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Les privilèges et immunité en droit international : cas du ministre des affaires étrangères de la RDC

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par Benjamin KANINDA MUDIMA
Université de Kinshasa - Travail de fin de cycle présenté en vue de l'obtention du titre de Graduat en Droit  2008
  

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2. L'absence d'immunité au moment des faits

Selon la Belgique, Mr. Yerodia ne bénéficiait d'aucune immunité au moment où les actes qui lui étaient reprochés avaient été commis, puisqu'il n'était à cette époque directeur du cabinet du Président L.D Kabila.

La Cour se contenta de répondre qu'il était impossible d'opérer une distinction entre les actes accomplis par l'intéressé avant qu'il n'occupe les fonctions de ministre des affaires étrangères et ceux accomplis durant l'exercice de ces fonctions. Le fait d'arrêter celui-ci dans un autre Etat pour des actes commis avant son entrée en fonction ne peut que l'empêcher de s'acquitter des tâches inhérentes à sa fonction. L'immunité doit donc jouer à plein pendant l'exercice de celle-ci. Cela ne signifie d'ailleurs pas qu'il ne pourra pas être poursuivi une fois qu'il aura cessé d'exercer la fonction pour laquelle il dispose d'immunités.

Ce raisonnement n'est nié par personne. Il existe une jurisprudence abondante selon laquelle une action intentée contre une personne bénéficiant d'une immunité acquise postérieurement aux faits pour lesquels elle est poursuivie devra être suspendue pendant la durée de cette immunité. Pour déterminer si une personne bénéficie d'une immunité, il faut se placer au moment de l'instance, et non au moment des faits. Rien n'empêchera l'action de reprendre son cours une fois l'immunité terminée. L'immunité ne survivra que pour les actes accomplis durant celle-ci et qui se rattachaient à l'exercice des fonctions diplomatiques86(*). A partir du moment où la Cour reconnaît une immunité aux ministres des affaires étrangères, ceux-ci pourront dès lors s'en prévaloir même s'ils ont revêtu cette fonction après avoir commis des actes litigieux. Elle se terminera au moment où le ministre sera déchargé de sa qualité officielle (ou lorsque son Etat aura renoncé à l'immunité).

3. L'absence d'immunité en cas de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité

Le coeur de l'arrêt se trouve dans l'argumentation de la Belgique selon laquelle « les immunités reconnues aux ministres des affaires étrangères en exercice ne peuvent en aucun cas protéger ceux-ci lorsqu'ils sont soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité87(*) ». La Belgique citait deux éléments à l'appui de sa thèse.

En premier lieu, elle invoquait la décision rendue le 24 mars 1999 par la Chambre des Lords dans l'affaire Pinochet88(*), ainsi que l'arrêt Kadhafi de la Cour de cassation française89(*). Dans l'arrêt de la Chambre des Lords, Lord Millet avait dit qu'on ne peut supposer que le droit international ait institué un crime relevant du jus cognes tout en prévoyant une immunité ayant la même portée que l'obligation qu'il cherche à imposer. Lord Phillips of Worth Matravers avait d'autre part exposé qu'aucune règle établie de droit international n'exige que l'immunité d'un Etat ratione materiae soit accordée dans le cadre de poursuites pour crime international ». La Cour de cassation française, de son côté, avait laissé entendre qu'il pourrait exister  des exceptions au principe de l'immunité de juridiction des chefs d'Etat étranger en service.

L'arrêt de la Chambre des Lords est toutefois trop peu unanime90(*) pour que de véritables conclusions puissent en être retirées. Lord Browne-Wilkinson, cité par le Congo, avait en effet exposé que l'immunité dont jouit un chef d'Etat en fonction ou un Ambassadeur en exercice est une immunité totale liée à la personne du chef d'Etat ou de l'Ambassadeur, et qui exclut toute action et poursuite judiciaire à son encontre. La Cour Internationale de Justice passe d'ailleurs très rapidement sur l'argument. Elle se contente de dire qu'elle n'est pas parvenue à déduire de (la pratique des Etats) l'existence, en droit international coutumier, d'une exception quelconque à la règle consacrant l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité des ministres des affaires étrangères en exercice, lorsqu'ils sont soupçonnés d'avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l'humanité91(*). Il n'était évidemment pas difficile à la Cour d'aboutir à cette conclusion, dans la mesure où aucune jurisprudence n'existe sur le sujet particulier des ministres des affaires étrangères92(*).

La Belgique invoquait également les statuts des différentes juridictions pénales internationales mises en place depuis 194593(*). Le plus récent d'entre eux, l'article 27 al. 2 du Statut de la Cour pénale internationale, prévoit que « les immunités ou règles de procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne ».

La Cour répond à cet argument en constatant qu'aucun des instruments invoqués ne laisse entendre qu'une exception à l'immunité dont bénéficient les ministres des affaires étrangères pourrait exister lorsqu'ils sont poursuivis devant des juridictions nationales94(*). La Cour précise elle-même qu'un ministre des affaires étrangères ou un ancien ministre des affaires étrangères peut faire l'objet de poursuites pénales devant certaines juridictions pénales internationales95(*) dès lors que celles-ci sont compétentes. En revanche, toute poursuite devant des juridictions nationales est impossible tant que dure l'immunité.

Aucun des arguments avancés par la Belgique n'ayant été accueilli par la Cour, celle-ci dit par treize voix contre trois96(*) que l'émission, à l'encontre de M. Yerodia Abdoulaye Ndombasi, du mandat d'arrêt du 11 avril 2000, et sa diffusion sur le plan international, ont constitué des violations d'une obligation juridique du Royaume de Belgique à l'égard de la république démocratique du Congo, en ce qu'elles ont méconnu l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité dont le ministre des affaires étrangères en exercice de la République démocratique du Congo jouissait en vertu du droit international.

* 86 _ Institut de Droit Internationale. Article 14 de la résolution du 13 août 1895

* 87 _ Cour internationale de Justice. Affaire relative au mandat d'arrêt du 11 avril 2000. Op, Cit., point 56.

* 88 _ House of Lords, Regina v. Bartle and the commissioner of police for the metropolis and others exported Pinochet, 24 mars 1999, ILM 1999 p. 592.

* 89 _ Cour de cassation française. 13 mars 2001, R.G.D.I.P, 2001, p.474.

* 90 _ En raison du caractère sin particulier de la rédaction de ses arrêts, où chaque juge est amené à faire de ses propres conclusions.

* 91 _ Cour Internationale de Justice. Affaire relative au mandat d'arrêt du 11 avril 2000. Op, Cit., point 58.

* 92 _ Pour une analyse des rapports entre l'arrêt Yerodia et Kadhafi de la cour de cassation française, voir CORTEN (O) et WEYEMBERGH (A), «  que penser de l'arrêt de la Cour de cassation française dans l'affaire Kadhafi après l'arrêt Yerodia rendu par la Cour International de Justice ? », journal des tribunaux 2002, pp. 4309-434.

* 93 _ Voir l'article 7 du statut du tribunal militaire international de Nuremberg, Article 6 du statut du tribunal militaire de Tokyo, Article 7 par 2 du statut du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie, Article 6 par 2 du statut du tribunal pénal international pour lez Rwanda.

* 94 _ Cour Internationale de Justice. Affaire relative au mandat d'arrêt du 11 avril 2000. Op, Cit., point 58-61.

* 95 _ La Cour cite comme exemple le Tribunal Pénal pour l'ex-Yougoslavie, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda et la Cour Pénal International.

* 96 _ Ont voté contre les juges Oda et Al- Khasawneh, ainsi que Mme Van den Wijngaert, juge ad hoc de la Belgique. Chacun d'entre eux à rédigé une opinion dissidente, dont les références ont «été données supra.

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