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Les conditions professionnelles du journaliste de la presse privée au Cameroun ( enquête)

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par Miriam Aurélie Fogoum Mawa
Siantou Supérieur sous couvert IFASIC KINSHASA - Graduat III 2009
  

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Deuxième partie : Les Difficultés d'application du cadre organisationnel

Le journaliste Jean Vincent TCHIENEHOM dans une interview accordée au journal en ligne le journal du Cameroun.com déclare: « Je doute que cette convention soit appliquée avant longtemps! Les entreprises de presse, quand elles existent sont incapables d'en appliquer les clauses, car elles ne font pas assez de recettes. La chose à faire consiste à voir comment rendre viable la situation économique et financière de ces entreprises. C'est possible, encore faut-il que le gouvernement fasse preuve d'initiative ».

Il apparait clairement que le journalisme au Cameroun évolue dans un cadre différent de celui voulu par la convention collective des journalistes, de ses syndicats notamment Les Syndicats National des Journalistes du Cameroun (SNJC) et Syndicat des Journalistes Employés du Cameroun (SJEC), mais aussi par le code du travail. Les entreprises de presse font face aux rigueurs de la conjoncture, et aux contradictions du tissu économique ainsi que du système politique.

De plus, plusieurs entreprises de presse sont loin d'être organisées comme telle, car depuis les années 1990 la presse écrite n'a besoin que d'une simple déclaration pour naître. On remarque d'ailleurs que de 1990 à 2000 on comptabilise 1300 à existence légale28(*) et le malheur pour leurs reporters c'est qu' « au Cameroun lorsqu'on est chef, on confond la caisse avec sa poche » dénonce le journaliste EYOUM'A NTOH29(*).

Chapitre I : Les difficultés d'ordre financière

Du 16 au 19 novembre 2010, l'hôtel Hilton accueillait en son sein un forum qui avait pour thème central Le financement des médias. Reporters et directeurs de publication africains s'y sont retrouvés massivement afin de débattre sur les obstacles financiers qui empêchent aux entreprises de presse d'atteindre leur apogée. Au cours de ce forum, les panélistes n'ont pas manqué de remarqué que la presse indépendante est dans un état de régression. La presse camerounaise particulièrement est entrée dans une phase de blocage et les bailleurs de fonds n'interviennent pas en faveur des médias.

Les actions engagées par les différentes coopérations sont plutôt ponctuelles et aucune n'a encore mis en place un programme structurant d'appui aux médias. Les principales coopérations qui interviennent en appui aux médias sont les suivantes : sur le plan bilatéral, la coopération française, allemande (fondation Friedrich Ebert) et suisse. Sur le plan multilatéral, l'Agence de la Francophonie, l'UNESCO, la Banque Mondiale. On peut également souligner le soutien des Organisations Non Gouvernementales (ONG) catholiques aux médias d'obédience catholique ainsi que les interventions très actives de Reporters sans Frontières pour défendre les journalistes emprisonnés.30(*)

La presse écrite est sujette à une véritable limite. Valentin Siméon ZINGA : «En 1994, l'hebdomadaire DIKALO paraissant depuis 1991 déclarait qu'il s'arrête pour mieux se relancer. Le journal avait effectivement repris quelques semaines plus tard avec à sa tête un homme d'affaires prospère». Ce récit est significatif des difficultés de la presse très affectée en 1994 car cette année, marque celle de toutes les crises économiques de la société camerounaise et par ricochet de l'environnement médiatique.

Pourtant, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'Education, la Science et la Culture et (UNESCO), toutes les entreprises de presse compte tenu de leur spécificité et de leur rôle de service public et de regard social, doivent être aidées dans le monde.

Section I : Les obstacles relevant des employeurs

" La convention collective est une très bonne chose. J'ai signée. En tant que patron de presse, je veux bien l'appliquer. Mais, pour l'instant, je n'en ai pas les moyens ". Ainsi s'exprimait le feu directeur général du Free media group, éditeur du quotidien Le Messager Pius NJAWE Invité vendredi 22 mai 2009 au séminaire organisé par le Syndicat des journalistes employés du Cameroun (SJEC), il faisait une communication sur les difficultés d'application de la convention collective nationale des journalistes et des professionnels des métiers connexes de la communication sociale au Cameroun.

Comme M. NJAWE, les employeurs des entreprises de presse écrite privée camerounaises avancent de nombreuses raisons qui les empêchent d'améliorer ou alors de respecter le contenu de la convention collective. On peut lire dans les colonnes du site Camerpress.be, l'ancien reporter du même quotidien Roland Tsapi déclare: «Les médias camerounais doivent d'abord exister sur le plan économique. Ce qui est loin d'être évident dans le contexte actuel. Il fait par ailleurs remarquer que la presse écrite est durement frappée par la baisse drastique des ventes de journaux et des recettes publicitaires sans compter que « les annonceurs ne paient que quand ils le veulent bien ». Les médias manquent de ce fait d'arguments nécessaires pour appliquer une telle convention collective.

Xavier Messe du quotidien Mutations apporte une forme de réponse sur les raisons de la signature de plusieurs directeurs de publication : « Il est important de créer un cadre social dans lequel s'installerait les entreprises de presse ». Pius NJAWE avait dit à ce propos: «J'ai émis des réserves car il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs ». Les patrons des organes ou des groupes de presse expliquent que l'univers médiatique est frappé par une crise globale. A les en croire, même les grands groupes de presse basée en Occident sont en proie à des difficultés d'ordre économique. Et comme témoin, l'on affiche les grèves récurrentes du personnel de Radio France International (RFI). Le prestigieux journal français quotidien Le Monde a connu des difficultés financières et a été mis en vente cette année. N'eut-été son rachat par le trio Mathieu PIGASSE, Xavier NIEL et Pierre BERGE, il aurait été mis en faillite31(*).

Pourtant, dans la plupart des cas, notamment dans le secteur privé de la presse écrite, « des patrons se comportent comme des capitalistes qui prolétarisent les employés. Les budgets de fonctionnement sont ridicules au point que les frais de reportage font parfois défaut dans certaines rédactions ».32(*) Force est de constater qu'il y a au Cameroun, des employeurs qui peuvent passer deux ou trois mois sans payer les journalistes, c'est le cas de ceux du quotidien Mutations qui depuis fin 2006 vivent des fins de mois difficiles : «En 2007, la situation s'aggrave, la crise éclate. 2008 on essaye d'apporter des modifications, et pourtant en 2009 tout s'aggrave. Nous avons passé quatre mois d'arriérés de salaire» avoue Léger Ntiga NTIGA rédacteur en chef adjoint au cours de notre entretien. Il se targue tout de même de ce que leurs journalistes sont à un salaire minimum de 144.900 FCFA et que ces derniers sont tous recrutés avec un diplôme de journalistes.

Ce qui n'est pas tout à fait exact, car au cours de notre enquête, deux journalistes sur les dix interrogés ont été formé sur le tas mais ont des diplômes supérieurs ou égal à un Bac+2. Nous faisons une analyse simple: les gages appliqués sont encore loin des attentes de la convention collective qui demande qu'un journaliste de cette catégorie ait un salaire de base de 204. 145 FCFA. Pour la rémunération, le rédacteur en chef adjoint se défend: «Il est vrai que nos prix sont loin des standards, mais ce n'est pas ce qui avait été arrêté par le patronat et le personnel. La fourchette était comprise entre 200.000 FCFA et 250.000 FCFA. Mais l'entreprise s'est enlisée ».

Dans certaines rédactions, on en trouve qui touchent moins de 100 000 FCFA tel que constaté au siège de Yaoundé du quotidien La Nouvelle Expression et de l'hebdomadaire économique Diapason. Lindovi NDJIO reporter à la Nouvelle Expression et titulaire d'un BTS en journalisme, nous avouera que son salaire n'atteint pas 100.000 FCFA depuis près trois ans d'exercice. Il déclare n'avoir jamais été en possession d'un contrat de travail : «Nous sommes assez nombreux dans cette situation » continue-t-il. Ici, cinq journalistes sur la dizaine y travaillant sont titulaires d'un diplôme de journaliste. Le patron de la rédaction de Yaoundé Valentin Siméon ZINGA explique « Il y a une espèce de réalisme à la Nouvelle Expression qui fait peut-être qu'on échappe à de longs mois sans salaire. Ce réalisme même si je me questionne parfois, repose sur un postulat qui s'assure que : ce que je dois vous payer je vous le paye, sans vous donner l'impression que je peux vous payer plus et ne pas l'assumer à un moment donné ». De plus l'affiliation à la sécurité sociale n'est pas garantie.

Le journal Diapason par le biais de son secrétaire général Antony Daka nous parlera d'une fourchette comprise entre 70.000 FCFA et 150.000. Il divulgue également que pour le cas des pigistes parfois ils ne sont pas payés, mais ne s'appesantit pas sur les montants des piges «Ca dépend vraiment du travail effectué» avance t-il d'un ton sans appel. Sauf pour les journalistes du quotidien Mutations. Sur  les dix journalistes rencontrés dans la rédaction des mutants, tous affirment avoir une couverture sociale.

Au vue d'une condition apparemment précaire des journalistes, On pourrait presque parler ici d'une traite des travailleurs des médias et ce dans un pays considéré comme un Etat de droit. Surtout quand on sait que les demandeurs d'emplois se font très nombreux au fil des ans. Ceux qui travaillent dans les journaux qui voient le jour ont pour objectifs de gérer le chômage dans lequel ils étaient installés, parfois depuis de longues années en attendant de trouver meilleur filon33(*). D'où la fuite de certains journaliste vers le fonctionnariat à la recherche d'un matricule, précieux sésame vers un salaire pas forcément meilleur mais plus régulier.

La gestion de la grande majorité des médias « laisse vraiment à désirer », sauf pour certains qui se comptent sur les doigts de la main. Christophe BOBIOKONO secrétaire général de l'UJC « Beaucoup de gens considèrent que le fait de déclarer un titre c'est avoir une entreprise de presse, ils ne prennent aucune protection. Sur celles qui existent, il y en a très peu qui ont une organisation qui tient compte de la spécificité des médias notamment la rédaction, service commerciale, les activités financières. Les activités éditoriales doivent être séparées des activités commerciales » Il prendra à exemple le journal Mutations qui a toujours eu le souci de fonctionner comme une véritable entreprise: «Elle a sa charte éditoriale, elle sépare le commerciale de l'éditorial, il y a une grille des salaires, il y a un plan de carrière mais qui n'est pas respectée à la lettre » dit le journaliste.

Au Cameroun, même si des efforts sont effectués par certaines entreprises, il existe toujours ce phénomène du « oui ...mais ». Nous pouvons presque en déduire que la situation qui prévaut actuellement est due au fait que la rentabilité est la seule préoccupation de nombreux patrons en leur qualité d'hommes d'affaires. Beaucoup d'entreprises de presse qui ont prospéré dans les années 90 sont avant tout unipersonnelles, l'initiative est un bien « originel » selon Valentin Siméon ZINGA qui explique qu'à la nouvelle expression personne n'a une part de capitale aussi elle est gérée avec ses injustices et ses incompréhensions.  Comme le disait le secrétaire national des Syndicat des journalistes du Cameroun (SJEC) Jean Marc SOBOTH: «La gestion actuelle des médias n'est pas très différente de celle d'une épicerie » encore que même celle-ci a besoin d'une comptabilité fiable pour assurer sa pérennité. De cette citation, il ressort que la comptabilité des entreprises de presse écrite est entre les mains de profanes et les dirigeants des entreprises utilisent les fonds comme bon leur semble sans se soucier du lendemain. «A un moment donné on doit tirer les bonnes leçons de gestion, le chef d'entreprise ne peut tout materner. Ce que Mutations génère comme recettes permet qu'il n'y ait pas de problèmes. Mais si elle doit aussi recouvrer ses recettes 60 jours après c'est difficile. De même, les banques ne nous accorde pas de facilités »34(*).

Par conséquent, les employés connaissent de nombreux mois d'arriérés de salaires et les licenciements sont très fréquents. De tels facteurs entravent l'indépendance des journalistes, puisque pour joindre les deux bouts ils sont obligés de recourir à des manoeuvres douteuses comme le « gombo » (du nom de cette légumineuse gluante mangée en sauce au Cameroun, qui renvoie métaphoriquement dans le jargon de la scène médiatique, à une variété de pratiques de corruption des hommes des médias par tout ceux qui en obtiennent en retour toute la bienveillance) où des nouvelles sont achetées et vendues, et à d'autres formes de chantage.

La distribution des journaux au Cameroun est mal assurée : «Les infrastructures ne permettent pas une bonne diffusion de la presse écrite, les routes sont mauvaises, les avions il y en a pas beaucoup. Internet connait des problèmes de réseaux surtout dans les zones rurales. N'est-ce pas des freins à l'émancipation ?. Si la presse écrite n'est pas suffisamment diffusée, elle ne peut être connue. Ajoutez à cela que les Camerounais ne lisent pas beaucoup».35(*)

La pauvreté ambiante est un obstacle important. Les gens luttent plus pour leur survie que pour acheter un journal dont le coût équivaut à deux baguettes de pain et plus, c'est-à-dire 400 FCFA. Malgré les dispositions prises par les éditeurs de la presse privée pour mettre en avant les journaux dans les kiosques avant leur mise en circulation,  « certains vendeurs à la criée préfèrent les louer à 50 ou 100 FCFA pour une heure maximum. Il y en a qui n'hésitent pas photocopier les pages qui les intéressent » confesse Norbert OUENDJI36(*). Au début de l'année 2006, il s'est même développé une industrie de vente de journaux photocopiés, version piratée de journaux classiques qui proposaient aux Camerounais des titres sensationnels sur des sujets comme l'homosexualité ou les pilleurs de la République.

* 28 _ Elisabeth Paquot, (GRET), Séverin Cécile Abega, (Institut deRecherches Socio-Anthropologiques), L'état des médias

au Cameroun, Ed. Gret, P 4

* 29 _ La pratique du journalisme au Cameroun entre 1990 et 1994 : les difficultés du journaliste de la presse écrite

* 30 _ Elisabeth Paquot, (GRET), Séverin Cécile Abega, (Institut deRecherches Socio-Anthropologiques), L'état des médias

au Cameroun, Ed. Gret, P 4

* 31 _ Source Capital.fr

* 32 _ Le journalisme avec peine au Cameroun entretien de Vincent Tridon avec Norbert N. Ouendji

* 33 _ Les Cahiers du journalisme n o 9 - Automne 2001, Cameroun : une liberté de la presse précaire. De la chape de plomb politique à l'étau économique, Valentin Siméon Zinga

* 34 _ Entretien avec Leger Ntiga, rédacteur en chef adjoint du quotidien Mutations

* 35 _ Entretien avec Christophe Bobiokono, Secrétaire général de l'UJC

* 36 _ Le journalisme avec peine au Cameroun entretien de Vincent Tridon avec Norbert N. Ouendji Bordeaux, jeudi 10 août 2006

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