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Dadaab, un refuge

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par Alexander BEE
Université Paris 8 - Master I 2013
  

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2. l'ennui dans les camps

Un des principaux problèmes que les réfugiés rencontrent dans les camps est l'ennui, l'oisiveté. Une image semble circuler d'un réfugié passif, attendant patiemment sa ration humanitaire et qui se complairait dans un état semi léthargique.

En réalité, le manque d'opportunité est facteur de graves problèmes de sécurité et d'abus de substances psychotropes.

Lorsque l'on parle d'opportunités, c'est principalement dans le travail et l'éducation que cela se passe. La classe la plus basse, c'est-à-dire celle qui ne possède rien d'autre que ce que les ONG veulent bien leur accorder, constitue la majorité de la population80(*).

Les autres, ceux qui parviennent à une certaine autonomie financière sont, de fait, une minorité dans les camps. Ils peuvent occuper leurs journées par le travail qu'ils ont, soit par les instances humanitaires soit par les petits commerces qu'ils ont pu ouvrir. Les autres, la majorité, doivent trouver par eux-mêmes les moyens de remplir des journées qui n'en finissent pas.

D'autre part, les enfants de Dadaab sont, pour la majorité, scolarisés, l'éducation étant une priorité du HCR. Seulement, Crisp81(*) nous dit que des coupes budgétaires peuvent venir, d'une année sur l'autre, affecter l'ouverture même de certains établissements du secondaire. De plus, pour ceux qui suivent une scolarisation, qu'elle soit normale, spécialisée ou technique, les débouchées restent quasi inexistantes. De ce fait, on peut supposer une part de responsabilité non-négligeable dans l'école buissonnière.

Cette passivité latente, ce manque d'opportunité entrainent différentes conséquences qui se répercutent sur, si ce n'est l'ensemble de la population, au moins sur une partie d'entre elle.

Une des conséquences est d'abord l'abus de substances psychotropes. Cet abus serait même, pour Crisp, en lien direct avec des violences conjugales dans les abris somali et expliquerait le manque de volonté dans la protection des femmes par les hommes.

« Many refugees in Dadaab cited abuse of the psychoactive substance, chat or miraa, as the catalyst for much of the domestic and community violence against women and girls. As in other refugee camps in the region, refugee men, bored and frustrated by extended periods of inactivity and confinement, chew the mildly narcotic substance and become aggressive as the effects wear off. Furthermore, refugee women report that domestic violence is often sparked off by arguments over the fact that men sell off basic food rations to finance their substance abuse.»»82(*) 

Dans ``Dadaab, the documentary''83(*) on peut voir des jeunes s'exercer toute la journée au foot. La voix-off nous dit qu'ils passent leur temps à jouer pour combler un ennui qui risquerait de les entrainer dans une spirale négative de drogue. Il peut être étonnant de voir que le football peut devenir quelque chose de salutaire mais c'est seulement par le manque d'opportunité dans d'autres secteurs que les jeunes y jouent tellement. Il faut aussi mentionner que le manque d'opportunité dans la vie de tous les jours peut amener certains réfugiés à choisir la vie dans la clandestinité...

Un autre véritable problème dont l'ennui dans les camps serait une des causes est le banditisme. Pérousse de Montclos nous dit que ``l'oisiveté forcée des réfugiés a indéniablement contribué à la délinquance des jeunes''84(*). La délinquance juvénile s'apparente à du petit banditisme voire à du gangstérisme qui nous rappelle évidemment les problèmes soulevés plus haut dans la partie concernant la sécurité. Luc Cambrézi85(*), qui partage le même avis, nous dit que ces démonstrations sporadiques de violences (vols, agressions sexuelles, intolérance religieuse ou raciale etc.) participent à la peur générale ressentie sur les camps et justifie la présence des forces de l'ordre à proximité (si ce n'est à l'intérieur) des camps. Ainsi, il semblerait que c'est parce qu'ils n'aient rien d'autre à faire et qu'ils n'aient aucune perspective d'avenir que certains jeunes vont s'enrôler dans des bandes et faire grimper l'insécurité sur le camp. Crisp86(*) nous rapporte que ce banditisme est l'affaire de jeunes qui, soit font l'école buissonnière soit ne trouvent pas d'opportunités de travail à la fin de l'année, et qui `'simplement'' sombre dans une spirale et se tourne vers le crime.

Enfin, un autre problème soulevé cette fois par Michel Agier est le caractère dépressif, voire suicidaire de certains réfugiés. Dans ``Gérer les indésirables'', l'auteur met en évidence un problème que je qualifierais d'identitaire. La plupart des réfugiés ont quitté une vie qu'ils avaient ailleurs dans leur propre pays. Certains avaient un travail, une source de revenu et peut être même une certaine importance. À cela s'ajoute pour d'autres le caractère citadin de leur existence antérieure qui doit se mélanger aux modes de vie des autres, pour la plupart nomades et ruraux. L'inactivité professionnelle a entrainé pour certains de graves souffrances morale, ``voire des troubles psychologiques''. Les réfugiés sont las de cette existence sans but, sans espoir, toujours dans l'attente. Certains parle de suicide mais ce qui ressort, nous dit Agier, ce sont des ``sentiments d'impuissance et d'inutilité''87(*).

Ainsi, la politique d'endiguement des réfugiés a des conséquences qui peuvent être bien néfastes. L'ennui face à des journées identiques, qui se remplacent les unes les autres peut être cause d'insécurité au sens large, pour les autres comme pour soi-même.

* 80 M.Agier parle de 60% alors que Crisp parle de 85%. Une seule année sépare les deux analyses mais on peut comprendre la difficulté d'évaluation de telles statistiques.

* 81 Jeff Crisp, A state of insecurity : the political economy of violence in refugee-populated areas of Kenya, UNHCR, working paper n°16, p.28-29

* 82 Ibid

* 83 Dadaab, the documentary, Oriol Andrés, Carlos Castro, Gemma Garcia, édition Maria Romero Garcia, produit par Contrast, Barcelone 2012. Lien de la vidéo : http://www.youtube.com/watch?v=BVoaiQfOheY

* 84 Pérousse de Montclos Marc-Antoine, « Marges urbaines et migrations forcées : les réfugiés à l'épreuve des camps en Afrique de l'Est », Autrepart, 2008/1 n°45, p.203

* 85 Luc Cambrézy, les camps de réfugiés du Kenya : des territoires sous contrôle, Géoconfluences, 2006, p. 5

* 86 Jeff Crisp, A state of insecurity : the political economy of violence in refugee-populated areas of Kenya, UNHCR, working paper n°16, p.28-29

* 87 Michel Agier, Gérer les indésirables, des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, Flammarion, 2008, p.207

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