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Pouvoir d'investigation et de contrôle parlementaire. Le développement des commissions d'enquête et des missions d'information à  l'Assemblée Nationale sous la Ve République

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par Sophie Léron
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 mention études politiques sous la direction de Pierre Rosanvallon 2005
  

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3) .... dont l'utilisation s'est banalisée puis développée.

Les moyens d'enquête dont disposent les parlementaires n'ont été véritablement définis par la loi qu'en 1977. Ils sont, dès lors, substantiels. Ainsi, il est spécifié que les rapporteurs peuvent exercer leur mission << sur pièces et sur place23 », qu'ils sont habilités à << se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat ». Parallèlement, et sous peine d'amende, toute personne dont la commission a jugé l'audition utile << est tenue de déférer » à la convocation qui lui est adressée et elles sont amenées à déposer sous serment. Les commissions d'enquête parlementaire bénéficient, de fait, de pouvoirs de contrainte non négligeables.

Au fil du temps, la possibilité pour la majorité d'encadrer à tous les stades la procédure d'enquête a amené l'exécutif à ne pas la considérer comme un réel danger. Ainsi, la Ve législature24 a vu la création de neuf commissions d'enquêtes et de contrôle, soit trois fois plus que sous les quatre législatures précédentes réunies. La VIe quand à elle dénombre sept commissions d'enquêtes, sans doute dues aux dissensions internes à la majorité et à l'émergence d'une opposition interne amenant l'exécutif a être plus difficilement en capacité de rejeter les demandes qui en émanent. Les VIIe et VIIIe législatures ont par la suite peu utilisé cette pratique parlementaire : trois commissions d'enquête sous la VIIe et une seulement sous la VIIIe (qui n'a, ceci dit, duré que deux ans)25.

C'est, de fait, la décision prise à titre expérimental en 1988 par la conférence des Présidents donnant un droit de tirage à chaque groupe parlementaire, une fois par an, permettant que soit inscrite à l'ordre du jour une proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête, qui a multiplié le nombre de demandes effectivement débattues en séance26. Combinée par la suite par la mise en place d'une journée d'initiative parlementaire mensuelle27 aussi appelée « fenêtre

24 Cf. annexe 1 : chronologie des législatures sous la Ye République.

25 Cf. annexe 6 : liste des commissions d'enquête créées sous la Ye République.

26 Ainsi ont été débattues pour la première fois selon cette décision, le 23 mai 1990, deux propositions de résolution pour la constitution d'une commission d'enquête sur << la pollution de l'eau et la politique nationale d'aménagement des ressources hydrauliques » et sur << la gestion du Fonds d'action sociale ».

27 Article 48, alinéa 3 : << Une séance par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée », loi constitutionnelle du 4 août 1995. La première séance d'initiative parlementaire dans ce cadre a été consacrée le 11 octobre 1995 à un débat sur l'application des accords de Schengen.

parlementaire28 » ou plus fréquemment «niche parlementaire » dont l'ordre du jour est fixé par la Conférence des présidents et à disposition de groupes parlementaires (partagées à la proportionnelle sur l'année), les possibilités offertes de débattre de propositions de loi ou de propositions de résolutions ont été dès lors largement accrues. Si le fait majoritaire l'emporte néanmoins sur la décision finale de création ou non d'une commission d'enquête, la niche parlementaire permet, dans un premier temps, au débat public d'avoir lieu29.

C'est donc véritablement, et dans la durée, seulement depuis le début de la IXe législature qu'un changement significatif s'est opéré, et qu'une nouvelle pratique parlementaire a vu le jour. Sans doute le Parlement est-il soumis aux mêmes évolutions que la société. Le développement des radios libres au début des années 80, l'émergence de nouvelles formes de contrôle par les médias et du journalisme d'investigation, ouvrent la voie à de nouveaux modes de contrôle et la notion d'enquête se banalise. Le nécessaire renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement devient une revendication des plus consensuelles. François Mitterrand

28 Sur les conditions de sa création et ses premiers mois d'application cf. Patrick Fraisseix, La « fenêtre parlementaire », de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution : une nouvelle illustration de la revalorisation parlementaire, Revue française de Droit constitutionnel, n°33, 1998, p.3-34.

29 A titre d'exemple, le groupe socialiste a été amené à utiliser trois de ses niches en 2004 pour présenter des propositions de résolution : le jeudi 13 mai 2004 pour sa proposition de résolution n°1581 tendant à la création d'une commission d'enquête sur la dégradation des comptes publics depuis juin 2002 ; le mardi 23 novembre 2004 pour sa proposition de résolution n°1881 tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'utilisation des fonds publics en Polynésie française et la gestion des services publics relevant de la Polynésie française et le jeudi 25 novembre 2004 pour sa proposition de résolution n°1871 tendant à la création d'une commission d'enquête visant à analyser le niveau et le mode de formation des marges et des prix dans le secteur de la grande distribution, et les conséquences de l'évolution des prix sur le pouvoir d'achat des ménages.

mêlant pouvoir de contrôle et de sanction en 1995 considère que le Parlement n'use << pas assez de cette compétence-là. Il peut tout contrôler, et si on l'empêche de contrôler, il doit l'exiger, il doit se faire entendre, il doit refuser sa confiance au gouvernement » et y conditionne << la survie de notre République30 » ; quand, la même année, Jacques Chirac nouvellement élu Président de la République considère que << le concours du Parlement, et plus particulièrement son contrôle de l'action gouvernementale, doivent être considérés par l'exécutif non comme une contrainte mais comme une chance de mieux répondre aux aspirations des citoyens31 ». Les présidents de l'Assemblée nationale qui se sont succédés au perchoir incarnant la défense de l'institution qu'ils représentent ont tous marqué cette volonté de mieux contrôler. Philippe Séguin donnait, en 1993, comme objectif à l'Assemblée nationale << d'exercer sur l'action gouvernementale un contrôle qui soit beaucoup plus efficace »32, Laurent Fabius annonçait, en 1997, que << l'Assemblée nationale de l'an 2000 devra améliorer ses moyens de contrôle» et reconnaissait qu'il serait << légitime, aussi, que des commissions d'enquête puissent être instituées plus aisément, y compris à la demande de l'opposition33 » et, plus récemment, Jean-Louis Debré souhaitait que << dans les mois à venir, le rôle de contrôle et d'évaluation de l'Assemblée nationale soit mieux compris et plus accepté. Si nous voulons améliorer

30 Allocution du 19 avril 1995 prononcée à l'occasion de l'inauguration de l'exposition permanente consacrée à l'institution parlementaire, in Documents d'études n°1.04 édition 2005, La documentation française, p.40.

31 Message au Parlement, 19 mai 1995, ibid, p.41-42.

32 Allocution, JO, débats, 2 avril 1993.

33 Allocution, JO, débats, 12 juin 1997.

l'efficacité des politiques publiques, pointer les lacunes et les dysfonctionnements de l'Etat, trouver les moyens d'y remédier, il n'est d'autre voie que de donner aux députés la possibilité d'interroger, d'enquêter et d'informer34 ». Chacun d'entre eux a, dans sa pratique de la présidence ou par une modification du règlement de l'Assemblée, tenté d'accorder plus de place au contrôle parlementaire.

C'est dans ce contexte de volonté de revalorisation du rôle du Parlement, que tous considèrent comme devant inévitablement passer par un renforcement des pouvoirs de contrôle, que la multiplication des commissions d'enquête parlementaire et l'amélioration de leurs conditions de travail se sont opérées. Si, en moyenne, une dizaine de commissions d'enquête parlementaire rendent leurs travaux durant chaque législature depuis 1988, il existe naturellement un grand écart entre le nombre de résolutions proposées par les parlementaires et le nombre de commissions effectivement créées. A titre d'exemple, sous la XIe législature, 124 dépôts de résolutions ont abouti à 14 créations et sous la XIIe législature en cours, 155 propositions de résolutions ont d'ores et déjà été déposées35 pour seulement 8 effectivement créées. Ces statistiques du nombre de demandes ne font que révéler un peu plus l'attrait que peuvent porter les parlementaires à cette forme de contrôle.

34 Voeux au Président de la République, le 5 janvier 2004.

35 Au 31 juillet 2006.

Comme le souligne Guy Carcassonne, désormais, « le Parlement tend à se glisser dans tous les interstices pour résister à l'abaissement de son rôle »36.

Il reste que le nombre peu élevé de commissions effectivement créées a amené les parlementaires à combiner l'utilisation des commissions d'enquête avec d'autres formes de contrôle.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus