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Problématique de la pacification des communautés du Nord Kivu à  travers la justice militaire

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par Etienne MBUNSU BINDU
 - Licence 2010
  

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A. La protection des droits des citoyens par le juge judiciaire

La RDC possède une armature juridictionnelle devant assurer la protection des droits fondamentaux par les juges.31(*) C'est ainsi que la constitution de la IIIème République pose en son article 150 le principe selon lequel le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits des citoyens. Il en résulte donc que les cours et tribunaux sont les principaux organes de protection des droits des citoyens dans l'ordre juridique congolais même s'ils ne sont pas les seuls.32(*)

Comme l'affirme Yao Biova VIGNON, la sanction normale de la règle de droit réside dans le recours au juge. C'est le juge qui a le pouvoir de constater les violations de la règle de droit et le cas échéant, de les sanctionner afin d'assurer le respect du droit.33(*) C'est à cette condition que l'on constate que l'on est dans un véritable Etat de droit, un Etat dans lequel tous, gouvernants comme gouvernés, sommes soumis au droit.

Le juge a ainsi un rôle important à jouer dans la protection de la règle de droit et partant des droits fondamentaux, proclamés au sein de l'ordre juridique. En RDC, le pouvoir judiciaire est un pouvoir constitutionnellement organisé dont les juridictions sont chargées de trancher les litiges nés des rapports au sein de la société, qu'ils surviennent entre l'administration et les particuliers ou qu'ils soient interindividuels.

C'est dans ces deux cas de figure que la protection des droits et libertés fondamentaux des citoyens en RDC ressort de la compétence du juge administratif, tantôt de celle du juge judiciaire. Ceux-ci sont donc les premiers mécanismes protecteurs des droits, mais leur protection est assistée par celle du juge constitutionnel, assortie des recours juridictionnels. C'est à ces différents juges qu'est confiée la tâche ardue de la protection juridictionnelle des droits et libertés fondamentaux des citoyens en RDC, une tâche qui ne va pas sans rencontrer des obstacles divers.

En matière de droits fondamentaux, le juge judiciaire a un rôle traditionnel de « gardien des libertés individuelles »34(*) des citoyens. Cette mission le conduit à connaître essentiellement des litiges nés des rapports entre les particuliers.

En matière de droits fondamentaux, comme le disent Jacques ROBERT et Jean DUFFAR, la compétence judiciaire apparaît triple au premier abord.

Il s'agit, primo, d'une compétence répressive. C'est en effet devant les tribunaux répressifs que seront traduits tous les agents publics coupables d'atteintes aux libertés ; Secundo, le juge judiciaire est compétent pour tout ce qui concerne la protection des libertés dans les rapports entre les privées. Tertio, le juge judiciaire voit affirmer sa compétence en ce qui concerne les rapports de l'administration.35(*)

Dans l'ordre juridique congolais, concernant les violations verticales des droits fondamentaux, le juge judiciaire intervient en premier lieu dans la régulation des rapports qui tendent à restreindre les libertés individuelles des citoyens. A ce sujet la constitution de la IIIième République laisse entendre en son article 150 alinéa 1 que le pouvoir judiciaire est le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. Il y a à ce niveau une affirmation du rôle qu'a le juge dans la protection de ces libertés.

Le juge militaire quant à lui est considéré comme le garant de l'ordre et la discipline dans les rangs car toutes les fois que des faits de nature à troubler l'ordre public dans l'armée sont posés, il doit intervenir immédiatement pour réprimer. De cette situation il sied alors de relever les caractéristiques fondamentales de l'armée.

B. Des caractéristiques fondamentales de l'Armée

Des nombreux penseurs ont estimé déjà que l'armée est un corps dans lequel ne peut régner que la discipline et l'ordre. C'est d'ailleurs au nombre de ces penseurs que nous trouvons NAPOLEON BONAPARTE ici repris par le général KISEMPYA SUNGILANGA LOMBE, chef d'état major général honoraire des FARDC qui disait en son temps que la discipline est la mère des armées.

Le règlement de discipline militaire définit la discipline comme étant l'ensemble de règles de conduite communes aux membres d'une communauté ou propre à un individu et destinées à faire régner de l'ordre.

La discipline militaire en particulier se veut être une obéissance voulue prompte et immédiate, fidèle et sans réplique aux ordres du chef et aux règlements en vigueur. Elle est d'ailleurs la première qualité du militaire et la force principale de l'armée.

C'est donc grâce à la discipline que le commandement réussit à contrôler les hommes. Celle-ci ne peut donc, à ne s'en tenir qu'aux définitions, permettre aux militaires de porter directement plainte contre son supérieur.

Cela n'est pas un moyen de légitimer l'impunité, loin de là. C'est plutôt un moyen qui permette de garder à l'esprit le corollaire de la discipline qui est la subordination hiérarchique. Les militaires lésés ont le moyen d'être rétabli dans leur droit, mais il ne leur est pas permis de saisir un juge contre leurs supérieurs. Ils peuvent cependant formuler une réclamation écrite pour demander à être rétabli dans leurs droits. C'est donc par la voie des réclamations que les militaires agissent pour revendiquer leur droit, encore que ces réclamations ne peuvent nullement être collectives.

En d'autres termes, la subordination hiérarchique, est un outil de discipline qui permet aux militaires d'obéir d'abord aux ordres avant de formuler une quelconque objection. Ils doivent en tout temps manifester du respect envers leurs supérieurs et ne peuvent pas porter plainte, même devant un juge civil, directement contre leurs supérieurs hiérarchiques. Un adjudant ne peut saisir l'auditorat contre un sous lieutenant, un capitaine ne saurait le faire contre un major, un lieutenant colonel contre un colonel...

De ce qui précède, il convient d'observer que les militaires ne peuvent nullement être reçus en justice contre leurs supérieurs. Nous pouvons alors en déduire de manière anticipative que même par voie de citation directe, ils ne peuvent qu'être déboutés dans leur demande.

Il faut donc retenir que toutes les fois que les militaires se plaignent à l'auditorat contre leurs supérieurs, ils violent le règlement militaire et peuvent donc à cet effet être puni pour faute administrative.

Il sied tout de même de signaler que cette interdiction des militaires de saisir le juge par voie de citation n'est pas une manifestation de l'injustice à la faveur des officiers mais seulement un moyen de préserver la discipline dans l'armée. En même temps que l'on préserve la discipline, on réprime les infractions et les fautes disciplinaires que commettent également les officiers. Le simple fait de visiter la prison du Camp NGWAYI et la prison KAKWANGURA dans la partie Nord de la province du Nord Kivu, témoigne de la rigueur qu'il y a dans la répression de crimes commis par les officiers. Des efforts sont donc consentis pour sanctionner tous les militaires, officiers, sous officiers et soldats qui se rendent coupables des infractions non seulement de droit commun mais également des infractions militaires et surtout des fautes disciplinaires.

Une autre caractéristique de l'armée qu'il faut ne pas perdre de vue c'est le principe de continuité. En effet, en tant que service public de l'Etat, l'armée obéit au principe de continuité de service public.

Il ne faut pas créer un vide dans la chaîne de commandement, lequel vide peut entraîner une rupture dans le fonctionnement correct et ininterrompu du service qu'est l'armée. Il n'est pas indiqué qu'un commandant d'une unité par exemple puisse être arrêté à la seule volonté des individus, qui plus peuvent être utilisés par des personnes de mauvaise foi due au tribalisme, au népotisme, au trafic d'influence, à la politisation de l'armée et à toutes sortes d'antivaleurs qui peuvent profiter de cette brèche pour attenter à la sécurité de l'Etat.

C. Effets de la citation directe

L'exercice de l'action publique, c'est-à-dire la faculté de saisir les cours et tribunaux répressifs et soutenir devant eux l'accusation en vue de faire punir les coupables est la mission dévolue essentiellement au ministère public.36(*)

Cependant, la mise en mouvement d'une juridiction de type accusatoire peut requérir l'intervention d'un agent extérieur. La loi bien qu'en attribuant le monopole de l'action publique au MP de manière générale, reconnaît néanmoins l'exercice de cette action par la partie privée et ce par la seule voie de citation directe prévue par les articles 54 et suivants du code de procédure pénale.37(*) Il faut signaler d'emblée, qu'en droit procédural pénal congolais, il n'existe aucune condition particulière requise pour l'exercice de l'action publique par voie de citation directe: c'est le principe du libre accès au prétoire.

La citation directe produit essentiellement deux effets :

- Elle tend à l'allocation des dommages et intérêts à la partie victime de l'infraction. En effet, il est normal que la partie victime puisse trouver réparation des préjudices subis par le fait de l'infraction;

- Elle met en mouvement l'action publique et l'action civile. La victime déclenche l'action publique même si le parquet voulait s'abstenir de poursuivre.38(*)

Présentement, il faut signaler que la citation directe n'est pas recevable devant les juridictions militaires. Cette disposition est de nature à entraver sérieusement la protection des droits fondamentaux. Non seulement des soldats mais aussi des civils lorsqu'on sait d'une part, que c'est le juge qui est le gardien des droits fondamentaux. Et donc il faudrait que les militaires et les citoyens aient un accès facile au juge militaire en cas de violation des leurs droits fondamentaux. Comment affirmer que le juge militaire est le gardien des droits fondamentaux alors qu'il est difficile de l'atteindre librement ? D'autre part, suite à la proclamation d'Etat d'urgence ou d'Etat de siège l'action répressive des cours et tribunaux est substituée par celle des juridictions militaires.

Et le respect de la considération de la dignité des civils par les soldats qui, au lieu de veiller à la protection des civils et de leurs biens, se substituent à des brigands de l'autre coté. En d'autre mot, considérant le fait que les populations civiles sont couramment victimes des infractions dont les militaires sont auteurs, il faut, dans l'optique de leur dignité humaine, les aider à accéder facilement au juge naturel d'un militaire pour que justice soit faite.

En définitive, comme c'est le juge militaire qui est gardien des droits et libertés fondamentaux des citoyens dans les juridictions militaires, il serait légitime d'instaurer les mécanismes qui seraient susceptibles de le rapprocher des justiciables devant ces juridictions.

De tout ce qui précède, il convient de rappeler la nature du juge militaire. En effet, alors que le juge civil est un juge des libertés, le juge militaire quand à lui est essentiellement un juge de discipline. Il est en outre le bâton qui permette au commandement de maintenir l'ordre et la discipline dans les rangs où, ainsi que le soutien le général LIKULA, la situation du militaire requiert que les atteintes à l'ordre public soient sanctionnées rigoureusement et avec sévérité pour ne pas faire tâche d'huile dans la troupe.

C'est donc la discipline qui intéresse le plus le juge militaire que des considérations des libertés publiques. Certes, il est aussi juge des libertés mais en tant que bâton de commandement, il ne peut admettre une demande en justice contre un militaire qui n'est pas faite par le Ministère Public car ce dernier requiert l'autorisation du commandant avant de commencer une quelconque instruction contre un militaire.

Cependant, en dépit de ce qui vient d'être évoqué, il convient également d'indiquer ici que la citation directe n'a pas que des méfaits pour l'armée et la République. Des raisons suivantes militent pour l'acceptation de la citation directe devant les juridictions militaires :

- Les Militaires ont la même protection que les autres citoyens contre les violations de leurs droits fondamentaux.

- Le contrôle hiérarchique du parquet a des limites. Parfois le parquet classe sans suite certaines affaires laissant les victimes frustrées.

- Pourquoi interdire aux civils victimes de saisir le juge militaire s'ils trouvent que le parquet traîne les pieds.

Ainsi, les avantages que procure la citation directe intéressent aussi bien les civils que les militaires. Il ne serait donc que de bonne justice qu'elle soit introduite devant les juridictions militaires.

Un plaidoyer doit être fait pour que la citation directe soit admise devant les juridictions militaires. Le Législateur devrait donc adopter les textes aux exigences d'un Etat Démocratique soucieux de protection des droits de tous les citoyens, civils ou militaires.

* 31 Allusion faite aux autres organes non juridictionnels qui existent à côté d'eux et qui jouent également un rôle important dans la promotion et la protection des droits des citoyens.

* 32 VIGNON et la protection des droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions africaines, in Revue Nigériane de droit, n°3, Décembre 2000, p. 15

* 33 Idem

* 34 TURPIN, Libertés publiques et droits fondamentaux, Paris, Ed du Soil,2004, p.96.

* 35 Robert et Duffar, Droits de l'homme et libertés fondamentales, 7ième édition, Paris, Montchrestien, 1999.

* 36 RUBBENS (A), Droit judiciaire congolais, T3, L'instruction criminelle et procédure pénale, Ferdinand, Larcier, SA, Bruxelles, 1965, p. 116.

* 37 Art. 54 du CPP, in code judiciaire RUBBENS (A), Droit judiciaire Zaïrois, T3, PUZ, Kinshasa, 1978.

* 38 SOYER (JC), Droit pénal et procédure pénale, 9ème édition, Paris, LGDJ, 1992, p. 124

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon