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Poétisation d'un univers chaotique

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par Assia Benzetta
Université Mentouri - Master 2 Analyse du discours 2014
  

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I.2.b. Une touche d'intimisme

Dans Maryse Condé : une approche intimiste, Michèle Praeger37(*) parle de l'attitude de Condé vis-à-vis de la Négritude, la créolité et du féminisme, trois grands thèmes de son contexte culturel ; une fois de plus se révèle l'anti conformisme de Condé. Sa relecture de la Négritude implique le refus des images figées du Nègre comme être inferieur, fait pour des rôles subalternes de la Créolité, la contestation de l'idée d'une essence antillaise et créole, d'un « Moi » antillais. Dans En attendant la montée des eaux, l'intimisme et l'espoir donne un délicieux arrière goût aux événements tragiques.

Selon une vision fataliste des choses, fondée sur l'idée d'origine chaldéenne, une configuration astrale donnée qui se répète de temps en temps est accompagnée d'une série de calamités cosmiques : déluge, sécheresse, incendies, tremblement de terre de grande proportions. L'attente du cataclysme et de la destruction finale ne revêt absolument aucune teinte rose paradisiaque, mais quelque chose de tragique, et en tant que telle, en ses aspects sombres, elle a obsédé profondément les Grecs et encore plus les Romains.

Mircea Eliade, s'appuyant sur une étude de Jean Hubaux38(*), raconte l'histoire de Romulus39(*).

En fait, d'après cette histoire, la perspective de Sain Augustin n'était pas admise ni par un grec ni par un romain : plus qu'une fatalité, ces craintes étaient une réelle obsession qui a un autre rapport avec le temps, l'éternité et l'histoire. Elle témoigne d'une conscience aigüe de la déchéance des choses et du caractère éphémère du monde, mais reflète le désir de s'évader du temps, de se défendre contre l'histoire et de s'élever vers l'éternité.

Voici donc ce qui semble être le sens de l'histoire comme eternel retour : lieu de l'éphémère et aussi de l'eternel. La figure de l'anneau qui relie le début à la fin du temps, à l'image du serpent enroulé sur lui-même, eternel retour,41(*) qui fait que nous croyons en l'une ou en l'autre. L'éphémère ou l'eternel.

En attendant la monté des eaux s'ouvre sur le récit raconté par Movar sur Reinette Ovide et se termine aussi par le récit sur Reinette Ovide raconté par sa soeur Estrella Ovide. Tout s'éclaircit donc. Le récit se tourne sur lui-même comme un serpent, et c'est l'eternel retour.

La chute d'Adam et Eve est dans le même contexte de l'attente. Pour les Grecs et les Archaïques à l'origine de la chute et de l'éloignement était la faute, plus proche d'une action de la fatalité (destin) que fruit de la liberté. Pour les hommes médiévaux, formés dans la tradition Judéo-chrétienne, la faute, par contre, était due à la liberté, « don de Dieu au hommes », plus proche d'une perfection qu'absence de celle-ci, mais qui les entraîna à la chute et à la damnation.

Avec cette idée de liberté limitée par l'action de la providence divine, sans aucune garanti favorable, mais donne à l'homme la liberté de l'action, pour le bien et pour le mal42(*). Ainsi que dans la tradition juive, cette histoire n'est rien de moins que l'histoire du salut, cependant non pas du salut d'un peuple élu (le peuple juif)-c'est nous qui l'ajoutons- mais celui de l'homme, constitué de trois temps forts : la création, l'incarnation et le rachat43(*).

Ainsi, il est possible de comprendre comment la souffrance était endurée par l'homme formé dans l'espoir de la tradition judéo-chrétienne, et quel était son sens. Or, d'après Eliade les événements historiques, suivis de leur cortège de douleurs, épreuves et souffrances, ont été supportés par le peuple juif précisément, « parce que d'une part ils étaient voulu par Iahvé, de l'autre parce qu'ils étaient nécessaires au salut définitif du peuple élu »44(*).

Maryse Condé se positionne sur cette même trame 45(*) pour bâtir son récit. Toutes ces considérations, pensées mythiques et croyances, on les retrouve parsemées dans le roman de l'auteure. Le narrateur d'En attendant la montée des eaux écrit : « C'est connu, la vie commence par une boucherie », p14. Ici, il fait référence au mythe fondateur où le sacrifice est un rituel sacré pour que la vie continue. Le parfaite exemple à donner ici est le sacrifice humain en Afrique qui est encore pratiqué actuellement à Ouganda sur des victimes. Leur sang, leurs organes sexuels et parfois d'autres parties de leur corps sont exigés par certains sorciers qui promettent à leurs clients un enrichissement rapide46(*). C'est bien le cas de Movar dans En attendant la montée des eaux qui à consulté la sorcière Sô Fanfanne et a suivi ses recommandations jusqu'à ce qu'il retrouve la mort sous les mains de son propre oncle.

On souligne ici que Maryse Condé s'est inspiré du nom du terroriste Sô fofana dont l'affaire Sô Fofana a fait un grand tapage en 2009 dans le monde entier, notamment une année avant l'apparition du roman En attendant la montée des eaux. Signalons aussi, dans la page 13 du même roman, où le narrateur dit « C'était une de ces nuits où ne peuvent germer que l'étrange ou l'insolite. Par une nuit semblable, Dieu avait dû créer l'homme avec tous les déboires que cela avait entraîné ». Puis il ajoute : « (...) Dieu rit (...) ». Tous les personnages d'En attendant la montée des eaux sont en attente :

Babakar qui attendait son enfant « si vainement attendu », puis, prisonnier à Toh boh nel, p.146, il attendait qu'on le libère.

De même pour Movar qui attend son départ :

« Il s'est passé presque une année avant que j'arrive à réaliser ce rêve. J'étais au désespoir d'attendre et d'attendre (...) », p.54.

Et Fouad qui attendait Cuca, la prostituée qui a refusé de l'épouser parce qu'il est un arabe. Cette attente se manifeste aussi pendant le voyage de Movar et Rinette dans le bateau, où les passagers étaient pris de panique en attendant le retour sur terre. En fait, l'attente de Movar a commencé depuis son enfance :

« Ma maman est restée à se débattre comme elle pouvait avec ses trois enfants sur les bras et puis, elle a disparu, elle aussi. (...) Nous l'avons attendue, attendue. Elle n'est jamais revenue », p.49.

Ajoutons aussi l'attente des réfugiés dans La Maison de Babakar, où ils attendaient que le déluge passe et les libère.

Donc cette attente se présente comme une fatalité à laquelle nul ne peut y échapper. L'attente de Movar s'est terminée par sa mort, mais Maryse Condé a prolongé cette attente, dans une lueur d'espoir, avec les deux amis Babakar, Fouad et la petite Anaïs (dont le prénom signifie la grâce), bien que le tremblement de terre les menaçait, ils ont gardé une chaleur intérieur qui les a pousser à aller de l'avant en espérant un avenir meilleurs.

* 37 L'oeuvre de Maryse Condé: Questions et réponses à propos d'une ... - Résultats Google Recherche de Livres. books.google.fr/books. Consulté le 23 Février 2013 à 12h 56.

* 38Hubaux, Jean. (1894-1959) fut, entre 1924 et 1957, professeur de latin à l'Université de Liège, où il a marqué des générations d'étudiants. Il fut en outre ... Culture, le magazine culturel de l'Université de Liège - Jean Hubaux

culture.ulg.ac.be/jcms/prod_608684/jean-hubaux. Consulté le 04 Décembre 2013.

* 39Lorsque Romulus aperçut les douze aigles, les Romains, avant de croire à l'éternité de leur ville, étaient terrorisés, quand à sa fin imminente. Alors, ils essayèrent de déchiffrer le sens de cette apparition et de découvrir combien de temps leur restait encore, en voyant dans chaque expédition guerrière et dans chaque calamité naturelle les signes d'une catastrophe imminente. Mais après une longue époque, on comprit que douze aigles aperçus par Romulus ne signifiaient pas cent vingt ans de vie pour la cité. Ensuite, les Romains crûrent que le chiffre fatal était mille deux cent composé de douze mois de cent ans mais il fallait attendre longtemps. En attendant, César traversait le Rubicon sans que la catastrophe finale, pressentie par Nigidius Figulus, se soit réalisée. Auguste vint ensuite et, après une séquence d'interminable et longue et sanglante guerre civile, instaura la Pax Romana. Un peu plus rassurés, les peuples des sept collines continuèrent tranquillement à dominer le monde, et Virgile salua la ville éternelle en adressant à ses compatriotes les mots de Jupiter à Venus : « voilà l'empire sans fin que je vous ai donné ». Finalement Alaric prit la ville d'Assaut ; il semblait donc que la prophétie de douze aigles et la supposition que la date fatidique était composée de douze mois de cent ans s'accomplissaient : Rome venait d'entrer dans son douzième et dernier siècle d'existence, complétant précieusement mille deux cent ans40. D'après Eliade à cette époque où tous les esprits avaient capitulé devant une telle évidence, seul Saint Augustin s'efforçait de montrer que personne ne pouvait connaître l'instant où Dieu se déciderait à mettre fin à l'histoire, et qu'en tout cas, bien que les cités aient par nature même, une durée limitée, la seule ville éternelle étant celle de Dieu, aucun destin astral ne peut décider de la vie ou de la mort d'une nation.

* 41 Le fil de la trame : réflexions sur le temps et l'histoire books. Consulté le 29 Janvier 2014 à 19.05.

* 42 Ibid.

* 43 C.f pâttaro, op.cit. pp.194-195.

* 44 Eliade, Mircea. Le Sacré et le Profane. Paris : Gallimard, 1957. p.127.

* 45Domingue, Ivan. Le fil de la trame : réflexion sur le temps et l'histoire. 2000 chronologies historique-philo.. C'est presque la même chose chez les peuples chrétiens formés eux aussi dans la tradition messianique es prophètes, auxquels s'ajoutent les évangiles, sur la base des témoignages de la vie de Jésus, considéré lui-même un Messie. De même que les juifs, ces peuples ne sont parvenus à supporter les persécutions impitoyables dont ils ont été victimes que grâce à l'espoir et à la foi que ces épreuves cesserait un jour et que l'histoire elle-même serait abolie dans un futur très proche. C'est ce que nous montre Eliade dans un passage remarquable où il nous fournit les points forts de la conception messianique du mal et de l'histoire mais qui peuvent être facilement étendus aux peuples chrétien. Du moins avant que le christianisme ne devienne cycle, la puissance des dieux, la volonté de la providence. Consulté le 28 Janvier 2014 à 20h 50.

* 46http://www.afriqueredaction.com/article-les-sacrifices-humains-le-travers-meurtrier-de-la-sorcellerie--43618475.htm. Consulté le 12 Février 2014 à 14h 47.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery