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Pouvoir d'investigation et de contrôle parlementaire. Le développement des commissions d'enquête et des missions d'information à  l'Assemblée Nationale sous la Ve République

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par Sophie Léron
Ecole des hautes études en sciences sociales - Master 2 mention études politiques sous la direction de Pierre Rosanvallon 2005
  

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Chapitre 2 : Un Parlement rationalisé qui cherche à reprendre l'initiative et à revaloriser son rôle : la montée en puissance des missions d'information

1) De nouveaux moyens d'information

Dans son ouvrage daté de 1972, Pierre Avril consacrait de nombreuses pages au déclin du Parlement avant de proposer des perspectives pour l'avenir. Il soulignait alors que « l'abdication volontaire ou imposée, par laquelle le Parlement a renoncé à sa fonction d'information et de pédagogie l'a transformé en conservatoire de la vie politique d'autrefois. Sa mission est au contraire de faire sortir du cercle des initiés les éléments des grands débats qui dominent l'avenir de la société française37 >>.

Plus de trente ans après, on ne peut que constater que les parlementaires se donnent, petit à petit, les moyens d'assurer cette mission en développant trois des quatre fonctions du Parlement que Walter Bagehot énumérait dès 1867 dans La Constitution britannique : « une fonction expressive>> dont le rôle est d'exprimer l'état d'esprit du peuple « sur toutes les questions qui y sont évoquées >>, une « fonction pédagogique >> qui vise à « enseigner à la nation ce qu'elle ne sait pas>> et une « fonction d'information >> qui « nous amène finalement à entendre ce qu'autrement nous n'entendrions pas38 >>. Si le Parlement ne dispose pas d'un organe de contrôle

37 Pierre Avril, Les Français et leur Parlement, Casterman, 1972, p.135.

38 In Pierre Avril, Les Français et leur Parlement, Ibid, p.42-43.

indépendant, sa volonté d'assurer un rôle particulier d'information est désormais bien établie.

Un nouvel outil permet aux parlementaires depuis 1990 de développer tout particulièrement ces fonctions : les missions d'information. Elles ont, dès lors, connu un réel succès. La création d'une mission d'information bénéficie en effet, d'une procédure plus souple que celle des commissions d'enquête. La proposition de résolution n°288 du 18 mai 1990 qui a complété l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale permet désormais ainsi aux commissions permanentes elles- mêmes de créer des missions d'information temporaires39. Cette procédure d'information et de contrôle, dont les conditions de création et de fonctionnement sont dévolues aux commissions permanentes - qui peuvent décider de créer des missions pour leur seule commission ou communes à plusieurs, d'effectuer si besoin des déplacements et de laisser le temps nécessaire à la réalisation de la mission - revêt un attrait tout particulier pour les parlementaires. Au-delà, sa procédure de création simplifiée l'amène à se substituer à des demandes de création de commissions d'enquête, permettant « parfois de contourner les réticences et les obstacles gouvernementaux à l'encontre de la volonté du Parlement d'enquêter et de

39 Le conseil constitutionnel a estimé cette disposition non contraire à la Constitution « dès lors que l'intervention d'une mission d'information revêt un caractère temporaire et se limite à un simple rôle d'information contribuant à permettre à l'Assemblée d'exercer pendant les sessions ordinaires et extraordinaires, son contrôle sur la politique du Gouvernement dans les conditions prévues par la Constitution » décision n°90- 275 DC du 6 juin 1990.

contrôler l'action du Gouvernement40 >>. Ainsi, lorsque trois propositions de résolutions sur la question des intermittents du spectacle sont déposées en plein conflit en 200341, le rapporteur nommé par la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales, après avoir rappelé que les propositions de résolutions étaient juridiquement recevables, a néanmoins jugé qu'il n'était pas <<certain que la commission d'enquête soit l'organe le plus adapté pour mener ce travail de prospection >>, considérant que les commissions d'enquête revêtaient les formes d'un << dispositif lourd et contraignant, qui ne doit être utilisé qu'à bon escient42 >> y préférant ainsi la création d'une mission d'information sur << les métiers et formations artistiques >>. Plusieurs exemples peuvent être cités comme la proposition de résolution socialiste n°1103 tendant à la création d'une commission d'enquête sur << les politiques d'allègement de cotisations sociales et de réduction du temps de travail et leurs effets sur la situation de l'emploi et l'organisation du travail>> qui a finalement conduit à la création d'une mission d'information sur << les conséquences économiques et sociales de la législation sur le temps de travail>> le 9 octobre 2003, ou les propositions de résolution n°2044 de Jean-Marc Ayrault, n°2049 de Maxime Gremetz et n°2091 de Jean Lemière tendant à la création d'une commission d'enquête sur les conséquences sanitaires, sociales, économiques et juridiques de l'exposition

40 Jean-Christophe Videlin, La mission d'information parlementaire, Revue française de droit constitutionnel, n°40, 1999, p.699.

41 par M. Jean-Marc Ayrault pour le groupe socialiste (n°1063), M. Jean-Pierre Brard pour le groupe communiste (n°1063) et M. Dominique Paillé pour le groupe UDF (n°1054).

42 Compte rendu de la Commission des affaires culturelles, familiales et sociales du jeudi 6 novembre 2003.

des personnes à l'amiante, rejetées par la commission le 6 avril 2005 qui ont abouties à la création d'une mission d'information sur << les risques et conséquences de l'exposition à l'amiante », le 11 mai 2005.

Parfois, les deux procédures s'enchaînent. Ainsi, les conséquences de la canicule de l'été 2003 ont amené les parlementaires de la commission des affaires culturelles familiales et sociales à créer dès le 26 août 2003, une mission d'information sur << la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule » qui a rendu son rapport43 le 24 septembre 2003, soit quelques jours avant le lancement, le 7 octobre 2003 des travaux de la Commission d'enquête sur << les conséquences sanitaires et sociales de la canicule ». Outil d'information, ces missions deviennent parfois instrument d'investigation lorsqu'elles traitent de la lutte contre le blanchiment par le biais d'une mission d'information commune sur << les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe44 », ou de << la sécurité du transport aérien de voyageurs »45 créée <<pour établir un état des lieux objectif. Expliquer ce qui va bien pour rassurer mais souligner ce qui doit encore évoluer pour informer et rassurer encore plus en dégageant des solutions46 ».

43 Rapport n°1091.

44 Rapport n°2311 du 11 avril 2002.

45 Rapport n°1717 du 7 juillet 2004.

46 Avant-propos au rapport, d'Odile Saugues, Présidente de la mission d'information.

Parallèlement, le choix d'un thème de mission d'information ne relevant pas, comme pour les commissions d'enquête, d'un débat et d'un vote en séance publique, la mission d'information permet également de traiter de sujets traditionnellement peu enclin à un contrôle parlementaire vigilant. Ainsi, dans le domaine de la défense et des affaires étrangères généralement dévolu à l'exécutif47 , trois rapports de mission d'information ont été rendus sous la XIe législature sur des évènements tels que << le Rwanda>> (le 15 décembre 1998) qui avait préalablement << suscité, lors de sa création en avril 1998, de nombreuses interrogations et critiques à propos de l'intérêt de ses travaux et de l'étendue de ses attributions48 >>, << les évènements de Srebrenica >> (le 24 novembre 1999) ou le << conflit au Kosovo>> (le 15 décembre 1999). Le rapport de la mission d'information << sur le Rwanda >> faisait état d'une << préoccupation nouvelle>> des parlementaires : << celle de permettre au Parlement de mieux comprendre les ressorts de l'action diplomatique et militaire et, à l'avenir, d'y être mieux associé49 >>. Même si aucune demande de création d'enquête sur ces sujets n'a encore pu aboutir, si les récentes propositions de résolutions visant à la création d'une commission d'enquête sur les évènements de Côte d'Ivoire ont, elles aussi, fait récemment l'objet

47 Sur ce sujet, cf. Olivia Christmann, Le Parlement français et le droit international, Mémoire de DEA, Paris I, 2000.

48 Jean-Christophe Videlin, La mission d'information parlementaire, op.cit, p.699.

Les travaux de cette mission d'information et le rejet d'une procédure d'enquête avaient alors été fortement contestées, notamment par Dominique Franche auteur de Rwanda. Généalogie d'un génocide dans un article publié par les Inrockuptibles qui stigmatisait une mission ayant « surtout eu pour but de limiter l'information des citoyens et de leurs élus ».

49 Rapport n°1271.

d'un rejet en commission50, la création de deux missions d'information sur des conflits auxquels la France a participé révèle le souhait des parlementaires de se saisir d'un droit de regard sur ces thèmes et, plus largement, de l'Assemblée nationale de << poursuivre sa réflexion de fond sur les opérations militaires extérieures de la France51 ».

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery