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L'amour comme paradigme de la morale chez Vladimir Jankélévitch

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par Marios KENGNE
Grand séminaire Paul VI-Philosophat de Bafoussam - mémoire de fin de cycle 2002
  

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2. La morale de l'intention bienfaisante

La morale que prône Jankélévitch n'est pas une morale qui se limite au discours. Certes sa morale est considérée comme une morale de l'intention qui fait le bien. Le bien se concrétise par les actes, il ne se limite pas aux pures spéculations orales. La morale implique l'agir humain et cet agir ne peut se passer des réalités concrètes. Une intention qui ne se manifeste pas dans les actes du sujet moral sera difficilement appréhendable et appréciable. Ceci voudrait dire qu'une intention, aussi bonne soit-elle, ne saurait être le critère de moralité d'une action. Chez Jankélévitch, en plus de la bonne intention, l'action réelle doit témoigner de cette intention.

Dans cette perspective, Jankélévitch opère un dépassement de l'autonomie de la volonté d'Emmanuel Kant posée comme critère de moralité. Il faut, en effet, dire que Kant fonde de prime à bord la moralité sur le principe du «vouloir » qui se caractérise par la bonne volonté. Cette bonne volonté, Kant la considère comme l'unique critère qui puisse permettre de tenir une chose pour bonne sans restriction : « De tout ce qu'il est possible de concevoir en ce monde, ou même hors de ce monde, il n'y a rien qui puisse sans restriction être regardé comme bon absolument, excepté une BONNE VOLONTE92(*) En plus de cette bonne volonté kantienne, il faut l'effectivité de l'intention qui se rend manifeste dans l'action posée. Toutefois, l'intention n'est pas à rejeter, elle doit être toute entière tendue vers l'action. A ce titre, le sérieux d'une intention ne peut se dévoiler que grâce à l'action. Nous pouvons dire que l'action est la vérité de l'intention qui la précède. Il faut même dire que c'est à la proximité de la décision d'agir et surtout de l'acte effectif que l'on pourrait reconnaître le sérieux d'une intention. Jankélévitch énonce à ce sujet : «Il n'y a de témoignage absolument sincère et total sur l'intention que le témoigne par les actes [...] L'acte est plus éloquent et plus convainquant que le verbe. »93(*) C'est en ce sens que Jankélévitch incite à agir. Le sujet moral doit rendre concret l'intention dans son agir.

Nous pouvons comprendre à ce niveau l'urgence et la nécessité d'agir. Il faut agir, il faut poser des actes concrets qui sont la manifestation de l'intention que le sujet moral porte en lui. Une intention qui n'est pas mise en pratique n'est qu'une idée, une galéjade. Elle sera comparable à une idée vide de tout contenu réel. Dans cette perspective, nous pouvons faire référence à Kwame Nkrumah qui affirme dans le Consciencisme : « La pratique sans théorie est aveugle ; la théorie sans pratique est vide. »94(*) Le critère de moralité d'une intention sera donc fonction non seulement de cette intention elle-même, mais aussi de sa mise en pratique. Cependant, il faut signaler que cette mise en pratique ne vaudra moralement que si elle manifeste l'effort de celui qui agit en vue de réaliser l'intention morale. Il ne suffit pas donc d'avoir de bonnes intentions, il faut encore cette volonté déterminée de les rendre évidentes. La morale à ce titre revêt un caractère pragmatique.

Pour Jankélévitch, le « vouloir, c'est pouvoir » de Kant n'est pas tout. Il faut que ce qui est voulu soit porté en acte parce que « le vouloir tend asymptotiquement vers une limite qu'il ne pourra toucher par un contact physique, qu'il peut seulement effleurer, d'une tangence impondérable et instantanée. »95(*)

En somme, l'imbrication des paradoxes de la morale dans la notion du devoir moral tient en ceci : Jankélévitch prône un amour désintéressé et sans borne. Cet amour, « rapport transitif et direct du Je avec l'Autre »96(*), exige que le Je aime seulement l'Autre sans contrepartie. Ce pourra être un amour à sens unique. De même, il stipule que l'agent moral doit faire son devoir sans contrepartie. Il n'a d'ailleurs que des devoirs puisque ses droits, il ne peut les revendiquer. Le devoir moral est alors comme l'amour, un devoir asymétrique. Il faut aimer, il faut faire son devoir. Nous pouvons comprendre qu'à cette condition l'agent moral ou l'aimant peut subir des injustices dont il ne peut même pas s'en plaindre : « Je dois en principe, supporter l'insupportable iniquité dont je suis victime, sans prétendre à aucune compensation, sans revendiquer le moindre dédommagement, sans même avoir le droit de me plaindre [...] Et d'abord, tout le monde a des devoirs, moi compris, moi surtout, puisque le devoir, exprimant l'inachèvement infini de l'être moral, est avant tout appel et vocation. »97(*) Il faut alors dire que la morale chez Jankélévitch exige que l'on évite tout parti-pris dans l'agir moral. Faire son devoir, c'est le faire à l'égard de tout le monde sans la moindre préférence ; de même, l'amour exclut toute iniquité.

* 92 _ KANT E., Fondement de la métaphysique des moeurs, Trad. Hatier, Paris, Hatier, 1963, p.16.

* 93 _ JANKELEVITCH V., Henri Bergson, op. cit., p. 292.

* 94 _KWAME NKRUMAH, Le consciencisme, Paris, Payot, 1965, pp. 119-120, cité par AZOMBO-MENDA S.,ENOBO KOSSO M., Les philosophes africains par les textes, Paris, Fernand Nathan, 1978, p. 43.

* 95 _ JANKELEVITCH V., Le paradoxe de la morale, op. cit., p. 183.

* 96 _ JANKELEVITCH V., Henri Bergson, op. cit., p. 295.

* 97 _ JANKELEVITCH V., Le paradoxe de la morale, op. cit., p. 187.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore