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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

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III.6- JEU DES ACTEURS ET DES FACTEURS DE LA GOUVERNANCE

Historiquement la notion de société civile remonte à l'antiquité grecque, environs 2000 ans avant Jésus Christ. Désignée sous le thème grec koinonï politikè (société citoyenne) par Aristote, la société civile (du latin societas civis) réfère à :

`' Une assemblée sans hiérarchie dominante, composée de personnes partageant les mêmes points de vue, ce qu'on appelait encore « polis », c'est -à- dire une société citoyenne ou politique.''56

Mais cette société citoyenne ne reconnait pas les femmes, les enfants et les esclaves qui jouissent aucun droit de participation. Seulement les sujets masculins propriétaires peuvent décider pour défendre ensemble et mutuellement des intérêts communs sans l'interférence de l'État.

Si dès le XVI è siècle le vocable `'État» était répandu surtout par Machiavel dans le sens d'une `'organisation politique et juridique des hommes vivant sous un pouvoir commun souverain dans les limites d'un territoire déterminé», c'est au milieu du XVII è que le vocable `'société civile» a, particulièrement sous l'influence de Hobbes, pris le sens d'un `'corps créé par les hommes pour assurer leur sécurité, la paix et le bien être». Comprise par Hobbes et Pufendorf comme la `'société des citoyens», la société civile se fait l'équivalent de la société politique ou l'État.

Pour sa part, Locke met en évidence l'opposition entre société civile et état de nature décrit comme `'état de parfaite liberté et d'égalité naturelle en vertu de la raison». Selon Locke, la société civile est formée et instituée pour résoudre les problèmes causés par l'état de nature. Par rapport à la construction uniquement politique de Hobbes, Locke concède à la notion de société civile d'autres dimensions: En plus d'être une société politique en charge de la sécurité

56 Cvetek Nina et Friedel Daiber, Qu'est-ce que la société civile ?, Paris, 1985, p.6

des citoyens, la société civile devient tout aussi un ordre économique garant de la propriété et un ordre juridique garant de la protection des droits des individus. D'où la tendance de Locke à établir la distinction entre État et Société civile. Mais c'est dans l'oeuvre de Rousseau que cette tendance à distinguer les deux vocables est la plus évidente.

Sous l'influence de Locke, Rousseau différencie l'État de la société civile. L'État fait alors référence à la société politique issue du contrat social et la société civile devient le stade intermédiaire entre l'état de nature
·
et cette société politique. Rousseau fait de la société civile l'endroit de la propriété privée et associe la société civile à l'idée de civilisation:

`' Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire : ceci est à moi... fut le vrai fondateur de la société».57

Avant de se transformer en État, la société civile est la société de l'homme civilisé qui développe les sciences et les arts. Si pour le philosophe l'État est le résultat du contrat social, la civilisation est l'état où règne la loi de la propriété et de l'inégalité. A ce niveau, il valorise la société politique produit des libres choix d'hommes au détriment de la société civile ou civilisée qui corrompt l'homme qui est dans la société politique un citoyen sans intérêts particuliers.

Hegel, de son coté, explique la société civile à travers une trilogie : famille, société civile et État. La famille se donne comme la communauté première, entité indivise où les besoins d'échanges ne sont pas présents. Une famille n'a pas besoin d'entrer en contact avec d'autres du fait que tout y est mis en commun. Dans la famille il n'y a pas d'individus, car tout bien appartient à tous, tout le monde a accès à tout. Ce n'est que l'éclatement de cette communauté première qui fait naitre le besoin d'échanges. La famille une fois éclatée permet l'apparition des individus. Ces derniers étant des personnes privées (séparées, isolées) entrent en échange à la

Union volontaire et accord mutuel d'hommes qui agissent librement dans le choix des gouvernements et des formes de gouvernements.


· C'est le règne des appétits instinctifs, de l'impulsion pure.

recherche des intérêts propres. Les individus- en développant les échanges sous la pulsion de leur égoïsme- forment la société civile. Celle-ci se caractérise par le fait que les individus ayant des rapports de travail et d'échanges se font membres d'une collectivité rien que pour satisfaire des intérêts particuliers. Cependant l'intérêt particulier n'est pas nécessairement incompatible avec l'intérêt général. L'individu en se visant lui-même pratique les échanges dont le développement- par une `'ruse de la raison» ou une `'main invisible,» pour répéter Adam Smith- lui donnerait l'opportunité de faire émerger l'éthique sociale.

Sans le savoir les individus réalisent une cohésion axée sur l'intérêt général. La cohésion familiale perdue est retrouvée au sein de cette nouvelle cohésion qui marque l'apparition de l'État. Sous l'émergence de l'État, les échanges économiques et sociaux entre les individus se convertissent en une utilité Commune. D'où la différence faite par Hegel entre le bourgeois qui agit en ne visant que lui-même et le citoyen qui agit en visant l'universel (l'intérêt général). L'État se différencie de la société civile bourgeoise. Dans celle-ci les individus essayent de tirer des avantages égoïstes tandis qu'à l'État les actions individuelles sont déterminées par l'intérêt de la collectivité dans son ensemble. Cependant, tout en s'opposant à la tendance de la société civile, pour se définir l'État s'appui sur les institutions de la société civile. Au lieu de détruire la société civile, dans la vision hégélienne, l'émergence de l'État confère aux intérêts privés une certaine légitimité.

Dans la conception contemporaine de la société civile, l'oeuvre du philosophe Habermas représente l'une des sources les plus consultées. Selon le philosophe, la société civile est sujet de l'opinion publique. Celle-ci n'étant pas la somme des opinions privées se forme en public et présuppose donc l'existence d'un espace public où les débats publics prennent place, où les différents arguments ou thèses sont avancés et débattus. L'opinion publique est donc une opinion formée par l'usage public de la raison. Le citoyen habermassien détenteur d'opinion publique se distingue du particulier qui s'occupe exclusivement des affaires privées. Le particulier se transforme progressivement en citoyen en contribuant à la formation d'une opinion publique et en se faisant entendre dans les affaires politiques.

Habermas refuse de fusionner la société civile et le secteur privé qui est le monde de marché, d'échanges et de production. La société civile se développe en même temps que le monde du marché, mais comme instance politique, elle est une réalité différente de celle du monde d'échanges. Lorsque les particuliers entre en contact pour échanger des marchandises et services, ils échangent parallèlement des informations, des points de vue et des émotions. Ainsi se forme peu à peu un public informé (voir éduqué) qui confronte par l'usage de la raison les composantes de la chose publique. Le public bourgeois s'engage dans la politique, non parce qu'il désire y participer, mais seulement pour préserver l'autonomie de l'espace privé, pour repousser l'empiétement du secteur public dans le secteur privé. Par rapport à l'État, selon Habermas l'opinion publique constituée progressivement joue un rôle de témoin ou d'arbitre dans la gestion de la chose publique.

Cette révision des pensées philosophiques et historiques a permis de mettre en évidence trois (3) principaux paradigmes pour penser les rapports entre la société civile, le secteur privé et les pouvoirs publics:

a. La Société Civile cherche à contenir les actions de l'État

Ici la société civile se comprend comme l'espace des échanges et des relations entre les acteurs non-étatiques. C'est la sphère des acteurs privés qui s'opposent à la sphère publique. La société civile s'autorganisant et s'autorégulant réclame la non-intervention des pouvoirs publics dans la sphère privée. Par une séparation stricte entre les citoyens et le gouvernement, la société civile pose le marché des échanges et non le contrat politique comme le principal régulateur de la vie sociale. L'intérêt général résulte de la multiplicité des intérêts privés allant dans tous les sens possibles et non d'un État superpuissant qui possède toutes les solutions. Le rôle des pouvoirs publics se confine particulièrement dans l'assurance de l'ordre public, dans la garantie des droits de propriété et de la libre concurrence.

La société civile et le secteur privé revendiquent la responsabilisation de l'individu et de sa libre participation dans la construction du bien-être général. Pour faire valoir leurs pensées et défendre leurs intérêts, sans vouloir exercer directement le pouvoir politique, les membres de la

société civile et du secteur privé se regroupent en associations, forums, chambres de commerce, et coalitions fortement structurés qui interviennent le plus souvent avec force auprès des pouvoirs publics pour infléchir les politiques publiques. A côté de la primauté du privé sur le public, du marché libre sur le système politique, les néo-libéralistes défendent la marchandisation de toutes les activités humaines et la globalisation des marchés.

b. La Société Civile construit des partenariats avec l'État

Devant le dépérissement de l'État, surtout sous le poids de la globalisation néolibéraliste, la société civile se pose comme un correctif au désengagement civique et à la désolidarisation citoyenne. Le démantèlement des communautés et la destruction des liens sociaux sont vus comme un effet direct du néolibéralisme économique et politique. La société civile se définit alors comme la sphère de la citoyenneté reconquise, des citoyens se concertant pour entrer en partenariat avec les pouvoirs publics afin de répondre aux besoins vitaux non satisfaits par l'État.

Les communautaristes définissent le `'bien commun» comme prioritaire aux intérêts privés et exigent que l'ensemble des valeurs traditionnellement partagées (des compétences communautaires) soient prises en compte dans la planification et la gestion de la chose publique.

Généralement, cette forme de société civile se manifeste à travers des associations, des organisations de base formées par des comités de quartiers ou des citoyens. Dans la majorité des cas, elles fonctionnent à but non lucratif. Les coûts et les risques sont souvent partagés par les membres qui tiennent les dirigeants responsables de la gestion des ressources.

c. La Société Civile s'élève contre la subjugation de l'État

Les tenants de ce courant de la société civile sont reconnus pour être des farouches opposants à la globalisation néolibéraliste. Ils jugent nécessaire de contrebalancer les appétits démesurés des acteurs néolibéralistes en instaurant un nouvel ordre mondial, un autre monde. La société civile devient une sphère d'équité et de solidarité où un ensemble d'acteurs (ou institutions) non

publics s'activent dans la lutte contre la domination des puissantes institutions internationales telles que FMI, BM, OIT qui oeuvrent pour un assujettissement des États faibles du monde aux idéologies néolibéliralistes. Celles-ci auraient pour visée une déconstruction de l'ordre globalitaire.

A cet effet, les altermondialistes appellent a une résistance citoyenne tant au niveau local qu'au niveau international a l'affaiblissement des État-nations, a la déresponsabilisation des citoyens face a leur avenir. Des citoyens libres sont appelés a défendre l'appropriation du monde par quelques oligopoles et politiciens qui trafiquent les aliments, qui transforment l'eau et l'air en marchandises, etc. Des femmes et des hommes libres doivent renforcer les pouvoirs publics en aidant a résister a la privatisation et la marchandisation des biens publics vitaux.

La société civile dans ses fonctions aide a comprendre, a critiquer, a résister et surtout a construire un ordre alternatif a la globalisation néolibéraliste.

Tout compte fait, la décentralisation telle que pratiquée dans divers pays participe au renouvellement de la problématique sur la séparation des pouvoirs au sein de différents types d'État et sur le mode de gouvernance pour le développement. Dans les pays développés la décentralisation a aidé plusieurs États a ne pas s'effondrer. La dérégulation ou privatisation notamment a permis a certains États de respirer mieux en dépensant moins et en gagnant plus de recettes. Elle a permis aux secteurs autres que l'État d'exploiter leurs ressources a fonds, a entreprendre de manière autonome sans compter sur l'État providence pour faire accroitre les richesses. Même si les crises économiques ont été résolues sans égards a la justice ou a l'équité sociale, la décentralisation a prouvé que le centralisme d'État ne pouvait que mener le développement socioéconomique dans l'impasse.

Cependant, dans les pays en développement, la décentralisation comme contrainte de bonne gouvernance, devient donc source de conflits, de déstructuration ou de désolidarisation sociale. Au lieu de devenir un vecteur de développement a l'instar de ce qu'elle est dans certains pays développés, la décentralisation se conçoit comme un véritablement goulot d'étranglement

du fait qu'elle cherche davantage à répondre à des standards internationaux que de chercher à résoudre les problèmes internes rencontrés. Les États faibles - se trouvant dans l'obligation de transférer certaines de leurs compétences sous les conditionnalités des grands bailleurs- se font réticents à transférer les fonds et l'appui technique nécessaires dans le cadre de la décentralisation effective.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille