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La critique existentialiste du rationalisme chez Sàśren Kierkegaard

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par Eric MBOCK ABOUBAKAR
Grand Séminaire Saint Augustin de Maroua - Mémoire fin de cycle de philosophie 2008
  

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CHAPITRE II

L'EXISTENTIALISME KIERKEGAARDIEN

II.1. Remise en cause des systèmes

Dans son ouvrage intitulé Post-scriptum aux miettes philosophiques, Sören KIERKEGAARD sous le pseudonyme de Johannes CLIMACUS, passe en revue les différentes méthodes qui peuvent mener la réflexion philosophique jusqu'à la vérité ou plutôt jusqu'à l'essence de la vérité. Il y analyse l'insuffisance de la théorie du langage abstrait ; bref il critique la pensée rationaliste.

II.1.1. La critique de l'hégélianisme

De manière générale, toute étude sur KIERKEGAARD ne peut éluder la critique qu'il fait du système hégélien en particulier et de tous les systèmes en général. Car c'est en opposition à HEGEL que sa position se définit. KIERKEGAARD entreprend cette critique des systèmes parce qu'il considère que « le malheur de notre époque est qu'elle a appris trop de choses, et qu'elle en a oublié d'exister »46(*). Mais, si la critique est formulée contre les systèmes et le savoir absolu, elle atteint par ricochet toute spéculation abstraite et tout usage de la raison en matière religieuse.

De part ses études menées à l'université, KIERKEGAARD a pris connaissance de la pensée hégélienne et fut même séduit au départ par sa dialectique. Mais dès 1841, il commence à s'en dégager et la critique faite à ce dernier atteint son maximum dans le Post-scriptum.

La thèse de KIERKEGAARD est qu' « il peut y avoir un système logique, il ne peut y avoir un système de l'existence »47(*) puisque le réel n'est pas formé de concepts mais d'individus existant concrètement. Avec HEGEL, le système commence avec l'immédiat. Mais l'auteur Des Miettes philosophiques montre qu'il ne commence pas avec l'immédiat, car celui-ci est atteint par la réflexion. Une question se pose alors : « comment est ce que j'arrête la réflexion pour atteindre le commencement ? »48(*). La réponse que l'on peut donner est que la réflexion, laissée à elle-même, continuerait indéfiniment parce qu'elle a cette propriété remarquable qu'elle est infinie. Ce qui veut dire qu'elle ne peut être arrêtée par elle-même. Si elle s'arrête devant l'immédiat, ce n'est pas en vertu de sa logique interne, mais en vertu d'une décision librement prise. C'est pourquoi « ce n'est que quand la réflexion est arrêtée qu'on peut commencer, et la réflexion ne peut être arrêtée que par quelque chose d'autre, et cette autre chose est tout différent du logique car c'est une décision »49(*).

L'autre revers du système est qu'il doit englober toute vérité ; donc, être achevé sinon aucune de ses parties ne tient. « Un système et un tout clos sont une seule et même chose ; donc tant que le système n'est pas fini, il n' y a pas de système »50(*). Voilà pourquoi le problème est que le système philosophique est parfait et achevé. Pour y entrer, il faut une décision libre qui est antérieure et transcendante au système ; raison pour laquelle ce système n'a rien de logique, car commençant en vertu d'un acte libre. Dans sa volonté de nous montrer que le système est quelque chose de jamais achevé, KIERKEGAARD dit : « chaque fois que j'ai été sur le point de tomber à genoux devant le système pour l'adorer, j'ai demandé à l'un des initiés : « dis- moi est-ce tout à fait terminé ? » Et j'ai reçu toujours la même réponse : « Non, à vrai dire ce n'est pas encore tout à fait fini ». Et, ainsi tout était à nouveau remis à plus tard, le système et la génuflexion »51(*). Nous nous apercevons dès lors que ce qui nous est offert, ce n'est pas un système, mais l'effort de l'homme vers le système, car le système est un tout uni et achevé. De ce qui précède, nous pouvons affirmer que le système philosophique est quelque chose qui reste toujours incomplet, c'est-à-dire inachevé.

Pour KIERKEGAARD, la valeur réelle d'un système d'idées logiques est nulle et il suit de là qu'un système de l'existence est impossible parce que l'existence est ce qui sépare. Elle sépare les choses les unes des autres et rend leur individualité inconnaissable. Elle sépare les choses de la pensée et les pose en soi hors de l'immanence. Cela signifie qu'on peut bien confiner les concepts mais le réel n'est pas formé de concepts ; il est constitué d'individus existant et leur existence consiste en ce qu'ils sont posés chacun en soi, c'est-à-dire à part des autres et en dehors de la pensée. Il apparaît qu'aucun procédé dialectique ne peut synthétiser les existants puisque le philosophe qui construit un système n'est pas lui-même une idée de son système. Or, le philosophe est un homme particulier existant ; mais qui se désintéresse de son existence sous prétexte d'être objectif au point où il arrive à comprendre tous les systèmes des sciences, sauf lui-même. Pour l'exprimer, KIERKEGAARD recourt à l'image d'un bâtisseur qui « élève une bâtisse immense, un système universel embrassant toute l'existence et l'histoire du monde, etc. Mais regarde- t-on sa vie privée, on découvre ébaudi ce ridicule énorme qu'il n'habite pas lui-même ce vaste palais mais une grange à côté, un chenil, ou tout au plus la loge du concierge »52(*).

Le système universel qu'il soit celui de l'esprit selon HEGEL, ou celui de l'humanisme selon MARX, a oublié dans sa dispersion historico-universelle ce que signifie être un homme. La tâche que KIERKEGAARD se propose est précisément l'inverse. C'est l'individu qui est la vérité et non la raison, l'humanité ou l'Etat, car l'individu est la seule réalité. « Ce qui existe est toujours un individu ; l'abstrait n'existe pas »53(*). L'existence désigne chez KIERKEGAARD la réalité concrète de l'homme, non de l'homme en général, mais de chaque individu.

Le système Hégélien serait admirable en tant qu'expérience mentale, comme fiction abstraite ; mais, si nous cherchons à le comprendre comme le vrai sens de la réalité, c'est tout simplement comique54(*) ; ici apparaît un thème récurrent tout au long de son oeuvre : l'ironie. Celle-ci occupe dans la pensée la place que chez HEGEL correspondrait la dialectique. KIERKEGAARD l'utilise comme un moyen pour détruire le système hégélien. Il prétend par là défendre la seule chose qui importe : l'existence et son mystère. Dans l'idéalisme hégélien, la liberté et l'individualité de la personne sont sacrifiées à la nécessité et à l'universalité de l'idée. La pensée en définitive est abstraite et l'existence concrète ; c'est pourquoi la pensée ne pourra jamais comprendre l'existence. La pensée du sujet existant n'est pas la pensée objective du philosophe qui s'oublie lui-même mais la pensée subjective, la réflexion sur le mouvement de sa propre existence.

Par cette critique, le philosophe danois montre à quel point toute spéculation abstraite laisse de côté l'existence et ne peut donc ni la penser, ni l'expliquer ni la démontrer. Ce refus ou ce rejet de la conceptualisation de l'existence remonte à la période antique car « l'existence correspond à l'individu qui, suivant l'enseignement de Aristote, est en dehors de la sphère du concept »55(*).

Aborder ainsi l'existence ou la considérer de la sorte, ne sera que le fruit de la pensée abstraite qui « je le sais admire volontiers l'existence d'un artiste qui, sans s'interroger sur la nature de sa condition humaine,[...] fait oublier l'homme pour l'oeuvre »56(*).

* 46 _ S. KIERKEGAARD, cité par R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie contemporaine, op. cit., p. 23.

* 47 _ Ibidem, p. 29.

* 48 _ Ibidem, p. 23.

* 49 _ S. KIERKEGAARD, cité par R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie contemporaine, op. cit., p. 23.

* 50 _ Ibidem, p. 24.

* 51 _ Idem.

* 52 _ Ibidem, p. 25.

* 53 _ H. MARCUSE, cité par E. VILANOVA, Histoire des théologie chrétienne, T. III, Paris, Cerf, 1997, p. 441.

* 54 _ Idem.

* 55 _ S. KIERKEGAARD, cité par R. VERNEAUX, Histoire de la philosophie contemporaine, op. cit., p. 25.

* 56 _ P.-H. TISSEAU et JEAN BRUN, Kierkegaard, L'existence, Paris, P.U.F., 1962, p. 44.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote