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Placement sous écrous et dignité de la personne

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par Malick BA
Université Gaston Berger de Saint-Louis - Maitrise 2010
  

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SECTION 2 : L'ARBITRAIRE CARCERAL

Fondée à l'exception de quelques rares références législatives sur les dispositions réglementaires surabondantes du cpp et sur une multitude de circulaires et de notes de service, l'application du droit pénitentiaire est largement arbitraire. La prison est régie par autant de règlements intérieurs que d'établissements et leurs dispositions sont appliquées le plus souvent à la discrétion des personnels de direction et de surveillance : selon les cas, on sanctionnera plus ou moins l'usage de drogue, on utilisera selon une fréquence variable le quartier disciplinaire comme outil habituel de gestion de la population carcérale. Au-delà des conditions matérielles de détention, les détenus pâtissent également des dysfonctionnements des différentes administrations, le " droit de la prison " restait largement illusoire. Le cadre législatif de la détention, posé par le cpp, est particulièrement succinct. Le " droit de la prison " est en effet avant tout de nature réglementaire, Alors que le détenu est normalement privé de la seule " liberté d'aller et de venir ", de nombreuses libertés sont supprimées en prison, ou inapplicables, en dehors même de celles qui deviennent inapplicables en raison de la surpopulation pénale. Ces différentes dispositions réglementaires sont naturellement orientées pour assurer la meilleure sécurité des établissements pénitentiaires. L `arbitraire se manifeste alors à travers une procédure disciplinaire montrant qu'il s'agit d'une prison dans la prison (PARAGRAPHE 1) et l'existence d'un personnel pénitentiaire impuissant (PARAGRAPHE 2).

PARAGRAPHE 1 : LA PROCEDURE DISCIPLINAIRE : UNE PRISON DANS LA PRISON

L'administration pénitentiaire ne favorise guère la réinsertion des détenus lorsqu'elle recourt à des pratiques comme l'isolement ou les transferts imposés, en tant que sanction des plus récalcitrants ou du moins présumés dangereux, le tout sans procès équitable permettant de démontrer les faits, pour des durées illimitées et sans le moindre contrôle judiciaire. Les réponses que le droit peut apporter sur de tels sujets résident dans l'interdiction du maniement de l'isolement comme outil disciplinaire(A). De même la sanction étant à la discrétion de l'administration, il s'ensuit que les punitions deviennent dégradantes et angoissantes(B)

A- L'ISOLEMENT

L'isolement est réglementé par l'article 18 de l'arrêté ministériel portant règlement intérieur de l'administration pénitentiaire. Telle sanction interrompt des formations ou études en cours, rendent leur commencement impossible, détruisent des familles, et privent les uns et les autres de revenus. Avec cela non seulement l'individu est privé de la liberté d'aller et de venir mais parce que, dans sa vie quotidienne, tout est organisé pour lui rappeler qu'il est puni et qu'il doit obéir, le refus d'obéissance se paie cher en détention. Il est évident que la prison déresponsabilise et infantilise, surtout dans les premiers temps. Les relations dans la prison sont fondées sur la méfiance, voire le mépris réciproques, alors que le contrat suppose au contraire la reconnaissance de l'autre comme un semblable. Le règlement intérieur du Mac de Saint-Louis prévoit la mise en cellule punitive qui va de 8 à 30 jours en son article 13.La prison constitue une microsociété, avec des lois, non écrites pour la plupart, mais prégnantes. L'une d'entre elles énonce qu'il ne faut jamais pactiser avec l'« ennemi ». Le surveillant se méfie du surveillé potentiellement dangereux. Le surveillé se méfie lui du surveillant qui détient le pouvoir de violer son intimité lors des fouilles ou des rondes et qui dispose, de par la réglementation, de toute une panoplie de sanctions dont il pourra déclencher le mécanisme au moindre manquement à la discipline. Si l'arrivant nourrit à cet égard quelques illusions, ses codétenus le mettront vite en condition, racontant à l'envi comment les « matons » peuvent se livrer aux pires excès répressifs. Proclamer que l'on se fait respecter de l'« ennemi » pose le personnage dans le milieu carcéral88(*) .

L'isolement en France est une sanction qui peut être prononcé quelle que soit la faute disciplinaireSeul le délai maximal de mise en cellule disciplinaire varie : il est de quarante-cinq jours pour les fautes du premier degré, trente jours pour les fautes du deuxième degré, quinze jours pour une faute du troisième degré, les mineurs de 16-18 ans disposant d'un régime " allégé ". En résumé, un détenu de plus de 18 ans peut faire quinze jours de " mitard " pour une faute du troisième degré. Par exemple : " jeter des détritus ou tout autre objet par les fenêtres de l'établissement ", " communiquer irrégulièrement avec un codétenu L'article 726 du code de procédure pénale français est le fondement législatif du quartier disciplinaire : " Si quelque détenu use de menaces, injures ou violences ou commet une infraction à la discipline, il peut être enfermé seul dans une cellule aménagée à cet effet ".Juridiquement, les sanctions disciplinaires infligées aux détenus étaient, en tant que mesures d'ordre intérieur, insusceptibles de recours pour excès de pouvoir. La jurisprudence du Conseil d'Etat " Marie " du 17 février 1995 a considéré que le placement en quartier disciplinaire faisait échec à la théorie traditionnelle des mesures d'ordre intérieur.

B- LES PUNITIONS DEGRADANTES ET ANGOISSANTES

« Puissent certains professionnels des mondes judiciaire et pénitentiaire devenir non plus de froides machines à broyer, mais de réels interlocuteurs qui savent écouter et se remettre en question, sans utiliser parfois la loi ou le règlement comme instrument de pouvoir et d'écrasement sur les autres. Puissent ces professionnels devenir des personnes plus abordables (et non plus « intouchables »), plus sensibles et ouvertes à la détresse, plus transparentes, humaines et justes ; qu'elles puissent sanctionner et relever dans le respect de l'être humain et de sa dignité. C'est cela la vrai justice89(*) ».La loi est raisonnablement faite pour la dignité de l'homme, et non l'homme pour l'unique dignité de la loi. Le système punitif doit montrer l'exemple et devenir enfin globalement porteur de vie, de reconstruction et d'espoir pour tout ceux et celles qui subissent car ils ont commis une faute.

En France les conditions de détention au " mitard ", jusqu'au début des années soixante-dix, étaient particulièrement rigoureux. Le détenu n'avait parfois droit qu'à du pain sec et de l'eau, il vivait dans une obscurité quasi complète et ne disposait que d'un seau pour satisfaire ses besoins. Une commission a pu constater que certaines cellules disposaient encore de toilettes à la turque, d'une saleté souvent repoussante, avec un robinet. Le détenu dort sur un mince matelas, posé sur une dalle de béton. L'aération est parfois déficiente. La température peut y être glaciale en hiver, et suffocante en été90(*). La " promenade " consiste à se rendre seul, une heure par jour, dans une petite cour grillagée. A cet égard, comme le montre l'exemple de la maison d'arrêt de Varces, le détenu peut très bien ne pas voir le ciel, et déambuler dans un local à peine plus grand que sa cellule.

Au Sénégal des progrès importants ont été réalisés. Seul endroit des maisons d'arrêt où la règle de l'encellulement individuel est paradoxalement respecté, le quartier disciplinaire présent des conditions de détention naturellement perfectibles. L'état des " mitards " est variable et constitue d'ailleurs un bon indicateur du bon " fonctionnement " d'une prison. La prison brise les détenus, les dépersonnalise, les déstructure durant des années au point de transformer certains d'entre et de les rendre incapables de refaire face à la vie du dehors. Voici le témoignage d'un détenu français sur les conséquences de l'état d'angoisse en prison : « Je dis qu'on pousse les détenus à se suicider. Le suicide ne peut pas être le fait d'une désespérance, il est le résultat des pressions subies au quotidien sans possibilités de s'en défendre. La prison, qui soustrait au regard et au contrôle démocratique, permet toutes les formes d'arbitraire. Des femmes, des hommes sont humiliés, interdits, niés. Cela a pour conséquence le taux important de suicides en prison. Justice et administration sont coupables par ordonnance. L'Etat et ses représentants sont coupables de ces négligences assassines. Il est de notre devoir de combattre et de dénoncer ces morts par ordonnance, en éclairant notamment l'opinion. C'est l'acte le plus absolu que les hommes et les femmes du XXIème siècle auront accompli ; alors à ce moment peut-être croirons-nous à l'humanité. » 

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault