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La question prioritaire de constitutionnalité et le droit des étrangers

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par François KONGA
Université Paris VIII - Master 2 droit comparé systèmes de droit contemporains et diversité culturelle 2012
  

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B. LA QPC:

L'existence d'un juge constitutionnel renvoie à une conception structurelle de l'ordre juridique. Elle consacre la constitution comme norme suprême. La loi n'est pas seulement valide parce qu'elle a été adoptée par le parlement et selon la procédure prévue par la constitution mais parce qu'elle peut être, dans certaines conditions, invalidée si ses dispositions sont contraires à la constitution. Le lien entre le droit des étrangers et le juge constitutionnel dépend de l'existence ou non dans un ordre donné, d'un contrôle de la constitutionnalité des lois et bien sûr des normes de référence de nature constitutionnelle.

En France, c'est la constitution de 1958 qui a investi le Conseil constitutionnel du pouvoir de contrôler les lois avant leur promulgation (contrôle a priori).La saisine du Conseil constitutionnel relève de l'initiative de certaines autorités politiques, élargie depuis 1974 à soixante députés ou soixante sénateurs. Mais depuis 2008, sous la forme de QPC soulevée au cours d'un procès par l'une des parties, une loi dont la compatibilité avec les droits et libertés consacrés par la constitution est contestée peut faire l'objet d'un contrôle du Conseil constitutionnel. Ce nouveau droit reconnu aux justiciables par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 (article 61-1) est entré en vigueur le 1er mars 2010.Il permet à tout justiciable de contester devant le juge de son litige, la constitutionnalité d'une disposition législative applicable à son affaire à condition qu'elle porte atteinte aux droits et libertés garantis par la constitution. Rien n'oblige le justiciable à poser la question mais une fois la question posée, le juge doit répondre de manière prioritaire. Il s'agit d'un moyen à l'appui d'une prétention qui n'est pas d'ordre public et qui fait l'objet d'un contrôle centralisé. Cette réforme modifie deux aspects importants dans le contrôle de la constitutionnalité des lois, la saisine du Conseil n'est plus réservée qu'aux autorités politiques, le contrôle ne s'effectue plus seulement à priori mais également a posteriori sur des textes législatifs déjà entrés en vigueur.

Il reste que l'étranger est le grand absent du texte constitutionnel français. Aucune disposition législative relative à son statut juridique n'y figure. Les seules qui s'y réfèrent sont un alinéa du préambule de 1946 et l'article 53-1 du texte de 1958 relatif au droit

5Cahier de jurisprudence, Plein droit, n°92, mars 2012, GISTI,«immigration, un régime pénal d'exception», coll. Penser l'immigration autrement, 2012.

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d'asile. Il semble dans ce cas difficile de concevoir une base constitutionnelle du droit des étrangers en dehors du droit d'asile. Cette absence de texte propre aux étrangers fait que les droits et libertés des étrangers s'effacent derrière les principes de sauvegarde de l'intérêt général.

Le statut des étrangers résulte cependant également de textes internationaux à partir desquels la conventionalité des lois peut être appréhendée. Il reste que le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas les normes internationales comme des normes de référence nécessaire à l'exercice de son contrôle de constitutionnalité. Cependant, les deux contrôles répondent à la même logique: si le Conseil constitutionnel a le monopole de l'appréciation de la constitutionnalité de la loi, la CJUE a celui d'apprécier la validité du droit de l'union européenne. La QPC comme le renvoi préjudiciel s'exerce lors d'un litige et supposent tous les deux que la saisine du juge se fonde sur une question. La différence tient au fait que c'est le juge qui actionne le renvoi préjudiciel alors qu'il ne fait qu'examiner la recevabilité de la QPC et ne peut la soulever l'office, seul le justiciable peut le faire. Dans le cadre de la question préjudicielle, c'est le juge qui soulève l'incompatibilité de la loi avec le droit de l'union et qui décidera ensuite de l'écarter.

Dans les deux cas, ce sont les juges qui vont décider de saisir la juridiction qui se prononcera, Conseil constitutionnel pour la QPC et CJUE pour la question préjudicielle. Elles devront laisser inappliquées les dispositions législatives inconstitutionnelles et non conventionnelles. Toutefois, la dissemblance de ces deux contrôles portent sur la nature de la question: la QPC et la question préjudicielle n'ont pas le même objet. La première est prioritaire, ce qui signifie qu'elle doit être traitée avant toutes les autres. La décision de rendre la QPC prioritaire par rapport à la question préjudicielle ou par rapport au contrôle de conventionalité a été prise pour que le mécanisme de la QPC ne souffre de la concurrence du contrôle de conventionalité plus connu et appliqué plus fréquemment.

La portée de la décision QPC a un effet erga omnes c'est-à-dire que la déclaration d'inconstitutionnalité vaudra pour tous puisque la loi sera abrogée. Dans le cadre de recours préjudiciel, le juge interne n'écarte le droit interne contraire au droit communautaire que dans le cadre du litige dont il est saisi. Ainsi, la décision ne vaut que pour les parties au litige, elle a un effet relatif, inter partes. Cette même portée vaut aussi dans le cadre du contrôle de conventionalité devant la CEDH dont la décision vaut pour les parties qui l'ont saisie. L'émergence de la QPC ne remet pas en cause la séparation de ces deux contrôles: le contrôle de constitutionnalité des lois incombe au Conseil constitutionnel et le contrôle de leur compatibilité avec les engagements internationaux ou

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européens de la France incombe aux juridictions administratives et judiciaires.

Le mécanisme de la QPC ne fait pas obstacle à ce que le juge saisi d'un litige dans lequel est invoqué l'incompatibilité d'une loi avec le droit de l'union européenne fasse, à tout moment, ce qui est nécessaire pour empêcher que des dispositions législatives qui feraient obstacle à la pleine efficacité des normes de l'union soient appliquées dans ce litige. La transmission d'une QPC n'empêche pas les juridictions administratives et judiciaires de saisir la CJUE d'une question préjudicielle. Elle n'interdit pas non plus au justiciable de saisir les juridictions européennes pour valoir ses droits.

L'absence des dispositions constitutionnelles précises consacrant des droits et libertés au profit des étrangers à l'aune desquelles, on pourrait confronter la loi contestée pourrait expliquer le faible nombre des QPC traitées par le Conseil constitutionnel. Depuis Mars 2010 jusqu'à mai 2013, on a recensé 29 décisions de non-renvoi des QPC relatives au droit des étrangers, 22 décisions renvoyées au Conseil constitutionnel dont 11 déclarées conformes, 7 non conformes et 4 conformité avec réserve6.On constatera que les seules décisions d'inconstitutionnalité prononcées par le Conseil constitutionnel ont porté sur des aspects de la condition des étrangers totalement indépendantes des questions d'entré et de séjour et cela dans des domaines spécifiques comme: l'égalité successorale entre cohéritiers français et étrangers, égalité entre titulaires français et étrangers d'une pension civile ou militaire de retraite, la garde à vue, l'allocation de reconnaissance, la carte du combattant, syndicat sud AFP et la détention provisoire.

Les effets de ces décisions sont modulés à une date fixée par le Conseil constitutionnel. On ne saurait par ailleurs ignorer les difficultés pratiques à mobiliser la procédure de la QPC dans un contentieux d'étrangers marqué par des procédures d'urgence notamment en matière d'éloignement. On ne saurait davantage encore ignorer le fait que nombre des lois composant les droits des étrangers ont fait l'objet de contrôle a priori. Cette hypothèse laisse peu de marge pour l'étranger sauf dans l'hypothèse où un changement de circonstance de droit ou de fait justifie le réexamen dans le cadre de la QPC de la position adoptée par le Conseil constitutionnel lors de son contrôle a priori.

Le juge constitutionnel, en interprétant le texte constitutionnel dégage des principes généraux qui restreignent assez peu l'appréciation du législateur. Il a toujours estimé qu'il revenait au parlement de définir par la loi les règles concernant la nationalité ou l'état des personnes par exemple. La compétence pour mettre en oeuvre les règles posées par le

6.www. conseil constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/français/les-décisions QPC, 2013,p 1-13

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parlement appartient par ailleurs au pouvoir réglementaire qui échappe à son contrôle.

On constatera le peu d'affirmations de droits des étrangers alors que le pouvoir législatif est enclin régulièrement à définir des restrictions et des obligations à leur égard. La vulnérabilité des droits des étrangers pourra s'expliquer par la position générale exprimée concernant l'entrée et le séjour des étrangers. En effet, «Aucune règle de valeur constitutionnelle n'assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d'accès et de séjour sur le territoire national. Les conditions de leur entrée et de leur séjour peuvent être restreintes par des mesures de police administrative conférant à l'autorité publique des pouvoirs étendus et reposant sur des règles spécifiques. L'objectif de lutte contre l'immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l'ordre public qui est une exigence de valeur constitutionnelle»7.Au regard des décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel relatives aux droits des étrangers, on a l'impression que le Conseil accompagne le durcissement des positions législatives, ne censurant que très peu d'entre elles et dont on peut se demander s'il ne sert pas qu'à valider l'option envisagée d'avance par législateur.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote