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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

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PARTIE DEUXIEME
DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LE
CONTEXTE HAITIEN

PARTIE DEUXIEME : DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LE CONTEXTE HAITIEN

La méthodologie la plus appropriée reste et demeure celle qui prend en compte mieux l'objet sous étude en cernant ceci dans sa réalité immédiate, dans ses aspects et dimensions multiples. Pour ce, il importe pour le moment de contextualiser les théories et approches de la partie précédente dans le contexte haïtien en général et de la Commune de Croix-des-Bouquets en particulier.

Le chapitre IV expose la cadre institutionnel de la décentralisation et du développement local en Haïti en mettant en exergue la culture politique militariste et centraliste qui a caractérisé, jusqu'à date, toute l'histoire d'Haïti. Le cadre légal est aussi revisité afin de mettre en évidence les contraintes institutionnelles, les problèmes et flous juridico-légaux freinant le processus de la décentralisation et du développement local dans les Communes. Le chapitre V présente le profil sociographique et territorial de la Commune de Croix-des-Bouquets. Les défis et les opportunités identifiées ont permis d'affiner la problématique, et préciser les méthodes et techniques préalablement sélectionnés.

CHAPITRE IV : CADRE INSTITUTIONEL DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL

Arrivé à la problématique du cadre institutionnel de la décentralisation et du développement local en Haïti, on ne peut s'empêcher de demander : Quelles sont les premières tentatives de la décentralisation en Haïti? Pourquoi serait-on obligé de décentraliser ? Décentraliser pour quels objectifs ? A-t-on réussi le pari de la décentralisation en Haïti ? Quels en sont les mécanismes, les spécificités, les difficultés du développement local en Haïti? Quelle perspectives à en dégager ?

IV.1 DECENTRALISATION DANS LA CULTURE POLITIQUE HAÏTIENNE (1804- 2010)

En 1804, l'État haïtien nécessitait un fort degré de centralisation pour mener à bien la guerre de l'indépendance. Apres l'indépendance, il fallait encore construire une unité nationale très forte pour se défendre contre un éventuel retour des colons. Tout cela semble justifier l'excessive centralisation des pouvoirs et des ressources du nouvel État entre les mains des affranchis et des créoles qui ont remplacé sur l'échiquier politique et économique les colons français chassés ou massacrés. Cependant les bossales, sans pouvoir ni ressources, n'attendaient qu'un certain partage pour participer et jouir de l'indépendance péniblement conquise. Même si les deux groupes n'avaient pas la même compréhension de l'indépendance, toutefois le besoin d'une majorité (les bossales) de participer était explicitement bafoué par les créoles minoritaires. La minorité dirigeante, gênée par les légitimes revendications des masses, ne cesse de feinter une certaine ouverture pour l'intégration des éléments de la majorité en prônant l'égalité et la fraternité. Bien que l'article 3 de la Constitution de 1805 stipule que tous les haïtiens sont des frères égaux devant la loi, mais cela ne correspondait nullement à la pratique.

Les créoles, personnes nées à St. Domingue et formant l'élite du pays après la guerre de l'indépendance, contrairement aux bossales, personnes venues de l'Afrique à St. Domingue pour y travailler comme esclaves et formant la masse des paysans après la guerre de l'indépendance.

L'empereur Dessalines possédait à lui et les sujets de l'empire et le territoire de l'empire. Dans un empire un et indivisible, la centralisation était à son paroxysme. Le territoire était distribué six (6) divisions militaires. Chaque division était commandée par un général indépendant des autres et correspondait directement à l'empereur.

En dépit de cette centralisation à outrance, la Constitution de 1805 a laissé une infirmité de pouvoir à la Commune dans le domaine de l'administration de la justice. Contrairement à ce que Jean Rénol Elie peut faire croire la notion de Commune ne parait pour la première fois dans la Constitution de 181658. La Constitution de 1805, dans son article 46 a placé un juge de paix dans chaque Commune qui pouvait connaitre toute affaire ne dépassant pas cent gourdes. Au cas où une affaire dépasserait la somme fixée, elle devrait être prise en compte par le niveau de tribunal supérieur :

Article 46. - Il y aura un juge de paix dans chaque Commune. Il ne pourra connaître d'une affaire s'élevant au-delà de cent gourdes, et lorsque les parties ne pourront se concilier à son tribunal, elles se pourvoieront par-devant les tribunaux de leur ressort respectif.

Quoi qu'il en soit, aussi bâtards qu'ils soient, les principes de subsidiarité et de suppléance sont ici retrouvés. Cette remarque est d'importance, dans la mesure on l'on cherche à construire une sociogenèse de la décentralisation en Haïti.

C'est effectivement en 1816 que les Communes allaient devenir de véritables circonscriptions administratives en remplaçant les anciennes paroisses coloniales. En 1843, la Constitution du pays a consacré une grande marge d'autonomie aux Communes qui déjà étaient dirigées par des maires élus.

`'C'était déjà une avancée notable, même si le militarisme de l'époque ne portait pas les dirigeants à construire tous les instruments légaux nécessaires à l'exercice de l'autonomie communale59

Depuis l'idée de la décentralisation, notamment l'autonomie communale tantôt renforcée tantôt supprimée, a connu des hauts et des bas suivant les sensibilités des gouvernements qui se sont succédés. On notera la période de l'occupation américaine, partant de 1915, qui ne fait qu'accentuer l'autoritarisme étatique en instaurant une centralisation à outrance. Les occupants ont éliminé toute alternative en termes de forces armées, budgets, marchés, et ports d'exportation au profit de Port-au-Prince, le super centre. La montée du courant nationaliste en 1932 a donné une des réponses à la centralisation des occupants en élaborant une Constitution dont l'article 108 déclare expressément l'autonomie de la Commune. Trois années plus tard soit en 1935, la Commune tombe sous le contrôle de l'exécutif.

Ce `'jeu de balancier» (pour répéter Jean Rénol Elie), par rapport à l'autonomie de la Commune, traduit l'incapacité et la peur de l'État d'Haïti de se décentraliser. Cela se comprend rapidement, car en dépit du fait que la décentralisation constitue un mode de gestion dont les dirigeants n'ont eu aucune connaissance, mais aussi donner l'autonomie aux entités locales, leur donner la voie aux chapitres, c'était ouvrir la voie à la montée des revendications des masses. C'était, pour l'élite dirigeante, couper l'arbre sur lequel on elle s'asseyait. C'est pourquoi les avancées dans l'autonomisation des entités locales ne pouvaient pas être consolidées. Tout cela a donné le flanc à l'État duvalierien de prendre pied et de s'installer en 1957, soit deux (2) décennies plus tard.

La Constitution de 1957 a réduit l'autonomie des Communes à travers des habiles subterfuges :

Article 129. -- La Commune est autonome. Cette autonomie est réglée par la Loi.

Article 132. -- Le Conseil Communal administre ses ressources au profit exclusif de la Communauté et rend un compte détaillé et documenté de sa gestion au Pouvoir Central. II nomme ses fonctionnaires et employés sans intervention d'aucune autre autorité. II établit ses tarifs d'impôt et ses taxes pour en faire proposition de loi au Pouvoir Central qui peut y apporter les modifications jugées nécessaires.

C'aurait été une grande avancée dans l'autonomisation des Communes qui exerceraient largement leur autonomie financière et administrative en faveur du développement socioéconomique des populations, même si la reddition des comptes descendante (vers les citoyens) était cruellement sacrifiée au profit de la reddition des comptes ascendante (vers l'État central). Mais, le discours duvalierien perd toute sa cohérence dans le mensonge, dans le marronnage :

Article 133. -- II est crée dans les Départements, au besoin, dans les Arrondissements la fonction de Préfet.

Les Préfets sont des fonctionnaires civils qui représentent directement le Pouvoir Exécutif.

La Loi détermine leurs attributions et le lieu de leur résidence.

Dans chaque Circonscription Préfectorale, des «CONSEILS TECHNIQUES ET ADMINISTRATIFS D'ARRONDISSEMENTS» présidés par le Préfet et composés de techniciens tirés des cadres des Services Publics, sont institués pour contrôler les Conseils Communaux de la Circonscription.

contrôle, en préparent ou coordonnant les plans et programmes de développement et s'assurent de la parfaite réalisation de ces derniers par les «SOUS-CONSEILS TECHNIQUES ».

Les Communes étaient autonomes, mais contrôlées par le préfet et ses cadres qui dépendent directement du président de la république. De quel type de contrôle s'agit t-il ? Contrôle de légalité qui porte sur le caractère légal de l'acte, ou contrôle d'opportunité qui apprécie le bien fondé de l'acte ? S'il est impossible de répondre cette interrogation de manière précise, tout au moins on sait que les préfets ne pouvaient prendre soin des intérêts politiques, administratifs, économiques, sociaux et culturels des Communes qu'exerçant un fort contrôle hiérarchique à la manière de leur chef suprême, en la personne de François Duvalier. Si le préfet contrôle `'les intérêts politiques, administratifs, économiques, sociaux et culturels des

Communes» au nom de l'exécutif, qu'est qu'il reste au magistrat communal à contrôler ? sont les affaires locales, les intérêts propres de la Commune dont le conseil municipal est le

principal gestionnaire? D'ailleurs, les maires n'étaient responsables ni d'élaboration ni de l'exécution des plans et programmes de développement des Communes. Des magistrats élus étaient hiérarchiquement contrôlés par de simples employés de la fonction publique soumis aux caprices de l'exécutif.

La période des Duvalier (1915-1986) est la période de la centralité autoritaire brutale. Les dirigeants d'alors ont marronné l'autonomie des communales. Ils ont su infiltré les entités locales, par le biais des tonton-macoutes recrutés dans le milieu même, pour soumettre les citoyens paysans. Cet État s'est érigé- en défenseur des sans voix, en époux légitime et authentique de la cause des masses paysannes, fils et petit-fils des bossales - pour mieux leur réduire à la soumission, à la subjugation infrahumaine. Le régime des Duvalier vide les Communes et les sections communales de leurs ressources tant humaines que matérielles. Au lieu de faire avancer l'autonomisation des Communes, la dictature a réutilisé et renforcé la formule des préfectures pour terroriser les populations locales.

A partir des années 1980, sous l'effet de crise du duvaliérisme, du pourrissement d'un État sectaire et mafieux, on a assisté la manifestation des groupes non-clandestins, des organisations sociopolitiques, des communautés de citoyens professionnels qui publiquement revendiquaient les droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels. Des populations -sans le droit de participer à la vie politique, sans accès au logement, ni à l'éducation, ni aux soins de santé- se sont mobilisées dans les milieux urbains et ruraux pour créer une mouvance populaire qui contribuera irréparablement en 1986 à la chute d'une dictature de père en fils vielle de 29 ans
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`'Pour instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains, la paix sociale, l'équité économique, la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, par une décentralisation effective».

Selon la lettre et l'esprit de la Constitution, le peuple haïtien a choisi la décentralisation comme stratégie pour refonder l'État et établir un schéma participatif entre celui-ci et la population de différentes collectivités du pays. La Constitution de 1987 a consacré l'autonomie politique, administrative et financière des Collectivités Territoriales reconnues au nombre de trois (3) : la Commune, le Département et la Section Communale. Cela constitue la plus grande avancée de la République d'Haïti en termes de démocratie locale participative et de lutte contre une République autoritaire et centralisateur depuis sa naissance en 1804.

Dans les années 60 - 70, la société civile haïtienne se composait en principe des groupes clandestins et de sorte de guérillas anti-duvaliéristes. La Constitution d'alors ne garantissait pas les libertés sociopolitiques des citoyens.


· Le changement de l'ordre politique et économique international- l'effondrement du communisme, la globalisation de l'économie (privatisation, intervention minimale de l'État, l'ère de la démocratisation, etc.)- a précipité la fin de la dictature qui ne servait plus les intérêts américains contre le communisme.

Extrait du préambule de la Constitution de 1987

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein