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La clause de non concurrence en droit du travail sénégalais

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par Ernest Aly THIAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2009
  

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Section2 : le sort des clauses de non-concurrence irrégulières

Dans un contrat de travail, une clause de non-concurrence peut être irrégulière soit parce qu'elle ne respecte pas les conditions de validité dégagées par le législateur, soit parce qu'elle ne respecte pas celles imposées par la jurisprudence ou la convention collective applicable.

La sanction du non respect des conditions de validité d'une clause de non-concurrence résidera le plus souvent dans l'annulation de la clause illicite (parag 1) mais cette solution n'est pas toujours vraie, notamment en droit du travail où le juge se livrera souvent à une révision de la clause de non-concurrence (parag2).

Paragraphe1 : la nullité relative des clauses irrégulières

Les clauses de non-concurrence irrégulières pour non respect des conditions de validité sont en principe annulées. Il s'agit d'une nullité relative qui connait des tempéraments(A). La nullité de telles clauses lorsqu'elle est prononcée, produit un certain nombre d'effets(B).

A : différentes limites à l'annulation des clauses irrégulières

L'établissement des conditions de validité des clauses de non-concurrence n'est pas une pure fantaisie du législateur sénégalais. La validité d'une clause d'interdiction de concurrence est donc subordonnée au respect de ces conditions de validité.

Lorsqu'une clause de non-concurrence ne respecte pas les conditions nécessaires à sa validité elle est susceptible d'annulation en application du droit commun des contrats. Et comme en règle générale la clause de non-concurrence n'a pas été la cause impulsive et déterminante de la convention dont elle est l'accessoire, la nullité de la clause n'entraine pas celle de la convention principale.

En effet, l'employeur qui invoque la clause de non-concurrence inscrite dans le contrat de travail pour le protéger de la concurrence de son ancien salarié, peut alors se voir opposer la non-validité de cette disposition conventionnelle. Pour se libérer d'une obligation de non-concurrence trop contraignante, l'ancien salarié peut en demander l'annulation pour défaut du respect d'une condition de validité à savoir, outre les conditions de droit commun, le caractère limité de la clause.

Une clause de non-concurrence, pour être valable, doit déterminer avec précision les limites de l'interdiction de concurrence qu'elle met à la charge du salarié, celui-ci ne devant pas subir une atteinte trop grave à sa liberté du travail et devant, en tout état de cause, conserver la possibilité d'exercer son activité professionnelle. Toute clause de non-concurrence peut être remise en cause parce qu'établissant un engagement excessif ou trop imprécis. Il faut toutefois constater que l'annulation des clauses irrégulières est souvent écartée dans des cas relativement nombreux et pour des raisons assez différentes

Une première raison tient à la rédaction même des conventions collectives. Celles-ci ne font pas toujours des exigences qu'elles formulent des conditions de validité de la clause. Aussi, une convention collective peut-elle prévoir qu'à défaut de mention contractuelle relative à l'indemnité compensatrice, le salarié aura droit à une indemnité compensatrice fixée par la convention collective elle même. La rédaction incomplète de la clause contractuelle de non-concurrence ne donnera pas lieu à l'annulation de l'obligation de non concurrence ; par application de la convention collective, les juges donneront à la clause toute sa portée en imposant à l'employeur le paiement d'une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui qui est fixé par la convention collective. D'autres conventions collectives contiennent des clauses, qui font clairement de l'existence d'une indemnité pécuniaire, prévue par le contrat de travail, une condition de validité de l'obligation de non concurrence.

Une seconde raison tient à la tendance qu'ont les juges à valider partiellement des clauses qui sont en principe illicites, lorsque le salarié a violé rapidement et manifestement l'obligation de non-concurrence qu'il avait contractuellement acceptée. Cette jurisprudence se manifeste lorsque la clause de non-concurrence est trop étendue dans l'espace, dans le temps, ou quant aux activités prohibées. Au lieu d'annuler la clause de non-concurrence, les juges préfèrent sanctionner le salarié qui n'a pas tenu aucun compte de l'engagement contracté, en faisant concurrence à son ancien employeur, très peu de temps après la rupture du contrat de travail, et dans un lieu proche de celui où il travaillait antérieurement. A cet égard, la cour de

cassation dans un arrêt de 1972 a estimé : « une clause qui, abstraitement, pourrait être considérée comme nulle, parce qu'elle aurait pu aboutir à interdire au salarié l'exercice de sa profession, n'en devra pas moins recevoir application, lorsqu'il est constaté que, concrètement le salarié s'est réinstallé immédiatement à son compte dans un lieu proche de celui où il travaillait et a eu une activité concurrentielle effective au détriment de son ancien employeur ou est passé directement au service d'une entreprise concurrente. »15(*)

Ainsi une clause de non-rétablissement dans un rayon donné qui pourrait être tenue pour excessive, compte tenu de la nature de l'activité concentrée dans un espace restreint, doit recevoir application dés lors que le salarié a repris une activité concurrente à proximité de l'établissement de l'ancien employeur.

Enfin, une troisième raison limite les cas d'annulation. Seuls les salariés, débiteurs de l'obligation de non concurrence, peuvent utilement solliciter l'annulation de cette clause puisqu'elle est instituée seulement dans son intérêt. La nullité « instituée seulement dans l'intérêt du salarié », a un caractère relatif, seul le salarié peut donc invoquer la nullité d'une clause de non-concurrence portant atteinte à la liberté du travail. Cette clause est nulle en principe et si le salarié obtient l'annulation de la clause, il retrouve sa liberté : sa clause est entièrement anéantie pour l'avenir, dans son intégralité, et ne peut plus produire aucun effet.

Cependant, il y'a lieu de noter que les employeurs ne sont pas recevables à invoquer devant les juges la nullité de la clause de non-concurrence pour échapper aux conséquences pécuniaires de l'interdiction de rétablissement .C'est ainsi que la cour de cassation, dans une décision a estimé que : « le salarié ne s'étant pas prévalu de la nullité éventuelle, instaurée à son seul profit de la clause de non-concurrence, l'employeur n'était pas recevable à le faire dans le but d'échapper aux conséquences pécuniaires de l'interdiction imposée par lui au salarié. »16(*)

En déclarant irrecevable la demande en nullité formée par l'employeur, la jurisprudence tend à détourner l'employeur d'une tentation à laquelle il pourrait succomber et vient s'inscrire parfaitement dans l'évolution contemporaine de la théorie des nullités.

Permettre à l'employeur d'invoquer la nullité de la clause de non-concurrence parce que trop attentatoire à la liberté du travail ouvrirait la possibilité pour l'employeur de stipuler une C.N.C qui ne serait pas conforme aux exigences de la législation relativement aux conditions de validité de ces clauses ou qui ne respecterait les dispositions du droit conventionnel à cet

égard mais qui jouerait cependant un rôle dissuasif au regard d'un éventuel projet d'activité concurrentielle que pourrait envisager le salarié pour l'après-contrat, tout en laissant à l'employeur la faculté d'échapper au paiement de l'indemnité de non-concurrence en demandant et en obtenant l'annulation de la clause de non-concurrence par définition illicite.

Il faut aussi replacer cette jurisprudence française, concernant la sanction des conditions de validité de la clause de non-concurrence accessoire à un contrat de travail et lui donnant quant à sa mise en oeuvre le caractère d'une nullité relative, dans le cadre d'une solution plus générale applicable à l'ensemble de la réglementation du travail au regard de laquelle « la violation des règles établies dans l'intérêt des travailleurs n'est sanctionnée par la nullité que lorsqu'elle nuit aux intérêts de ceux-ci ».17(*)

Enfin, on peut observer que cette jurisprudence française vient illustrer et conforter l'évolution contemporaine de la théorie des nullités. Le fait qu'une convention ait un objet contraire à l'ordre public, ce qui est le cas lorsqu'une clause de non-concurrence détermine une atteinte excessive à la liberté du travail, ne conduit plus nécessairement aujourd'hui à admettre que la sanction encourue soit la nullité absolue. Une distinction est généralement effectuée entre l'ordre public de direction et l'ordre public de protection dont les règles « ne justifient qu'une action en nullité relative dont l'exercice doit être réservé à celle des parties que le législateur a voulu protéger ». Il est donc posé un principe de portée générale  selon lequel «une règle posée dans l'intérêt de l'une des parties ne peut autoriser l'autre à s'en prévaloir pour obtenir l'annulation d'un contrat »18(*).

Établie pour protéger les salariés contre les atteintes à la liberté du travail, la nullité est, comme les autres nullités de protection, une nullité relative. Si un salarié tenu par une obligation de non-concurrence illicite préfère exécuter cette obligation pour percevoir l'indemnité compensatrice (qui dans certains cas est très importante), l'employeur ne peut pas faire échec à la volonté du salarié, dans la mesure, du moins, où il n'a pas renoncé en temps utile et dans les formes convenues au bénéfice de la clause ; il sera condamné à payer l'indemnité compensatrice.

En effet, il s'avère intéressant de préciser que la nullité de la clause de non-concurrence, n'interdit pas à l'ancien employeur de poursuivre son ancien salarié (et/ou l'entreprise qu'il aurait fondée) dés lors qu'il démontre que ce dernier s'est livré à des actes de concurrence déloyale à son égard.

Lorsque la clause de non-concurrence est annulée pour cause d'irrégularité, cette annulation est susceptible de produire un certain nombre d'effet tant à l'égard du salarié mais aussi tant à l'égard de l'employeur. Autrement dit, l'annulation d'une clause de non-concurrence pour non respect des conditions de validité n'est pas sans effet sur la situation des parties au contrat. (B)

B : les effets de l'annulation des clauses irrégulières

L'annulation d'une clause de non-concurrence pour non respect des conditions de validité n'est pas sans conséquence sur la situation des parties au contrat. En d'autres termes, une telle annulation produit des effets tant à l'égard du salarié qu'à l'égard de l'employeur. Il convient de ce fait de rappeler que seul le salarié est admis à demander la nullité de la clause de non-concurrence dans la mesure où il s'agit d'une nullité de protection c'est-à-dire une nullité relative.

Dans l'hypothèse où le salarié décide de solliciter l'annulation de la clause de non- concurrence irrégulière, la décision d'annulation, dans les cas où elle intervient, entraine-t-elle la disparition rétroactive de l'obligation de non-concurrence et de verser au salarié une indemnité compensatrice si celle-ci est prévue par le contrat de travail ou par la convention collective ? A cette question posée, la cour d'appel d'AIX-en Provence dans un arrêt rendu le 10 mai 1989 avait répondu à la question posée de manière claire et sans ambigüité.

En l'espèce, un salarié poursuivi pour violation d'une C.N.C assortie d'une indemnité de non-concurrence, forma une demande reconventionnelle en nullité de cette clause pour défaut de limitation dans l'espace. Ayant obtenu gain de cause, le salarié, invoquant la jurisprudence rapportée ci-dessus et selon laquelle seul le salarié peut agir en nullité en la circonstance, prétendait en outre que l'employeur, n'étant pas recevable à se prévaloir de la nullité de la clause de non-concurrence, ne pouvait obtenir la restitution du versement de la première tranche de l'indemnité de non-concurrence qui avait été déjà effectué, ni être libéré de l'obligation de verser la deuxième tranche de cette indemnité.

La cour d'appel a refusé de suivre cette argumentation en jugeant que « dans la mesure où le salarié a revendiqué avec succès la nullité de la clause de non-concurrence, ladite nullité doit être appliquée dans toutes ses conséquences, et les choses doivent être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la constatation de ladite nullité »19(*) et qu'en conséquence, il devait être procédé à la restitution de la fraction de l'indemnité compensatrice déjà perçue et il ne pouvait être prétendu au paiement de la deuxième tranche. Le salarié avait été, pour ce motif condamné à rembourser à l'employeur la partie de l'indemnité compensatrice qu'il avait déjà perçue.

Une jurisprudence récente de la chambre sociale, sur la même question avait retenu la solution opposée ; elle considère que « la clause de non-concurrence s'est effectivement appliquée avant que la nullité n'en soit judiciairement constatée et elle en déduit que l'employeur n'était pas fondé à solliciter la restitution des sommes versées au titre de la contrepartie financière de l'obligation qui avait été respectée »20(*)

Il convient donc, d'un point de vue pratique, de distinguer deux situations :

ü dans un premier cas, le salarié n'a pas tenu compte d'une clause de non-concurrence dont les conditions de validité n'étaient pas réunies :

si les juges, dans cette hypothèse, décident de prononcer non pas une simple révision de la clause mais la nullité de celle-ci, le salarié ne sera pas condamné pour violation de l'obligation de non-concurrence, mais il ne pourra pas conserver l'indemnité compensatrice qui lui aurait éventuellement été versée avant la décision d'annulation et dans un arrêt rendu, la cour de cassation approuve les juges du fond d'avoir refusé d'ordonner la restitution de la contrepartie financière, au motif que l'employeur n'avait pas démontré que le salarié avait violé la clause litigieuse pendant les deux années durant lesquelles elle s'était effectivement appliquée. Si l'employeur avait rapporté la preuve de la violation de l'obligation de non concurrence par le salarié, il aurait au contraire obtenu le remboursement des sommes versées au titre de la contrepartie financière.

ü dans le second cas, le salarié a respecté l'obligation de non concurrence tant que celle-ci n'a pas été annulée :

Il peut alors conserver les sommes qui ont été payées par l'employeur en exécution de la clause de non-concurrence avant la décision d'annulation. L'annulation n'a pas dans cette hypothèse un effet rétroactif.

Cependant, il y a lieu de souligner que lorsqu'un employeur impose à un salarié une clause de non-concurrence qui ne remplit pas les conditions nécessaires à sa validité en interdisant à son débiteur de continuer à exercer son activité professionnelle, la jurisprudence, indépendamment d'une éventuelle annulation, considère parfois que le salarié peut obtenir réparation du préjudice que lui cause la clause de non-concurrence illicite.

En ce sens, la C.cass a approuvé des juges du fond qui, sans avoir à se prononcer sur la nullité d'une clause de non-concurrence qui n'était pas demandée par le salarié, avaient estimé que cette clause était illicite et que son application avait causé un préjudice au salarié en lui empêchant de trouver un emploi correspondant à son expérience professionnelle.21(*)

Il a été de même octroyé des dommages-intérêts à un salarié parce que l'application d'une clause de non-concurrence ne lui avait pas permis, en raison de son étendue, de trouver un emploi dans le cadre de sa qualification professionnelle, une telle situation étant génératrice pour lui d'un préjudice dont il était fondé à demander réparation.22(*)

Par ailleurs, la jurisprudence française, face à une clause irrégulière, tranche aujourd'hui en faveur d'une position médiane en prenant en compte la protection de l'intérêt légitime de l'employeur. Elle s'efforce d'éviter de prononcer la nullité d'une clause excessive ne la réduisant à de plus juste limites. Il s'agit donc d'une révision réduction. Autrement dit, nonobstant le fait que les clauses de non-concurrence sont parfois irrégulières, les juges lorsqu'ils sont saisis, dans certains cas, ne prononcent pas la nullité, ils décident simplement de les réviser. (parag2)

* 15 _ Cass soc 18 oct. 1972, précité

* 16 _ Cass soc, 16 avril 1991, n°88- 40 -557

* 17 _ Soc.12 févr. 1975, Bull.civ. V, n°68, (rendu à propos d'un litige relatif au paiement d'une indemnité de clientèle)

* 18 _ J.GHESTIN Traité de droit civil, tome2,le contrat, n°778,L.G.D.J.,1988, 2e éd.

* 19 _ CA AIX en PROVENCE 10 mai 1989 RJS3/1990 N°202

* 20 _ Cass soc, 28 oct. 1997 SA GENERAL ELECTRIC cgr, Dr social 1998.78 obs., G.COUTURIER

* 21 _ Soc. 10 janv. 1985 I.R. 476

* 22 _ Versailles, 11 juill. 1986 , D.1987, Somm.268

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein