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La clause de non concurrence en droit du travail sénégalais

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par Ernest Aly THIAW
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2009
  

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CHAPITRE2: La mise en oeuvre de la clause de non-concurrence

L'application de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat individuel de travail suppose que ni sa validité, ni son efficacité ne soient contestées avec succès. Une clause d'interdiction de concurrence qui respecte les conditions légales de validité doit dés lors recevoir application par les parties contractantes.

La mise en oeuvre d'une clause de non-concurrence licite peut entrainer un différend entre le salarié et son employeur, ainsi il s'avère nécessaire de s'interroger d'une part sur la portée de la clause (section1) et d'autre part sur les sanctions prévues en cas de violation d'une telle clause (section2).

Section1: la portée de l'obligation de non-concurrence

La portée de l'obligation de non-concurrence insérée dans un contrat de travail peut être appréciée selon qu'on est en cours d'exécution du contrat de travail ou à l'expiration de celui-ci. Pendant toute la durée du contrat de travail, le salarié est soumis à une obligation générale de non-concurrence (parag1). Une telle obligation cesse de produire ses effets à l'expiration du contrat. Autrement dit, à la fin du contrat de travail le salarié peut, sous réserve d'exception, concurrencer son ancien employeur (parag2).

Paragraphe1 :Une obligation générale de non-concurrence pendant la durée du contrat de travail

Pendant la durée du contrat de travail, le salarié est tenu envers son employeur par une obligation générale de non-concurrence. Il lui est donc interdit d'exercer une activité qui pourrait concurrencer son employeur. Il s'agit en effet, d'une interdiction de concurrence par obligation d'exclusivité(A). Dans certains cas, cette interdiction de concurrence est assortie d'aménagements (B).

A : Une interdiction de concurrence par obligation d'exclusivité

Lorsque la clause de non-concurrence est licite, elle entraine toujours l'obligation pour le salarié de ne pas concurrencer son employeur pendant un certain temps, c'est-à-dire pendant toute la durée du contrat de travail. L'employeur, créancier de l'obligation de non-concurrence, est en droit d'attendre du salarié, débiteur de non-concurrence, qu'il respecte l'engagement qu'il a pris de ne pas exercer d'activité concurrentielle selon des modalités et des limites qui ont été précisées, et le salarié est en droit d'attendre de l'employeur qu'il respecte ses propres engagements.

La clause d'interdiction de concurrence tire sa force obligatoire du principe selon lequel « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

En effet, l'obligation de non-concurrence qui résulte d'une clause ne se confond pas avec l'obligation générale de non-concurrence que doit respecter le salarié durant toute l'exécution du contrat de travail. Mais en droit du travail sénégalais, ces deux notions semblent avoir le même sens. Il en résulte que :

ü même en l'absence de clause expresse, le salarié est tenu par une obligation de non-concurrence vis-à-vis de son employeur jusqu'à l'expiration de son contrat de travail,

ü le simple fait de rappeler dans le contrat de travail l'obligation qui pèse sur tout salarié de ne pas concurrencer l'employeur pendant toute la durée du contrat ne permet pas d'en déduire l'existence d'une clause de non-concurrence.

A cet égard, aux termes de l'article L.35 al 1 du c.trav « le travailleur doit toute son activité professionnelle à l'entreprise, sauf dérogation stipulée au contrat». Ainsi, le salarié lorsqu'il est sous l'autorité de l'employeur, il a comme obligation de « consacrer son temps de manière constante et exclusive » à l'activité pour laquelle il est rétribué.

Le salarié doit donc exécuter consciencieusement et loyalement la prestation de travail, ce qui postule qu'il ne peut concurrencer son employeur. Il va s'en dire que la principale obligation du salarié est naturellement celle de fournir la prestation de travail prévu par le contrat. Toutefois, parce que le contrat de travail « doit être exécuté de bonne foi », parce que, en outre, il oblige « non seulement à ce qui y est exprimé, mais aussi à toutes les suites que l'usage, l'équité ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature », il faut donc admettre l'existence d'obligations accessoires, dont la portée varie considérablement selon les fonctions exercées et la place occupée dans l'entreprise.

L'obligation de bonne foi et de loyauté que le salarié contracte à l'égard de l'employeur en concluant un contrat de travail a pour corollaire l'obligation de non-concurrence en cours de contrat. Cette obligation de loyauté peut entrer en conflit avec la liberté d'expression. L'article 17 de la convention collective interprofessionnelle dispose qu'«il est interdit également au travailleur de divulguer les renseignements acquis au service de l'employeur ». Il pèse alors sur le salarié une obligation de discrétion et de réserve. A cet égard, indépendamment du secret professionnel stricto sensu, le salarié est tenu, sanctions pénales à l'appui, au respect des « secrets de fabriques ». En outre, il ne doit pas divulguer hors de l'entreprise des informations présentant un caractère confidentiel dont il a eu connaissance en raison de ses fonctions.  

On pourrait penser que la loyauté, la discrétion et la bonne foi contractuelles servent d'étalon de mesure de l'expression portant sur l'entreprise. Tel n'est plus en règle générale, l'analyse retenue par la C.cass française : « l'abus de droit est la seule limite apportée à la liberté d'expression des salariés en dehors de l'entreprise ». De manière générale, il est désormais affirmé que « sauf abus, le salarié jouit dans l'entreprise et en dehors de celle-ci de sa liberté d'expression ».

Il est parfois prévu dans le contrat une clause d'exclusivité. Il ne faut pas en exagérer la portée. On peut dire qu'elle est le pendant de la clause de non-concurrence, mais en cours de contrat. Le salarié s'engage à une totale disponibilité professionnelle à l'égard de l'entreprise. Pour autant, pendant toute la durée de son contrat de travail et sauf disposition contraire entre les parties, le salarié ne peut effectuer en dehors des travaux qui lui sont confiés, aucun travail rémunéré de même nature susceptible de faire directement concurrence à l'entreprise. Le législateur sénégalais, par le biais de l'alinéa 2 de l'art L.35 s'est prononcé dans ce sens en estimant qu' « il est loisible, sauf convention contraire, d'exercer, en dehors de son temps de travail, toute activité à caractère professionnelle non susceptible de concurrencer l'entreprise ou de nuire à la bonne exécution des services convenues ».

Pendant l'exécution du contrat de travail, mais en dehors de son temps de travail, le travailleur peut, sous réserve de ne pas enfreindre les règles du cumul d'emplois, exercer une autre activité professionnelle non susceptible de concurrencer l'entreprise ou de nuire à la bonne exécution des services convenus. Mais il peut s'interdire cette faculté par une convention contraire expresse, passée entre lui et son employeur. Ainsi, le salarié est libre en dehors de son temps de travail d'exercer une autre activité professionnelle. Un salarié à temps partiel est donc libre de conclure un autre contrat, pour le compte d'un nouvel employeur, sous réserve de ne pas dépasser la durée maximale du travail. Par ailleurs, l'exclusivité pendant ou en dehors des heures est limitée dans le sens de l'autorisation par l'employeur et dans le sens de l'interdiction d'exercer d'autres activités en dehors du temps de travail.

En l'absence de disposition particulière, le salarié n'est pas tenu de consacrer à l'exécution du contrat l'intégralité de son activité professionnelle. Aucun principe de portée générale ne s'oppose, en droit du travail, au cumul d'emplois si ceux-ci sont pratiquement compatibles et n'impliquent pas un dépassement de la durée maximale du travail.

On doit donc admettre que le salarié est débiteur envers son entreprise d'une obligation de non-concurrence de plein droit qui lui interdit de développer toute activité en concurrence avec celle de son employeur ; solution retenue par le législateur sénégalais.

Ni la jurisprudence, ni la doctrine n'identifie cependant avec précision le fondement de cette obligation de non-concurrence de plein droit. Elle serait contenue dans d'autres obligations plus larges qui bien que non écrites, participeraient de la règlementation légale du contrat de travail et seraient inhérentes à la nature même de ce contrat. Depuis quelques années, et cela est particulièrement vrai pour la motivation des décisions des tribunaux ; l'obligation qui astreint le salarié est analysée comme découlant d'une « obligation de fidélité » qui pèserait sur ce dernier et dont l'expression même a été empruntée à différent droits étranger notamment au droit italien (obligo di fidelta). Il s'agirait d'une obligation de bonne foi particulière qui comprendrait non seulement une obligation de non-concurrence mais aussi une obligation de loyauté et une obligation de discrétion. L'exécution d'un contrat de travail emporte donc une obligation de fidélité qui est équivalente à une obligation tacite de non-concurrence.

Une jurisprudence constante avait estimé en effet qu'un « employé ne peut, sans manquer aux obligations résultant de son contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de son employeur pendant la durée du contrat de travail »29(*) ou encore, « que le salarié, tenu envers l'entreprise qui l'emploi d'un devoir général de fidélité, ne peut, pendant la durée du contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de l'entreprise ».30(*)

Bien que ne nécessitant pas une stipulation particulière des parties, l'obligation de non-concurrence du salarié pendant la durée du contrat de travail est parfois expressément visée par une clause de non-concurrence contenue dans le contrat. Ainsi, il peut être prévu que le salarié « est tenu à l'égard de la société, par une obligation de fidélité, pendant toute la durée du contrat qui lui interdit de s'intéresser, directement ou de collaborer sous quelque forme que ce soit à une telle entreprise ».

Ces clauses peuvent se révéler utiles, selon la profession considérée et la vivacité de la concurrence dans un secteur d'activité déterminé, pour préciser, aménager voire compléter l'obligation de non-concurrence de plein droit qui pèse sur le salarié. Elles présentent l'avantage, en outre, d'assurer l'information du salarié puisqu'en signant le contrat de travail, il prendra alors connaissance de l'existence et du contenu exact de l'obligation à laquelle il est astreint.

Au demeurant, l'obligation de non-concurrence de plein droit qui pèse sur le salarié pendant la durée du contrat lui interdit alors de développer, directement ou indirectement tout acte de concurrence à l'encontre de son employeur que ce soit en exerçant une activité similaire pour son compte ou à travers une société concurrente ou encore au profit d'une entreprise concurrente.

La jurisprudence sanctionne régulièrement la violation de cette obligation qui justifie le licenciement soit en considérant qu'elle constitue une faute qui engage la responsabilité et le contraint à réparer le dommage concurrentiel subi par l'employeur, soit en estimant qu'il s'agit d'une faute grave privative des indemnités de rupture ; soit enfin qu'il ya là pour le moins une faute sérieuse qui constitue une cause réelle et sérieuse de nature à justifier le licenciement.

La violation de l'obligation de non-concurrence par le salarié constitue de toute évidence la violation d'une obligation contractuelle puisque le contrat de travail lui interdit toute concurrence envers son employeur, même celle qui serait développée par des moyens normaux.

Toutefois, la détermination du contenu de l'obligation de non-concurrence et de sa période d'application suscite un contentieux abondant.

S'agissant de la détermination du contenu de l'interdiction de concurrence, l'une des difficultés majeures tient à ce que si le salarié est débiteur d'une obligation de non-concurrence pendant le contrat de travail, il recouvre en principe, une pleine et entière liberté de concurrence envers son ancienne entreprise lorsque le contrat de travail a pris fin. Dés lors, le salarié peut-il, dans cette perspective d'une liberté de concurrence retrouvée et alors qu'il est encore dans les liens de son contrat de travail, concevoir et préparer une activité concurrente de celle de son employeur pour le temps qui suivra l'expiration du contrat ?

L'analyse de la jurisprudence permet de constater que pour résoudre cette question les tribunaux s'attachent à discerner dans l'activité développée par un salarié en vue de son activité future, les actes effectifs de concurrence, jugés contraire à l'obligation de non-concurrence, des actes simplement préparatoires de concurrence dont l'accomplissement n'est pas interdit. Autrement dit, il est admis que l'obligation de non-concurrence qui pèse sur le salarié ne fait pas obstacle à ce qu'il prépare une future activité concurrente de celle de son employeur à la condition que cette concurrence ne devienne effective qu'après l' expiration

du contrat de travail, c'est-à-dire à un moment où l'ancien salarié jouit d'une entière liberté de concurrence.

En ce sens, la cour de cassation française a jugé qu'une cour d'appel retient à juste titre qu'après avoir rappelé « que le salarié, tenu envers l'entreprise qui l'emploie d'une obligation générale de non-concurrence, ne peut, pendant la durée du contrat de travail, exercer une activité concurrente de celle de l'entreprise », a indiqué «  que cependant il ne lui est pas interdit de préparer dés alors une telle activité pour la concurrencer soit individuellement, soit au moyen d'une société, après l'expiration du contrat ».31(*)

La solution ainsi dégagée par la jurisprudence est satisfaisante car elle seule permet de sauvegarder les intérêts légitimes du salarié et notamment, comme le relève la cour de cassation, la possibilité pour lui « de se procurer des moyens d'existence après la rupture de son contrat »32(*) tout en protégeant l'employeur contre toute concurrence qui développerait ses effets avant l'expiration du contrat de travail.

Sinon, si la liberté de préparer une activité concurrente de celle de l'employeur n'était pas reconnue au salarié qui, par hypothèse, n'est pas lié par une interdiction de concurrence pour l'après-contrat, cela contraindrait ce dernier soit à n'envisager et préparer qu'une activité de remplacement non concurrente, ce qui lui interdirait souvent de mettre en oeuvre son expérience professionnelle et ainsi le pénaliserait, soit à ne pouvoir préparer une activité concurrente qu'une fois le contrat de travail expiré, ce qui priverait alors le salarié de ressources pendant le temps nécessaire à cette préparation. Etant précisé qu'en pratique il n'est pas envisagé en la circonstance que l'hypothèse où le salarié a le projet d'exercer une activité concurrente dans le cadre d'une entreprise qu'il crée ou déjà existante et à laquelle il participera. Le problème en revanche n'a pas de raison d'être en principe si le salarié désire se réembaucher dans une entreprise concurrente, aucun temps mort n'étant alors à redouter.

Par conséquent, la reconnaissance de la liberté pour les salariés de constituer, pendant qu'ils sont encore dans les liens de leur contrat de travail, une société concurrente de l'entreprise qui les emploie est toujours subordonnée par les tribunaux à l'exigence que cette création ne détermine aucun acte de concurrence tant que le contrat de travail n'est pas arrivé à son terme, la formule la plus souvent employée par la jurisprudence étant : « à la condition de n'exercer pendant la durée de leur contrat, directement ou par l'intermédiaire de la nouvelle société, aucune activité concurrente de celle de leur employeur ».33(*)

Concernant la période d'application de l'obligation de non-concurrence du salarié, celle-ci devrait voir son application coïncider avec celle du contrat et durer tant que le contrat de travail est en vigueur.

Des difficultés peuvent cependant surgir dans la détermination du moment exact de l'expiration du contrat de travail, particulièrement en ce qui concerne l'extrême fin du contrat. Par ailleurs, pendant l'existence du contrat de travail peuvent survenir des périodes durant lesquelles, tout en substituant, le contrat de travail est suspendu et ou peut se poser la question de l'application de l'obligation de non-concurrence qui pèse sur le salarié.

Les problèmes relatifs au respect de l'obligation de non-concurrence du salarié surgissent souvent dans la période qui précède la fin du contrat de travail car une fois le contrat expiré, le salarié recouvre alors une pleine et entière liberté de concurrence. Il s'agit donc d'une période charnière où le risque de concurrence de la part du salarié est particulièrement élevé et ou, en conséquence, il est primordial de savoir si l'obligation de non-concurrence subsiste.

Cette question doit être examinée en distinguant selon que l'employeur a ou non dispensé le salarié d'exécuter la prestation de travail pendant la durée du préavis.

En effet, pendant le préavis de rupture, qu'il s'agisse d'un licenciement ou d'une démission, les obligations qui découlent du contrat de travail continuent de produire leurs effets. Il en résulte que l'obligation de non-concurrence de plein droit à laquelle est astreint le salarié développe ses conséquences jusqu'à l'expiration du préavis.

La jurisprudence est en ce sens d'une manière constante et il a jugé que : toute indemnité doit être refusée au salarié qui fait concurrence à son ancien employeur pendant la durée du préavis car «  le contrat de travail subsiste avec toutes les obligations qui en découlent pour l'une et l'autre partie pendant la durée du préavis ».34(*)

Aussi faut-il continuer d'admettre cette solution lorsque l'employeur a dispensé le salarié d'exécuter le travail pendant le délai-congé ? Après des hésitations, la jurisprudence avait appliqué dans cette situation de dispense du travail pendant le préavis la même solution que celle retenue lorsque le préavis est travaillé, c'est-à-dire le maintien du contrat de travail et des obligations qui y sont attachées dont l'obligation de non-concurrence.

Aujourd'hui en droit français le doute n'est plus permis car l'article L.122-8 C.trav pose le principe selon lequel « l'inobservation du délai-congé n'a pas, dans ce cas, pour conséquence d'avancer la date à laquelle le contrat prend fin ». L'obligation de non-concurrence qui pèse sur le salarié persiste là encore jusqu'à l'expiration du préavis.

De manière très orthodoxe certains arrêts ont statué en ce sens en jugeant par exemple que manque au respect de l'obligation de non-concurrence le salarié qui, après démission et dispense de l'exécution du préavis, a créé une société concurrençant directement son employeur car « jusqu'à l'expiration du préavis, peu important qu'il ait été dispensé de l'exécuter, le salarié était tenu à l'obligation de non-concurrence envers son employeur ».35(*) Il ya lieu de préciser que cette solution peut être retenue en droit du travail sénégalais, dans la mesure où le salarié est tenu d'observer la clause de non-concurrence instituée dans son contrat en cas de démission.

Pendant toute la durée du contrat de travail, le salarié est alors assujetti à une obligation générale de non-concurrence. Mais cette interdiction n'est pas absolue dans la mesure où elle peut être assortie d'aménagements conformément à la volonté des parties. (B)

B : une interdiction de concurrence assortie d'aménagements

Le salarié est en principe tenu envers son employeur, par une obligation générale de non-concurrence pendant toute la durée de son contrat de travail. Ainsi, il ne lui est pas permis d'exercer une activité qui pourrait directement ou indirectement concurrencer son employeur. En effet sans pour autant remettre en cause les conditions dans lesquelles la clause de non-concurrence a été élaborée, il est possible de la rendre inefficace. Tel est le cas lorsque les parties, par un effet de leur consentement, résilient la clause : ce que le consentement a fait, le consentement peut le défaire ; rien n'interdit aux parties de convenir que telle clause n'est désormais plus nécessaire. Outre cette suppression par accord des parties, il est possible de remettre en cause la clause de non-concurrence sur simple manifestation de volonté de l'employeur. C'est la faculté de renonciation.

S'agissant de la suppression de la clause par accord de volontés des parties, l'hypothèse relève d'une simple application du droit commun des contrats. Elle procède du principe de l'autonomie de la volonté. Les conventions collectives de travail rappellent fréquemment cette faculté : la clause « pourra être introduite, modifiée ou supprimée par avenant en cours de contrat, avec l'accord des parties ». Le seul problème que peut poser cette suppression concerne sa preuve. Le contrat individuel de travail prévoyait expressément une clause de non-concurrence ; sa suppression par accord des parties doit également se réaliser de manière expresse, conformément à la règle du parallélisme des formes. Cette exigence est présente dans les dispositions des conventions collectives prévoyant qu'un avenant au contrat individuel de travail est nécessaire pour que la suppression puisse s'opérer.

Il faut que le contrat de travail traduise l'état des relations de l'employeur et du salarié : une obligation de non-concurrence ne peut exister sans dispositions expresse du contrat de base, ou d'un avenant, et elle ne peut disparaitre qu'en vertu d'une disposition expresse faisant l'objet d'un avenant au contrat individuel.

La clause non-concurrence fait naitre, au profit de l'employeur, le droit d'exiger qu'il respecte son engagement restrictif de concurrence. Or, comme tout titulaire d'une créance, il peut renoncer au bénéfice de ce droit. Cette renonciation à l'obligation de non-concurrence ne présente de difficultés que s'agissant d'une obligation résultant d'une clause insérée dans un contrat de travail affectée d'une modalité particulière, le créancier s'étant engagé à verser une somme en contrepartie de l'engagement restrictif de concurrence.

Le lien existant entre ces deux prestations est tel qu'il est de règle que, en cas de méconnaissance de son engagement, le salarié ne puisse plus prétendre au paiement de l'indemnité prévue.

C'est la raison pour laquelle nombreux sont les employeurs qui, afin de se libérer du paiement de cette somme, invoquent la non-conformité de la clause figurant au contrat individuel afin d'en obtenir l'annulation donnant ainsi à la jurisprudence l'occasion de préciser que seul le salarié peut invoquer la non-conformité de la clause au regard des dispositions de la convention collective applicable.

Si la voie de la nullité n'est pas ouverte à l'employeur qui veut se libérer de cette charge, celle de la renonciation à l'obligation de non-concurrence est utilisable. Or, l'exercice par l'employeur de la faculté de renonciation à l'engagement de non-concurrence souscrit par le salarié, va avoir des répercutions sur l'exigibilité de l'indemnité compensatrice conventionnellement prévue. Cette somme, en effet, n'a plus de raison d'être dés lors qu'aucune interdiction de concurrence ne pèse sur l'ancien salarié, ce dernier ne subissant pas, dans son activité professionnelle, une restriction telle qu'il soit nécessaire de « compenser » une perte de salaire.

Toute renonciation à un droit par le créancier doit être explicite et non équivoque, mais il est admis, s'agissant d'une remise de dette, que cette opération, qui n'est pas formaliste en soi, puisse se réaliser d'une manière tacite.

Ces règles ne sont pas suffisantes ici : la renonciation à l'obligation de non-concurrence ne peut résulter que d'une manifestation formelle de volonté de l'employeur, notifiée au salarié. Le contrat individuel de travail ou la convention collective applicable exigent parfois le respect d'une forme déterminée : un écrit, une lettre recommandée avec demande d'accusé de réception.

La clause de non-concurrence n'est donc pas une disposition convenue par les parties dans l'intérêt du salarié-débiteur de non-concurrence. Ce sont les intérêts de l'employeur-créancier de non-concurrence qui sont essentiellement pris en compte. La faculté de renoncer à l'application de la clause de non-concurrence appartient donc exclusivement à l'employeur-créancier de non-concurrence. Les parties sont libres, toutefois, de convenir que le salarié devra donner son accord, exigence qui résulte parfois des conventions collectives. Cette hypothèse toutefois est rare et peut soulever quelques difficultés en cas de désaccord.

S'inspirant de la faculté de renonciation, certaines conventions collectives prévoient la possibilité pour l'employeur de décider de la suppression de la clause avant toute cessation du contrat de travail. Il convient, en effet, d'éviter que cette suppression ne constitue l'instrument d'une fraude aux droits du salarié. Ce dernier, a droit à une indemnité compensatrice en cas de renonciation par l'employeur à l'application de la clause de non-concurrence.

Cette suppression est analogue à celle qui résulte de l'accord des parties puisqu'ici les parties ont voulu, d'un commun accord, que cette suppression puisse intervenir unilatéralement.

L'obligation générale de non-concurrence qui pèse sur le salarié pendant toute la durée de son contrat de travail se trouve anéantie à la fin de ce contrat. Ainsi, après l'expiration du contrat de travail, le salarié est libre de concurrencer son ancien employeur sous réserve de quelques exceptions. (parag2)

Paragraphe2 : La liberté de la concurrence à l'expiration du contrat de travail sous réserve d'exception

Après l'expiration du contrat de travail, le salarié se trouve libre pour se mettre au service d'une entreprise concurrente ou pour s'établir à son compte dans une même activité que celle de son employeur et en concurrence avec ce dernier.

C'est la raison pour laquelle le législateur sénégalais a posé comme principe : la nullité de plein droit de toute clause interdisant au salarié l'exercice d'une activité à l'expiration du contrat(A). Au-delà de ce principe, il a été admis la validité exceptionnelle des clauses s'imposant au salarié même au terme de son contrat de travail(B).

A : La nullité de plein droit de toute clause interdisant l'exercice d'activité concurrentielle à l'expiration du contrat de travail

Si le salarié, tant que dure la relation de travail, ne peut concurrencer son employeur puisqu'il lui doit toute son activité professionnelle, il retrouve sa liberté et son indépendance à l'expiration du contrat. Par ricochet, la concurrence exercé par un ancien salarié qui développe pour son propre compte une activité similaire ou qui se met au service d'une entreprise concurrente peut être redoutable pour l'ancien employeur dans la mesure où cet ancien salarié a connaissance des secrets et du savoir-faire de l'entreprise, de son organisation et de ses méthodes de gestion ou encore en raison des relations nouées avec la clientèle.

Pourtant la protection de l'entreprise se situe dans une perspective radicalement différente pour le temps suivant l'expiration du contrat de travail de celle qui existait pendant la durée du contrat.

Le principe est alors, en effet, que le salarié recouvre une pleine et entière liberté de concurrence après l'expiration de son contrat de travail. Ce principe résulte du code du travail sénégalais où le législateur à travers l'article L.35 affirme avec force qu' « est nulle de plein droit toute clause d'un contrat de travail portant interdiction pour le travailleur d'exercer une activité quelconque à l'expiration du contrat... ». Autrement dit, les clauses d'interdiction à l'expiration du contrat sont en principe nulles. Cette nullité de plein droit doit être distinguée de la nullité de droit dans la mesure où s'il y'a nullité de droit, la juridiction compétente est tenue de prononcer la nullité de l'acte dés lors qu'elle est demandée et que l'hypothèse prévue est réalisée ; il ne peut en apprécier l'opportunité. La nullité de droit n'est donc pas une nullité de plein droit qui se produirait sans jugement.

Le fait d'interdire à l'employeur d'insérer dans le contrat de travail du salarié une clause visant à empêcher ce dernier de le concurrencer à la rupture du contrat, amoindrissant ainsi sa liberté de travail, constitue sans nul doute une « disposition plus favorable » au salarié.

La liberté de concurrence de l'ancien salarié à l'expiration du contrat de travail résulte en droit français d'une importante et constante jurisprudence qui estime que « la liberté du travail et de la concurrence implique que le salarié qui retrouve son indépendance à la fin du contrat de travail soit en droit de s'établir à son propre compte ; il peut donc concurrencer librement son ancien employeur dés lors que son comportement n'est pas déloyal... »36(*)

La jurisprudence affirme donc sans équivoque qu'après l'expiration du contrat de travail, la sauvegarde de la liberté du travail et de la liberté de la concurrence doit l'emporter sur la protection des intérêts de l'entreprise. L'employeur ne peut plus rien exiger du salarié. Aucune obligation de non-concurrence de plein droit ne survit à la disparition du contrat de travail et sauf le cas où la rupture du contrat résulte d'une faute lourde de celui-ci.

Par conséquent, l'absence de clause de non-concurrence à l'expiration du contrat de travail ouvrant au salarié la possibilité de se mettre au service d'une entreprise concurrente, l'ancien employeur peut être tenté d'entraver cette liberté soit en essayant d'empêcher cette embauche, soit en incitant le nouvel employeur à rompre le contrat conclu avec l'ancien salarié. Dans ces circonstances, la jurisprudence considère que l'ancien employeur engage sa responsabilité et doit être condamné à réparer le préjudice subi par son ancien salarié. En ce sens il a été jugé qu' « une société a commis une faute à l'encontre de son ancienne salariée en incitant son nouvel employeur à licencier celle-ci alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle ne pouvait se prévaloir d'aucune clause de non-concurrence à l'encontre de son ancienne salariée ni rapportée la preuve de faits soit disant déloyaux invoqués à l'encontre de cette dernière ».37(*)

Il s'avère nécessaire d'apporter une précision relativement au contenu de la liberté de concurrence de l'ancien salarié. Ainsi, après la cessation du contrat de travail, l'ancien salarié recouvre une totale liberté de concurrence envers son ancien employeur. En conséquence, il est loisible à d'anciens salariés de « constituer une société concurrente » de celle de leur ancienne entreprise et il ne rêvait pas un caractère illicite, le fait pour le salarié de constituer une société ayant le même objet social que son ancien employeur, et d'exercer la même activité.

L'ancien employeur même s'il subit un préjudice du fait de l'activité concurrentielle développée par un ancien salarié, ne peut en principe la critiquer car, la liberté économique individuelle a pour corollaire la licéité du dommage concurrentiel : tout préjudice subi par une personne du fait de la concurrence exercée par une autre, ne peut apparaitre que comme le résultat du jeu de la libre concurrence ; il ne saurait donc être fait grief à cette dernière d'avoir su mieux tirer parti de cette liberté. « Le principe de la liberté civile permet à chacun, dans la lutte, de montrer ses talents, la clientèle est à qui sait la prendre ».

Le dommage concurrentiel résultant pour l'ancien employeur de l'activité de son ancien salarié est donc licite en soi. Sans doute le salarié profitera-t-il de l'expérience et des connaissances acquises chez son ancien employeur pour développer sa nouvelle activité. Tant qu'il n'a recours à des procédés déloyaux, la concurrence qu'il exerce à l'encontre de son ancien employeur n'a rien de répréhensible ; ce dernier ne saurait se plaindre du dommage qu'il subit de ce fait.

Cependant, pour étendue qu'elle soit, la liberté de concurrence de l'ancien salarié vis-à-vis de son ancienne entreprise n'est pas sans bornes, elle connait des limites qui résideront dans l'observation d'une faute dans l'exercice de la concurrence. Agissements fautifs qui seront sanctionnés dans le cadre de l'action en concurrence déloyale car si le législateur sénégalais proclame la liberté de concurrence de l'ancien salarié, c'est toujours sous la condition «  de ne pas transgresser les usages loyaux du commerce » ou « de respecter les usages loyaux du commerce ».

Certes, l'employeur est protégé des comportements anormaux et blâmables que l'ancien salarié pourrait être amené à adopter dans l'exercice de cette activité concurrentielle : ainsi tout agissement contraire à la loyauté professionnelle, tel qu'un détournement de fichier clientèle ou un dénigrement, pourrait être sanctionné par le jeu de l'action en concurrence déloyale. On n'a pu s'interroger toutefois sur l'incidence que pourrait avoir la prise en considération de la collaboration passée sur l'appréciation de la déloyauté imputable à l'ancien salarié. Ainsi, pour certains auteurs, le passé ne serait-il pas neutre ; subsisterait, du contrat de travail antérieur, une sorte d'obligation de modération ou de discrétion incitant l'ancien salarié à garder quelque réserve dans l'activité concurrentielle déployée à l'encontre de son ancien employeur. « L'ombre de l'ancien contrat, ou plus exactement de l'appartenance du salarié à l'entreprise s'attache à ses pas ».38(*) Quelques décisions jurisprudentielles ont semblé reprendre cette analyse et apprécier d'une manière large la notion de déloyauté, celle-ci découlant de simples faits concurrentiels et non de l'établissement de procédés déloyaux en eux mêmes. A pu être jugé déloyal le fait, pour d'anciens salariés, de mettre en commun les connaissances acquises chez l'employeur sur les clients, les fournisseurs et les prix, afin de pouvoir proposer des conditions plus avantageuses pour des articles similaires.

Dans le même esprit, la cour de cassation vient de remettre en cause, semble-t-il, la solution auparavant admise selon laquelle le démarchage de la clientèle d'un concurrent, même lorsqu'il est le fait d'un ancien salarié, ne constitue pas en lui-même un acte de concurrence déloyale.39(*) Cela étant, il convient bien de souligner que ce qui peut être critiqué ce n'est pas la concurrence de l'ancien salarié en elle-même (par hypothèse possible et licite) mais les moyens employés pour l'exercice de cette concurrence s'ils sont jugés déloyaux.

Comme le relève avec pertinence certains arrêts, il appartient à l'ancien employeur, pour triompher dans son action en concurrence déloyale, de prouver que les salariés ont commis, après la rupture du contrat de travail, «  non seulement des actes de concurrence, ce qui ne leur était pas interdit, mais des agissements contraires aux usages loyaux du commerce »40(*) ou encore «  que les activités concurrentielles ne peuvent être considérés comme répréhensibles en elles-mêmes, que seuls les moyens utilisés peuvent éventuellement engager la responsabilité de l'ancien salarié et de son nouvel employeur, s'ils sont déloyaux ».41(*) C'est de la concurrence elle même toutefois que l'ancien employeur va souffrir sans que l'ancien salarié ait eu recours à quelque moyen répréhensible pour capter la clientèle.

L'ancienne appartenance du salarié à l'entreprise, la connaissance qu'il a de son organisation, des informations confidentielles et des secrets ainsi que des relations nouées avec la clientèle font de l'ancien salarié un concurrent privilégié dont la déloyauté de la concurrence sera parfois reconnue plus facilement qu'elle le serait à l'égard d'un concurrent ordinaire. Pour autant, cela ne doit pas conduire à ce que la concurrence exercée par d'anciens salariés soit considérée comme déloyale du seul fait de leur ancienne qualité mais il est difficile de faire totalement abstraction de ce que l'ancien salarié n'est pas un concurrent comme un autre. De ce fait, c'est entre ces deux considérations qu'oscille une jurisprudence toute en nuances qui cependant, ces dernières années, évolue dans le sens d'une reconnaissance de plus en plus entière de la liberté de concurrence de l'ancien salarié.

Si la liberté de l'ancien salarié est incontestable, force est de constater, toutefois, qu'une certaine mesure doit être respectée par lui dans l'exercice de son activité concurrentielle par rapport à son ancien employeur. Ainsi le poids des relations passées est tel qu'un comportement qui, de la part d'un autre, passerait pour normal et licite, risque d'être considéré comme déloyal parce que provenant d'une concurrence trop agressive et acharnée de la part d'un ancien collaborateur. Sous cette réserve donc, l'ancien salarié peut librement concurrencer son ancien employeur à la rupture du contrat de travail. Et, faute de pouvoir reprocher au salarié une concurrence déloyale, l'ancien employeur ne peut que supporter les désagréments que la concurrence de ce dernier lui occasionne. A cet effet, à la différence du droit sénégalais, le droit français, donne la possibilité à l'employeur d'éviter une telle situation ; par conséquent, ce dernier peut insérer  dans le contrat de travail une clause interdisant au salarié, après la cessation du contrat, d'exercer une activité concurrente.

La consécration de la nullité de plein droit de toute clause d'un contrat de travail portant interdiction pour le travailleur d'exercer une activité concurrente à l'expiration du contrat, n'est pas sans réserve. (B)

B : La validité exceptionnelle des clauses interdisant l'exercice d'activité concurrentielle

L'obligation de non-concurrence résultant de la clause insérée dans un contrat de travail s'applique-t-elle quelle que soit la cause de la rupture de ce dernier ? Pour éviter toute difficulté, le législateur sénégalais a déterminé avec précision l'étendu de la clause à cet égard.

De surcroit, la clause ne s'impose au travailleur que si la rupture du contrat résulte d'une démission ou d'un licenciement pour faute lourde de sa part. La jurisprudence sénégalaise se montre assez stricte sur ce point et refuse toute efficacité à la clause si le contrat (à durée déterminée) prend fin par la survenance du terme, ou par un licenciement qui n'est pas motivé par une faute.42(*)

Il faut toutefois relever, ici encore, l'incidence des conventions collectives de travail : ce que la négociation individuelle ne peut pas faire, la négociation collective, parfois, le permet. Ainsi certaines conventions collectives, afin de protéger le salarié et lui éviter une interdiction de concurrence que l'intérêt de l'employeur ne justifierait pas pleinement, limitent-elles le jeu de la clause éventuellement insérée dans le contrat individuel aux seuls cas qu'elles prévoient. Ainsi, « une convention restrictive de la liberté du travail après la résiliation du contrat ne pourra être valable qu'à condition d'être limitée au seul cas de démission et de licenciement pour faute lourde ».43(*)

La démission est alors, une manifestation de la volonté d'abandonner une fonction ou un emploi. Un salarié peut à tout moment reprendre sa liberté en mettant fin à un état de subordination estimé désormais par lui insupportable. Il n'a pas à motiver sa décision, la volonté de recouvrer sa pleine liberté d'action étant elle même un motif suffisant. La volonté du salarié, à la supposer non équivoque, ne vaudra pas démission lorsqu'elle n'a pas été émise librement. La jurisprudence requalifie la décision du salarié en licenciement chaque fois que le salarié a été contraint à la démission par le comportement fautif de l'employeur.

Mais, il est rare que soit mise en cause la responsabilité contractuelle du salarié à l'égard de son employeur. Le plus souvent, lorsque le salarié manque à ses obligations contractuelles, l'inexécution ou la mauvaise exécution ne sont envisagées que comme cause réelles et sérieuse justifiant le licenciement : le salarié est licencié, ce licenciement est justifié, l'employeur n'en demande pas davantage.

S'il prétend en outre obtenir des dommages-intérêts, c'est plutôt, d'ailleurs, sur la base de la responsabilité délictuelle, à raison de fautes commises à l'occasion de la rupture du contrat (démissions abusives) ou postérieures à cette rupture.

La responsabilité contractuelle du salarié est, au demeurant, soumise à des conditions particulièrement restrictives : elle suppose que le salarié ait commis une faute lourde. La jurisprudence se réfère explicitement au « principe selon lequel la responsabilité du salarié n'est engagée envers son employeur qu'en cas de faute lourde ». Les fautes susceptibles d'être reprochées au salarié se rangent en diverses catégories en fonction de leur degré de gravité ; la faute lourde se situe certainement au sommet de cette hiérarchie : elle est plus grave que la faute grave.

Le législateur, en posant comme principe la liberté de la concurrence à l'expiration du contrat de travail du salarié n'omet pas de prévoir une exception à la règle. Ainsi, le salarié est tenu d'observer la clause de non-concurrence nonobstant l'expiration de son contrat dans le cas où la rupture lui est imputable ou résulte d'une faute lourde de sa part.

On observe en outre que la validité par la loi des interdictions contractuelles de concurrence intervient uniquement en cas de rupture par démission, ce qui constitue une atteinte à la liberté de démissionner, ou en cas de licenciement pour faute lourde, ce qui fait de la clause, non pas un instrument fondé sur la protection de l'entreprise, mais une sanction supplémentaire imposée au salarié fautif.

Le salarié fautif ou démissionnaire supporte une interdiction de concurrence à l'égard de l'ancien employeur qu'il respecte ou méconnait. L'obligation de non-concurrence doit être respectée par l'ancien salarié de même que tout nouvel employeur.

Cependant, en droit du travail français, même en cas de licenciement pour motif économique, l'ancien salarié est tenu de l'obligation de non-concurrence. Selon une partie de la doctrine «  si le chef d'entreprise a résilié irrégulièrement le contrat à durée indéterminée, cela veut dire que le rapport de travail n'aurait normalement pas dû s'éteindre et que, en conséquence, l'obligation de non-concurrence n'aurait pas dû naitre. Le salarié licencié abusivement ou contraint à démissionner ne peut donc être tenu d'assumer son engagement ». Cette analyse avait été en un premier temps, retenue par la jurisprudence. Mais la cour de cassation devait affirmer, en 1974, un principe nouveau, auquel elle s'est tenue jusqu'à présent : «  si les conditions abusives dans lesquelles (l'employeur) avait mis fin au contrat étaient susceptibles d'entrainer la réparation du préjudice en résultant pour le salarié, elles ne dispensaient pas par elles-mêmes les parties de l'exécution des obligations découlant de leur convention. Dés lors que la clause est conçue en termes généraux, l'obligation de non-concurrence qui en résulte doit s'appliquer après la rupture du contrat de travail, qu'elle qu'en soit la cause et même si elle est entachée d'irrégularité. Lorsque les parties désirent limiter l'application de l'engagement restrictif de concurrence aux seuls cas de démission ou de licenciement pour faute grave, par exemple, elles doivent l'indiquer expressément.

Le « devoir » ainsi mis à la charge du nouvel employeur ne sera invoqué qu'en cas de violation par le salarié de son obligation de non-concurrence : c'est à ce moment-là que l'on pourra en appeler à une méconnaissance par le nouvel employeur de son devoir, afin de sanctionner, le cas échéant, son comportement. C'est donc le problème de la sanction du non-respect de l'obligation de non-concurrence qui est ici posé. (section2)

* 29 _ Com.8 fevr,1965 B civ III n° 96

* 30 _ Paris 20 sept 1988 D.1989 somm 260

* 31 _ Cour d'appel Paris 20 sept. 1988 D. 1989 somm.260

* 32 _ Soc. 20 févr. 1989. Bull. civ. V, n°84, D.1989

* 33 _ Versailles, 2mars 1989, D.1990 Somm.81

* 34 _ Com.8fevr 1965 Bull.civ. III, n°96

* 35 _ Paris, 7 avr.1986, D.1987, Somm.265

* 36 _ Versailles, 26 juill 1989, D. 1990, Somm. 335 et les obs.

* 37 _ Paris, 23 nov. 1989, D.1990, somm. 335 et les obs.

* 38 _ A.BRUN, L'évolution du régime de la concurrence irrégulière dans les rapports du travail : Mélanges Roubier

* 39 _ Paris, 4 nov.1981 : Gaz. Pal.1982, 1, somm.82

* 40 _ Versailles, 9 juin 1986 D.1987 somm.263 et les obs.

* 41 _ Paris, 5 avr 1990 D.1990 somm. 335 et les obs.

* 42 _ Trib trav Dakar, 20 mars 1967 TPOM n°220, p4880, C.A. 3AVR 1968, Sodack c/Lucas ABreu

* 43 _ Art .21, C.C.N., personnel du service interentreprises de médecine du travail

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