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La clause de non concurrence en droit du travail sénégalais

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par Ernest Aly THIAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2009
  

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CHAPITRE PREMIER: LA LICEITE DES CLAUSES DE NON-CONCURRENCE

L'existence des clauses de non-concurrence insérées dans les contrats de travail nourrit de nos jours un contentieux fleuve. Le salarié s'interdit d'exercer, dans certaines limites de temps et de lieu, une activité professionnelle déterminée, pour son compte ou pour le compte d'un tiers, susceptible de faire concurrence à son employeur.

En effet, la clause de non-concurrence est particulièrement redoutable en période de crise de l'emploi, puisqu'elle réduit les chances de retrouver un emploi dans le même secteur d'activité, au-delà de la concurrence déloyale. Du coté de l'entreprise, elle est souvent une nécessité, compte tenu du savoir faire acquis, face à une concurrence vive.

Ainsi, la clause de non concurrence semble difficilement compatible avec le respect de la liberté du travail. L'existence donc de ce principe fondamental de la liberté du travail et de cela de la libre concurrence ne fait pas complètement échec à la licéité des clauses de non-concurrence.

Aussi, le législateur sénégalais face à ces deux intérêts contradictoires a-t-il tenté de les concilier en assujettissant la validité ou plutôt l'efficacité des clauses de non-concurrence à des conditions (section1), et dont le non respect à des impacts sur le sort des clauses de non concurrence irrégulières. (section2)

Section1 : les conditions de validité des clauses de non concurrence

En droit du travail sénégalais, le législateur a affirmé la licéité des clauses de non concurrence insérées dans les contrats de travail. Ainsi pour être valable, une clause de non-concurrence doit se conformer aux conditions de validité dégagées par le législateur (parag1), sans pour autant ignorer les conditions jurisprudentielles de validité (parag2).

Paragraphe 1 : les conditions légales de validité des clauses de non concurrence

Aux termes des dispositions de l'article L35 du code du travail sénégalais, une clause de non-concurrence, pour être valable, doit être limitée dans le temps et dans l'espace(A), et laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre c'est-à-dire que l'interdiction ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur (B).

A : une limitation de la clause dans le temps et dans l'espace

« La liberté de faire le commerce ou d'exercer une industrie ne peut être restreinte par des conventions particulières que si ces conventions n'impliquent pas une interdiction générale et absolue, c'est-à-dire illimitée tout à la fois quant au temps et au lieu... ».

Le principe de limitation des clauses de non-concurrence ainsi formulé en 1900,4(*) a, depuis, été maintenu, tout en étant précisé et affiné. En s'inspirant de cette jurisprudence dégagée, les législateurs africains ont pendant longtemps affirmé que pour être valable, la clause de non-concurrence doit être limitée dans le temps et dans l'espace.

Cette limitation de la clause dans le temps et dans l'espace a connu une évolution en droit du travail sénégalais. En effet, l'ancien code du travail prévoyait que l'interdiction de concurrence ne pouvait dépasser deux ans et ne pouvait s'appliquer que dans un rayon de deux cent kilomètres autour du lieu de travail.5(*)

Cependant, avec l'entrée en vigueur du nouveau code du travail, le législateur sénégalais, à travers les dispositions de l'article L35 al3 dispose que : « l'interdiction de non-concurrence ne peut dépasser un an et ne peut s'appliquer que dans un rayon de 50 kilomètres autour du lieu de travail. » 6(*)

A cet effet, il y'a lieu de reconnaitre que la réduction du temps et du lieu au-delà desquels il est interdit au salarié d'exercer une activité concurrentielle, tend à protéger la liberté du travail de ce dernier. Autrement dit, le nouveau code du travail améliore la situation des travailleurs soumis à la clause de non-concurrence, laquelle est limitée dans l'espace à 50 kilomètres et dans le temps à 1 an. L'intention du législateur semble être ici de concilier les intérêts contradictoires du salarié et de l'employeur.

La limitation de la clause dans le temps et dans l'espace varie en effet d'une législation à une autre. En guise d'exemple, on peut noter que le législateur gabonais dispose en matière de clause de non concurrence que : «  l'interdiction de concurrence ne peut dépasser trois mois et ne peut s'appliquer que dans un rayon de cent kilomètres. »

Il va s'en dire que la limitation légale de la clause de non concurrence au Gabon (3mois) prive pratiquement celle-ci de toute utilité.

La clause de non-concurrence, limitée à un an, ce délai doit certainement courir à compter du jour de la rupture du contrat et du départ effectif du salarié de l'entreprise. Ceci étant, la limitation temporelle vise à fixer la période pendant laquelle le salarié ne pourra avoir d'activité concurrente, tandis que celle dans l'espace a vocation à déterminer la zone territoriale où toute activité concurrente est interdite. Le champ géographique peut donc se limiter à la commune, au département, à la région en fonction du rayon d'activité de l'entreprise. Attention, elle ne peut avoir pour effet d'empêcher le salarié de retrouver une activité professionnelle.

En effet, la cour de cassation française dans un arrêt du 26 MARS 1928 a toujours jugé que : « l'obligation de non concurrence ne pouvait pas avoir une portée générale et absolue : elle ne pouvait pas être à la fois illimitée dans le temps et dans l'espace »7(*). Elle précise à cet effet, qu'il convient d'assimiler à une clause illimitée dans le temps et dans l'espace, «  la clause d'une durée limitée lorsque le contrat prévoit que l'employeur peut unilatéralement prolonger la durée prévue dans le contrat ». La limitation dans le temps et dans l'espace doit présenter une certaine fixité. L'employeur ne peut se réserver la possibilité d'étendre à son gré la portée de la clause de non-concurrence dans le temps et dans l'espace.

De ce qui précède, il convient de retenir qu'une clause de non-concurrence qui ne fixerait donc pas de durée à l'interdiction de concurrence établie, serait entachée d'irrégularité.

Un engagement restrictif de concurrence doit résulter de la clause, non une suppression définitive de la liberté de travail du salarié, débiteur de non-concurrence. L'engagement restrictif de concurrence doit être temporaire. Aussi une clause dont le libellé ne permet pas de délimiter la zone géographique à l'intérieur de laquelle l'engagement restrictif de concurrence joue, ne peut être tenue pour valable. Elle établit une interdiction générale que rien ne justifie au regard de la liberté d'entreprise du salarié.

Par ailleurs, en droit du travail, de nombreuses conventions collectives contiennent des clauses déterminant quelle peut être la durée maximale d'une obligation de non concurrence. La plupart de ces conventions fixent cette durée à une année. De ce fait, lorsqu'une de ces conventions collectives est applicable, les cocontractants peuvent évidemment conclure une clause de non-concurrence d'une durée plus courte que celle fixée par la convention. 

En revanche, s'ils insèrent dans le contrat de travail une obligation de non-concurrence qui dépasse la durée maximale conventionnelle, les dispositions de la convention collective seront substituées à celles du contrat individuel de travail. Dans toutes les entreprises qui entrent dans le champ d'application de telles conventions collectives, les cocontractants sont liés par ces dispositions.

La limitation de l'obligation de non-concurrence dans l'espace est envisagée plus rarement par les conventions collectives. Certaines précisent cependant que l'interdiction de travail concernera « une zone territoriale limitée avec précision par référence à la zone géographique dans laquelle s'exerçait l'activité de l'intéressé ». Dans tous les cas où une convention collective ou un accord collectif ne détermine pas quelles sont les limites de durée et d'espace de l'obligation de non concurrence, il appartient au juge, en l'absence de tout texte législatif ou réglementaire, de faire la distinction entre les clauses licites et illicites. La législation sénégalaise en droit du travail ne donne pas au juge cette opportunité dans la mesure où de telles limites ont été prévues dans le code du travail.

Aussi, la durée et le champ d'application géographique d'une clause de non concurrence ne sont-ils pas, à eux seuls, des critères déterminants pour apprécier la licéité de celle-ci, lorsqu'un texte conventionnel n'impose pas de règle précise à ce sujet. Certes, une obligation de non-concurrence portant sur une activité déterminée sera déclarée illicite si elle est illimitée dans le temps et dans l'espace. En outre, si on s'en tient à la lettre du texte de l'article L 35 du code du travail sénégalais, la limitation de la clause dans le temps et dans l'espace est exigée conjointement et non alternativement.

Mais, une obligation de non-concurrence peut être déclarée licite, alors même qu'elle a un champ d'application très étendu, si elle n'interdit pas au salarié d'exercer une activité professionnelle correspondant à sa formation. En revanche, une interdiction de faire concurrence limitée à 1an peut être annulée au motif que son application sur l'ensemble du territoire sénégalais oblige un salarié à s'expatrier pour retrouver un emploi conforme à sa formation et aux connaissances qu'il a acquises.

En référence à la jurisprudence française sur la question, on note que certaines décisions ont annoncé une évolution en se montrant plus respectueuse de la liberté du travail. Selon ces décisions, une clause de non-concurrence doit être géographiquement restreinte aux lieux dans lesquels le salarié peut faire une concurrence réelle à l'employeur étant donné la nature de l'entreprise et son rayon d'action, et la zone prohibée doit être d'autant plus limitée que l'interdiction atteint avec plus de rigueur le salarié dans l'activité spécifique qui est la sienne.

La jurisprudence sénégalaise, quant à elle, considère que, « même si l'activité du travailleur s'exerce en grande partie en dehors du lieu de son affectation principale, l'application territoriale de la clause de non-concurrence doit être limitée à un rayon de 200 kilomètres autour du lieu d'affectation principale »8(*).

Le caractère limité de l'engagement de non-concurrence, nécessaire à sa validité, s'apprécie aussi au niveau de l'activité prohibée. L'interdiction de non-concurrence ne peut alors porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur. (B)

B : une interdiction portant sur une activité de nature concurrentielle

Le droit du travail ne saurait rester une notion purement abstraite, ce n'est jamais à un travailleur non spécialisé qu'on impose une clause de non-concurrence. Le souci légitime de l'employeur est de se garantir contre le passage au service d'un concurrent d'un salarié qui, soit en raison de la technicité qu'il a acquise ou confirmée, soit en raison de ses rapports qu'il a établis avec la clientèle, représente une certaine « valeur ».

Ainsi, le législateur sénégalais, aux termes de l'article L 35 dispose : « l'interdiction ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur. » Autrement dit, pour être valable, la clause de non-concurrence doit avoir pour objet d'interdire au salarié d'exercer une activité qui pourrait directement ou indirectement concurrencer son employeur. L'interdiction de concurrence peut concerner donc aussi bien l'établissement du salarié dans une activité concurrentielle pour son propre compte que l'embauchage au service d'une entreprise concurrente.

En droit du travail sénégalais, il y'a lieu de noter que la clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de travail a un effet limité dans la mesure où le salarié, à la fin du contrat de travail, peut directement sous réserve de quelques exceptions concurrencer son ancien employeur. A cet égard, en l'absence d'une activité de nature concurrentielle susceptible d'être exercée par le salarié, la clause non-concurrence ne pourrait pas s'imposer à ce dernier même si la rupture résulte de son initiative ou d'une faute lourde qui lui est imputable.

La définition de l'activité commerciale est, sans aucun doute, celle retenue par le droit commercial c'est-à-dire celle qui s'adresse à la même clientèle pour lui offrir les mêmes services ou les mêmes biens.

L'expression même d'obligation de non-concurrence indique la nature de la prestation due par le débiteur de non-concurrence. Ce dernier est tenu d'une obligation de ne pas faire, de l'obligation de s'abstenir de concurrencer le créancier de non concurrence.

Il ne suffit pas cependant de dire que le débiteur doit une abstention de concurrence. On doit chercher quel est le contenu exact de cette prestation de non-concurrence.

L'activité interdite au débiteur de non-concurrence ne l'étant pas en raison du caractère déloyal qu'elle pourrait présenter, mais en raison de la concurrence qu'elle détermine, il convient de connaitre avec précision la portée d'une interdiction visant des actes licites en eux-mêmes. Il s'agit à cet effet d'examiner le contenu de la prestation de non-concurrence quant à son objet proprement dit, c'est-à-dire l'interdiction d'exercer telle ou telle activité professionnelle.

Au demeurant, si l'objet de la clause de non concurrence est d'interdire au salarié, d'exercer après la résiliation de son contrat de travail certaines activités susceptibles de nuire à l'entreprise, encore faut-il que celui-ci ait acquis une connaissance suffisante des secrets de l'entreprise à des divulgations éventuellement utilisables par une entreprise concurrente. Il est donc normalement exigé qu'un travailleur ait exercer des fonctions impliquant une possibilité ultérieure de concurrence pour que l'exercice d'une activité concurrente puisse lui être interdit après son départ de l'entreprise. C'est dans cette perspective qu'il a été jugé que violait une clause de non-concurrence un employé technique qui avait repris des fonctions commerciales au service d'une entreprise concurrente parce que les expériences et connaissances qu'il avait acquises chez son ancien employeur présentaient un intérêt pour le nouvel employeur et justifiaient l'interdiction de leur transmission. Ainsi une interdiction de non-concurrence est suffisamment légitimée par toute possibilité de développement de concurrence du chef d'un ancien salarié après son départ de l'entreprise.

Pour être valable, une clause de non-concurrence doit alors laisser au salarié non seulement la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre, mais aussi la possibilité de retrouver un emploi conforme à sa qualification professionnelle. Le salarié doit donc pouvoir exercer le métier pour lequel il est qualifié, sans mettre en danger l'activité de l'entreprise.

La détermination de la nature de l'activité professionnelle interdite au débiteur de non-concurrence est parfois susceptible de poser quelques difficultés.

Elle est souvent l'oeuvre de la volonté des parties qui rédigent une clause de non-concurrence ; clause donnant naissance à l'obligation de non-concurrence ou venant préciser le contenu d'une obligation de non-concurrence de plein droit.

Cette détermination (surtout en droit français) est aussi parfois réalisée par la convention collective de travail qui réglemente la clause de non-concurrence dans une branche d'activité déterminée ou encore par les ordres professionnels qui rédigent les contrats-types utilisés par les membres de la profession considérée.

De ce qui précède, on se rend compte qu'une étude de la rédaction des clauses de non-concurrence fait apparaitre que deux méthodes sont essentiellement employées par les contractants pour déterminer l'activité professionnelle interdite au débiteur de non-concurrence. Celle-ci est soit désignée nommément dans le texte de la clause, soit déterminée indirectement par référence à l'activité du créancier de non-concurrence.

Selon le professeur Y. Serra, la frontière est souvent difficile à tracer entre les modes d'exercice de l'activité professionnelle permis et ceux qui sont prohibés au débiteur de non-concurrence. Corrélativement, lorsqu'en présence d'un contrat imposant une obligation de non-concurrence de plein droit à la charge de l'une des parties aucune clause de non-concurrence n'est venue préciser l'activité professionnelle interdite au débiteur de non-concurrence ou lorsque les parties en rédigeant une clause de non-concurrence ont stipulé une interdiction de concurrence par rapport à une activité « de même nature » ou « similaire », il appartient au tribunaux, en cas de difficulté, de préciser la nature de l'activité professionnelle interdite.

Dans le même ordre d'idée, un salarié avait souscrit une clause de non-concurrence par laquelle il s'engageait à ne pas « accepter un emploi similaire » dans une entreprise concurrente et après la rupture du contrat de travail, il avait, dans le temps et le lieu prohibés, créé une entreprise concurrente qu'il exploitait. La difficulté portait sur le sens à donner à l'expression « accepter un emploi similaire ». Celle-ci interdisait-elle au débiteur de la clause de non-concurrence de créer une entreprise concurrente ?

Il s'agit là de la difficulté d'interprétation que l'on observe le plus souvent dans le domaine des clauses de non-concurrence accessoires à un contrat de travail lorsque la clause fait défense au salarié pour l'après contrat « de se mettre au service d'un concurrent direct », de « se réembaucher dans une entreprise concurrente » ou encore « d'entrer dans une maison similaire ».

Alors que les juges du fond avaient admis cette possibilité en s'appuyant sur le principe d'interprétation restrictive des clauses de non-concurrence, cette décision a été censurée par la cour de cassation qui a indiqué « qu'une clause interdisant à un salarié d'accepter un emploi similaire dans une entreprise concurrente lui interdit également d'occuper le même emploi dans une entreprise concurrente créée par lui... »9(*) 

Par conséquent, quelle que soit l'activité professionnelle interdite, pour être valable, une clause de non-concurrence doit laisser au salarié non seulement la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre, mais aussi la possibilité de retrouver un emploi conforme à sa qualification professionnelle. Le salarié doit donc pouvoir exercer le métier pour lequel il est qualifié, sans mettre en danger l'activité de l'entreprise.

En droit français, le critère relatif à la possibilité pour le salarié de retrouver un emploi n'est pas récent. On en trouve trace dans une décision de 1952 : « pour être valable, une clause de non-concurrence doit laisser au salarié la possibilité d'exercer normalement l'activité qui lui est propre.»10(*)

Dans les faits, ce critère a été longtemps marginalisé par les autres critères. Les arrêts de la cour de cassation du 18 Septembre 2002 (Gan vie) le réhabilitent pleinement. La cour énonce que « le juge peut restreindre l'application d'une clause de non-concurrence même justifiée par les intérêts de l'entreprise, (...) lorsque cette clause ne permet pas au salarié d'exercer une activité conforme à son expérience professionnelle ».11(*) Il va s'en dire que pour apprécier la gravité de l'atteinte apportée à cette liberté, les juges tiennent essentiellement compte de deux paramètres :

ü ils recherchent si l'activité interdite au salarié correspond à une activité qu'il exerce pendant de longues années ou au contraire pendant une période assez brève, si cette activité a été exercée pendant une courte période, les juges considèrent qu'il ne s'agit pas de l'activité propre du salarié et qu'elle peut valablement être interdite par une clause de non-concurrence.

Ainsi a été jugé licite une clause faisant interdiction à un agent technico-commercial, spécialisé dans la commercialisation de stimuleurs cardiaques, d'exercer cette activité dans la France entière, alors que le salarié n'exerçait cette activité que pendant 2ans et qu'il avait travaillé 12ans dans d'autres branches professionnelles.

ü En revanche, si le salarié exerce depuis longtemps l'activité qui est prohibée par la clause, les juges considèrent qu'il y'a atteinte à la liberté du travail et ils annulent la clause.

A partir du moment où l'existence d'une situation de concurrence a été établi, la clause peut valablement interdire au salarié toute activité dans une entreprise concurrente. Cette interdiction de concurrence pour être valable, doit donc être limitée dans sa nature c'est-à-dire à une activité susceptible de concurrencer l'employeur, de ce fait, la clause de non- concurrence qu'un employeur introduit dans un contrat de travail ne devrait viser que l'hypothèse où ,à l'issue de la relation de travail, le salarié décide d'exercer une activité concurrente de celle de l'employeur, ce qui exclut la concurrence vis-à vis d'un tiers.

La clause de non-concurrence doit aussi être limitée quant aux activités prohibées et ne doit empêcher le salarié de travailler. Le juge s'attachera au degré à la fois théorique et pratique de spécialisation du salarié et à l'exercice d'autres branches d'activités ou d'autres activités de la même branche dans lesquelles le salarié pourra exercer sa profession.

La portée de la clause de non concurrence, qui conditionne sa validité, doit alors s'apprécier au regard de l'activité réelle de l'entreprise et non par rapport à la définition statuaire de son objet social. Les juges ne peuvent donc se fonder sur l'objet social inscrit très généralement dans les statuts pour considérer que la clause avait pour effet d'interdire au salarié d'exercer toute activité professionnelle.

A l'instar des conditions légales de validité de la clause de non concurrence, la jurisprudence a dégagé des clauses qui viennent complétées celles prévues par le législateur. (parag2)

Paragraphe2 : les conditions jurisprudentielles de validité de la clause de non concurrence

S'inspirant de la jurisprudence française, le juge sénégalais estime que pour être licite, une clause de non concurrence doit respecter en plus des conditions légales de validité deux paramètres : l'employeur doit avoir d'une part un intérêt légitime à protéger(A) et d'autre part, que la validité de la clause ne soit pas subordonnée à l'exigence d'une contrepartie pécuniaire. (B)

A : l'intérêt légitime de l'employeur, cause de l'obligation de non-concurrence du salarié

L'obligation de non-concurrence résultant d'une clause de non-concurrence accessoire à un contrat de travail ne bénéficie d'aucune présomption de licéité. Il appartient au créancier de l'obligation de non-concurrence d'établir l'existence d'un intérêt légitime. De ce qui précède, il convient de souligner qu'une clause de non-concurrence ne peut pas être stipulée dans n'importe quelle situation et vis-à vis de n'importe quel salarié. Pour être valable, elle doit avant tout avoir pour but de protéger les intérêts légitimes de l'entreprise. En d'autres termes, il faut que l'entreprise soit susceptible de subir un préjudice réel au cas où le salarié viendrait à exercer son activité professionnelle dans une entreprise concurrente. C'est ce qui résulte de l'article L-35 lorsque le législateur estime que : «  l'interdiction ne peut porter que sur une activité de nature à concurrencer l'employeur. » A contrario, en l'absence d'une activité de nature concurrentielle susceptible d'être exercée par le salarié, la clause de non-concurrence ne pourra pas s'imposer à ce dernier même si la rupture résulte de son initiative ou d'une faute lourde qui lui est imputable. L'interdiction de non concurrence, dans cette circonstance n'est pas obligatoire dans la mesure où elle ne sert pas à protéger un intérêt légitime de l'entreprise.

Dans le domaine de l'obligation de non-concurrence, l'intérêt légitime est trouvé dans le souci de protéger directement ou indirectement la clientèle du créancier de non-concurrence ou des éléments attractifs de clientèle qui appartiennent à ce dernier ; protection nécessitée par la position actuelle ou passée occupée par le débiteur de non-concurrence vis-à-vis de cette même clientèle. La clause de non-concurrence est justifiée parce que la concurrence que pourrait développer le débiteur de non-concurrence à l'encontre du bénéficiaire de la clause présenterait un caractère anormal.

Ainsi, J. AMIEL-DONAT, estime que l'intérêt légitime de l'employeur à l'obligation de non-concurrence du salarié ne se trouve pas dans la nature de l'activité confiée à ce dernier pendant la durée du travail, c'est du risque que fait courir cette même activité, développée au profit d'un concurrent, que l'employeur tire son besoin de protection.

En droit sénégalais, il y'a lieu de noter que la clause de non-concurrence, insérée dans le contrat de travail à un effet limitée dans la mesure où le salarié, à la fin du contrat de travail, peut directement, sous réserve de quelques exceptions, concurrencer son ancien employeur.

En effet, la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 25sept1991, revenant sur sa position antérieure, réintroduise la référence à la notion «  d'intérêt légitime » et décide qu' « une clause de non-concurrence, insérée dans un contrat de travail pour protéger les intérêts légitimes de l'entreprise, est licite si elle ne porte pas atteinte à la liberté du travail en raison de son étendue dans le temps et dans l'espace compte tenu de la possibilité pour le salarié d'exercer des activités correspondant à sa formation et à son expérience professionnelle. »

A ce propos, J.AMIEL DONAT et Y.SERRA approuvent le revirement opéré par la cour de cassation et le situent au niveau de l'arrêt du 14 mai 1992 (laveur de vitres) et non dans l'arrêt du 25 sept 1991(précité). Y.SERRA parle de « nouvelle et heureuse orientation de la jurisprudence » et estime que : «désormais les juges du fond, pour apprécier la validité d'une clause de non-concurrence souscrite par le salarié, ont la possibilité et le devoir de rechercher si cette restriction à la liberté du salarié correspond à un impérieux besoin de protection de l'entreprise en raison de l'activité passée et des fonctions exercées par ce salarié au sein de l'entreprise, la nature de l'emploi et le niveau de responsabilité du salarié devant jouer un rôle déterminant à cet égard. » J.AMIEL DONAT pour sa part estime qu'en « opérant un revirement spectaculaire et presque inespéré, la chambre sociale retient pour la première fois de manière explicite, la légitimité de la clause de non-concurrence en tant que condition de validité. »

L'existence d'un intérêt légitime devient donc une condition de validité de la clause de non-concurrence. Il en résulte que désormais, un employeur ne peut plus exiger l'exécution d'une clause de non-concurrence tant qu'il n'a pas établi que l'existence de celle-ci était justifiée par les risques  particuliers que fait courir à l'entreprise mise à la disposition de tiers des connaissances acquises par le salarié au cours de l'exécution de son contrat de travail. De ce fait, les juges utilisent fréquemment l'appartenance à un secteur concurrentiel comme indice pouvant attester la légitimité de la protection recherchée. Ils apprécient la concurrence qui s'exerce dans le secteur d'activité.

L'analyse du secteur d'activité de l'entreprise est pertinente. Pour déterminer si une entreprise a un intérêt à se préserver d'une concurrence, il peut être utile de vérifier si elle a des concurrents susceptibles de recruter le salarié.

La clause de non-concurrence est en effet légitime si l'entreprise a des raisons de craindre une concurrence que pourrait lui causer le salarié ; il doit ainsi présenter un risque concurrentiel.

On s'accorde pour reconnaitre que l'appréciation de ce risque est intimement liée aux fonctions que le salarié occupait dans l'entreprise. De façon pragmatique, les juges du fond se référent le plus souvent à trois indices utiles :

ü le contact avec la clientèle,

ü l'accès à des informations spécifiques sur l'entreprise

ü l'acquisition du savoir-faire propre à l'entreprise.

Ainsi a été considéré comme indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, la clause de non-concurrence interdisant à un garçon de café, en contact direct avec la clientèle, d'entrer au service pendant un an, d'une entreprise concurrente exerçant la même activité de café-brasserie12(*).

La clause de non-concurrence porte atteinte à la liberté professionnelle du salarié au moment où son intérêt commanderait de le laisser disposer de la plus grande latitude dans la recherche d'une nouvelle situation. Cette restriction importante aux initiatives du salarié ne peut trouver sa justification que dans l'intérêt supérieur de l'autre partie au contrat de travail .Cet intérêt dépassera le cadre des rapports bilatéraux et prendra en compte la défense de l'entreprise-employeur face aux attaques dont elle peut faire l'objet de la part d'autres intervenants économiques. Une analyse économique sera alors nécessaire ce qui conduira à rechercher si, après son départ de l'entreprise, le salarié peut causer un préjudice concurrentiel à son ancien employeur en plaçant ses compétences et connaissances au service d'un tiers ou en les mettant lui-même en valeur.

A partir du moment où l'obligation de non-concurrence s'avère nécessaire ou même simplement utile à la protection d'une clientèle contre la concurrence anormale d'un partenaire contractuel actuel ou passé, elle est présumée correspondre à l'intérêt légitime de son créancier.

Ceci est tellement vrai que, comme il a été constaté à propos de l'existence de l'obligation de non-concurrence, les tribunaux imposent parfois aux parties à une convention l'existence d'une obligation de non-concurrence de plein droit, celle-ci étant censé être contenue dans la réglementation légale du contrat considéré ; le canal de l'obligation de garantie ayant servi la plupart du temps à l'obtention d'un tel résultat.

Il est encore nécessaire de noter que le juge, dans une perspective de réglementation de la clause de non-concurrence, pose le principe de la licéité de la clause non assortie d'une contrepartie pécuniaire. (B)

B : la licéité des clauses sans contrepartie pécuniaire

Comme pour toute obligation, l'appréciation de la validité de l'obligation de non-concurrence en droit du travail devait être effectuée non seulement au regard de son objet mais aussi de sa cause, particulièrement en ce qui concerne son existence.

L'exigence d'une contrepartie pécuniaire à l'interdiction de faire concurrence semblerait s'imposer. Un principe général domine le droit des contrats ; dans les contrats synallagmatiques, l'obligation de chaque partie doit avoir une cause qui est la contrepartie fournie par le contractant. Or, curieusement, dans le domaine du contrat de travail et des clauses de non-concurrence, la cour de cassation écarte catégoriquement le droit commun des contrats : « la validité d'une clause de non-concurrence n'est pas subordonnée à l'octroi au salarié d'une contrepartie pécuniaire si celle-ci n'est pas prévue par une convention collective.»

Ainsi, le tribunal du travail de Dakar, dans une décision du 4 janvier 1973, a estimé que : « sauf clause contraire de la convention collective ou du contrat de travail, il n'est pas nécessaire, pour que la clause soit valable ou efficace qu'une indemnité soit stipulée en faveur du travailleur pour constituer la cause juridique de son obligation. »13(*)

Il s'avère nécessaire de préciser que si la convention collective prévoit une indemnisation en contrepartie de la clause ,celle-ci est due même si elle n'est pas prévue au contrat de travail et l'employeur ne peut soutenir, de ce fait, la nullité de la clause, car la nullité étant instituée dans le seul intérêt du travailleur.

A l'inverse, en l'absence de contrepartie pécuniaire prévue dans la convention collective ou le contrat de travail, la clause de non-concurrence n'en est pas moins licite. De même, si la convention collective prévoit une contrepartie pécuniaire sans pour autant prescrire la nullité de la clause, en cas d'absence d'indemnité de non-concurrence, ou en présence d'une indemnité contractuelle dérisoire; l'employeur pourra se prévaloir de cette clause. De son coté, le salarié pourra réclamer le paiement de la contrepartie pécuniaire qui s'imposait aux parties en application de la convention collective.

Cette licéité d'une obligation sans cause est critiquée par la doctrine qui souligne non seulement la violation des règles générales de droit contractuel, mais également le caractère peu équitable de la solution. Les inconvénients de cette jurisprudence sont limités par la pratique des acteurs sociaux qui introduisent fréquemment dans les conventions collectives une clause prévoyant le versement d'une indemnité mensuelle en contrepartie de l'obligation du salarié de ne pas travailler dans une entreprise concurrente.

L'indemnité n'est donc pas une condition de validité de la clause de non-concurrence sauf dispositions conventionnelles contraires. Elle ne répare pas un préjudice mais compense l'avantage constitué par l'employeur de l'absence de concurrence par le salarié. S'il l'estime dérisoire, le juge peut augmenter le montant de l'indemnité en cas de violation d'une clause de non-concurrence.

Le paiement de l'indemnité de non-concurrence doit s'effectuer lors du départ effectif du salarié et non à la fin du préavis. En toute hypothèse, le non paiement par l'employeur de l'indemnité libère le salarié de l'interdiction de concurrence et constitue un trouble manifestement illicite à l'origine d'une saisine du juge des référés.

La jurisprudence française a pendant longtemps admis la licéité des clauses de non concurrence sans contrepartie pécuniaire. Cependant, dans un arrêt du 10 janvier 2002,la cour de cassation a considéré qu' : « une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace , qu'elle tient compte des spécificité de l'emploi du salarié et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie pécuniaire... ces conditions étant cumulatives. »14(*)

Ainsi, l'existence d'une contrepartie pécuniaire est-elle une nouvelle condition de validité des clauses de non-concurrence. Pour être licite, la clause de non-concurrence, indispensable à la protection des « intérêts légitimes » de l'entreprise doit alors remplir toutes les conditions requises (être limitée dans le temps et dans l'espace et comporter une contrepartie financière.) Une clause qui ne remplit pas l'une des conditions de validité est nulle.

La nouveauté tient donc dans le fait que la clause de non-concurrence qui ne comporte pas de contrepartie financière n'est pas licite. Il va s'en dire qu'un salarié qui aujourd'hui respecte une clause de non-concurrence alors qu'elle ne fait référence dans son contrat de travail à aucune contrepartie financière, a droit à des dommages-intérêts(même si la clause a été signé avant le10 juillet 2002).

Depuis ce revirement de 2002, le juge français exige de manière obligatoire la stipulation d'une contrepartie pécuniaire en échange du respect par le salarié de l'interdiction de non- concurrence, alors qu'en droit sénégalais, elle n'est obligatoire que si la convention collective ou le contrat de travail le prévoit. Cette exigence d'une contrepartie pécuniaire était souhaitée par une partie de la doctrine sur le fondement de la théorie de la cause. Reprenant cette analyse à son compte pour justifier la décision rendue le 10 juillet 2002, le professeur Y. Serra relève que « sur le strict plan juridique, la prévision d'une contrepartie pour la validité de la clause de non-concurrence n'est que la traduction du principe fondamental du droit des obligations selon lequel la validité d'une obligation suppose l'existence d'une cause qui veut que, sauf intention libérale, à l'obligation de l'un des contractants réponde en échange l'obligation de l'autre »

Par ailleurs, le caractère obligatoire d'une contrepartie à l'obligation de non-concurrence du salarié s'inscrirait parfaitement dans l'analyse qui est faite de la fonction de cette obligation qui réside dans le souci de protéger la clientèle de l'entreprise. Il est normal que la restriction apportée à la liberté du travail et à la liberté du commerce dans la personne de l'ancien salarié pour la conservation de cette valeur que représente la clientèle de l'entreprise reçoive nécessairement une contrepartie.

De surcroit, si le salarié ne respecte plus la clause de non-concurrence qui le lie à son ancien employeur, celui-ci est en droit de ne plus lui verser la contrepartie financière qui lui est normalement due pour l'avenir. L'employeur se doit donc de verser seulement au salarié une contrepartie financière proportionnelle au temps pendant lequel il a respecté son obligation de non-concurrence.

Du fait du rapprochement existant entre le droit français et le droit sénégalais ; on pourrait considérer que le juge sénégalais fera sienne la position de la jurisprudence française en érigeant la contrepartie pécuniaire à l'interdiction de concurrence à laquelle est soumise le salarié une condition de licéité de l'obligation de non-concurrence.

A présent que les conditions de validité de la clause de non-concurrence sont élucidées, il convient systématiquement de s'interroger sur le sort des clauses de non-concurrence irrégulières. (Section 2)

* 4 _ Cass civ 2 juill 1900, précité

* 5 _ Ancien code du travail : Loi n° 61- 34 du 13juin 1961(Jos n°3462 du 3 juill 1961)

* 6 _ Loi n°97-17 du 1erdécembre1997 portant code du travail de la République du Sénégal

* 7 _ Cass civ 26 mars 1928 DP 1930

* 8 _ Trib trav Dakar 3 févr. 1966

* 9 _ Soc.5 janv. 1984 D.1984 I.R, 443

* 10 _ Cass soc18 oct. 1952et cass soc 27fevr 1996

* 11 _ Cass soc 18 sept 2002 N°00-42-904 Gan vie, Recueil Dalloz 2002 JURIS P.3229

* 12 _ Cass soc 1ermars 1995

* 13 _ Trib trav Dakar, 4 janv. 1973, précité, (motifs)

* 14 _ Cass soc, 10 juill 2002, M.MOLINE c/Sté MSAS cargo international

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