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L'intangibilité des ouvrages publics

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par Henda EL GHOUL
Faculté de droit de Sfax Tunisie - Mastère de recherche en droit public 2013
  

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DEUXIEME PARTIE

L'adaptation du principe

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

« La règle de l'intangibilité de l'ouvrage public n'est pas un dogme mais un principe auquel il peut être raisonnable, dans certains cas, d'apporter des exceptions »225. La rénovation du principe s'exprimera à travers deux démarches. D'une part, des applications jurisprudentielles qui dénoteront avec hardiesse de la pratique contentieuse dominante au regard des possibilités désormais offertes au justiciable226. D'autre part, un environnement juridique qui s'est certainement alimenté de l'évolution jurisprudentielle. Ce mouvement qualifier d'offensif serein contre le principe d'intangibilité incarne certainement une quête d'adaptation du principe227.

Néanmoins, préalablement à ces attaques, l'instabilité que présentaient les fondements du principe d'intangibilité annonçait de pareils effets à travers des quelques exceptions catégorielles, pertinentes, prévues par la loi ou énoncés par le juge. L'existence de ces limites permettait de démontrer que le principe d'intangibilité n'offrait pas le caractère aussi inébranlable qui lui était communément prêté228. Aussi, il semble opportun de s'arrêter sur ce principe en se penchant sur ses limites (Chapitre I) et ses infléchissements (Chapitre II).

225 C. MAUGUE, Concl. sur CE., section, 29 janvier 2003, Syndicat départemental de l'électricité et du gaz des Alpes- Maritimes et commune de clans, RFDA, mai- juin 2003.

226 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1471.

227 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.

228 Ch. BOUTAYEB, « L'irrésistible mutation d'un principe : l'intangibilité de l'ouvrage public », RDP, n° 5, 1999, p. 1472.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

Chapitre I :

Les limites du principe

L'ouvrage bénéficie de la protection exorbitante de l'intangibilité uniquement parce qu'il est le support nécessaire d'une activité de service public. Mais « tant que l'ouvrage est en cours d'établissement, il s'agit d'une opération de travaux publics. Il ne devient un ouvrage public qu'à partir du moment où il a fait l'objet d'une réception définitive et que la personne publique dont il dépend a donné l'autorisation de mise en fonctionnement ou d'ouverture à la circulation »229. Ainsi, les ouvrages publics constitués sur une propriété privée dans le cadre d'une servitude administrative présentent une limite quant aux effets du principe d'intangibilité des ouvrages publics.

Le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public souffre de quelques limites apportées à l'applicabilité du principe concernant les ouvrages publics non achevés (Section 1), et aux effets même du principe (Section 2).

Section 1 : Les ouvrages publics non achevés

L'intangibilité de l'ouvrage public se caractérise par l'impossibilité pour le juge, une fois l'ouvrage achevé, d'ordonner sa destruction, même cet ouvrage est irrégulièrement construit230. Toutefois, face à une construction irrégulière empiétant sur la propriété privée, et, si

229 Ch. BLAEVOET, « De l'intangibilité des ouvrages publics », Dalloz, 1965, p. 242.

230 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

les travaux sont en cours d'exécution231, le juge s'autorise à les interrompre232 sur le fondement de leur illégalité233.

A ce titre, afin d'éviter l'achèvement de l'ouvrage public, le particulier dispose de deux moyens de défenses pour lutter contre de pareil abus de l'administration234. Il s'agit de la technique de sursis à exécution (§ 1) et de recours en référés (§ 2).

§ 1 : Le sursis à exécution

La technique du sursis à exécution des décisions administratives235 se présente comme une exception importante au principe du caractère non suspensif236 des recours administratifs237. Par le biais de la procédure de sursis à exécution238, « les justiciables diligents devraient pouvoir

231 S. BRONDEL, « Le principe d'intangibilité de l'ouvrage public: réflexions sur une évolution jurisprudentielle », AJDA, n° 15, 2003, p. 762.

232 A. MESTRE, « Note sous cour de cassation, civ. 28 janvier 1924 », S. 1924, I, p. 289.

233 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1633 et p. 1667.

234 L. LAUCCHINI, « Le fonctionnement de l'ouvrage public », AJDA, 1964, p. 360 ; R. JENAYAH, « Le sursis à l'exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977, p. 61.

235 Le sursis à exécution est défini comme étant « une décision par laquelle le juge, à la demande du requérant, décide de suspendre provisoirement l'exécution de l'acte administratif dont la légalité est contestée devant lui ». Y. GAUDEMET, « Les procédures d'urgences dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 420.

236 L'article 39 nouveau paragraphe 1 de la loi n° 72-40 du 1er juin 1972: « Le recours pour excès de pouvoir n'a pas d'effet suspensif ». Le principe de l'effet non suspensif des recours signifie que « le recours, dirigé normalement contre une décision, ne suspend pas l'exécution de cette dernière. Bien que faisant l'objet d'un recours, et étant ainsi menacé d'annulation, (...), la décision pourra être exécuté, et ce, dans le cas même ou son illégalité serait des plus probables, (...), tel est le principe, destiné à assurer l'efficacité de l'action administrative ». R. CHAPUS, Droit du Contentieux Administratif, CREA, Tunis, 1968, n° 457, p. 372. Le principe de l'effet non suspensif des recours est qualifié comme étant « un principe fondamental du droit public ». OE., ass, 2 juillet 1982, HUGLO et autres, Rec. Leb, p. 237. Il serait mal venu que « l'exécution d'un intérêt privé vienne paralyser l'exécution d'une décision qui est censée servir l'intérêt général ». M. TOURDIAS, Le sursis à exécution des décisions administratives, LGDJ, 1957, p. 1.

237 R. JENAYAH, « Le sursis à exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977, p. 60.

238 En France, depuis la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives, on ne parle plus de sursis à exécution, mais de référé - suspension. M. WALINE, Note sous OE., 1er octobre, Ministre des Finances c/ crédit coopératif foncier, RDP, 1955, p. 378.

Deuxième partie : L'adaptation du principe

échapper de se voir opposer, à terme, le principe de l'intangibilité de l'ouvrage public, en empêchant simplement la personne publique de l'achever » 239.

Cependant, la mise en oeuvre de la technique de sursis à exécution n'a pas toujours été à la mesure des souhaits des administrés. En effet, l'octroi du sursis à exécution n'est recevable que si elle satisfait à certaines conditions240. Reste que l'efficacité de cette procédure dépend de l'interprétation donnée par le juge de ces conditions.

239 N. ACM, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1669.

240 Tout en soulignant le caractère exceptionnel de cette institution, l'article 44 ancien de la loi du 1er juin 1972 subordonnait l'octroi du sursis à la condition que « l'exécution de la décision attaquée est de nature à entraîner pour le requérant des conséquences irréparables ». Or, la nature et l'ampleur du préjudice que l'on pourrait invoquer à l'appui d'une demande de sursis, échappent à toute définition légale.

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En réalité, le législateur reste volontairement dans le vague pour permettre au juge d'apprécier « dans un souci d'opportunité, de rétrécir, comme une peau de chagrin, le domaine d'application du sursis ». R. JENAYAM, « Le sursis à l'exécution des décisions administratives en Tunisie », RTD, n° 1, 1977, p. 76. En conséquence, cette incertitude permet au juge de conserver toute sa liberté de décision et de pouvoir, compte tenu des circonstances de chaque espèce, rejeter ou accepter une demande de sursis.

Avec l'introduction de l'article 39 (nouveau) de la loi du 1er juin 1972 tel que modifié par la loi organique n° 96-39 du 3 juin 1996, le législateur tunisien a introduit une réforme de la procédure de sursis à exécution. D'une part, la seule condition légale exigée à l'octroi du sursis qui était celle « des conséquences irréparables » a été remplacée par l'expression « des conséquences difficilement réversibles». D'autre part, le législateur a ajouté la seconde condition légale, à savoir « les motifs apparemment sérieux ». Alors, pour que le sursis soit prononcé il ne suffit pas de faire état de conséquences irréparables, mais aussi, soulever à l'appui de la requête de sursis des moyens sérieux qui apparaîtraient de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée.

De même, l'examen de la jurisprudence en la matière témoigne que l'introduction d'une demande en sursis à exécution d'une décision administrative suppose l'introduction d'une action en recours pour excès de pouvoir contre cette même décision. Cette condition relève de la nature même de la procédure de sursis à exécution. TA., EP, aff. n° 349, SAE, 1/26/16 du 15 janvier 1990, Mohamed et autres c/ commune de Monastir, Rec., p. 285 ; TA., EP, aff. n° 142, SAE, 1/26/16, du 26 décembre 1984, Mohamed Radhoane c/ le ministère d'éducation nationale, Rec. , p. 492.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

Le sursis à exécution est « une arme mise à la disposition du juge pour assurer, préventivement, une protection effective des droits des particuliers »241. Toutefois, l'analyse des arrêts de la juridiction administrative relatifs à la technique de sursis à exécution démontre que le juge administratif n'a jamais exploré ce mécanisme pour atténuer les effets du principe de l'intangibilité des ouvrages publics.

C'est ainsi que, dans une affaire datant du 1992242, le juge a refusé la demande de sursis à exécution du jugement en invoquant divers motifs. Pour lui, cette demande ne répond pas aux conditions d'octroi de sursis à exécution puisqu'elle ne repose pas sur des motifs apparemment sérieux et que l'exécution de ce jugement ne peut être classée dans la catégorie des résultats non révisables.

Les conditions rigoureuses posées par la jurisprudence ont considérablement réduit l'utilisation du sursis à exécution. Cette pratique jurisprudentielle, exacerbée par la lenteur des procédures devant la juridiction administrative, a conduit, dans les nombreux cas, à une inefficacité indéniable de la réponse donnée aux justiciables243.

A titre d'exemple, on peut citer l'affaire concernant l'installation des canaux des eaux244. Le juge a refusé la demande de sursis à exécution d'un arrêt autorisant la Société Nationale d'Exploitation et de Distribution des Eaux à passer des canaux des eaux potables sur le terrain du requérant au motif que la demande repose sur des motifs apparemment non sérieux. « La procédure du sursis à exécution devrait être rationnalisée, faute de quoi le requérant se trouve doublement

241 Y. GAUDEMET, « Les procédures d'urgences dans le contentieux administratif », RFDA, 1988, p. 420.

242 TA., SAE, aff. n° 552, du 24 octobre 1992, inédit.

243 N. ACH, « L'intangibilité de l'ouvrage public, un principe ébranlé mais loin d'être enterré », RDP, n° 6, 2003, p. 1667.

244 TA., SAE, aff. n° 659, 12 janvier 1994, Emna El Rayes c/ SONEDE, inédit.

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Deuxième partie : L'adaptation du principe

sanctionnée par la lenteur de la justice et le refus du l'octroi du sursis à exécution »245.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore