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Du contentieux constitutionnel en RDC. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2031
  

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Section 2 : L'ORDRE JURIDIQUE ET LA JUSTICE CONSTITUTIONNELLE

L'approche de l'influence de la justice constitutionnelle sur l'ordre juridique passe aussi par la délimitation du concept ordre juridique. C'est dire en d'autres termes ce qu'est le droit.

L'exercice paraît simple lorsqu'il est dénué de toute interrogation en profondeur. Nos cours d'introduction au droit répètent à souhait des définitions pédagogiques utiles et que l'on se devait de retenir427(*). Vu autrement, le droit peut se saisir comme un discours de pouvoir428(*) car il est un mode de régulation sociale à côté de la religion ou de la magie.429(*)

Il ressort de cette vision que le droit constitue un ordre, c'est-à-dire une constatation de la réalité sociale et un mode de régulation sociale. L'individu, poussé par son instinct de sociabilité de même que sa sûreté personnelle, se soumet, selon le distinguo kantien, à des règles autonomes et hétéronomes.

Les premières dites internes ou éthiques sont de l'ordre de la conscience tandis que les secondes dites externes sont de l'ordre du sociétal. Reflet de la puissance publique, la norme juridique en possède le caractère contraignant. Si souvent la contrainte est nécessaire pour appliquer une norme juridique, le recours à la force publique est remplacé par l'obéissance du citoyen, fondée sur la légitimité des normes.

Aussi l'ordre juridique est-il fondé sur une sorte de mystique qui fait référence à une métaphore qui présente le droit comme un arbre avec des branches ou même comme de l'eau provenant de plusieurs sources. Qui édicte les règles de droit ? La réponse est que le droit est l'expression de la volonté majoritaire.

Or, certaines expressions normatives de la majorité peuvent être oppressives compte tenu d'énormes violences qui se jouent dans le champ du politique. Pour tenter de civiliser ces rapports de force souvent brutaux, le droit constitutionnel n'est plus de nos jours le champ clos des forces politiques. Au contraire, le phénomène de juridicisation de la vie politique a fini par ériger le droit comme cadre de référence du combat politique et norme de protection de l'individu contre l'arbitraire et la brutalité du pouvoir.430(*)

Le caractère globalisant du droit constitutionnel et l'émergence de la deuxième génération de justice constitutionnelle après la seconde guerre mondiale donnent naissance à un phénomène nouveau431(*) dont l'étude s'impose ici.

§1. La primauté du droit constitutionnel ou la constitutionnalisation de toutes les branches du droit et ses conséquences

La doctrine constitutionnaliste, presque unanime, enseigne la primauté du droit constitutionnel dans le champ tant du droit public que du droit privé ; la raison serait qu'il s'agit du droit de la fondation tandis que les autres droits seraient ceux d'application des normes constitutionnelles. Etudiant la place de ce droit en droit en général, le professeur Edouard Mpongo opine que « le droit constitutionnel n'est qu'une partie du droit » même si plus loin il affirme que le droit administratif est subordonné au droit constitutionnel.432(*)

En revanche, Hugues Portelli renchérit pour indiquer que droit de l'Etat, le droit constitutionnel recèle des normes aussi variées que celles qui régissent la Constitution, la hiérarchie des normes, la vie et l'activité des assemblées politiques, l'activités des partis politiques, leur financement et le statut des élus ; l'ensemble de ces règles juridiques témoigne de la vitalité nouvelle de la discipline après un long déclin consécutif à la crise des catégories juridiques nées au début du siècle, à l'apogée du régime parlementaire en France, et à la concurrence victorieuse d'une approche politique des institutions. 433(*)

Là, nous avons une belle affirmation de principe qui n'indique pas encore pourquoi la norme constitutionnelle devrait trôner au dessus de toutes les autres normes. Philippe Ardant tente une explication qui emporte nos suffrages en exposant qu'un système juridique est un ensemble organisé de règles de droit, des normes, régissant une société donnée. Toutes ces règles ne sont pas sur le même plan, toutes n'ont pas la même valeur. Des subordinations apparaissent nécessairement dans ce sens que des liens s'établissent entre elles, où des règles commandent à d'autres, leur sont supérieures, ne peuvent être violées par ceux qui élaborent des normes subordonnées.434(*)

C'est, en fait, l'exposé de la théorie de la pyramide des normes de Hans Kelsen. Le positivisme juridique place la constitution au dessus de toutes les normes car dans sa conception le droit est une création étatique, et il est logique que la norme fondatrice de l'Etat soit au sommet de l'ordonnancement juridique. Ceci ne règle toujours pas la question car la constitution elle-même dans ce système est l'oeuvre d'une instance extérieure à l'Etat. Pour que l'hypothèse soit plausible, Hans Kelsen lui-même a dû inventer la Grundnorm comme celle transcendantale de laquelle serait issue la norme constitutionnelle. Et au-delà de la Grundnorm ?

Il y a là comme une insuffisance épistémologique qui ne saurait justifier la présence de la norme constitutionnelle au sommet de la pyramide normative kelsenienne. En cas d'abrogation de constitution, que se passe-t-il ? La pyramide est-elle toujours débout comme s'interrogeait Paul Amselek ?435(*)

Toute nouvelle constitution n'entraîne pas la caducité immédiate et automatique de tout le droit antérieur. Cette explication n'agrée pas non plus les bouleversements nombreux dans les normes infraconstitutionnelles qui n'induisent pas encore l'effondrement de la pyramide normative.

Un élément très pertinent nous vient du professeur Ntumba Luaba Lumu qui pose que la constitution est considérée comme une organisation des pouvoirs publics, à la fois rationnelle et libérale.436(*)

En effet, prise pour une organisation, aucune autre norme interorganisationnelle ne peut être au dessus de l'organisation. C'est ainsi qu'en réalité en droit public le critère organique l'emporte devant le critère matériel. La force et la place de la constitution, celle-ci les tient de la place et de la force de l'organe qui l'émet. Ainsi, le constituant étant toujours la force politique dominante à un moment donné de l'histoire de l'Etat, il est inconcevable qu'une norme d'organe inférieur soit en contradiction avec lui. C'est à notre avis le vrai fondement de la primauté du droit constitutionnel sur toutes les autres branches du droit.

Il s'agit aussi d'une question de logique : le pouvoir constituant prime sur les pouvoirs constitués. C'est ce qu'affirme le doyen Pierre Pactet lorsqu'il écrit « qu'il faut noter qu'il existe une hiérarchie des règles juridiques qui est presque toujours fonction de la hiérarchie existant entre les organes auteurs de ces règles ».437(*)

Il ajoute que « cette hiérarchie est elle-même établie en fonction des critères qui nous viennent de la philosophie politique des Lumières. Il faut mettre en tête les organes titulaires du pouvoir constituant. La seconde place est occupée par les organes législatifs, en fait les assemblées parlementaires, parce qu'ils sont composés de représentants élus par la Nation ? Ce n'est qu'en troisième position que se situent les organes exécutifs car dans la terminologie héritée des Lumières ce sont des organes nommés et « commis », qui ne procèdent pas directement du peuple».438(*)

Ainsi donc, les règles constitutionnelles s'imposent incontestablement au législateur et aux autorités administratives qui ne peuvent créer du droit ou l'appliquer qu'en fonction des normes de rang constitutionnel. Le juge constitutionnel, chargé de veiller à la suprématie de la Constitution, a donc la possibilité de sanctionner les violations législatives ou réglementaires des droits fondamentaux des citoyens, même si de fois, il n'a pas de pouvoir en ce qui est des décisions judiciaires violant les mêmes droits.439(*)Les juridictions suprêmes restent maîtresses dans ce domaine, par voie de cassation.

Il est évident que cette intervention sûre et assurée du juge constitutionnel dans l'élaboration des normes infraconstitutionnelles transforme à coup sûr l'ordre juridique en une sorte de chapelle de piété qui ne tolère guère quelque hérésie sauf du constituant lui-même. Dans ces conditions, nous dit Dominique Turpin, le rang du droit constitutionnel ne peut être que le premier. Après être demeuré longtemps un infra-droit par défaut de sanction effective, il a non seulement rattrapé les autres branches du droit mais, en même temps, les domine dans une certaine mesure440(*).

Il suffit de rappeler la théorie des bases constitutionnelles du droit administratif du doyen Vedel pour rendre compte du phénomène de primauté et de la constitutionnalisation subséquente des branches du droit. En outre, chaque fois qu'une branche fait l'objet d'un aménagement législatif, la saisine du juge constitutionnel a priori ou même par voie d'exception donne à ce juge l'occasion d'y imposer sa propre conception de la matière.441(*)

Il y a donc constitutionnalisation progressive des diverses branches du droit et, en fin de compte, unification - à ne pas confondre avec uniformisation- de l'ordre juridique, par l'effet de la jurisprudence du juge constitutionnel. Une frange de la doctrine y voit même la continuation du mouvement constitutionnaliste de Lumières : la justice constitutionnelle qui substitue le règne du droit à la domination des vainqueurs a représenté partout une nouvelle étape vers la réalisation de l'idéal démocratique. La démocratie constitutionnelle a succédé à la dictature comme jadis la monarchie constitutionnelle à l'absolutisme ou même qu'elle a remplacé la « démocratie absolue » où la toute-puissance de la loi n'avait fait que reprendre le relais de celle du roi. 442(*)

Sorti des limbes de la laïcité, le droit constitutionnel moderne semble y retourner par le biais de la sacralité du pouvoir qui imprime son aura au droit constitutionnel443(*). C'est ce qu'il faut voir maintenant.

* 427 Le droit est l'ensemble des règles de conduite humaine, édictées et sanctionnées par l'autorité publique et destinée à faire régner dans les relations sociales la liberté et l'autorité. Voir aussi PINDI MBENSA KIFU, Cours d'introduction générale à l'étude du droit, op.cit, p.15 : « Le droit positif de la société civile est l'ensemble des règles générales et abstraites de conduite édictées ou du moins consacrées par l'autorité publique, sous la sanction de la contrainte publique en vue de réaliser dans les rapports humains l'ordre le plus favorable au bien commun ». Au-delà d'énormes difficultés scientifiques qu'elle présente, cette définition a cependant l'avantage pédagogique d'être claire.

* 428 CHEVALLIER (J.) (sous la direction de), Droit et politique, 1993 ; CAILLOSSE (J.), Introduire au droit, 1993 ; LOSCHAK (D.), Le droit, le discours du pouvoir, Mélanges Léo Hamon, 1982, p.429 cités par GICQUEL (J.), Droit constitutionnel et institutions politiques, op.cit, p.9.

* 429 KAYEMBA NTAMBA MBILANJI, op.cit, pp.63-76.

* 430 Lire FAVOREU (L.), La politique saisie par le droit, op.cit, p.120.

* 431 AVRIL (P.), « La constitution : Lazare ou Janus ? », RDP, 1990, p.949 ; lire également MATTHIEU (B.) et VERPEAUX (M.) (sous la direction), La constitutionnalisation des branches du droit, 1998, cités par GICQUEL (J.), op.cit, p.14.

* 432 MPONGO BOKAKO BAUTOLINGA (E.), Institutions politiques et droit constitutionnel, op.cit, pp.5-6.

* 433 PORTELLI (H.), Droit constitutionnel, 3ème édition, Paris, Dalloz, 1999, p.1.

* 434 ARDANT (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 8ème édition, Paris, LGDJ, 1996, p.92, n°66.

* 435 Lire AMSELEK (P), « Réflexions critiques autour de la conception kelsenienne de l'ordre juridique », RDP, n°1, 1978, pp.5-19., contra : TROPER (M.), « La pyramide est toujours débout ! Réponse à Paul AMSELEK », RDP, n°2, 1978, pp.1523-1536. Pour un débat semblable en doctrine congolaise, lire ASSANI MPOYO KALEMA, « Réflexion sur la leçon publique : Le droit est mort. Vive le droit », Revue de droit congolais, 1ère année, n°002/1999, pp. 34-42. Contra : P.AKELE ADAU, « Le droit est mort. Vive le droit », Congo-Afrique, 39ème année, n°331, pp.17-38.

* 436 NTUMBA LUABA LUMU (A.-D.), Droit constitutionnel général, op.cit, p.9.

* 437 PACTET (P.), Institutions politiques et droit constitutionnel, 4ème édition, Paris, Masson, 1978, p.39.

* 438 Ibidem

* 439 FAVOREU (L.), Les cours constitutionnelles, op.cit, p.46.

* 440 TURPIN (D.), op.cit, p.7.

* 441 CHAPUS (R.), Droit administratif général, Tome 1, 15ème édition, Paris, Montchrestien, 2001, p.4, 2°

* 442 TURPIN (D.), op.cit, p.7.

* 443 Lire avec intérêt, CAMY (O.), Droit constitutionnel critique, Paris, l'Harmattan, 2007, pp.27-111.

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"Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, c'est une idée dont l'heure est venue"   Victor Hugo