribunal pour en connaître.

200. Dans toutes ces hypothèses la jonction d'instances peut paraître être la solution idoine en vue de la résolution efficace des différends conflictuels auxquels les parties pourront faire face dans le cadre de cet investissement. Cette consolidation a le mérite, d'une part d'éviter les jugements contradictoires et la duplication des opérations, notamment des expertises ou l'audition des témoins, et de limiter ainsi les coûts174(*) et d'autre part, d'éviter le risque de sentences contradictoires qui pourraient résulter d'autres procédures parallèles étant entendu qu'une saine justice ne saurait s'accommoder de décisions même indirectement contradictoires, c'est-à-dire n'ayant pas le même objet, mais portant sur des prétentions dépendant l'une de l'autre175(*).

201. Dans l'arbitrage d'investissement il est à reconnaître que la pratique de la jonction de deux instances est un phénomène récent dont l'application a été pour la première fois faite dans le cadre de l'ALENA en 2005. Ceci étant dit, le premier Accord multilatéral qui a prévu dans ses dispositions cette procédure est l'ALENA. Depuis, certains Accords de Libre Echange (ALE)176(*) ont introduit dans les dispositions de leur chapitre sur l'investissement de telles dispositions de façon à permettre à un investisseur qui estime que son recours porte sur les mêmes points de fait et de droit que ceux pour lesquels la jonction a été demandée, mais qui n'a pas été citée dans la demande de jonction, de demander au tribunal d'envisager la jonction de son recours. En ce qui concerne les Traité Bilatéraux d'investissement (TBI) certains y font figurer la procédure de jonction sur demande d'une partie contestante en cas de recours portant sur le même point de droit ou de fait et découlant des mêmes événements ou circonstances. Il s'agit généralement d'une mesure émanant d'un État présumée contraire à ses obligations177(*).

202. Ainsi, avec la multiplication des accords d'investissement assortis de mécanismes de règlement des différends entre l'investisseur et l'État, les risques de sentences multiples et contradictoires sont accrus puisque le même différend peut donner lieu à des sentences relevant de plusieurs traités ou contrats. Il n'est donc pas exclu que les investisseurs invoquent comme prétention la violation de plusieurs TBI et demandent réparation dans le cadre de la procédure arbitrale mise en place par chaque traité, pour un même investissement et pour les mêmes faits. En présence d'au moins deux différends, il peut être utile pour les parties que tous les différends soient jugés à une seule audience. Ce mécanisme se distingue de la «jonction de facto«, par laquelle chaque arbitrage est conduit par le même collège d'arbitres, ou d'une procédure semblable178(*) par laquelle au moins deux arbitrages sont conduits simultanément par le même collège d'arbitres, mais la sentence est rendue séparément pour chaque instance.

203. Du point de vue du droit comparé, il convient de souligner que le Règlement d'arbitrage de la CNUDCI179(*) de même que la Convention du CIRDI180(*) et son Règlement des Mécanisme supplémentaires ne prévoient aucunement cette procédure. Il n'en demeure pas moins vrai que la pratique de l'arbitrage d'investissement regorge d'exemples de procédures au cours desquelles la jonction d'instances à été admise ou rejetée par les tribunaux arbitraux d'investissement. A titre d'exemple nous pouvons citer les deux «affaires tchèques« (CME/Lauder contre la République tchèque)181(*) et la quarantaine d'affaires pendantes à l'encontre de l'Argentine dans des arbitrages CIRDI, qui découlent des mêmes événements.

204. Par contre, certains Règlements institutionnels d'arbitrage tels que celui de la CCI à son article 4.6182(*) du nouveau Règlement n'envisage la procédure de jonction de deux arbitrages CCI qu'à la condition que ce soit entre les mêmes parties et qu'elle porte sur des objets résultant d'une même «relation juridique«. Si tel est le cas, la disposition prévoit que la Cour pourra joindre les demandes jusqu'à la signature de l'acte de mission. Par ailleurs, le Règlement suisse de l'arbitrage international tout en admettant la procédure de jonction va au-delà et considère la possibilité de jonction d'une nouvelle cause aux procédures déjà pendantes devant le tribunal arbitral nonobstant la soumission de cette nouvelle cause à une autre procédure d'arbitrage et ceci indépendamment du fait que le cas implique les mêmes parties ou des parties différentes à la procédure183(*). En clair, le Règlement suisse de l'arbitrage international prévoit la possibilité pour les chambres de joindre une nouvelle affaire à une procédure arbitrale pendante. Dans certains cas exceptionnels, cela est possible même si les parties à la nouvelle affaire ne sont pas identiques à celles à la procédure pendante. Cependant, avant de décider de soumettre une nouvelle affaire à un tribunal arbitral déjà constitué, les chambres doivent consulter toutes les parties et le Comité Spécial et tenir compte de toutes les circonstances telles que les liens entre les deux affaires. Enfin, et pour ne pas multiplier les exemples de Règlement d'arbitrage admettant la jonction de procédures nous citerons l'article 14 du Règlement LCIA qui accorde, non pas à l'institution d'arbitrage comme c'en est le cas avec le Règlement CCI mais, aux arbitres la possibilité de décider de la jonction de procédures.

c2.- Quel est le fondement juridique de ce mécanisme dans le cas particulier de l'arbitrage d'investissement OHADA ?

205. Il est clair que cette procédure doit trouver son fondement juridique soit dans la volonté des parties au litige d'investissement soit dans la législation nationale ou le Règlement d'arbitrage institutionnel applicables. Dans le cadre de l'OHADA, même si nous convenons que la doctrine de l'autonomie de la volonté et donc le consentement des parties à la jonction à laquelle tous les tribunaux se conforment d'une manière générale184(*) peut fonder la jonction d'instances dans le cadre d'un arbitrage d'investissement CCJA il n'en demeure pas moins fondamental de reconnaître que le Règlement de la CCJA encore moins l'arbitrage de droit commun de l'AUA sont lacunaires sur ce point et qu'il faut orienter la réflexion dans le sens d'une révision des dispositions de ces normes en vue de leur adaptation aux procédures de jonction.

206. Pour ce faire, à défaut d'avoir cette volonté des partie à la jonction dans l'accord ou contrat d'investissement, nous soutenons l'introduction dans le Règlement de la CCJA des dispositions relatives à la jonction de procédures de manière à permettre au tribunal arbitral de disposer des moyens légaux pour exercer sa compétence sur de demandes nouvelles impliquant les mêmes parties sur le fondement de la même relation contractuelle. Pour peu que cette demande nouvelle soit sujette à l'arbitrage sous les auspices de la CCJA et que de nouvelles procédures en relation avec de nouvelles demandes n'aient été engagées. En formulant notre proposition sur la jonction de procédures, nous n'avons aucunement l'intention de faire dépendre la compétence de la décision de jonction à la Cour comme c'est le cas avec la CCI de Paris mais, de donner une compétence supplétive au tribunal pour décider de cette jonction car ce faisant on respecterait le principe de l'autonomie de la volonté des parties et subsidiairement de l'arbitre, principe qui domine le droit de l'arbitrage en général. S'il est clair que la CCJA dans ses attributions ne tranche pas par elle-même les différends185(*) mais les administre conformément aux dispositions de son article 1er186(*), la compétence de la Cour en la matière même à la requête des parties ne doit aucunement l'autoriser à interférer dans une telle décision procédurale. En effet, nous ne soutiendrons pas l'idée selon laquelle la compétence en matière d'admission de jonction d'instance relève de la matière procédurale au sens de l'article 2.3 du Règlement187(*) et que subséquemment il reviendrait à la CCJA le pouvoir de décision en matière de jonction.

207. Enfin, il est important de souligner qu'il est de plus en plus fréquemment confondu les nouvelles demandes connexes entre les parties à l'arbitrage, l'arbitrage multipartite et la jonction de procédures. Dans la suite du développement nous n'insisterons pas sur la différenciation notionnelle entre la jonction d'arbitrages connexes, les nouvelles demandes connexes et l'arbitrage multipartite auxquels le Règlement d'arbitrage de la CCJA ne s'accommode d'ailleurs guère mais tenterons de clarifier l'importance que revêt la participation de tiers à l'arbitrage d'investissement soumis au Règlement de la CCJA.

* 174
_
Jean François Poudret et Sébastien Besson «Droit comparé de l'arbitrage international«, Schulthess 2002, note 238, P.207.

* 175
_
Jean François Poudret et Sébastien Besson opt.cit. Idem

* 176
_
A ce sujet nous pouvons citer les ALE suivants : Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Chili (art. 10.24) signé le 1er mars 2004 ; Accord de libre-échange entre les États-Unis et le Maroc (art. 10.24) signé le 15 juin 2004 ; CAFTA-DR entre les États-Unis et la République dominicaine (art. 10.25) signé le 5 août 2004. Voir aussi sur les sites suivants www.dfait-maeci.gc.ca/tna-nac/cda-chile/chap-g26-fr.asp#II et www.sice.oas.org/trade/cancr/French/cancr26.asp#XIII .

* 177
_
Généralement, le même fait est une mesure émanant d'un État qui est prétendument en violation avec ses obligations. « D'après les théories traditionnelles du droit international concernant la litispendance et la chose jugée, ce concept est plus précis pour la jonction que la condition de «même différend». Voir A. Crivellaro, « Consolidation of Arbitration and Court Proceedings in Investment Disputes », présentation lors de la 24e Réunion annuelle de l'Institut du droit des affaires internationales de la CCI, Paris, 15 novembre 2004.

* 178
_
Voir la loi australienne de 1989 sur l'arbitrage commercial international.

* 179
_
Lors de l'étude des améliorations possibles de la loi type de la CNUDCI de 1985, le secrétariat a proposé d'élaborer une disposition relative à la jonction. Toutefois, le groupe de travail n'a pu parvenir à un accord sur l'importance qu'il convenait d'attacher à cet élément, ni sur l'efficacité de la jonction à cette époque. En fin de compte, la loi type de la CNUDCI de 2002 ne fait aucune référence à la jonction.

* 180
_
Selon A. Crivellaro, « l'article 26 de la Convention du CIRDI qui stipule que «le consentement des parties à l'arbitrage dans le cadre de la présente Convention est [...] considéré comme impliquant renonciation à l'exercice de tout autre recours [...]» est un point de référence important pour la stratégie en matière de jonction, car il exclut tout recours parallèle devant des tribunaux nationaux et il permet d'éviter la duplication des procédures. ». Voir « Consolidation of Arbitration and Court Proceedings in Investment Disputes », présentation lors de la 24e Réunion annuelle de l'Institut du droit des affaires internationales de la CCI, Paris, 15 novembre 2004. Dans « The ICSID Convention: A Commentary », Cambridge University Press 2001, p. 359, le Professeur Schreuer fait observer que l'article 26 vise à instaurer une « règle de priorité vis-à-vis d'autres systèmes de règlement des différends en vue d'éviter les sentences contradictoires et de préserver le principe «non bis in idem» ».

* 181
_
CME Czech Republic B.V. contre République tchèque, sentence partielle (13 septembre 2001), document consultable sur

http://mfcr.cz/Arbitraz/en/PartialAward.doc et Lauder contre République tchèque, sentence finale (3 septembre 2001), consultable sur www.mfcr.cz/scripts/hpe/default.asp

* 182
_
Art. 4.6 du Règlement CCI « Lorsqu'une partie introduit une demande d'arbitrage relative à une relation juridique faisant déjà l'objet d'une procédure d'arbitrage entre les mêmes parties soumise au présent Règlement, la Cour peut, sur requête de l'une des parties, décider de joindre le ou les chefs de demande sur lesquels elle porte à la procédure déjà pendante, à condition que l'acte de mission n'ait pas été signé ou approuvé par la Cour. Une fois l'acte de mission signé ou approuvé par la Cour, la jonction ne peut être décidée que dans les conditions prévues à l'article 19»

* 183
_
L'article 4 § 1 du Règlement suisse de l'arbitrage international dispose que «Lorsqu'une notification d'arbitrage est soumise entre des parties déjà impliquées dans une autre procédure arbitrale en cours sous l'égide du présent Règlement, les Chambres peuvent décider, après consultation des parties à toutes les procédures et du Comité spécial, que la nouvelle affaire sera soumise au tribunal arbitral déjà constitué pour la procédure existante. Les Chambres peuvent procéder ainsi lorsqu'une notification d'arbitrage est soumise entre des parties qui ne sont pas identiques aux parties dans la procédure arbitrale en cours. En rendant leur décision, les Chambres prennent en compte toutes les circonstances, y compris les liens entre les deux affaires et le degré d'avancement de la procédure en cours. Lorsque les Chambres décident de soumettre la nouvelle affaire au tribunal arbitral existant, les parties à la nouvelle affaire sont considérées comme ayant renoncé à leur droit de désigner un arbitre «.

* 184
_
Leboulanger, « Multicontract Arbitration », (1996) 13:4 J. Int. Arb. 43. Voir également Gaillard, « L'affaire Sofidif ou les difficultés de l'arbitrage multipartite »(1984) 3 Revue de l'arbitrage 274 à 284 : « En l'état de la législation française, le seul moyen de consolider les procédures ou de rapprocher les clauses, est de découvrir dans l'intention de toutes les parties concernées le souci que la procédure arbitrale se déroule de cette manière. À défaut, l'une des parties serait fondée à soutenir que le tribunal arbitral s'est prononcé, à son égard, hors des termes du compromis. »

* 185
_
Art 2.2 du Règlement de la CCJA « La Cour ne tranche pas elle-même les différends«.

* 186
_
Article 1.1 du Règlement de la CCJA «La Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, ci-après dénommée " la Cour ", exerce les attributions d'administration des arbitrages dans le domaine qui lui est dévolu par l'article 21 du Traité dans les conditions ci-après définies.

Les décisions qu'elle prend à ce titre, en vue d'assurer la mise en oeuvre et la bonne fin des procédures arbitrales et celles liées à l'examen de la sentence, sont de nature administrative.

Ces décisions sont dépourvues de toute autorité de chose jugée, sans recours et les motifs n'en sont pas communiqués.

Elles sont prises par la Cour dans les conditions fixées en assemblée générale sur proposition du Président.

Le Greffier en chef assure les fonctions de Secrétaire Général de cette formation administrative de la Cour«.

* 187
_
Art 2.3 du Règlement de la CCJA «La Cour traite les questions liées aux procédures arbitrales suivies par elle dans le cadre du titre IV du Traité et de l'article 1er du présent règlement«.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote