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Dadaab, un refuge

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par Alexander BEE
Université Paris 8 - Master I 2013
  

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B. Des moyens informels.

1. Le camp et l'exilé. M. Agier

« Gouvernés par des instances qui ne relèvent pas de l'État, les camps et leurs habitants sont considérés dans ce mode de gouvernement lui-même comme des victimes et non comme des citoyens, ce qui ne veut pas dire que les gens eux-mêmes se considèrent de la même façon. Plus ou moins tôt ou tard, un conflit de sens et parfois des conflits tout court se font jour dans et autour des camps opposant leurs habitants (réfugiés, déplacés, migrants) aux agences onusiennes, aux organisations humanitaires locales et internationales qui les « gèrent ». ces conflits sont d'un nouveau type, ils ont un caractère urbain et politique ; et ils expriment en même temps cette tension et cette instabilité inhérentes aux situations de frontière. 66(*)»

L'histoire des camps relève d'un contrôle des déplacements et d'une mise à l'écart de certaines populations, qui sont le plus souvent étrangères. Elle relève donc d'une condition policière du confinement et de la mise à l'écart. Celle-ci travaille de pair avec les organisations humanitaires qui se sont fait une spécialité de la gestion de ces espaces et de ces populations à part.

À quoi sert un camp ? Pour Michel Agier, le camp sert à consolider une partition entre deux grandes catégories mondiales : d'une part un monde propre, sain et visible et, d'autre part les autres, les restes de ce monde propre, ceux qui sont obscurs, malades et invisibles.

En rentrant dans l'exil, les réfugiés deviennent apatrides. En fuyant les conditions chaotiques de leur pays d'origine, ils ont dû renoncer à leur citoyenneté, entendu ici comme la reconnaissance et la protection d'un État. Le statut de réfugié est une nouvelle catégorie identitaire. Elle est le fruit du rejet de l'État-nation. « Créer des sans-État, c'est reconnaître son incapacité à intégrer de tels individus ou collectifs, du double point de vue de la protection (juridique, sécuritaire, sociale) et de la reconnaissance (droit politique) »67(*).

Ce qui réunit ces foules d'individus c'est une communauté existentielle qui se fonde sur l'expérience partagée et la situation vécue. Cette communauté va les réunir dans une catégorie identitaire administrative (réfugiés, déplacés, clandestins, demandeurs d'asile) puis dans un traitement sécuritaire et humanitaire à part. Endigués dans des espaces hors-lieux, leur existence politique ne dépend plus seulement de leurs origines mais des contextes locaux d'identification et des camps où ils vivent.

Comment se passe le maintient dans l'exil ? Le filtrage aux frontières par les supposées causes du déplacement... c'est une violence faite aux individus car ils ne parviennent pas à faire accepter leurs histoires individuelles par la société d'accueil ; Ils cherchent à convaincre mais l'écoute, bien que présente, n'est pas empathique.

Le filtrage suppose un socialisation en condensé : il faut savoir se faire comprendre, comprendre ce que l'autre veut entendre et savoir la manière dont il faut lui dire. On accepte la violence symbolique de cette forme de socialisation parce qu'il vaut mieux vivre en société que tout seul.

Le filtrage aux frontières va permettre la vérification de cette socialisation sensée avoir été apprise sur la route de l'exil. La violence passe de symbolique à policière quand la preuve d'une conformité à certains critères n'est pas faite. Ce n'est pas seulement la langue ici. Ça englobe aussi la « rhétorique de la preuve, la logique de la conviction, l'expression des émotions... »68(*).

Comment se passe le maintien dans l'exil ? Il se fait par nature sans frontière. Il ne peut se terminer sans que l'exilé ne retrouve une patrie. Le camps est un espace entre deux frontières, « c'est l'espace d'un exil figé entre deux ailleurs, deux absences »69(*).

Le camp est une symbolique de l'absence. Ses frontières sont bien délimitées, il est un endroit de non-lieu où se marque la place perdue du pays d'origine et la place non-trouvée du pays d'accueil.

Le camp est, à la base, considéré comme un espace humanitaire qui vise à maintenir les réfugiés en vie. Cette assistance ils en ont besoin. Seulement, le camp évolue, il se transforme en centre de détention, en zone d'attente géré de manière administrative et policière dont le but est la rétention, le triage et l'expulsion des étrangers indésirables.

Qu'est ce qui fait le passage de l'un à l'autre ? C'est l'endiguement des populations, le dispositif de l'encampement (désigne à la fois le campement et la mise en camp comme processus et comme politique p.61) qui englobe les savoirs, les pratiques, les personnes, que ce soit des réfugiés ou du personnel humanitaire.

« Le terme d'encampement (...) réfère de manière générique à un contexte international qui inclut les usages, la diversité et les transformations de plusieurs figures de camps assignés aux étrangers de différents statuts, qu'on peut élargir à tous les indésirables objets d'une altérité radicale qui se traduit par le rejet »70(*).

Le dispositif humanitaire est mis en place pour gérer des situations d'exception (urgence, catastrophe, guerre, arrivée massive de population, le confinement ou la rétention de demandeurs d'asile etc.).

Le camp, c'est la frontière entre les États-nations. Cette frontière s'agrandie et devient la forme du couloir de l'exil. Au-delà de la logistique et de la gestion, plus ou moins autoritaire, nait de l'urgence on trouve, dans ce dispositif un monde qui se construit et se reproduit, qui prend une forme vivante et sociale.

« L'exilé vit, survit, fait des rencontres, organise son existence71(*) ». Le camp se situe dans une temporalité qui lui est propre, il est un présent qui dure parce qu'il exclut le passé et l'avenir. « Il les exclut en s'excluant lui-même de toute histoire, car le passé et l'avenir ne sont pensés, à la limite, que dans l'ailleurs de la terre perdue et dans le futur hypothétique du retour ». Futur et passé sont aussi exclus à cause du caractère urgent de la situation ou seul le ``ici et maintenant'' prévaut.

À cause du lieu et de sa particularité, aucune mémoire collective ne peut se former parce que la personne est dans l'attente de sortir du lieu. Il n'a pas d'histoire propre, il n'en restera aucune ``ruine''. Les camps sont des habitats d'urgence que l'on fait et défait tout aussi rapidement.

C'est par l'aménagement de leur propre habitat, par l'appropriation des lieux, le rapprochement des familles que les réfugiés, en décorant leurs cases, en prenant parole dans des conversations critiques à l'égard des personnes représentant la communauté internationale, arrivent à s'extraire du caractère urgent, symbolisé par un présent qui dure.

En s'appuyant sur des mémoires passées, en se créant un avenir proche, les réfugiés dans les camps, lorsque leur situation s'allonge dans le temps, peuvent être ramené dans une pensé historique qui les sort de la « fonction apparente et immédiate qu'on leur assigne dans le langage humanitaire de l'urgence ».

La durée même du camp a des répercussions sociales et culturelles qui fait sortir les réfugiés de l'état latent de non-temporalité. Cela même si l'habitat, l'économie, la vie matrimoniale ou la vie politique qui prennent place dans les camps ne vont se développer que de manière provisoire ou discrète et clandestine.

« Lorsque le maintien en camp dure bien au-delà du temps de l'urgnece, les réfugiés voient leur vie se recréer peu à peu dans un nouvelle peau, celle d'indésirables, à l'épreuve de leur mise à l'écart dans le camp. Là, ils sont ``endigués'', comme on endigue les déplacements de l'ennemi sur un champ de bataille. L'endiguement, selon Judith Burtler, est la forme territorialisée de l'expulsion ; cela concerne, note-t-elle, « la façon dont on trace la frontière entre l'intérieur et l'extérieur de l'État-nation ». les camps d'aujourd'hui sont essentiellement les espaces de cette frontière, c'est ainsi qu'ils participent à la mise en oeuvre d'une fiction extraterritoriale où l'étranger est niché. La violence des camps aujourd'hui est d'abord celle de l'endiguement, au sens d'une forme violente de territorialisation de l'autre »72(*).

* 66 Entretien avec Michel Agier : Habiter la frontière, revue Sciences humaines, mensuel n°249, juin 2013

* 67 Michel Agier, Gérer les indésirables, des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, flammarion, 2008, p.31

* 68 Michel Agier, Le couloir des exilés, être étranger dans un monde commun, éditions du croquant, 2011, p.54

* 69 Ibid, p.58

* 70 Ibid, p.68

* 71 Michel Agier, Gérer les indésirables, des camps de réfugiés au gouvernement humanitaire, flammarion, 2008, p.122

* 72 Michel Agier, Le couloir des exilés, être étranger dans un monde commun, éditions du croquant, 2011, p.69

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