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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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CHAPITRE III :
LES INFLUENCES DE LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE

La justice constitutionnelle que nous venons de décrire ne peut s'exercer que dans le cadre d'un Etat. Or, déjà dans sa conception d'Etat-gendarme, celui-ci accomplissait les tâches de justice, de diplomatie et de défense de même que l'activité de police pour assurer le bon ordre. Dans sa conception d'Etat-providence, il faut reconnaître que ces tâches se sont accrues de sorte qu'une nécessité logique et pratique de partager les différentes tâches entre plusieurs organes s'est imposée.

Du point de vue du droit constitutionnel, les fonctions de l'Etat s'entendent des manifestations de la souveraineté de l'Etat. La thèse finaliste est écartée car elle ne trace ni devoirs ni droits en ce qui est de simples objectifs que peuvent recouvrer les tâches à accomplir.355(*)

Il est entendu que le terme Etat dans l'expression « fonctions de l'Etat » infère aux gouvernants qui sont à la fois organes de l'Etat et représentants du souverain. D'une part, en tant qu'organes de l'Etat, c'est l'Etat lui-même qui agit par leur entremise, et d'autre part, en tant que représentants du souverain, ils sont chargés d'exécuter la volonté de celui qui a le dernier mot c'est-à-dire le souverain.

Le professeur Marcel Antoine Lihau opinait déjà que « les gouvernants constituent les intermédiaires indispensables entre l'Etat et le souverain, car c'est grâce à eux que la volonté du souverain est attribuée à l'Etat ; c'est grâce au Parlement, au Président de la République, aux cours et tribunaux, par exemple, que la volonté du groupe qui détient dans l'Etat la plus grande force politique parvient à se concrétiser et à être rattachée à l'Etat ».356(*)

Sans nous attarder sur la querelle française de la souveraineté populaire et de la souveraineté nationale, il y a lieu de voir que même là la Constitution du 4 octobre 1958 a réalisé une heureuse combinaison qui aboutit à installer une démocratie semi-directe. Il s'agit d'un compromis entre les partisans de deux thèses prémentionnées.

Paul de Visscher, pour ce qui est du droit belge, enseigne que la rédaction de l'article 25 de la Constitution belge règle trois questions essentielles : la légitimité de la souveraineté en tant qu'elle est exercée par les organes établis avec le consentement de la Nation, dans l'intérêt de l'ensemble de la Nation et dans le respect des normes établies par la Constitution.357(*) Les pouvoirs ainsi accordés étant d'attribution et d'ordre public, il est interdit les subdélégations de pouvoirs.358(*)

Mais en réalité, l'on peut observer qu'il y a d'un coté ceux qui détiennent la décision politique et de l'autre, ceux qui obéissent. Ceux-ci peuvent être de simples citoyens dont les droits fondamentaux doivent être garantis ou des partis politiques exprimant une vision majoritaire ou minoritaire dans la Nation.

Aujourd'hui donc, la séparation des pouvoirs ne concerne plus seulement le partage des fonctions entre les différents organes de l'Etat mais aussi et surtout le partage de deux blocs politiques antagonistes : la majorité et l'opposition.359(*)

Aussi tout le long de ce chapitre, allons-nous analyser les implications de la justice constitutionnelle sur l'ordre politique, dans une première section, vis-à-vis de la place qu'occupe le juge constitutionnel dans la théorie de la séparation des pouvoirs, vis-à-vis de la minorité politique et des droits fondamentaux des citoyens.

Ensuite, dans une seconde section, nous verrons les influences que la justice constitutionnelle exerce sur l'ordre juridique notamment le phénomène de constitutionnalisation du droit, celui de la sacralité du droit et enfin, celui du culte du droit.

Section 1 : L'ORDRE POLITIQUE ET LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE

Etudier les influences de la justice constitutionnelle, c'est en même temps situer le juge constitutionnel dans l'ordonnancement politique, c'est tenter d'évacuer les suspicions nombreuses et variées qui entourent son statut et surtout la méfiance souvent affichée par la minorité politique ou les citoyens lors de l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux. Qu'en est-il d'abord de la place de ce juge dans l'ordre politique ?

§1. La séparation des pouvoirs ou la place du juge constitutionnel

L'on a déjà dit ailleurs que la séparation des pouvoirs est une technique constitutionnelle destinée à écarter le despotisme et à garantir la liberté. Le cadre historique de l'émergence de cette théorie est qu'il n'y a pas des partis politiques au sens moderne du terme au moment où Montesquieu l'élabore.360(*)

Au-delà des traces que la doctrine trouve dans les écrits d'Aristote361(*) déjà, l'on doit dire que la théorie de la séparation des pouvoirs est nourrie aux affluents de la pensée de John Locke, Charles-Louis de Secondat, baron de Montesquieu et Jean-Jacques Rousseau.

Si John Locke distingue déjà le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif du pouvoir fédératif chargé de conduire les relations internationales, Montesquieu par contre vise l'affaiblissement de l'autorité royale afin que le pouvoir, établi pour le bien commun, ne débouche sur un absolutisme attentatoire aux libertés individuelles.

Dès lors, séparation des pouvoirs est synonyme de gouvernement modéré ou organisation politique non despotique. Elle signifie aussi la nécessité et l'exigence de la répartition des pouvoirs entre différents organes de l'Etat quel qu'en soit le contenu.

Il en résulte en d'autres termes que la séparation des pouvoirs, c'est la Constitution car elle demeure la base d'une bonne constitution. Ainsi se justifie l'affirmation devenue classique de l'article 16 de la Déclaration de droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 selon laquelle « s'il n'y a pas de séparation des pouvoirs, il n'y a pas de constitution ».

Mais il peut paraître paradoxal de vouloir analyser la place du juge constitutionnel par rapport à la théorie de la séparation des pouvoirs. En effet, Montesquieu avait traité la fonction juridictionnelle comme d'une puissance en quelque façon nulle. La séparation semblait ne pouvoir être concevable réellement qu'entre les deux autres. Dans cette conception où la loi est l'expression de la volonté générale, il est exclu toute possibilité d'existence de juge constitutionnel. Or, depuis le 19ème siècle, il est apparu la nécessité de contrôler l'expression législative, produit désormais de la majorité et non plus de la volonté générale qui garde comme seul cadre d'expression : la Constitution.362(*)

Il faut reconnaître qu'il y a déplacement épistémologique de la notion de la volonté générale et même de la notion de souverain. Fort longtemps, les représentants de la Nation souveraine avaient fini par devenir souverains puisqu'ils en étaient l'expression concrète. Sa traduction politique c'est le régime parlementaire et même sa déviation de régime d'assemblée.

Depuis que la doctrine, influencée par les travaux de la science politique, a démonté ingénieusement le contenu du souverain, l'on a vite compris qu'il s'agit de la force politique dominante. Or, celle-ci peut très bien respecter la répartition des pouvoirs entre les mains de divers organes de l'Etat sans qu'en réalité le pouvoir ne soit modéré c'est-à-dire protecteur des droits et libertés des citoyens. Car, la vraie garantie demeure dans la possibilité que l'on doit détenir de contester la décision de la majorité devant un organe qui ne dépend d'aucun autre organe de l'Etat dont il a par ailleurs la charge de contrôle.

Cette nouvelle conception de l'ordre politique entre majorité et opposition enrichit la théorie de Montesquieu d'une dimension qu'elle a évacuée à l'origine et cela, car en son temps, la notion des partis politiques est inconnue. Il y a dès lors renversement de la séparation des pouvoirs. D'horizontale qu'elle était, la division des pouvoirs est politiquement verticale : les dirigeants et les dirigés. Ainsi, l'on voit bien que la simple répartition des pouvoirs entre les organes de l'Etat pour utile qu'elle soit demeure néanmoins insuffisante.

Voilà la justification théorique du juge constitutionnel qui se place ainsi entre les trois fonctions de l'Etat prémentionnées, et entre tous les dirigeants et les dirigés. C'est ainsi que le juge constitutionnel est censé être placé hors hiérarchie judiciaire, parce qu'il contrôle, en principe, comme nous l'avons vu en Allemagne, l'application de la Constitution par tous les organes de l'Etat y compris les cours et tribunaux. Etant le juge du « gouvernement de la Constitution », il ne devrait être limité et contrôlé que par le patron, le souverain, le constituant.

Ainsi, de nos jours, la notion de séparation des pouvoirs, relativement à la signification qu'elle revêtait au 18ème siècle, fait l'objet d'une controverse entre juristes qui disposent de deux théories interprétatives, à savoir celle de la doctrine dite traditionnelle ou classique telle qu'elle fut fixée en France dans les facultés de Droit à la fin du 19ème siècle, et celle, postérieure et hétérodoxe, développée notamment par Charles Eisenmann et Michel Troper.363(*)

Cette nouvelle conception de la séparation des pouvoirs procède de l'ancienne représentation de la démocratie pouvant se résumer par la formule « la démocratie par la loi » qui a cédé la place aujourd'hui à la formule « la démocratie par la Constitution ». La traduction institutionnelle de ce glissement conceptuel de la loi à la Constitution est de mettre au coeur de la démocratie le juge constitutionnel.364(*)

En effet, l'on peut observer que l'institution d'un juge constitutionnel entraîne comme corollaire la consécration d'un espace séparé au profit des gouvernés et ce, au détriment de l'ancienne doctrine de l'identification des gouvernés avec les gouvernants.365(*)

Par ailleurs, il faut indiquer que le fonctionnement démocratique reposait longuement sur l'identification des gouvernants aux gouvernés, sur la confusion entre le peuple et ses représentants, entre la volonté générale et la volonté parlementaire, faisant ainsi du Parlement l'égal du souverain, ou plutôt, comme l'écrit Raymond Carré de Malberg, l'érigeant effectivement en souverain. 366(*)

L'activité législative des représentants est, là, directement imputée à la volonté du peuple sans que celui-ci puisse protester puisque, par définition constitutionnelle, il n'existe pas de manière séparée et indépendante, il ne peut avoir de volonté hors celle exprimée par les représentants.367(*)

Désormais, les droits et libertés des citoyens sont distincts de l'expression des représentants. Le peuple a une existence autonome, il ne s'agit plus d'extrapoler « le pouvoir de vouloir pour la nation »368(*), le peuple gardant toujours la possibilité d'une expression autonome.

Il y a là, à n'en point douter, rupture de conception et de perspective qui transfigure le juge constitutionnel en une figure démocratique originale. En effet, la Constitution, c'est finalement la garantie des droits. De ce point de vue, le juge constitutionnel est comme participant d'une autre géographie constitutionnelle car s'il participe de la société politique du fait qu'il est un organe de l'Etat il n'en demeure pas moins éloigné du fait aussi qu'il est par sa mission une institution de la société civile.369(*)

Comment ne pouvait-il pas en être autrement si, après la mort de Dieu caractérisée par l'émergence de l'Etat laïc, la mort de la Raison cristallisée par la déraison et l'hybris370(*) des gouvernants, le droit constitutionnel était en crise de légitimité ?

Longtemps, son fondement a été Dieu, au siècle des Lumières, la Raison ; mais celle-ci étant perturbée avec les affres de deux guerres mondiales, il faut reconnaître avec Jürgen Habermas que toutes les théories de retour même à l'irrationnel sont de retour.371(*) L'effondrement de ces légitimations traditionnelles prive la société de toute explication et de toute légitimité fondatrice de l'ordre politique qui se trouve ainsi déstabilisé.372(*)

Dès lors la figure du juge constitutionnel, aux dires de Dominique Rousseau, apparaît comme une nouvelle figure dans le paysage démocratique dont l'exigence démocratique se construit sur la base de la raison axiologique et pratique, c'est-à-dire celle qui soumet la légitimité des actions à leur conformité aux valeurs et à l'éthique dans lesquelles la société se reconnaît et s'identifie. Et les sociétés modernes multiplient les lieux où se réfléchissent, se discutent, s'apprécient le sens et la valeur des actions politiques ; dans cette dynamique émerge la figure du juge comme miroir ou comme scène de cette réflexion, comme tiers par qui et devant qui s'énoncent les principes sur la base desquels une action sera jugée légitime ou non. Il est promu à la fois révélateur et opérateur de la qualité démocratique des décisions.373(*)

Ces développements ne seraient pas complets sans un regard appuyé sur la théorie de l'Etat de droit qui constitue l'arrière-fond idéologique moderne de la place du juge constitutionnel.

L'Etat de droit est devenu une référence incontournable, un des attributs substantiels de l'organisation politique au même titre que la Démocratie, avec laquelle il entretient des rapports complexes : Moyen de réalisation de l'exigence démocratique, selon Jürgen Habermas, l'Etat de droit apparaît ainsi comme indice politique d'encadrement et de canalisation du jeu politique ; dans tous les cas, Etat de droit et Démocratie forment désormais un couple inséparable, dont les éléments se présupposent réciproquement374(*).

Plus systématiquement encore, le concept d'Etat de droit peut être considéré comme une pure et simple tautologie, dans la mesure où la spécificité de l'Etat, en tant que forme d'organisation politique, réside précisément dans un processus de juridisation intégrale : l'Etat est en effet un concept dont la consistance est d'abord juridique et qui ne saurait être appréhendée qu'à travers le prisme du droit ; il prend corps à travers un « statut », qui le fait exister comme entité juridique, par la définition d'un ensemble de propriétés, d'une série d'attributs qui lui sont reconnus.

Cette analyse a été poussée jusqu'à ses conséquences ultimes par Hans Kelsen pour qui l'Etat n'étant en réalité que l'autre nom de l'ordre juridique, l'expression « Etat de droit » ne peut être qu'un pléonasme.

Dès l'origine, plusieurs conceptions de l'Etat de droit se sont en effet affrontées : l'Etat de droit sera posé, tantôt comme l'Etat qui agit au moyen du droit, en la forme juridique ; tantôt comme l'Etat qui est assujetti au droit ; tantôt encore comme l'Etat dont le droit comporte certains attributs intrinsèques. Ces trois versions (formelle, matérielle, substantielle) dessinent plusieurs figures possibles, plusieurs types de configurations de l'Etat de droit, qui ne sont pas exemptes d'implications politiques.

Au début du XXe siècle, l'Etat de droit était conçu comme un type particulier d'Etat, soumis à un « régime de droit » : dans un tel Etat, le pouvoir ne peut user que des moyens autorisés par l'ordre juridique en vigueur, tandis que les individus disposent de voies de recours juridictionnelles contre les abus qu'il est susceptible de commettre.

Au coeur de la théorie de l'Etat de droit, il y a donc le principe selon lequel les divers organes de l'Etat ne peuvent agir qu'en vertu d'une habilitation juridique : tout usage de la force matérielle doit être fondé sur une norme juridique ; l'exercice de la puissance se transforme en une compétence, instituée et encadrée par le droit. Dans la mesure où les organes de l'Etat sont ainsi tenus au respect de normes juridiques supérieures, l'Etat de droit tend à se présenter sous l'aspect formel de la hiérarchie des normes.

La théorie de l'Etat de droit postule d'abord la soumission de l'Administration au droit : l'Administration doit obéir aux normes qui constituent à la fois le fondement, le cadre et les limites de son action ; et cette soumission doit être garantie par l'existence d'un contrôle juridictionnel exercé, soit par le juge ordinaire (Justizstaat), soit par des tribunaux spéciaux (Sondergerichte). Mais la théorie postule aussi la subordination de la loi à la Constitution : le Parlement doit exercer ses attributions dans le cadre fixé par la Constitution ; et, là encore, l'intervention d'un juge constitutionnel apparaît indispensable pour faire respecter cette primauté.

Ainsi conçu, l'Etat de droit contraste fortement avec la Rule of law britannique, systématisée par Dicey (Introduction to the study of the law of the Constitution, 1885), tout entière fondée sur le souci de protection des droits et libertés individuels : le respect de la hiérarchie des normes fait place à l'affirmation de l'autorité suprême et exclusive de la Loi (la toute-puissance du Parlement étant cependant limitée par la souveraineté politique de la Nation, l'existence de l' « opinion publique ») ; la législation est tenue de présenter un certain nombre de qualités intrinsèques (généralité, publicité, non rétroactivité, clarté, cohérence, stabilité et, en tout premier lieu, prévisibilité) ; enfin, les libertés individuelles sont placées sous la protection des tribunaux ordinaires, le principe d'égalité devant la Loi excluant tout privilège de juridiction pour les agents de la Couronne.

De même, aux Etats-Unis, le due process of law, consacré par le quatorzième amendement en 1868, sera progressivement entendu, non plus seulement comme imposant aux autorités publiques une certaine manière d'agir (procedural due process) - par exemple la garantie d'un juste procès mais encore comme impliquant un certain contenu du droit applicable ( substantive due process). Alors que les conceptions n'étaient pas au départ très éloignées voire communes, les traditions continentales et anglo-saxonnes ont donc divergé : à la différence de la Rule of law, l'Etat de droit est conçu pour l'essentiel de manière formelle, indépendamment de tout caractère « substantiel » ou « procédural ».

Le formalisme trouve cependant ses limites. La théorie de l'Etat de droit exige davantage qu'un Etat régi par le droit, à travers la construction d'un ordre juridique hiérarchisé ; elle suppose aussi que l'Etat, en tant que tel, et non pas seulement à travers ses organes, soit assujetti au droit. Or, ce passage n'est rien moins évident : l'ordre juridique est en effet celui de l'Etat lui-même et l'on ne saurait inférer de la hiérarchisation du droit étatique l'idée de soumission de l'Etat au droit, sauf à recourir au raisonnement circulaire ou tautologique ; en se soumettant au droit qu'il produit, l'Etat ne fait tout au plus que se soumettre à lui-même, d'où le risque de ne voir dans la subordination de l'Etat au droit qu'un pur artifice.

La doctrine de l'Etat de droit apportera à ce problème des réponses variées : à la théorie de l' « autolimitation », dominante dans la pensée juridique allemande, selon laquelle il ne saurait y avoir de droit antérieur et supérieur à l'Etat, répondront les théories de l' « hétéro-limitation », très présente dans la pensée juridique française, plaçant le fondement du droit en dehors de l'Etat- (avant que Hans Kelsen ne récuse le terme de la controverse, par l'affirmation de l'identité de l'Etat et du droit)  ainsi apparaît le talon d'Achille de la théorie de l'Etat de droit qui, posant comme postulat la soumission de l'Etat au droit, ne parvient pas à fonder logiquement cette soumission...

L'Etat doit définir, par le biais du droit, les voies et les limites de son propre rayon d'action ainsi que la sphère de liberté des citoyens.

Aux yeux de ses théoriciens, la caractéristique essentielle du Rechtstaat est que, dans ses rapports avec les administrés et pour tout ce qui concerne leur statut individuel, l'Etat agit sur la base des règles générales, de normes préexistantes. Cette exigence prend son véritable sens à l'égard de l'Administration et constitue le principe fondamental de différenciation entre l'Etat de droit (Rechtstaat) et l'Etat de police (Polizeistaat).

Comme l'Etat de droit, et à la différence du gouvernement despotique ou arbitraire, l'Etat de police accorde une large place au droit : mais celui-ci est un droit purement instrumental, sur lequel l'Administration dispose d'une totale maîtrise, sans être tenue au respect de normes supérieures qui s'imposent à elle : servant à imposer des obligations aux administrés, sans être en retour source de contrainte pour l'Administration, il est l'expression et le condensé de la toute puissance administrative. L'Etat de police est fondé sur le bon plaisir du prince ; il n'y a ni véritable limite juridique à l'action du pouvoir, ni réelle protection des citoyens contre le pouvoir.

L'Etat de droit s'oppose moins à l'Etat de police qu'il ne l'englobe et le dépasse : le droit n'est pas seulement un instrument d'action pour l'Etat, mais aussi un vecteur de limitation de sa puissance. Aussi acquiert-il un caractère ambivalent pour l'Administration, à qui il permet d'agir mais tout en faisant peser en même temps sur elle un ensemble de règles, extérieures et supérieures, qui s'imposent à elle de manière contraignante. Ces règles l'habilitent à agir et déterminent les moyens dont elle peut faire usage ; l'Administration ne peut rien imposer qui ne soit explicitement prévue par elles, et les administrés peuvent les invoquer devant une juridiction pour obtenir l'annulation, la réformation ou la non application des actes administratifs qui auraient froissé leurs intérêts...

La doctrine du Rechtstaat conduit en pratique à l'affirmation de la suprématie de la loi sur l'administration : non seulement celle-ci doit s'abstenir d'agir contra legem, mais encore elle est tenue de n'agir que secundum legem, en vertu d'une habilitation légale (réserve de la loi). Cette affirmation ne prend toute sa portée qu'au regard de la conception matérielle de la loi professée par la doctrine allemande et qui contraste avec la conception purement formelle qui sera, à la suite de Carré de Malberg, celle de la doctrine française. Définie par son contenu, la loi recouvre toute norme à caractère général.

Il se confirme qu'il ne peut y avoir un Etat de droit que si le pouvoir politique pouvait s'exercer par les voies du droit et seulement par ces voies. Pour cela, il faut qu'il existe dans l'Etat un réseau normatif bien adapté et une hiérarchisation des normes avec au sommet, des principes à valeur constitutionnelle qui servent de référence

C'est par le réseau normatif que l'on peut espérer éliminer l'arbitraire.

Dans un régime démocratique, le pouvoir du plus grand nombre n'a de sens que s'il ne laisse aux gouvernants aucune possibilité de détourner leur volonté générale. Par son caractère procédural et formel, la norme juridique objective la volonté de son auteur-le législateur- l'exécution, elle, s'impose à lui autant qu'à ses destinataires. Il reste encore à l'auteur, et c'est indispensable, des possibilités de choix, mais encadrées par le droit, le discrétionnaire étant substitué à l'arbitraire.

La hiérarchisation des normes juridiques intègre les lois constitutionnelles, les traités internationaux, les lois ordinaires, les règlements des organes exécutifs, les règlements des autorités administratives. C'est cette hiérarchisation qui, seule, permet aux juridictions qualifiées de contrôler dans un même secteur de compétences, la conformité des normes inférieures aux normes supérieures, sur recours, selon le cas, de l'opposition ou des gouvernés eux-mêmes. Il est donc nécessaire que soit institué un contrôle de la constitutionnalité des lois et un contrôle de la légalité des règlements exécutifs et administratifs.

Jacques Chevallier affirme que l'indépendance de l'autorité juridictionnelle constitue une garantie majeure contre l'arbitraire du pouvoir et en réalise par là même la limitation. Elle représente un des prolongements les plus intéressants et les plus souhaitables de la théorie de la séparation des pouvoirs. Alors que le «  pouvoir judiciaire » avait toujours été plus ou moins négligé, il apparaît actuellement, sous la forme plus neutre de l'autorité juridictionnelle, c'est-à-dire de l'ensemble des juridictions nationales.

Par l'autorité juridictionnelle, il faut entendre aussi bien la Cour Constitutionnelle que les diverses juridictions chargées de trancher les litiges qui opposent, soit des personnes privées, physiques ou morales, entre elles, soit des personnes privées à des personnes morales de droit public (c'est-à-dire aux gouvernants et à l'administration), soit encore des personnes morales de droit public entre elles.

Sur le plan juridique, l'indépendance des juges peut être garantie, d'une part, par leur inamovibilité, qui les met à l'abri de toute révocation et de tout déplacement imposé, sauf le cas de faute d'une gravité avérée et selon une procédure juridictionnelle. Mais l'indépendance n'est pas seulement tributaire de garanties juridiques, elle est aussi fonction du caractère et des traditions corporatives.

Par le troisième élément, l'auteur soutient qu'en ce qui concerne la philosophie humaniste et libérale, s'il est nécessaire que les titulaires du pouvoir politique voient leur liberté encadrée et parfois verrouillée par un réseau de normes hiérarchiques sous le contrôle de l'autorité juridictionnelle. Cela ne saurait être considéré comme suffisant pour la mise en oeuvre d'un véritable Etat de droit. Celui-ci implique que le tissu normatif soit inspiré par une philosophie humaniste et libérale, plaçant au premier plan la dignité et le mieux-être de la personne. L'Etat n'est pas une fin en soi, mais un instrument au service du Bien commun et que tout Etat démocratique et pluraliste doit nécessairement avoir pour support un corps de principes fondamentaux affirmant les libertés et les droits des citoyens.

La littérature en matière de l'Etat de droit connaît une fortune ce dernier temps. Et tous les auteurs du droit public s'y emploient allégrement : Gustave Peiser, définit ce droit comme ensemble organisé de services destiné à satisfaire les besoins collectifs déterminés. Faisant la distinction entre et Etat de droit, il affirme que dans ce dernier l'Administration est liée par la règle de droit. Principe fondamental du libéralisme politique, cette notion, conclue-t-il, prévaut dans les Etats modernes, mais les modalités peuvent être variables.

Dans l'Etat de droit, souligne-t-il, les modalités sont notamment la soumission de l'Administration au droit commun (système anglo-saxon) où l'Administration est soumise au droit dans les mêmes conditions que les citoyens, la loi étant la même pour tous ; et dans le système de la dualité de droit applicable, comme dans le système français où le droit applicable à l'Administration est double, «  un droit » spécial (droit administratif) et, pour les particuliers, un droit commun, le droit privé375(*).

De con côté, Jean-Paul Jacqué376(*) souligne que la souveraineté de l'Etat serait arbitraire si elle n'était pas limitée par le droit. C'est ainsi qu'il distingue, d'une part, l'Etat de droit de l'Etat de police et, d'autre part, l'Etat de droit formel et l'Etat de droit substantiel.

Gilles Champagne377(*), insiste aussi sur le fait que l'Etat souverain doit être un Etat de droit. En effet, à condition de ne pas être totalitaire, l'Etat souverain reste un Etat de droit, c'est-à-dire un Etat qui ne peut tout faire. Conçu comme un pouvoir, l'Etat lui-même est soumis au droit. L'Etat de droit exclut l'arbitraire ; il suppose notamment l'existence d'une constitution et des lois précises qui encadrent les organes d'exécution, et des juridictions indépendantes qui exercent également le respect du principe de la hiérarchie des normes.

En conclusion, le juge constitutionnel dans la perspective décrite dans ce paragraphe apparaît non seulement comme « la bouche de la Constitution » mais aussi et surtout comme le grand prêtre du culte du droit que la politique est obligée de vouer au droit dans cette conception moderne de la séparation des pouvoirs.378(*) Il confère l'incontestabilité aux actes du pouvoir, les auréolant ainsi d'une sainteté infranchissable ou tout au moins critiquable par le constituant seul c'est-à-dire le souverain c'est-à-dire, par définition, le peuple. C'est une place essentielle dans la nouvelle démocratie constitutionnelle.

§2. La protection de la minorité politique

La minorité politique s'apprécie eu égard à l'expression du suffrage comme « le parti ou les partis qui s'opposent à l'équipe au pouvoir en exerçant une fonction de surveillance et de critique, en informant l'opinion, voire en préparant une équipe gouvernementale de rechange ».379(*)

Il est entendu que cette idée-force n'est concevable que dans le cadre de la conception libérale et la démocratie pluraliste qu'elle entraîne. En effet, l'implosion du bloc communiste ou socialiste et l'effritement conséquent des démocraties unanimistes à parti unique africain montrent, si besoin en était encore, que seule est valide la conception que la démocratie est toujours et déjà pluraliste. Et, dans ce cadre, la bonne gouvernance, comme l'Etat de droit, est un des concepts familiers pour traduire la protection des citoyens contre l'arbitraire des gouvernants.

Au demeurant, il est admis que la démocratie a souvent connu des définitions doctrinales et philosophiques même si une approche jurisprudentielle a été tentée par le juge constitutionnel français. Ainsi, le pluralisme des courants d'idées et d'opinions se trouve être affirmé comme le fondement de la démocratie380(*). Au-delà de l'incantation des droits de l'homme, il faut le respect de ceux-ci au profit des individus, des groupes et des minorités vis-à-vis des décisions du pouvoir majoritaire.381(*)

Tout ceci suppose, à n'en point douter, un mécanisme efficace de protection. Aussi, le constitutionnalisme européen et occidental a-t-il conçu le pluralisme politique comme une « organisation constitutionnelle de la concurrence pacifique pour l'exercice du pouvoir ».382(*)

Comme l'écrit Olivier Duhamel, l'opposition d'aujourd'hui est la majorité de demain, l'unique incertitude pesant sur la date de ce demain. Voilà ce qui incite ce dernier (l'opposant de demain) à un peu de modestie salutaire et qui contient, au moins partiellement, son arbitraire.383(*) Le moteur de la démocratie est la vertu ainsi que l'on sait depuis les philosophes grecs du Vème siècle avant Jésus-Christ. Aussi, la démocratie commande-t-elle la tolérance politique et l'alternance au pouvoir.

En effet, la tolérance politique des opinions et des courants d'idées est essentielle dans une démocratie car la suprématie constante d'une majorité n'est pas consubstantielle à cette forme d'organisation politique de l'Etat. Par ailleurs, la Cour européenne renchérit en posant que « la société démocratique pratique la tolérance, l'esprit d'ouverture et accueille en son sein toutes les tendances politiques et philosophiques, même si certaines d'entre elles professent des opinions qui choquent ou heurtent la majorité ».384(*)

Le rôle du parti politique dans la formation de la conscience nationale et dans l'éducation civique n'est pas étranger à l'expression du suffrage qui lui est donné par le constituant français ou congolais.385(*)

La tolérance politique ainsi exposée ne peut subsister sans l'alternance au pouvoir qui est comme la seconde mamelle de la démocratie. En effet, avec la possibilité d'alternance, la démocratie canalise et institutionnalise les conflits dans la société.386(*)

Cependant, la bipolarisation, au-delà du bipartisme ou même du multipartisme, est seule capable de permettre la concurrence ordonnée des protagonistes et l'alternance réglée au pouvoir. Et Jean Gicquel de conclure que l'alternance est l'indice de la bonne santé d'un régime qui, par une remise en cause périodique, transforme sa faiblesse en force.

Aujourd'hui, l'enjeu majeur de l'institution d'un juge constitutionnel se trouve être la garantie des droits de l'opposition politique qui a perdu les élections de manière que l'on n'ait pas juridiquement tort parce que l'on est politiquement minoritaire.387(*) Le juge constitutionnel de ce point de vue est une pratique de civilisation de la vie démocratique.

Par ailleurs, la démocratie se ramène à la vision de la majorité et du contrôle de l'opposition. Il est logique dès lors que cette opposition politique ait des droits sinon le contrôle qui est reconnu serait du domaine de la décoration démocratique.

Voilà pourquoi en droit comparé l'on note plusieurs droits reconnus à l'opposition notamment : le droit à des élections sincères et régulières, le droit à la parole publique, le droit de participer à des assemblées politiques, le droit de manifester, le droit de déférer au juge constitutionnel les lois et autres actes ayant force de loi, le droit de bénéficier des aides publiques.388(*)

Il est évident que l'ensemble de ces droits étant le plus souvent des droits garantis constitutionnellement ou par une loi organique, le recours au juge constitutionnel reste un mécanisme efficace, sous réserve de conditions à étudier plus tard, pour assurer leur protection.

Dans le système allemand que nous avons vu plus loin, la Cour constitutionnelle allemande a consacré une conception « combattante »de la démocratie libérale en acceptant, conformément à la Constitution, de défendre l'ordre libéral contre les partis ou les individus susceptibles de lui porter atteinte.

Le juge constitutionnel pouvant ainsi à tout moment contrôler les actes de la majorité, celle-ci aura une tendance presque naturelle à s'autolimiter. Jouant également le rôle de mécanisme de stabilisation et d'intégration de la collectivité nationale, le juge constitutionnel contrôle le pacte fédéral et de ce fait, assure l'arbitrage considérable entre l'Etat et les collectivités constituantes. Ce rôle d'arbitrage qui est au premier chef juridictionnel est derechef politique car il implique la solution juridique des problèmes souvent politiques entre les entités politiques concernées.389(*)

Du simple fait que le juge constitutionnel contrôle les lois aux regard des dispositions constitutionnelles relatives aux droits fondamentaux, il en résulte que tant dans l'opinion que dans la minorité politique il est perçu comme un allié même si selon le vent de l'alternance il ne donne pas toujours raison au camp qui a reçu ses faveurs à une époque. 390(*)

Ceci souligne au demeurant son rôle de stabilisateur de la vie politique d'autant que l'intervention de la justice constitutionnelle a juridicisé la vie et les débats politiques. Le législateur est soumis à la règle de droit et sait qu'il pourra être contrôlé par le juge.391(*) Au-delà du rôle d'arbitre qu'il joue dans le jeu politique, il faut voir aussi que le juge constitutionnel en tant que mécanisme de protection joue inconsciemment le rôle d'arme de dissuasion massive entre les mains de la minorité politique.392(*)

Par ailleurs, le rôle de la Cour constitutionnelle sera grand car elle va être amenée à prendre position sur des questions politiquement controversées notamment lorsque l'opposition a fortement combattu devant le pays ou la représentation nationale telle loi au moment de son vote. En sauvegardant ainsi les droits de l'opposition, le juge constitutionnel devient un élément du jeu démocratique en favorisant ainsi la reconquête du pouvoir par l'opposition.

Ensuite, les minorités sociologiques, par le biais du juge constitutionnel, recouvrent la possibilité de contester le discours majoritaire traduit en termes juridiques par la loi qu'elles ne peuvent autrement combattre. La monopolisation ou la domination des débats et décisions politiques est de ce fait quelque peu nuancée.

Enfin, le recours au juge constitutionnel par l'opposition politique offre à ce dernier la possibilité de contrôler l'objectivité et la précision technique des lois jouant ainsi le rôle de technicien dans le processus d'élaboration des normes législatives.

L'on peut se permettre d'opiner avec Michel Fromont en posant que l'interprétation de la constitution par le juge a entraîné un double effet.

D'une part, en raison de sa rédaction peu détaillée et souvent restreinte à l'affirmation de quelques grands principes, la Constitution s'est avérée un instrument remarquable d'accroissement de l'influence des juges sur le développement du droit au plus haut niveau.

D'autre part, l'interprétation de la Constitution par les juges a permis l'émergence d'un ensemble de principes supérieurs qui dominent et parfois même transfigurent tout l'ordonnancement juridique ; au point qu'il est permis de se demander comme Dominique Rousseau393(*) ou même Dominique Turpin394(*), si le droit constitutionnel, du moins sa partie relative aux droits de l'homme, n'est pas en voie de devenir un droit qui n'est plus exclusivement public et qui se caractérise surtout par son rang, le rang suprême.395(*)

En effet, quant à la nature du droit constitutionnel, il s'agit bien d'un retour au texte mais tel qu'interprété par un organe extérieur au jeu politique, héritier du fameux pouvoir modérateur et régulateur que Prévost-Paradol avait assigné jadis au chef de l'Etat, parce qu'il est doté d'une légitimité technique désormais supérieure à la légitimité démocratique de la majorité.396(*)

Cette affirmation appelle néanmoins la problématique sans doute récurrente de savoir si les décisions du juge constitutionnel n'infèrent pas des normes à valeur constitutionnelle et, en cette occurrence, qui serait chargé de contrôler le contrôleur.

La controverse sur la légitimité du juge constitutionnel est bien tranchée, à notre avis, par Dominique Rousseau lorsqu'il avance notamment que tout part du type du discours produit à un moment donné de l'histoire. Le discours ambiant et accepté par tous est que la loi n'exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution.397(*)

Dès lors, en effet, que « la démocratie ne se définit plus seulement par le simple pouvoir majoritaire de faire la loi, mais aussi par une pratique délibérative où se discute et se construit la validité des décisions, le rôle du juge constitutionnel devient parfaitement légitime au regard de cette définition-là de la démocratie398(*). Au demeurant, (...) elle énonce seulement la vérité du nouveau régime institutionnel et politique de production de la volonté générale » et sa vision des droits des citoyens.399(*)

§3. Les droits et libertés fondamentaux

L'Etat est toujours régi par la Constitution, qu'elle soit écrite ou coutumière ; mais l'Etat de droit moderne ou Etat de droit constitutionnel est celui qui est caractérisé par la primauté constitutionnelle qualificative de l'homme en tant que citoyen et individu. Cet Etat est donc un « Etat de droits de l'homme » du fait tant de l'inscription de ceux-ci dans la Constitution que de la garantie qu'ils impliquent pour l'autodétermination du citoyen.400(*)

Par ailleurs, Jean Rivero définit la liberté comme un pouvoir d'autodétermination, en vertu duquel l'homme choisit lui-même son comportement personnel.401(*)Le droit, en revanche, c'est le pouvoir d'accomplir tel ou tel acte en toute liberté. Ainsi vus, les libertés fondamentales ou les droits fondamentaux sont dans la même proximité idéologique avec la notion de droits de l'homme et celle de libertés publiques.402(*) Les libertés se définissent comme des pouvoirs d'autodétermination (libertés) consacrés par le droit positif tandis que les droits de l'homme se saisissent comme des droits inhérents à la nature humaine et que l'on ne peut méconnaître sans porter atteinte à celle-ci. Ici, c'est la conception jusnaturaliste qui prime. Les droits de l'homme englobent de la sorte les libertés publiques qui sont des droits de l'homme reconnus et aménagés par l'Etat.

Les libertés publiques sont donc à géométrie variable dans la mesure où elles connaissent une géographie variable. En effet, elles doivent varier dans le temps et dans l'espace car le droit positif est, par définition, très poreux aux souffles de chaque pays.403(*)

Il existe également des droits économiques, culturels et sociaux qui sont autant de créances contre la société plutôt que de véritables pouvoirs d'autodétermination. En revanche, pour y satisfaire, la société est tenue de créer des services publics. Ils ne constituent pas donc des libertés mais plutôt des créances sur autrui. Et c'est cette évolution qui oblige l'emploi à la fois des mots libertés et droits pour couvrir l'ensemble des droits publics consacrés par le droit positif en faveur des citoyens.

Les droits exigent une attitude positive de la part du débiteur de la prestation tandis que la liberté implique plutôt une attitude d'abstention parce qu'elle s'exerce sur la personne titulaire du pouvoir d'autodétermination. Ainsi donc, les droits et les libertés sont quelque fois synonymes mais en réalité leur différence sémantique demeure.

Nous l'avons vu plus haut, l'Etat de droit moderne se saisit à la fois comme esclave et protecteur des droits de l'homme, il tire sa légitimité de son aptitude à les développer et à s'y soumettre. Cette « mission-soumission » est caractéristique de l'Etat de droit qui implique comme conditions de possibilité : la soumission à une hiérarchie des normes sur laquelle trône la Constitution et l'indépendance du juge pour sanctionner la méconnaissance des droits ainsi proclamés.404(*) Cette indépendance juridictionnelle tient, on l'a vu, de la séparation des pouvoirs qui garantit une place de choix au juge constitutionnel ou tout autre juge. La réalisation de l'Etat de droit tient de même à la reconnaissance des droits et libertés mais aussi à la séparation juridique et politique des pouvoirs.

Sans rentrer dans la discussion savante sur la nature de la reconnaissance des droits à l'individu par l'Etat et la communauté internationale, il y a lieu de remarquer que trois théories tentent de justifier cette reconnaissance. La théorie de droit naturel dont le principe est que tout homme naît avec des droits qu'il tire soit de la nature des choses (droit naturel objectif) soit de la nature humaine (droit naturel subjectif) aboutit dans l'école moderne du droit naturel qui pense qu'il existe une raison universelle qui serait saisie en tout être humain comme la cristallisation d'une multiplicité des consciences individuelles.

Cette théorie a laissé des échos perçants dans la Déclaration d'indépendance américaine lorsqu'elle proclame que tous les hommes sont créés égaux, ils sont doués par le Créateur des droits inaliénables et dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon laquelle les droits (sont) naturels, inaliénables et sacrés de l'homme.

Si cette théorie peut fonder et même justifier le droit à la vie ou la liberté d'expression, elle s'effondre lorsqu'il faut l'appliquer au droit de grève ou à la liberté syndicale qui ne présentent guère des ressemblances avec les droits inhérents à la nature humaine.

La théorie du positivisme juridique quant à elle, nie la réalité des droits naturels. En effet, les tenants de cette école de pensée dont Hans Kelsen405(*), Raymond Carré de Malberg406(*), Gaston Jèze407(*) et Pierre Duez408(*) estiment que les droits naturels relèvent d'une vision métaphysique qui ne peut cadrer avec l'approche scientifique.

Dans sa tentative d'épurer la science du droit de toutes impuretés subjectives car pour cette école, le droit doit se construire sur le modèle des sciences naturelles et évacuer tout jugement de valeur, la théorie positiviste a sombré dans les travers du nazisme puisque dans ses termes elle juge de la validité de normes sans référence aucune à leur valeur axiologique.409(*)

Il faut allumer cependant une fière chandelle au positivisme juridique dans la mesure où seuls les droits publics individuels sont susceptibles d'être sanctionnés par le juge, les autres droits naturels n'étant pas portés par un texte qui serait applicable par lui. Toutefois, la théorie gagnerait à s'aligner sur l'apport désormais acquis de sciences morales et de la psychologie moderne et à tenir compte du fait aujourd'hui démontré par les sciences sociales que l'homme est à la fois un animal politique et un être spirituel.410(*)

La théorie du positivisme sociologique soutenue par Léon Duguit et Emile Durkheim énonce quant à elle que le droit serait le produit spontané de la conscience collective ; c'est-à-dire le produit d'un déterminisme social. En effet, le déterminisme social ne semble pas avoir créé quelque part un droit ; c'est plutôt le volontarisme des acteurs juridiques qui le crée certainement avec l'influence de la conscience collective agissant cette fois-là non point comme auteur de la norme mais plutôt matrice sociale ou source sociologique.411(*)

L'on peut noter, et c'est une différence de taille, que le positivisme sociologique considère le droit comme un fait social et n'admet la légitimité du droit qu'à la condition qu'il reflète les aspirations de la conscience collective.

La question serait de savoir ce qu'est la conscience collective. Serait-ce l'opinion publique telle qu'elle s'exprime lors des votations, pétitions, manifestations ou sondages. Mais tout le monde ne s'exprime pas lors de ces manifestations pour de raisons juridiques pourtant. La conscience collective ne devrait-elle pas être la même comme une sorte d'osmose collective ? Si le recours aux valeurs démocratiques, que nous approuvons, se lit en filigrane dans cette théorie, elle souffre cependant, à notre avis, des manques conceptuels énormes en ce qui est de la donne essentielle de son fondement théorique : la conscience collective.412(*)

Si son fondement est la majorité des citoyens ayant exprimé leurs suffrages, le positivisme sociologique n'a toujours pas réglé la question capitale du contenu sémantique de la notion de conscience collective au point où l'on peut constater que la notion de majorité relève déjà d'une catégorie juridique alors que dans son hypothèse de départ le droit n'est pas encore créé, et en tous cas, avant que le déterminisme social ne l'ait engendré.

Cependant, il faut reconnaître que la majorité de la doctrine pour de raisons d'efficacité institutionnelle peut-être a trouvé un fondement aux droits de l'homme dans cette théorie dans la mesure où les droits de l'homme sont de droits subjectifs dans une société politique où la primauté de l'individu a été proclamé et constitue le socle de l'Etat de droit qui est à la fois, dans une première acception, l'édifice de respect de la hiérarchie des normes et, dans une seconde acception, la structure qui respecte les principes et valeurs fondamentaux de la société, dont les droits de l'homme.413(*)

Par ailleurs, avec Dominique Turpin414(*), l'on peut affirmer que les libertés sous l'influence de la justice constitutionnelle font désormais partie intégrante du droit constitutionnel car les trois objets de ce droit, selon Louis Favoreu415(*), -institutions, normes et libertés- sont étroitement liés et forment un ensemble.

Dans ce nouveau rôle le juge constitutionnel revendiquera la qualité de protecteur des libertés publiques, de préférence à celle de gardien des frontières normatives et ce, d'autant que son accès sera ouvert à l'opposition parlementaire. Dans l'hypothèse du système congolais d'ouverture de la saisine à toute personne, les libertés fondamentales constituent, à coup sûr, la voie de transformation du régime politique : le pouvoir délibérant final est entre les mains des citoyens.416(*)

En même temps, c'est ici que se remarque la rupture de conception entre la société occidentale et celle africaine. En effet, dit Jean Gicquel, l'anthropocentrisme résume la pensée occidentale. Il s'ensuit l'exaltation et la protection tous azimuts de l'individu qui, en sa double qualité de citoyen et de personne, peut revendiquer respectivement l'usage de la liberté politique, appelée aussi la liberté-participation, et la liberté physique ou liberté-autonomie.417(*)

En revanche, l'organisation sociale se trouve aux premières loges dans les préoccupations de la conception collectiviste de la société qui semble hanter l'esprit de l'homme africain noir. Ici, l'individu n'est pas évacué mais il n'apparaît que comme titulaire d'un poste de service de la société. La confiance est accordée non à l'homme mais à la communauté. Bref, l'individu est l'obligé de la société, à l'opposé de la tradition occidentale.418(*)

Au-delà de cette affirmation doctrinale péremptoire, l'on peut constater que la cosmogonie africaine relie l'individu comme le maillon d'une chaîne de solidarité à la société dont il dépend ; mais en même temps, dans nos traditions l'on dénombre de traces d'individuation susceptibles de fonder des libertés individuelles.419(*)

Il nous semble approprié de classer la société africaine parmi les sociétés solidaristes plutôt que collectivistes et de ce point de vue la théorie de la dysfonctionnalité du Professeur Kayemba Ntamba Mbilanji semble offrir des perspectives intéressantes pour l'explication de cette parenté solidaire.

En effet, elle est due, selon cet auteur, à l'arrêt brusque du fait politique au 16ème siècle alors que la cité était entrain de se construire en Afrique noire, ce qui entraîne une prise en charge des microsociétés, la société globale ayant disparu à coup des fléaux de toute sorte.420(*)

Donc, la parenté qui est perçue comme une tare dans la société occidentale joue ici comme une assurance-vie ou une mutuelle de santé de telle sorte qu'il est idoine de parler de solidarité plutôt que de collectivisme, celui-ci impliquant un choix politique que les noirs ne semblent guère avoir opéré.

Cette affirmation est en droit fil de la proposition de la présente thèse qui consiste à montrer qu'il y a différence de perspective et de fondement de la justice constitutionnelle ici et ailleurs et que cette différence devrait rejaillir sur les modalités d'exercice.421(*)

La problématique est corsée ici car les libertés fondamentales telles qu'inscrites dans la Constitution subissent la critique du Professeur Mupinganayi Kadiakuidi qui y voit des droits non attachés au sol et aux paysans422(*). L'auteur approche la question des droits par rapport à leur utilité économique.

La critique est assez nuancée avec l'adoption aujourd'hui de droits de l'homme et des libertés fondamentales comme deux catégories distinctes par le constituant congolais.423(*)

Cette adoption, ainsi que nous l'avons vu dans les lignes précédentes, infère à une double conception épistémologique à la fois du droit naturel et du droit positif avec la conséquence que l'individu au-delà de droits reconnus par les textes nationaux et internationaux dits droits fondamentaux possède en outre des droits inhérents à sa nature humaine dits droits naturels.424(*)

Lorsque les citoyens recourent au juge pour régler leurs différends avec l'Etat, il se pose naturellement la question de la justiciabilité des droits : le droit au juge.425(*)

En évoquant la justiciabilité des droits, on fait référence au rôle du juge dans la protection des droits fondamentaux, en postulant qu'il n'y a pas de véritable garantie de ces droits sans la possibilité de recourir à un juge pour les faire respecter. Le juge est reconnu ainsi comme le garant de l'effectivité des droits fondamentaux et des libertés publiques (article 150 de la Constitution).

En effet, le Constituant de 2006, dans le texte promulgué par le Président de la République et publié au journal officiel numéro spécial du 18 février 2006, après avoir énuméré les droits et libertés fondamentaux qu'il entendait protéger (articles 11 à 61), a confié à la loi la mission de fixer les règles les concernant, c'est-à-dire concernant leur gestion (article 122).Mais, la mise en oeuvre de la loi est confiée au Règlement (article 128) dont certains sont autonomes.

Ainsi, le Constituant a créé deux domaines : le domaine de la loi et celui du règlement. Il a confiné la loi dans une compétence d'attribution, soigneusement énumérée aux articles 122 et 123 où, tantôt elle fixe, tantôt elle détermine Mais, au règlement le Constituant a donné la compétence de droit commun.

Du coup, se situant dans le cadre de la séparation des pouvoirs, il interdit à la loi de se promener sur le terrain du règlement sous peine de voir le texte vagabond modifié par décret si la Cour constitutionnelle, à la demande du Gouvernement, aura déclaré que celui-ci a un caractère réglementaire (article128, al.2 de la Constitution).

Nous nous répétons pour nous faire bien comprendre. Etant donné que les libertés publiques sont des droits protégés, il avait fallu confier leur organisation à un organe. C'est ainsi que le Constituant, sans le savoir peut-être, en emboîtant les pas de Montesquieu, et, suivant en cela les révolutionnaires français de 1789, a confié cette organisation des droits et libertés au législateur, c'est-à-dire à la loi. Cela ressort de la section III, du titre III où la Constitution, en son article 122, stipule que « sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, la loi fixe les règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ... ».

Cependant, en observant de plus près, on constate que ce domaine est partagé entre la loi et le règlement. Tandis que la loi est confinée dans la compétence d'attribution, limitativement, énumérée aux articles 122 et 123, le règlement reçoit, lui, la compétence de droit commun, fixée par l'article 128 qui stipule que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaires ». Le Constituant ne se limite pas à cette proclamation : il insiste et menace la divagation éventuelle de la loi sur le domaine du règlement en disposant que « les textes à caractère de loi intervenus en ces matières (du règlement) peuvent être modifiés par décret si la Cour constitutionnelle, à la demande du Gouvernement, a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire, en vertu de l'alinéa précédent ».

En confiant ainsi à la loi le soin d'organiser les droits et libertés, le Constituant s'est frotté les mains, espérant avoir abouti naturellement à la protection des libertés. Car la loi est l'expression de la volonté du peuple souverain. Il n'a pas tort. Mais il n'a pas mesuré les conséquences des mécanismes institutionnels qu'il venait de mettre en place. Notamment le pluralisme politique (article 6 de la Constitution) et la nomination du Premier Ministre, chef du Gouvernement, ainsi que les autres membres de son équipe au sein de la majorité parlementaire (article 78 de la Constitution). C'est de là que découle la faiblesse.

En effet, la faiblesse de ce système peut être décelée du fait que, l'exercice du pouvoir se fait dans le cadre d'un système de partis majoritaires monopolisant le législatif et l'exécutif. Dans ces conditions, le pouvoir ne peut pas arrêter le pouvoir ! Par ailleurs, dans le cadre du régime politique imaginé par le Constituant que certains considèrent comme étant parlementaire rationalisé et d'autres, par contre, tenant compte de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct , comme semi-présidentiel, le fait que l'exécutif est l'émanation de la majorité parlementaire, il peut être tenté de déposer devant le Parlement des projets de lois et solliciter de sa majorité de voter des lois liberticides !

C'est pourquoi le Constituant s'est méfié un peu d'une trop grande confiance en la loi et a cherché un surveillant qui doit contrôler la soumission de la loi à la Constitution. Il l'a trouvé dans le juge constitutionnel (article 157 de la Constitution) qui assure un contrôle a priori (avant la promulgation de la loi par le Président de la République., article 160) et un contrôle a posteriori (les exceptions d'inconstitutionnalité soulevées devant les juridictions de jugement, article 162).

Par ailleurs et de son côté, la loi étant l'expression de la volonté du peuple souverain représenté, doit s'imposer à tous, gouvernants et gouvernés. Le contrôle de l'observance de la loi par les citoyens est dévolu à un autre pouvoir, le pouvoir judiciaire, lequel est, aux termes de l'article 150 de la Constitution, le garant des libertés individuelles et des droits fondamentaux des citoyens. A l'alinéa suivant du même article, la Constitution dispose que « les juges ne sont soumis, dans l'exercice de leur fonction qu'à l'autorité de la loi ».

Il est donc patent que la justice constitutionnelle exerce un certain nombre des fonctions ci-haut relevées qui concourent toutes à faire d'elle le socle de l'Etat de droit dans une société réellement démocratique. L'Etat moderne est même défini par certains auteurs comme un ensemble cohérent des normes ou tout simplement un ensemble des compétences juridiquement établies.426(*)

Par ailleurs, l'ordonnancement juridique étant la traduction juridique de l'ordonnancement politique aux confluents des forces sociales, économiques et culturelles, il est très utile de voir à ce niveau comment le juge constitutionnel transforme ce dernier.

* 355 LARCIER (F.), Droit constitutionnel, tome II, Le système constitutionnel, 2. Les fonctions, Bruxelles, Larcier, 1988, pp.206-207.

* 356 LIHAU EBUA LIBANA la MOLENGO, Droit constitutionnel et institutions politiques, Notes de cours, UNAZA, Campus de Kinshasa, 1974, p.122, n°218.

* 357 de VISSCHER (P.), Droit public, tome II, 2 fascicules, Bruxelles, Cercle de Droit de Louvain, 1972-1973, pp.3-4.

* 358 Voir CAHEN-PEREIRA (C.), Grandeur et décadence de l'idée de souveraineté dans la science juridique. Contribution à l'histoire de la philosophie du droit, Thèse de doctorat en droit, Toulouse, 1941, p.23 cité par REDOR (M.-J.), De l'Etat légal à l'Etat de droit. L'évolution de la doctrine publiciste française1879-1914, Paris, Economica, 1992, p. 156.

* 359 C'est la division ou la séparation politique des pouvoirs.

* 360 Lire LAVROFF (D.G.), Les grandes étapes de la pensée politique, Paris, Dalloz, 1993, pp.205-217.

* 361 NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, op.cit, p.335.

* 362 EISENMANN (C.), « L'esprit des lois et la séparation des pouvoirs », Mélanges Raymond Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933, pp.165-192. L'on peut prolonger la réflexion critique de cette théorie et ses implications théoriques et pratiques avec TROPER (M.), La séparation des pouvoirs et l'histoire constitutionnelle française, Paris, LGDJ, 1980. Cet auteur a notamment contesté la validité de la conception moniste de la séparation des pouvoirs qui se résumait en une interdiction de cumul mais qui ne prescrivait aucun mode particulier de répartition des pouvoirs, mais qu'en tant que norme de non-concentration, elle autorisait au moins deux procédés positifs : la spécialisation ou séparation absolue et la balance des pouvoirs

* 363 Pour continuer le débat entre ces deux théories, lire l'excellent exposé qu'en fait Marc LAHMER, « séparation et balance des pouvoirs », in ALLAND (D.) et RIALS (S.) (sous la direction de), Dictionnaire de la culture juridique, op.cit, pp.1406-1411.

* 364 ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.461.

* 365 Il s'agit de dire avec Léon DUGUIT que certaines personnes ont le pouvoir de vouloir pour la Nation comme si celle-ci se dépouillait définitivement de sa volonté au profit des représentants devenus mandataires perpétuels.

* 366 CARRE DE MALBERG (R.), La loi, expression de la volonté générale, Paris, Economica, 1984, pp. 66-79.

* 367 Lire ROUSSEAU (D.), op.cit, pp.470 et s.

* 368 PRELOT (M.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 5ème édition, Paris, Dalloz, 1972, pp.1-34. Cette expression a été chère également au professeur Augustin KITETE KEKUMBA OMOMBO, certainement par proximité académique.

* 369 Société civile par opposition à la société politique qui est censée détenir et exercer le pouvoir et qu'il faut contrôler pour qu'enfin de compte le pouvoir au sens de Montesquieu soit modéré. Le rôle des sociétés multinationales peut néanmoins relativiser cette affirmation qui est péremptoire.

* 370 Mot de la mythologie grecque signifiant la démesure.

* 371 HABERMAS (J.), Raison et légitimité, Paris, Payot, 1978. La question que la doctrine ne peut s'empêcher de poser au sujet de la philosophie du droit constitutionnel moderne est notamment celle de savoir comment la Raison des Lumières, l'Aufklarung, idéal porteur de progrès et d'émancipation et régulateur de la modernité, a pu produire la barbarie, l'aliénation et la domination. Il s'agit en fait de la critique de la Raison instrumentale amputée de sa dimension critique qui conduit à l'asservissement de l'homme, en confondant rationnel et réel, savoir et vérité.

* 372 ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.470.

* 373 Ibidem

* 374 CHEVALLIER (J.), L'Etat de droit, Paris, Montchrestien, 2003.

* 375 PEISER (G.), Droit administratif, Paris, Dalloz, 1988, pp. 4-5.

* 376 JACQUE (J.-P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, Paris, Dalloz, 2000, p. 12.

* 377 CHAMPAGNE (G.), L'essentiel du droit constitutionnel, Paris, 4e édition, les carrés, Gualino, 204, p. 19.

* 378 FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, Alternance, Cohabitations et conseil constitutionnel, Paris, Economica, 1998.

* 379 GUILLIEN (R. et J.VINCENT (J.) (sous la direction de), Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 1985, p.312, V° opposition.

* 380 Décision 89-276 du 11 janvier 1990, in FAVOREU (L.) et PHILIP (L.), Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 9ème édition, Paris, Dalloz, 1997, p.603.

* 381 ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.476.

* 382 ARON (R.), Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard, 1965, p.76.

* 383 DUHAMEL (O.), Droit constitutionnel, Tome 2. Les démocraties, Paris, Seuil, 2000, p.34.

* 384 Cour européenne des droits de l'homme, Arrêt Handyside du 7 décembre 1976, Série A, n°24, p.23, paragraphe 49.

* 385 Articles 4 de la Constitution française du 4 octobre 1958 et 6 alinéa 3 de la Constitution congolaise du 18 février 2006.

* 386 ERGEC (R.), Introduction au droit public, Tome 1, Le système institutionnel, op.cit, p.45, n°127.

* 387 OLIVA (E.), Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 2000, p.30.

* 388 En Grande Bretagne, par exemple, l'opposition est respectée au point que son Chef peut être pris pour une institution à lui tout seul car non seulement il reçoit une rémunération publique ; il s'assied en face du premier Ministre à la Chambre des communes ; il inaugure les questions du mardi et jeudi pour interpeller le premier Ministre ; il est reçu par les Chefs d'Etat et de gouvernements étrangers ; il est sollicité par les médias ; il est même consulté par le premier Ministre sur les grandes questions de politique étrangère et de défense ; il dirige enfin le shadow cabinet. Tout ceci garantit une bonne alternance qui évite l'improvisation dans les affaires publiques.

* 389 FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op.cit, p.66.

* 390 VEDEL (G.), « le Conseil constitutionnel, gardien du droit positif ou défenseur de la transcendance des droits de l'homme », Pouvoirs, 1988, n°45, p.149.

* 391 Le lieu du pouvoir étant vide en démocratie, de manière inattendue, la justice constitutionnelle rend visible ce vide en ne rapportant pas la construction de la norme à un auteur, le peuple, les élus ou les juges, mais à un espace de délibération qui n'est la propriété de personne. Lire ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, p.486. Il nous semble que cette affirmation doctrinale de Rousseau pose le problème de la supraconstitutionnalité de l'espace de délibération qui est censé être déjà là au moment de la fondation puisque la norme n'est même pas attribuée au peuple.

* 392 FROMONT (M.), op.cit, p.131.

* 393 ROUSSEAU (D.), Droit du contentieux constitutionnel, op.cit, pp.480-486.

* 394 TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, pp.5-6.

* 395 FROMONT (M.), La justice constitutionnelle dans le monde, op.cit, p.129.

* 396 TURPIN (D.), op.cit, p.6. C'est nous qui soulignons.

* 397 Lire CHEVALLIER (J.), L'Etat de droit, 2ème édition, coll. Clefs/Politique, Paris, Montchrestien, 1994. L'auteur démonte avec ingéniosité les mécanismes opératoires de ce discours et indique comment la technologie discursive entraîne dans le champ politique une légitimité technique directement liée à la démocratie constitutionnelle évacuant de la sorte un certain nombre d'écueils épistémologiques qui rendaient peu visible la théorie de la légitimité du juge constitutionnel. Bref, il est légitime parce qu'il est celui qui confère le sérieux au discours politique qui a, pour de raisons d'efficacité, choisi d'emprunter les catégories du discours juridique réputé sérieux, objectif et neutre.

* 398 Lire BASTIEN (F.), « Le juge, le droit et la politique : éléments d'une analyse politiste », R.F.D.C., n°1, 1990, p.49.

* 399 ROUSSEAU (D.), op.cit, p.482.

* 400 DELPEREE (F.), Le droit constitutionnel de la Belgique, op.cit, p.192, n°179/

* 401 RIVERO (J.), Les libertés publiques, Tome 1, Les droits de l'homme, Paris, PUF, 1997, p.21.

* 402 PARDINI (J.-J.), « Brèves réflexions sur les interactions entre les ordres juridiques », in BAUDREZ (M.) et Di MANNO (Th.) (sous la direction de), Liber Amicorum Jean-Claude Escarras, La communicabilité entre les systèmes juridiques, Bruylant, Bruxelles, 2005, pp. 131-159.

* 403 COLLIARD (C.-A.), Libertés publiques, 7ème édition, Paris, Dalloz, 1989, p.16.

* 404 En ce sens, LEBRETON (G.), Libertés publiques et droits de l'homme, 4ème édition, Paris, Armand Colin, 1999, p.19.

* 405 KELSEN (H.), Théorie pure du droit, 2ème édition, Paris, Dalloz, 1962.

* 406 CARRE de MALBERG (R.), Contribution à la théorie générale de l'Etat, Paris, Sirey, 1920-1922 ; IDEM, La loi, expression de la volonté générale, Paris, Sirey, 1931.

* 407 JEZE (G.), « Signification juridique des libertés publiques », Annuaire de l'Institut de droit public, Paris, 1929, p.162.

* 408 DUEZ (P.) « Esquisse d'une définition réaliste des droits publics individuels », Mélanges Carré de Malberg, Paris, Sirey, 1933, p.111.

* 409 En ce sens, lire LEBRETON (G.), op.cit, p.21.

* 410 En ce sens, lire DARBELLAY (J.), La règle juridique. Son fondement moral et social, Saint-Maurice, éditions de l'oeuvre St Augustin, 1945, 317 pp.

* 411 DUGUIT, (L.) L'Etat, le droit objectif et la loi positive, 2 volumes, 1901-1903, cité par LEBRETON (G.), op.cit, p.26.

* 412 Le questionnement philosophique qui constitue notre critique de la théorie du positivisme comme cadre épistémologique du droit part de la définition que la philosophie moderne tente de donner au concept conscience. Celle-ci est souvent vue comme une intuition qu'a l'esprit de ses actes et de ses états. Cette définition qui est approximative aux dires de ses auteurs ne peut satisfaire ni même résoudre l'aporie de tout à l'heure ; au demeurant, elle suppose, ce qui est à démontrer, qu'il existe un esprit collectif qui aurait une quelconque faculté d'intuition ou même de saisir comme sujet et objet au même moment. Pour prolonger la discussion philosophique, consulter LALANDE (A.), Vocabulaire technique et critique de la philosophie, 9ème édition, Paris, PUF, 1962, pp.173-176.

* 413 JACQUE (J.-P.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 4ème édition, Paris, Dalloz, 2000, p.9.

* 414 TURPIN (D.), Droit constitutionnel, Paris, PUF, 1997, p.7.

* 415 FAVOREU (L.), « L'apport du conseil constitutionnel, droit de la Constitution, et constitution du droit », RFDC, n°1, 1990, p.71 et 79.

* 416 Voir l'article 162, alinéa 2 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, JORDC, 47ème année, numéro spécial, p.56.

* 417 GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, 16ème édition, Paris, Montchrestien, 1999, p.74.

* 418 Ibidem

* 419 Deux proverbes de la tradition luba du Kasaï suffisent à indiquer cette nuance : le premier, Cia dima umue, cia dia banyi (Ce que l'un a cultivé sera mangé par la multitude) et le second, Bidi muetu ntente, ikala ne ciebe pebe (Il y a moult richesses chez nous ne doit pas t'empêcher d'avoir tes biens propres).

La doctrine occidentale a classé, à notre avis, trop rapidement la société africaine dans la conception collectiviste sans une approche holistique approfondie notamment philosophique du muntu. Lire BIMWENYI KWESHI (O.), Discours théologique négro-africain. Problèmes des fondements, thèse de doctorat en théologie, Université catholique de Louvain, Faculté de Théologie, 1977, 796 pp.

* 420 KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, « Modernité sous l'identité culturelle d'emprunt en Afrique noire postcoloniale », Annales de la Faculté de Droit, Vol.IV-VII, Kinshasa, PUZ, 1984, pp.63-76.

* 421 Lire dans le même sens, MBOYO EMPENGE EA LONGILA B.B., « La mégarde des modèles de Constitutions euro-occidentales et l'élaboration d'une Constitution zaïroise de développement véritablement intériste », Annales de la Faculté de droit, vol. XXV, Kinshasa, PUZ, août 1996.

* 422 MUPINGANAYI KADIAKUIDI, La bonne gouvernance dans une société démocratique, Cours de DES de droits de l'homme, Chaire UNESCO, Université de Kinshasa, 2001-2002, inédit.

* 423 L'article 60 de la Constitution congolaise du 18 février 2006, JORDC, 47ème année, numéro spécial, 2006, p.25.

* 424 En ce sens, lire TORRELLI (M.) et BAUDOUIN (R.), Les droits de l'homme et les libertés publiques par les textes, Québec, Les presses de l'université du Québec, 1972, p. XV, note 1.

  • * 425 REUSS-LAUSSINOTTE, L'essentiel des droits et libertés fondamentaux, tome 1, Paris, Gualino éditeur, Paris, 2001, p.99.

* 426 Lire de VILLIERS (M.), Dictionnaire du droit constitutionnel, 3ème édition, Paris, Armand Colin, 2001, pp.99-100, v° Etat.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius