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Dadaab, un refuge

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par Alexander BEE
Université Paris 8 - Master I 2013
  

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2. La capacité d'attraction des réfugiés vers les camps

Dans cette partie nous allons tâcher d'expliquer en quoi le camp peut posséder une certaine attraction pour les réfugiés, participant par là à l'endiguement de ces derniers.

« Victimes des tactiques de la terre brûlée, ces derniers (les réfugiés) sont souvent parqués dans des ``villages de la paix'' pour isoler les guérillas et vider des régions entières. Quant aux demandeurs d'asile, la politique des États d'accueil et des organisations intergouvernementales, au premier rang desquelles le HCR (Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés), participe de leur enfermement à l'intérieur d'espaces bien délimités où l'on contient l'étranger avec l'espoir de le voir bientôt repartir dans son pays d'origine. (...) Au Kenya, les autorités endiguent à partir de 1991 l'afflux de réfugiés somaliens, soudanais et éthiopiens dans des camps placés sous la garde de la police, voire de l'armée, et situés dans des provinces périphériques, loin des centres citadins du pouvoir. »61(*)

En passant les frontières, les réfugiés rencontrent beaucoup d'obstacles à leur intégration et plane sur eux le risque de devenir apatride. Mais, de part leur statut, ils bénéficient de la protection juridique de la communauté internationale et de l'aide des organisations humanitaires qui leur offrent des conditions de vie qui sont parfois meilleures que celles des autochtones.

Le camp de réfugiés est, en Afrique, souvent éloigné des centres urbains et s'apparente à une ville virtuelle. Il n'est pas une cité, dans le sens où certaines libertés élémentaires ne sont pas de mise, comme celle de circuler ou même l'établissement de ses habitants. Pérousse de Montclos le compare à une sorte de ghetto urbain en milieu rural car il est « sous perfusion humanitaire, d'accès restreint et surveillé par la police »62(*).

Dans les régions inhospitalières du Kenya qui ont été choisie pour l'installation des camps de réfugiés qui restent encore aujourd'hui (Dadaab et Kakuma) l'émergence de grands centres urbains ne fut pas possible. Le fait de sécheresses à répétitions ont obligé les populations locales à transhumer en fonction des pâturages et des points d'eau. C'est avec l'arrivée des organisations humanitaires que sont apparues ces « villes-camps » qui ont permis l'implantation des réfugiés. Ainsi, Dadaab, simple bourgade de 5 000 habitants avant 1991 a connu un essor gigantesque lorsque sont construit les trois camps originaux de Hagaderah, Dagahaley et Ifo et qui accueillaient, dans les années 1990, déjà plus de 100 000 occupants.

Ce qui est caractéristique ici c'est que, comme à Kakuma, ces phénomènes d'urbanisation se déroulent de manière urgente dans des zones très difficiles par leur climat et qui possèdent une très faible densité d'autochtones. La connivence avec les populations locales qui partagent la même culture a cependant facilité l'implantation des camps.

Le camp possède un caractère attractif aussi bien pour le réfugié que pour l'autochtone. À Dadaab, la population Somali-kenyane, qui vivaient aux alentours des camps est venue se mélanger aux réfugiés, se faisant elle-même parfois passer pour tel. Pour ceux qui vivaient dans les environs immédiats, ils se sont installés en périphérie des camps pour y faire du commerce.

Dans une zone comme le NFD, où le climat est extrêmement sec et aride et où la population est très pauvre, l'arrivée des réfugiés a pu être perçue comme une bénédiction car elle s'accompagnait de l'arrivée des organisations humanitaires. Ces dernières ont permis des forages dans les nappes phréatiques rendant l'accès à l'eau gratuit, ce qui a bien évidemment attiré les populations environnantes.

Nous allons dépeindre ici différents apports qui rendent le camp de réfugiés attractif, non seulement pour les exilés eux-mêmes, mais aussi pour les habitants alentour.

Marc-Antoine Pérousse de Montclos nous propose une typologie en différents axes qui s'avèrent extrêmement pertinente63(*). Elle se décompose ainsi : le potentiel des infrastructures ; les avantages économiques ; des marchés en devenir ; une intégration à géométrie variable et l'acculturation urbaine.

Dans une zone telle que celle du NFD, il aisé de comprendre que les infrastructures font cruellement défaut. Avec l'arrivée des organisations humanitaires, les infrastructures dont bénéficient les camps expliquent l'urbanisation de la zone qui attire les populations locales, donnant ainsi un coté ville aux regroupement de réfugiés.

Se basant sur des chiffres de 1998, l'auteur nous indique qu'il y avait trois lycées et quinze écoles primaires à Dadaab pour 17 800 élèves auxquels on ajoute 2 200 élèves en maternelle et 300 handicapés bénéficiant de cours spéciaux. La situation est ainsi bien meilleure que dans les localités environnantes.

Sur le plan de la santé, chaque camp de Dadaab possède trois centres de santé et un hôpital. Les populations réfugiés et autochtones en bénéficient et cela leur permet de consulter un docteur quatre fois par an (contre une fois tous les un ou deux ans en moyenne dans un pays africain en développement).

Enfin, en ce qui concerne la ville même de Dadaab, l'arrivée des organisations humanitaires a considérablement aidé au développement. La bourgade bénéficie maintenant de l'électricité, de l'accès à l'eau courante, un abattoir y a été installé, et elle dispose d'un bon service de santé avec une maternité et un dispensaire en plus des services auxquels ils ont accès à l'intérieur des camps. D'autre part, les populations locales remplissent à elles seules un tiers des clases dans les écoles des camps où ils sont admis officiellement.

Ainsi, par leurs infrastructures, les camps présentent certains avantages non-négligeables dans un milieu rural aux conditions difficiles. L'endiguement par attraction fait donc effet.

En ce qui concerne les avantages économiques, le camp de réfugiés peut dynamiser l'offre de travail.

En 1997, les ONG fournissaient plus de 2 000 emplois. 24 furent pour des expatriés et 383 pour des kenyans. À elle seule, l'ONG CARE (Cooperative for Assistance and Relief Everywhere) emplois plus de mille réfugiés et dégage un pouvoir d'achat d'un demi million de dollars dans la région.

Ces travailleurs peuvent servir en des taches diverses. Ils peuvent participer ponctuellement au reboisement des forêts ou bien travailler dans des hôpitaux ou des écoles comme assistants.

Le camp est aussi un marché en devenir qui va s'étendre au-delà des fils barbelés qui l'entoure. L'aide humanitaire participe à l'attraction qu'exerce le camp mais elle ne peut pas à elle seule fixer des populations dans des villes artificielles.

Par interaction avec les camps, les marchés alentour se développent et s'étendent jusque dans les pays d'origine des migrants. Les réfugiés ne sont pas des êtres passifs qui attendent patiemment les aides que veulent bien leur accorder la communauté internationale. Ils s'organisent, détournent une partie des vivres qui leur sont donnés ou le produit des projets de développement (chaussures, vêtements, viande, lait, kérosène, allumettes etc.) pour les troquer contre des biens manquants.

L'idée développée derrière l'intégration à géométrie variable est que les conditions d'arrivée et d'accueil des réfugiés va varier en fonction des similitudes culturelles dans le pays hôte. Dans le cas des Somaliens à Dadaab, l'intégration fut plus aisée que pour d'autres nationalités, du fait de la présence Somali sur place. Les accointances claniques permettent une certaine forme de solidarité et de coopération qui amène à un meilleur développement.

Dans les camps de Dadaab, Hagedarah a la réputation d'être le plus gros marché. Toujours bien fourni et bien organisé, il attire même des clients venus directement de Somalie et ce, malgré les difficultés et l'insécurité du voyage.

Les habitants de Dadaab ont profité de cet essor. Ils jouent le rôle de grossistes qui fournissent les réfugiés qui vont eux-mêmes revendre au détail à l'intérieur des camps. C'est par leur connivence culturelle, religieuse et linguistique qu'a pu être facilité le développement des échanges entre réfugiés et locaux.

Cependant, au-delà de tous les avantages que peuvent présenter les camps de réfugiés, ils sont toujours soumis à la bonne volonté des autorités du pays d'accueil. Ce seront elles qui vont permettre une bonne continuité ou non dans le développement de ces villes virtuelles.

« Fragile, le développement des activités économiques que génère la concentration des populations déplacées par la guerre bute fréquemment sur l'hostilité de gouvernements qui, en interdisant le commerce et l'agriculture, privent les camps des attributs fondateurs de la prospérité d'une ville. Faute de reconnaissance officielle et de statut municipal, le camp sous perfusion humanitaire demeure alors une cité-dortoir, une agglomération transitoire, susceptible de disparaître aussi vite qu'elle a été créée. Du fait de son caractère éphémère, l'aide internationale ne peut alimenter et perpétuer indéfiniment les réseaux commerciaux que suscite la présence de réfugiés. Indispensables à la fixation d'un marché urbain, les dynamiques économiques endogènes, elles, restent suspendues aux politiques de containment des services d'immigration, qui freinent les tentatives d'investissement et d'enracinement des réfugiés. »64(*)

Ainsi, on a pu voir que les camps de réfugiés présentent différents avantages qui participent à la capacité d'attraction vers ces camps. À travers l'implantation d'infrastructures, les avantages économiques et le développement des marchés, les camps deviennent de véritables îlots de fortune au milieu du désert. Par sa capacité d'attraction, du fait qu'il n'y ait pas d'autre choix viable, les aspects bénéfiques du camp participent à l'endiguement volontaire des réfugiés.

* 61 Pérousse de Montclos Marc-Antoine, « Marges urbaines et migrations forcées : les réfugiés à l'épreuve des camps en Afrique de l'Est », Autrepart, 2008/1 n°45, p.192

* 62 Ibid, p.195

* 63 Pérousse de Montclos Marc-Antoine, « Marges urbaines et migrations forcées : les réfugiés à l'épreuve des camps en Afrique de l'Est », Autrepart, 2008/1 n°45

* 64 Pérousse de Montclos Marc-Antoine, « Marges urbaines et migrations forcées : les réfugiés à l'épreuve des camps en Afrique de l'Est », Autrepart, 2008/1 n°45, p.202

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote