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Exploitation et gestion des ressources naturelles dans l'ile à  Morphil. Etude de cas: l'arrondissement de Cas-Cas (département de Podor)

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par Aliou Wane
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Maitrise 2009
  

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CHAPITRE II : L'EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES

Le système de production des Halpular de l'île à Morphil est le mode par lequel différents groupes sociaux utilisent les facteurs écologiques à travers d'activités primaires. Ces activités qui caractérisent essentiellement l'économie de l'arrondissement, sont tributaires des disponibilités en ressources naturelles que sont : les sols, la biomasse et l'eau. Il convient ainsi, de faire l'analyse de cette production dont les animateurs évoluent dans des milieux presque cloisonnés mais complémentaires.

I. L'EXPLOITATION DES EAUX DE SURFACE PAR LA PECHE

L'eau est un facteur de la production dont dépend l'économie rurale (l'agriculture, l'élevage et la pêche), mais en tant qu'activité nécessitant l'intervention de l'élément liquide uniquement, la pêche occupe un point focal dans l'arrondissement de Cas-Cas. Toutefois, elle est la troisième activité productrice avec un système resté très traditionnel.

I.1 Les caractéristiques de la pêche dans l'île à Morphil

A l'instar, des autres activités traditionnelles, la pêche constituait une source importante de revenus pour les ménages ruraux. Son recul est lié à la baisse continue des prises et à l'irrégularité du niveau de l'eau consécutive à la mise en eau des barrages de Diama et de Manantali.

Face à cette situation, beaucoup d'actifs se sont progressivement tournés vers d'autres secteurs, en particulier l'agriculture. A Boki, village de pécheurs par excellence trois maisons continuent à le pratiquer comme l'unique activité du ménage (Gallé Djibéri Abdoul, Gallé Daray Abdoul et Gallé Seydou Ali).

Cependant, selon la répartition des ménages ruraux engagés dans la pêche dans la communauté rurale de Madina Ndiathbé (recensement national de l'agriculture, 2000), elle concerne encore 570 ménages ruraux de l'ethnie Soubalbé majoritairement, soit une proportion de 20%.

Son atout réside dans la diversité des lieux de pêche que sont : le lit mineur du Sénégal, le Doué, les eaux des cuvettes et des marigots (dont le Barangol, lieu de pontes des poissons est le plus poissonneux).Les ressources pélagiques sont variées : « Gaddial » (poisson chien), « Thiddéré » (carpe), « Guithier » (fretin), « Balérou » (silure), « Hoddandou », « Balla » et « Besso » (Gymnarchus niloticus). (Voir photo 1). Elles sont plus nombreuses en hivernage grâce à l'apport pluvial et les moments de pêche demeurent surtout le matin ou le crépuscule.

De l'avis des sages rencontrés à Dounguel, les eaux de la crue remplies de nutriments sont plus poissonneuses, en effet grâce au courant Est - Ouest, les poissons effectuent des migrations latérales du lit mineur vers la plaine d'inondation pour y trouver des lieux propices à la ponte. Par bonne prise, la quantité peut atteindre 50 kg de poissons. La production étant essentiellement destinée à l'autoconsommation avec des techniques rudimentaires.

PHOTO 1 : Les types de poissons plus répandus dans le terroir

I.2 Les techniques de pêche

La pêche se fait au sein des « foyré » mais peut nécessiter une coopération élargie, quelque fois jusqu'à plusieurs villages. Différents appareils et techniques sont utilisés conformément au cycle écologique de reproduction des poissons (elle se pratique à plusieurs endroits selon les périodes de l'année). Des procédés simples servent à appâter les poissons : enduire du savon dans l'hameçon - charcuter de la chaire fraîche des poissons ou répandre du son de mil dans les eaux. Des instruments et techniques anciens sont toujours d'actualité (tableau 16).

Tableau 16 : Instruments et techniques de pêche dans l'île à Morphil

Noms de l'appareil de pêche

Caractéristiques techniques

Nombre de pécheurs

Technique de pêche

Impact écologique

Gubbol

Grand filet de mailles étroites et larges

10 à 20 personnes

Pratiqué sur le Sénégal et le Doué, le filet est retiré après 4 heures de mise en eau.

Pratique qui ravage les eaux. Il était interdit dans les lieux de reproduction des poissons.

Thiambal

Filets à mailles variables selon le type de poissons recherché

Une personne

Filet fixé transversalement au cours d'eau, pendant 1 à 4 semaines, chaque jour le pécheur passe vérifier si le piège a pris, relève le poisson et nettoie le filet.

Ne prends pas tous les poissons. Mais peut détruire l'habitat des poissons.

Félé-félé

Même caractéristique que le Thiambal

1 à 2 personnes

Ce filet suit le courant d'eau que le pécheur ne perd pas des yeux en pirogue et s'arrête aux intersections où le courant change de direction pour relever les poissons capturés en chemin.

Est utilisé seulement pendant la période des hautes eaux (crue) fleuve et marigots.

Mbaala (épervier)

Les mailles sont variables

1 à 2 personnes

Une seule personne située sur la rive peut lancer l'épervier

Est utilisé surtout pendant la crue.

Mbakkal

Filet très long

2 personnes

Les deux personnes tiennent les extrémités de chaque coté et survolent les eaux.

Pendant la crue mais dans les marigots de faible profondeur

Mbissou

Filet avec deux longs bâtons au deux bouts

1 à 2 personnes

Utilisé dans de petit cours d'eau

Prend tous genres de poissons.

Dolingué

Filet avec plusieurs hameçons 5 à 6 genres variables

1 personne

L'engin est mis dans l'eau pendant plusieurs heures avant d'être relevé.

Utilisé en toute période

Kotio-kotio

Très petit filet

Une personne

Procédé qui consiste à émettre des cris pour attirer les poissons, ou allumer une lumière.

Utilisé pendant la crue mais peut déstabiliser le milieu

Source : Enquête de terrain, 2009

L'île à Morphil étant essentiellement une région de cuvette entourée par le fleuve Sénégal et le Doué, le comportement de ces cours d'eau y joue un grand rôle. C'est un terreau fertile pour le développement de la pêche dans la mesure où les capacités de renouvellement des poissons sont très importantes (un poisson peut produire jusqu'à 500 alevins). A Saré-Souki, la pêche assure la survie des populations alors que dans d'autres villages, elle est associée à l'agriculture.

II. L'EXPLOITATION DES RESSOURCES PEDOLOGIQUES

L'utilisation des ressources pédologiques en vue de la production des plantes destinées à la nourriture de la population ou à la vente, constitue la principale activité économique de l'île à Morphil. L'agriculture occupe prés de 94% des populations du terroir (enquête de terrain). Elle doit cette position à deux facteurs essentiels pour la production :

· L'eau : disponible grâce aux différents cours d'eau malgré la pluviométrie déficitaire,

· La terre : fertile et caractérisée par une grande variété.

Les agriculteurs adoptent un système cultural sous trois formes principalement qui tient compte des types de sols et de leurs aptitudes agronomiques.

2.1 Les systèmes de cultures traditionnels

Dans l'île à Morphil, nous assistons à deux systèmes traditionnels de cultures : celui de décrue (Walo) et celui pluviale (Diéri). Avec les sécheresses persistantes de ces dernières années, la culture sous pluie recule face à la culture de décrue qui reste encore la pratique non négligeable.

2.1.1 La culture de décrue

Elle est étroitement dépendante de la crue dont : l'amplitude qui détermine la superficie cultivable, la durée de submersion et la date de retrait des eaux. Elle revêt deux formes : le Walo et les Palle (culture de berges). Les « hollaldé »sont des terres de prédilections pour les cultures de Walo. La production dominante est le sorgho (Sorgum cernuum) appelé « sammé » en Pular. La couleur des graines et le cycle végétatifs (cycle de 130 à 160 jours) expliquent la variété des « sammé » (sammé mbodéri : sorgho rouge, sammé danéri : sorgho blanc, niédico). La seconde céréale produite sur le Walo est le Maïs. Les « Palé » portent « des cultures de case » et le maraîchage. La patate y domine.

Constituant jadis la principale ressource vivrière, elle garde encore une réelle importance, malgré la concurrence de l'agriculture irriguée et la diminution de la superficie cultivable consécutive à la mise en eau des barrages.

2.1.2 La culture sous pluie

Elle est pratiquée dans le Diéri principalement mais ayant subi les effets de la sécheresse et la baisse continue de la pluviométrie. En outre, la plupart des villages enquêtés ont leurs champs de Diéri en Mauritanie dont les incidents de 1989 ont interdit l'exploitation transfrontalière. Ce qui explique que, les exploitants de l'île à Morphil ont adopté une stratégie efficace qui consiste à réduire cette activité sur les terres de Fondé, au niveau des dépressions où l'eau est longtemps retenue.

Cette nouvelle forme de Diéri est appelée « mballa »13(*), elle est complétée par d'autres stratégies comme : « Aboji » (plaine à forte pente), « Chaino » (plaine sableuse) ou « Houddou » (petit barrage pour stagner les eaux pluviales). Les champs de Diéri produisent surtout le sorgho blanc (fêla), le niébé et le mil (sounna)

2.2 L'agriculture moderne

L'irrigation s'est développée dans ce terroir durant la sécheresse des années 1970, qui a dévasté les cultures pluviales, fortement rétrécie les surfaces cultivables en décrue, éliminé une grande partie du cheptel et des ressources halieutiques. Les cultures irriguées sont alors pour les paysans de la zone la seule activité possible (Adams, 2000).

Les aménagements hydro agricoles se sont insérés dans l'espace des terroirs et des parcours traditionnels sans rupture brutale avec l'organisation sociale de la production. Longtemps resté modérée (1975), le rythme d'aménagement s'est presque complètement stagné au milieu des années 1990 dont trois formes se distinguent.

2.2.1 Les périmètres irrigués villageois (PIV)

Ce sont des aménagements sommaires, au coût de production peu élevé. Généralement d'initiative villageoise, ils sont réalisés et financés par la SAED avec l'appui de la mission Hollandaise et la participation de la main d'oeuvre villageoise notamment dans le défrichage. Les périmètres irrigués villageois se situent sur des terres de Walo que les villageois ont accepté de donner (photo 3).

PHOTO 2 : GMP en panne à Siwré PHOTO 3 : Pépinière de riz sur les PIV à Thioubalel

La superficie moyenne des PIV est d'environ 20 hectares (selon la SAED) et chaque « foyré » a droit à une parcelle dont la taille varie entre 20 ares et 40 ares selon les villages, Barangol est le seul village à disposer 40 ares.

Depuis 1984, une loi a transformé les PIV en GIE (groupement d'intérêt économique) pour permettre aux paysans d'avoir accès au crédit et la SAED de se désengager progressivement. Actuellement une centaine de GIE se dénombre dans le terroir avec une moyenne de trois GIE par villages. La riziculture occupe une place de choix sur ces PIV avec deux variétés : le sahel 108 (durée courte : 3 mois) et le saya ou sahel 222 (durée longue : 4 à 5 mois).

Le principal handicap de ces GIE est la panne des groupes motopompes ou un déficit d'intrants. (Photo 2).

2.2.2 Les jardins des Femmes

En marge des PIV, les femmes gèrent des jardins organisés sous la forme d'un groupement de promotion féminine (GPF). Tous les villages de l'île à Morphil enquêtés ont leurs jardins des femmes dont les parcelles qui tournent autour de 5 ares, sont attribuées uniquement aux femmes mariées.

Les rendements sont bons selon les exploitantes mais la commercialisation reste l'obstacle majeur. En fonction des possibilités des GPF, deux à trois campagnes s'effectuent : campagne hivernage (piment et arachide), campagne contre saison froide (piment, choux, carotte et oignons) et campagne contre saison chaude (piment, manioc et aubergines).

2.2.3 Les périmètres privés

Il s'agit d'aménagements conçus en dehors de toute structure administrative. Autrement dit, des individus détenteurs de droit foncier traditionnel aménagent eux mêmes leurs propres terres en ayant ou non recours à des crédits. La communauté rurale accorde l'affectation dans tous les cas. De nos enquêtes, il y'a huit aménagements de ces types dans le terroir.

Les cultures sont différentes de celles choisies dans les PIV avec un esprit d'innovation et d'expérimentation agronomique de leur part. L'arboriculture est très développée à Dioudé le GIE privé de Gory présente plus de 250 espèces d'arbres fruitiers. L'expérimentation de la culture du coton par le GIE privé « Mbamtaré hakkundé majjé », en partenariat avec la SODEFITEX à Dounguel a eu des résultats positifs, d'ailleurs des ingénieurs de cette société ont augmenté le planage du périmètre de 6 hectares. Actuellement beaucoup de familles s'organisent pour mettre en valeur leur terre sous cette nouvelle forme.

2.2.4 L'intervention de la SAED

La SAED (société d'aménagement des eaux du delta) est l'acteur principal de l'irrigation dans la vallée. Société créée depuis 1965 en remplacement de l'Organisation Autonome de la Vallée (OAV), elle est la promotrice des aménagements hydro-agricoles dans notre zone d'étude. Après plusieurs décennies d'intervention, les actions de la SAED perdent d'ampleur d'année en année à partir de 1984. La SAED intervient dans l'arrondissement de Cas-Cas en trois zone : zone Madina Ndiathbé - zone Cas-Cas et zone Thioubalel. Dans chaque zone, il existe un bureau de la SAED avec un chef de zone, un mécanicien, un intendant et quelques vulgarisateurs.

Actuellement, la SAED ne joue qu'un rôle d'appui - conseillé, notamment :

· Indiquer des fournisseurs agrées par l'Etat pour la vente de l'engrais subventionné,

· Appuyer dans la réhabilitation des PIV et la réparation des GMP (dont les GIE ne contribuent qu'à la hauteur de 10%),

· Donner des renseignements sur les semences et fixer le calendrier agricole.

Dans l'ensemble, les agriculteurs du terroir apprécient diversement cette intervention. Pour le GIE Dounguel 2, les paysans se félicitent de la contribution de la SAED pour une valeur de 1.000.000 FCFA dans la réparation du GMP, de même qu'à Mboumba l'extension des PIV a été fortement saluée alors que d'autres se plaignent toujours d'être rangés dans les oubliettes.

2.2 Méthodes culturales et productions agricole

2.3.1 Les méthodes culturales

A l'image de la subdivision du secteur agricole dans l'île à Morphil en deux parties entre agriculture moderne et agriculture traditionnelle, les méthodes culturales adoptent la même répartition.

Au niveau des cultures de décrue et pluviales, les outils utilisés remontent à des temps reculés et n'ont subi aucune modification : la hache (jambéré) sert à nettoyer les champs (écorchage, abattage des arbres etc.), le pieu plantoir (luugal) permet de faire des trous pour les semis alors que le houe (njidangu) sert pour le semis et le sarclage. Le travail des terres de Walo exige une collaboration et mobilise obligatoirement quatre personnes au moins :

- le « diabbowo » qui écrase le sol avec la houe,

- le « louhowo » le suit de prés et perce des trous avec le pieu plantoir,

- le « hawoowo » vient en troisième lieu pour semer les grains,

- le « béckowo » vient en dernier lieu avec un seau remplit de sable dont il recouvre les trous avec quelques poignées.

Les hommes effectuent, le travail le plus pénible (défrichement et sarclage), les femmes et les enfants s'occupent du semis direct et du gardiennage. Pour l'irrigation, des techniques modernes sont utilisées : elle est d'abord conditionnée par un GMP (de 20 chevaux) géré par un pompiste puis la préparation des pépinières et le repiquage mobilisent jeunes, adultes et femmes. Enfin, l'épandage d'engrais, des produits phytosanitaires et le suivi des rizières jusqu'à la récolte sont gérés par les membres du GIE. Dans l'ensemble, l'agriculture mobilise les paysans pendant toute l'année (Juillet à mi-Mai) et se fait grâce à une parfaite intégration des calendriers de culture de décrue, de Diéri et de l'irrigation (tableau 17 : le calendrier agricole), qui permet aux différents membres du foyré d'assurer leurs fonctions respectives.

Les cultures de Diéri mobilisent les paysans dés le début des pluies, de Juillet à Novembre et quand la crue commence à se retirer (Octobre à Novembre), ils ont déjà fait le sarclage et récolté le Diéri, ce qui laisse libre cours aux cultures de décrue (Octobre à Décembre). Toutefois, la culture irriguée (maraîchage et riziculture) apparaît comme le mode d'exploitation dominant, elle se pratique 12 mois sur 12 avec trois campagnes (Doungou, Daboundé et Tiédou) qui se succèdent dans certains villages : riz ou Maïs en hivernage, maraîchage en contre saison fraîche et riz en contre saison chaude.

Tableau 17 : Le calendrier agricole

MOIS

Juillet

Août

Sept

Octobr

Novembre

Décem

Janv.

Févr.

Mars

Avril

Mai

Juin

Spéculation

Activités agricoles

Culture de Diéri

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Mil, pastèque, niébé et fêla

Culture de décrue

Walo

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Sorgho et Mais

Pallé

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Patate

Irrigation

Campagne doungou

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Riz

Campagne daboundé

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Maïs

Campagne Tiédou

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Arachide et maraîchage

NB : campagne doungou : campagne hivernage, campagne daboundé : campagne contre saison froide, campagne Tiédou : campagne contre

Saison chaude

En gros, l'agriculture reste le moteur de la production paysanne et le chevauchement des différentes campagnes de culture exige de la part des producteurs un effort physique soutenu. La culture irriguée gagne du terrain au détriment des systèmes de culture de décrue qui sont devenus secondaires et la culture pluviale risque d'être enrayée.

2.3.2 La production agricole

Les principales productions de l'île à Morphil sont : le sorgho et le niébé dans le Walo, la patate et le Maïs dans les Pallé, le mil (sounna) dans le Diéri, le riz et la polyculture dans les PIV (photo 4 et 5).

PHOTO 4 : Production agricole dans les champs PHOTO 5 : Production maraîchère

Par ailleurs, la décision concernant la date de la récolte est prise en commun par les ménages du village, afin d'éviter que la récolte ne se fasse très tôt sur certains champs, laissant les autres devenir la proie des oiseaux et autres ravageurs.

Sur les 148 chefs de ménages qui pratiquent l'agriculture, seuls 114 ont été en mesure de fournir des informations sur leur production. Les autres ont estimé soit, leurs récoltes étaient insignifiantes, soit qu'ils n'ont rien récolté : « les sauterelles ont tout dévoré ». Le bilan céréalier révèle que le riz, pratiqué par tous les ménages, assure la part la plus importante de la production destinée à l'autoconsommation, ce qui confirme la place de l'irrigation au niveau du terroir. Les rendements varient entre 2 tonnes à l'hectare et 8 tonnes à l'hectare, selon les villages et la réussite de la campagne. Les cultures de décrue : maïs et patates restent toujours d'actualité (figure 3).

La répartition de la récolte est déséquilibrée mais nous constatons une relative autosuffisance céréalière que permettent l'irrigation et les cultures d'appoint en bonne campagne, mais son contraire peut provoquer le sinistre et la disette, si les populations ne disposent pas d'autres possibilités comme des transferts de fonds issus de l'émigration.

Figure 3 : Répartition de la production céréalière dans l'île à Morphil

III. L'EXPLOITATION DES RESSOURCES VEGETALES

Les ressources forestières sont d'usages multiples au niveau du terroir. Au premier niveau, elles constituent un facteur clé de l'élevage par la production du fourrage d'appoint. Au second plan, elles participent largement à l'approvisionnement alimentaire et vitaminique des populations rurales.

3.1 L'Elevage

Semi sédentaire car pratiqué en grande partie en association avec l'agriculture, l'élevage constitue sans nul doute la deuxième activité de l'économie rurale. Selon, le dernier Recensement National de l'Agriculture, il concerne 2.449 sur les 2.637 ménages ruraux agricoles de la Communauté Rurale de Madina Ndiathbé, soit une proportion de 93%.

Jadis, il s'intégrait harmonieusement avec l'agriculture de décrue dans les zones inondables du Walo. Le bétail pâturait dans les poches inoccupées, pendant la saison des cultures et dans les champs, une fois ceux-ci récoltés. Avec, le développement de l'agriculture irriguée, cette harmonie a été rompue et la part de l'espace pastoral s'est retrouvée fortement réduite dans le Walo. En outre, la baisse constante de la pluviométrie a entraîné l'appauvrissement progressif du potentiel fourrager du Diéri.

3.1.1 Les zones de concentration de l'élevage

Le système de l'élevage n'admet pas ici une occupation continue de l'espace, à la recherche de pâturage et l'eau, les points permanents de concentration pastorale sont :

· Les ouvertures sur le fleuve et le Doué (au niveau des Toufndé : rampes d'abreuvement) utilisées par le bétail pour accéder à l'eau et les couloirs qui y mènent.

· Les mares d'hivernage dont des centaines existent dans le terroir (leur durée varie entre 1 et 3 mois), ils n'assurent l'abreuvement du bétail que de Juillet à Novembre,

· Les forages dont 10 sont situés dans l'arrondissement, fortement concurrencés par les autres usages,

· Les parcs de vaccinations dont deux existent dans la zone (Cas-Cas et Thioubalel).

· Les forêts classées et naturelles restent des bastions de l'élevage avec plusieurs variétés de fourrages : Brachiara ramosa (paguiri), Bergia suffuticosa (nippéré), Tamarix senegalensis (belweldi), Tribubuc terrestris (toupéré)...

Hormis, les quelques poches exploitées en agriculture pluviale environ 3 mois sur 12, tout l'espace du Diéri constitue une vaste zone de pâturage naturel.

3.1.2 Les types d'élevage

Nous distinguons deux catégories d'élevage dans l'île à Morphil : l'élevage domestique et l'élevage de transhumance.

3.1.2.1 L'élevage domestique 

Il concerne surtout les ovins et caprins. La presque totalité des « Gallé » ont des enclos dans lesquels, nous pouvons compter une moyenne de 15 ovins et caprins. Cet élevage sert de caisse d'épargne et à faire face aux fêtes et cérémonies sociales. Toute la famille s'occupe de cette activité. Très facile à gérer en période de difficulté, ces ovins et caprins sont remis aux jeunes bergers qui les font paître toute la journée. L'élevage d'asins est aussi un fait remarquable dans le terroir où cet animal assure les fonctions de transport, surtout pendant les récoltes. En vue de développer ce petit élevage, un mélange de race est pratiqué depuis quelques temps, à l'instar de l'introduction de la chèvre « gouwayra », très productive ou du mélange de race entre « toi-bir et balli-balli »

3.1.2.2 L'élevage de transhumance 

Il concerne le groupe statuaire Peul qui est décomposé en deux sous groupes. Les uns sédentaires appelés « Foulbé Saré » ou « Foulbé Walo » et les autres « Fulbé Diéri » dont le village de résidence principal se trouve dans le Diéri. Dans la réalité tous les groupes Fulbés éleveur sont mobiles.

Cet élevage Peul concerne surtout les bovins. L'objectif de production est le lait et ses dérivés et non la viande. Dans ce système d'élevage : « la bête est un capital, le lait est la production » (Santoir, 1983)

Le mouvement Walo - Diéri (transhumance) suit la progression de la pluie et constitue une solution aux contraintes de fourrage. Le jééjégol est d'abord le point de chute, si les conditions ne s'améliorent pas, le berger prolonge jusqu'au Diéri lointain : Ranérou ou Ourossogui. Depuis, l'érection de Matam en région cette piste offre beaucoup de possibilités (louma, foirails, boucherie...) au détriment des anciennes pistes (Dahra, Labgar).

Ce secteur bénéficie des projets d'appui comme le PAPEL (Programme d'Appui à l'Elevage), le soutien du CORAD et le Féddé Aynabé (structure très dynamique dans la zone).

Il convient de signaler une nouvelle forme d'élevage intensive14(*) développée par la GPF de Cas-Cas qui consiste à l'embouche d'un veau en vue d'une haute productivité.

3.2 La valorisation des ressources forestières

Naturels ou plantés, locaux ou introduits, l'arbre et l'arbuste assurent des fonctions multiples et diversifiées au bénéfice des populations rurales et particulièrement celle de l'île à Morphil. L'exploitation forestière se fait à l'heure actuelle dans les forêts classées et ou naturelles autorisées par l'agent des Eaux et Forêts de l'arrondissement, moyennant une redevance.

L'exploitation du bois villageois est assez répandue dans la zone : les GPF et les GIE en sont les principaux acteurs, le « jardin Béllé » à Thioubalel fournit l'essentiel du bois d'oeuvre du village.

L'arbre présente un intérêt particulier pour les riverains du terroir. Il joue un rôle de production (bois, fourrage, aliments, gommes, produits pharmaceutiques) ou de structuration de l'espace rural (délimitation foncière).Il présente aussi une dimension économique (revenus, capitalisation) et sociale (arbre à palabres). Les pratiques les plus visibles demeurent :

· La consommation domestique : à travers la cueillette et le ramassage du produit de certaines espèces ligneuses en vue de l'alimentation. Plusieurs espèces sont domestiquées : Tamarindus indica, Balanites aegyptiaca, Adansonia digitata, Zizyphus mauritania

· Le bois de chauffe ou de construction : les mimosacées ubiquistes sont particulièrement utilisées dans le terroir pour leur charbon ou leur bois : Acacia raddiana, Acacia Seyal, Acacia Senegal, Acacia nilotica.

· L'exploitation du gommier est pratiquée par certaines femmes : une section anatomique est réalisée sur les rameaux qui produisent un matériau gommeux (gomme arabique) plus ou moins épais qui durcit progressivement au contact de l'air. La production débute en Novembre après l'arrêt des pluies et consécutivement à une chute brutale de l'humidité relative. (Mamadou Dione et al, 1998)

Par leur racines, écorces et feuilles, les arbres sont sollicités par la pharmacopée traditionnelle, aucune partie n'est épargnée15(*) (tableau 18).

Tableau 18 : Matrice de classification de quelques espèces végétales

Espèces / noms scientifiques

Noms en Puular

Parties utilisées

Usages

Racines

Troncs

Branches

Feuilles

Fruits

Ecorces

Domestiques

Pharmacopée

Autres

Adansonia digitata

Boki

 
 
 

+

+

+

+++

+

 

Eucalyptus

Kotoulbitel

 

+

+

+

 
 

+

+

+

Balanites aegyptiaca

Mourtodé

 
 

+

+

+

 

+++

 
 

Prosopis africana

Prosopis

 

+

+

 
 
 
 

++

+

Acacia albida

Tiasski

 

+

+

 

++

 

+++

++

 

Acacia nilotica

Gawdé

 
 

+

+

 
 

+++

++

 

Acacia raddiana

Thillouki

+

 
 
 

++

 

+++

++

 

Acacia senegal

Patouki

++

 
 
 
 

++

+++

+++

 

Acacia seyal

Boulbi

 
 
 

+

 

+

+++

+++

 

Bauhinia resfeacius

Namaji

+

 
 

+

+

 

+++

 
 

Piliostigma reticulatum

Barkédji

+

 
 

+

+

+

+++

+++

 

Tamarindus indica

Diamoulé

+

 
 

++

+++

+

+++

 
 

Azdirachta indica

Nim

 
 
 

+

+

+

 

++

+

Légende : + utilisation rare, ++ utilisation peu abondante, +++ utilisation abondante

Source : enquête terrain 2009

En somme, les possibilités d'approvisionnement en produits ligneux à partir des peuplements naturels s'épuisent d'autant plus que, l'Acacia nilotica, espèce la plus adaptée au cloisonnement de la plaine alluviale, du fait de sa localisation essentiellement dans les cuvettes et dépressions, demeure l'espèce la plus exposée aux conséquences de l'irrigation. Mais, l'intégration de l'arbre dans les systèmes de production hydro-agricoles sous forme de brise-vent (Eucalyptus, Prosopis ...) assure un double objectif de production de ligneux et de protection des cultures.

3.3 La commercialisation

Cette activité du secteur tertiaire occupe une bonne place dans l'économie rurale de l'arrondissement. Elle doit son importance à deux facteurs principaux : la route nationale (N2) où le siége des trois Communautés rurales se situe et la disponibilité des produits agricoles, forestiers, pastoraux, halieutiques dans le milieu.

Une grande mobilité des personnes et des biens se développe dans ce terroir suivant une double orientation : d'une part, les villages du « jééjégol » (Mboumba, Aéré lao et Madina Ndiathbé) situé sur le goudron (nationale 2) exercent leurs activités commerciales sur les axes routiers en relation avec les villages du Diéri. D'autre part, ceux de l'île à Morphil très enclavés et caractérisés par l'inaccessibilité (en voiture) pendant deux mois de l'année, ont une orientation commerciale vers la Mauritanie. Une véritable dynamique transfrontalière (relations quotidiennes d'échanges) se réalise entre les villages de l'île à Morphil respectivement : Boki - Wallaldé - Dioudé avec ceux de l'autre rive : Boghé - Wothie - Bababé.

Bien que, tous les gros villages disposent des marchés quotidiens, les « dougguéré » (marché hebdomadaire) sont de véritable lieu d'échanges et d'interrelation spatiale (Diéri, Walo et Mauritanie). En effet trois « dougguéré » se déroulent dans l'arrondissement et permettent aux différentes populations d'écouler leurs produits par troc ou en espèce : les Wolofs en provenance de Dagana ou Richard Toll vendent des produits vestimentaires, les Maures de Bababé ou Boghé achètent du riz en gros, puis les Peuls et Halpular de l'île à Morphil vendent des produits agricoles et pastoraux. A ce titre, le chef lieu de la communauté rurale de Madina Ndiathbé exerce un attrait impressionnant sur les villages environnants (figure 4 : diagramme de polarisation).

Depuis l'arrêt de la commercialisation du riz par la SAED, ce marché hebdomadaire gagne de l'ampleur.

FIGURE 4 : Diagramme de polarisation Wallaldé

Weldé béye Hothiéré

. Wothie

Saré-Souki

Madina Ndiathbé

Cas-Cas

Wala Bababé

Dounguel

Dioudé

Barangol

Thioubalel

LEGENDE

Chef lieu de CR Madina Ndiathbé

Villages environnants

Soins médicaux

Produits forestiers

Produits halieutiques

Produits agricoles et pastoraux

Produits Manufacturé

*

* *

L'exploitation des ressources naturelles assure la couverture de l'essentiel des besoins des populations et dans l'arrondissement, elle occupe une place centrale dans le fonctionnement du terroir. Les systèmes de production des agricultures, pécheurs et pasteurs s'articulent entre eux et forment ensemble la mise en valeur de l'île à Morphil. Car « l'écologie de la vallée du fleuve Sénégal a étroitement conditionné les systèmes traditionnels » (Boutillier, 1962).

Cependant, cette exploitation est marquée par un déséquilibre entre un secteur traditionnel en léthargie (agriculture traditionnelle, élevage, pêche, et exploitation forestière) et un secteur moderne (irrigation) orienté vers les aménagements hydro agricoles.

La manière dont ces ressources sont utilisées aboutit à un processus de dégradation.

* 13 _ Mballa : technique de collecte des eaux pluviales qui augmentent l'infiltration de l'eau ainsi que son stockage dans le sol.

* 14 _ Le GPF met à la disposition d'un groupe de trois femmes un veau dont elles vont se charger de l'entretien jusqu'à la maturité, ensuite le bénéficie est partagé entre ces membres et le groupement

* 15 _ Pour l'Acacia nilotica par exemple : les feuilles et le jeunes rameaux sont donnés en fourrage aux animaux, l'écorce est profondément crevassée pour exsuder une gomme rougeâtre utilisée en teinturerie. Les gousses sont employées dans le tannage des peaux. Le bois est fortement utilisé dans la construction et comme charbon de bois. Ses feuilles soignent la dysenterie.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry