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L'actionnaire en droit de l'union européenne - etude de droit européen et de droit comparé français et allemand en droit des sociétés

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par Romuald Di Noto
Université Paris Ouest Nanterre La Défense - Master 2 bilingue franco-allemand en droit des affaires 2010
  

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C. Le droit préférentiel de souscription en cas d'augmentation du capital social par apports en nature.

L'apport en nature « consiste en tout bien attribué à la société, autre qu'une somme d'argent, susceptible d'une évaluation pécuniaire et pouvant être exploité commercialement »145. L'article 29 de la directive n'impose aucun droit préférentiel de souscription dans le cadre d'une augmentation du capital social souscrite par apports en nature. Cette règle a été confirmée par la CJCE dans l'arrêt Siemens c/ Nold, rendu le 19 novembre 1996146 et peut s'expliquer par le fait que peu d'États membres prévoyaient un tel mécanisme en cas d'augmentation de capital par apports en nature lorsque la directive a été adoptée, en 1976147. Le droit français n'a pas modifié sa position antérieure consistant à n'imposer ce droit que dans le cadre d'une augmentation de capital en numéraire (Art. L. 225- 132 al. 2 C. Com.). À l'inverse, le § 186 AktG ne procède à aucune distinction selon que l'apport effectué est un apport en numéraire ou en nature148 et prévoit de fait un droit préférentiel de souscription en cas d'apport en nature. La CJCE a précisé que cela n'est pas contraire à la deuxième directive, celle-ci laissant la faculté aux Etats membres de prévoir un tel droit préférentiel de souscription en cas d'apport en nature149.

§ 2 : La suppression du droit préférentiel de souscription.

Dans la mesure où le droit préférentiel de souscription est un moyen de protection de l'actionnaire, et plus particulièrement de l'actionnaire minoritaire, sa suppression constitue une atteinte aux droits de celui-ci150. En effet, en cas d'augmentation du capital social avec suppression du droit préférentiel de souscription, la participation de l'actionnaire dans la société se trouvera réduite, entraînant mécaniquement une diminution de l'ensemble de ses droits151. Cependant, dans certains cas, l'intérêt de la société justifie cette suppression. Le plus

144 P. Merle, Sociétés commerciales, n°556.

145 V. Magnier, Droit des sociétés, n°47.

146 CJCE, 19 novembre 1996, Aff. C-42/95, Rec. 1996, p. I-6017.

147 E. Wymeersch, Das Bezugsrecht der alten Aktionäre in der Europäischen Gemeinschaft : eine rechtsvergleichende Untersuchung«, AG 1998, 382 (383 ff.).

148 M. Lutter in : Kölner Kommentar AktG, § 186, n°178.

149 CJCE, décision du 19 novembre 1996, Aff. C-42/95, Rec. 1996, I-6028, 6035, points 19 et suivants - Siemens/Nold.

150 W. Bayer, « Kapitalerhöhung mit Bezugsrechtsausschluss und Vermögensschutz der Aktionäre nach § 255 Abs. 2 AktG », ZHR 163 (1999), 505 (509).

151 U. Hüffer, Kommentar zum Aktiengesetz, § 186, n°2.

souvent, il s'agit du cas dans lequel un nouvel actionnaire souhaite faire son entrée au capital social152. Afin de concilier les intérêts de l'actionnaire et ceux de la société, l'article 29 § 4 pose les conditions de la suppression du droit préférentiel de souscription.

L'article 29 § 4 de la directive prévoit que, si le droit préférentiel de souscription ne peut être limité, ni supprimé par les statuts, il peut l'être par une décision de l'assemblée générale. Préalablement à cette décision, l'assemblée doit avoir reçu une information adéquate de la part de l'organe de direction ou d'administration. Cette information prend la forme d'un rapport écrit indiquant les raisons de la limitation ou de la suppression du droit préférentiel de souscription, ainsi que le prix d'émission proposé. La décision de l'assemblée générale est prise selon une majorité qui ne peut être inférieure aux deux tiers des voix afférentes soit aux titres représentés, soit au capital souscrit représenté. Le droit préférentiel de souscription peut également être supprimé ou limité par l'organe d'administration ou de direction habilité à décider de l'augmentation de capital, si les statuts ou l'assemblée générale lui ont conféré cette prérogative (art. 29 § 5).

Le droit français est plus restrictif que la directive, dans la mesure où l'article L. 225- 135 C. Com. dispose qu'il revient à l'assemblée générale extraordinaire qui statue sur l'augmentation de capital de supprimer, le cas échéant, le droit préférentiel de souscription153. Une délégation au conseil d'administration ou au directoire est cependant possible. Cette suppression peut être totale ou prendre la forme d'une limitation ne portant que sur une ou plusieurs tranches de capital154. Dans tous les cas, des rapports rédigés par les dirigeants et le commissaire aux comptes doivent être présentés à l'assemblée générale ou à l'organe qui a reçu délégation. Ces rapports doivent, entre autres, indiquer le montant et les motifs de l'augmentation de capital et les raisons pour lesquelles la suppression du droit préférentiel de souscription est proposée. L'absence de rapport entraîne la nullité de l'augmentation de capital (art. L. 225-149-3, alinéa 3 C. Com.). La même conséquence est attachée a caractère incomplet des rapports155.

Contrairement au droit allemand, le droit français ne prévoit pas de condition expresse selon laquelle la suppression doit être justifiée par un intérêt supérieur de la société. Elle n'est cependant possible que dans les trois cas prévus limitativement par les articles L. 225-135 à L. 225-138 C. Com.156. Premièrement, il peut y être procédé au profit de bénéficiaires dénommés ou de catégories de personnes répondant à des caractéristiques déterminées, tels les salariés ou les porteurs de bons de souscription (art. L. 225-138 C. Com.). Deuxièmement, la suppression

152 T. Bezzenberger, « Das Bezugsrecht der Aktionäre und sein Ausschluss », ZIP 2002, p. 1917 (1917) ; pour un arrêt correspondant à cet exemple, v. CA Paris, 21 février 2003, Bull. Joly 2004, p. 262, n°44.

153 J. Denecker, « La deuxième directive du Conseil des Communautés européennes relative à la constitution de la société anonyme, au maintien et aux modifications de son capital », Rev. sociétés 1977, p. 661 (675).

154 P. Merle, Sociétés commerciales, n°559.

155 Paris, 19 mars 1981.

156 G. Ripert, R. Roblot, Les sociétés commerciales, n°1937-1.

du droit préférentiel de souscription sans indication du nom des bénéficiaires ou d'une catégorie déterminée de bénéficiaires est possible, mais réservée aux sociétés procédant à une offre au public ou à une offre visée à l'article L. 411-2-II C. mon. fin.. Enfin, en application de l'article L. 225-135, al. 2 C. Com., l'émission d'actions peut comporter un simple délai de priorité de souscription en faveur des actionnaires dans les sociétés dont les titres de capital sont cotés sur un marché réglementé en lieu et place d'un droit préférentiel de souscription à proprement parler. Cette possibilité a été ouverte aux sociétés françaises par l'ordonnance du 24 juin 2004157. Enfin, il convient de noter que les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel de souscription (art. L. 225-135 C. Com.).

En droit allemand, le droit préférentiel de souscription peut également être supprimé par l'assemblée générale. En cas d'augmentation de capital par apports en numéraire, la jurisprudence et la doctrine majoritaire considèrent que la suppression ou la limitation du droit préférentiel de souscription nécessite une justification objective. La Cour Fédérale de Justice allemande exerce ainsi un contrôle sur le fond dont le critère central est, depuis la décision « Kali und Salz » l' « intérêt de la société »158. En application de cette jurisprudence constante159, la suppression du droit préférentiel de souscription est justifiée dès lors qu'elle est motivée par l'intérêt de la société et que le moyen de satisfaire cet intérêt est proportionné au but recherché160. Tel est par exemple le cas lorsque cette suppression doit permettre l'introduction en bourse ou l'apurement de la société, la distribution d'actions aux salariés, ou encore d'éviter des rompus161. Dans le cadre spécifique d'une augmentation de capital par apports en nature, les conditions posées par cette jurisprudence sont satisfaites lorsque la société peut justifier d'un intérêt à l'acquisition du bien apporté, et que cet intérêt ne pourrait être satisfait si la société procédait dans un premier temps à une augmentation de capital en numéraire, puis faisait dans un second temps l'acquisition de ce bien162. Tel est par exemple le cas lorsqu'un créancier apporte ses créances à l'augmentation de capital à des fins d'apurement de la société163. Par ailleurs, la suppression du droit préférentiel de souscription ne pourra être valablement effectuée que suite à la mise à la disposition des actionnaires d'un certain nombre d'informations, au moyen d'un rapport du directoire (§ 186, al. 3 et 4 AktG). À ce stade, se pose inévitablement la question de la compatibilité de cette jurisprudence avec l'article 29 § 4 de la directive, qui ne pose aucune condition d'ordre matériel à la suppression du droit

157 Ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales et extension à l'outre-mer de dispositions ayant modifié la législation commerciale.

158 BGHZ 71, 40 (45) (décision Kali und Salz) ; W. Bayer, « Kapitalerhöhung mit Bezugsrechtsausschluss und Vermögensschutz der Aktionäre nach § 255, Abs. 2 AktG », ZHR 163 (1999), 505 (506).

159 V. en particulier les décisions suivantes de la Cour Fédérale de Justice allemande : BGHZ 83, 319 (321 ff.) ; BGHZ 125, 239 (241) ; BGHZ 136, 133 ; BGH NZG 2006, 20.

160 BGHZ, 71, 40 (46) (décision Kali und Salz).

161 G. Hueck, C. Windbichler, Gesellschaftsrecht, § 32 n°24.

162 BGHZ 71, 70, 46.

163 C. Windbichler/K. Krolop, in : Riesenhuber (Hrsg.), Europäische Methodenlehre, 2006, § 19 n°28 et suivants.

préférentiel de souscription. Il convient donc de se demander si les conditions posées par la directive sont limitatives, ou si les États membres conservent une marge de liberté dans l'aménagement de celles-ci. La doctrine était divisée sur cette question. Certains auteurs se référaient à l'objectif d'harmonisation et de concrétisation de la liberté d'établissement que poursuit la directive pour refuser aux États membres la possibilité de poser des conditions plus restrictives que celles de la deuxième directive164. Une autre partie de la doctrine faisait référence à l'obligation de l'organe de direction ou d'administration d'établir un rapport relatif à la suppression du droit préférentiel de souscription à l'attention de l'assemblée générale (art. 29 § 4 de la directive), qui impliquerait une obligation de satisfaire à certaines conditions de fond165, ainsi qu'à l'exposé des motifs de la Commission, selon lequel la suppression du droit préférentiel de souscription est rendue possible « afin d'éviter, que cette garantie donnée aux actionnaires ne nuise aux intérêts de la société et n'entrave son financement à l'aide de fonds provenant de l'extérieur »166. Aussi, le deuxième considérant de la directive énonce clairement que l'objet de la directive est d'obtenir une « équivalence minimale dans la protection tant des actionnaires que des créanciers » des sociétés. Certains auteurs considéraient même que la directive laisse implicitement le soin aux Etats membres de poser des conditions matérielles à la suppression du droit préférentiel de souscription167. De plus, la liberté d'établissement ne suppose pas obligatoirement que les normes européennes soient de nature restrictive. Par conséquent, il semblait logique que les droits nationaux puissent poser des conditions supplémentaires à la suppression du droit préférentiel de souscription, afin de renforcer la protection des actionnaires168. La jurisprudence de la Cour Fédérale de Justice allemande selon laquelle cette suppression n'est légale que lorsqu'il y est procédé dans l'intérêt de la société et qu'elle est proportionnée au but recherché est donc conforme à la directive 77/91/CEE169. Cette jurisprudence a été « validée » par la CJCE dans l'arrêt Siemens/Nold, qui concernait une augmentation de capital en nature170.

164 P. Kindler, « Die sachliche Rechtfertigung des aktienrechtlichen Bezugsrechtsausschluss im Lichte der zweiten gesellschaftsrechtlichen Richtlinie der Europäischen Gemeinschaft », ZHR 158 (1994), 339 (351ss.) ; J. Natterer, « Bezugsrechtausschluss und zweite gesellschaftsrechtliche Richtlinie », ZIP 1995, 1481 (1487).

165 J. Natterer, « Bezugsrechtsausschluss und zweite gesellschaftsrechtliche Richtlinie », ZIP 1995, 1481 (1487) ; P. Kindler, Die sachliche Rechtfertigung des aktienrechtlichen Bezugsrechtsausschlusses im Lichte der Zweiten Gesellschaftsrechtlichen Richtlinie der Europäischen Gemeinschaft«, ZHR 158 (1994), 339 (357 ff).

166 Exposé des motifs de la Commission relatif à la proposition de deuxième directive du 9 mars 1970, JOCE C 48 du 24 avril 1970, p. 14.

167 H. Drinkuth, Die Kapitalrichtlinie - Mindest- oder Höchstnorm, 1998, p. 245 et suiv.

168 F. Bagel, Der Ausschluss des Bezugsrechts in Europa, p. 350.

169 M. Habersack, Europäisches Gesellschaftsrecht, § 6, Rn. 71.

170 CJCE, 19 novembre 1996, Aff. C-42/95, Rec. 1996, I-6028, pages 6035 et suivantes ; OLG München AG 1993, 283 (285) ; OLG Dresden WM 1996, 2151 (2155).

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