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Acheteur production et hors-production: vers un même profil de compétences ?

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par Frédéric Faligot
BEM (Kedge) - Master en Management 2014
  

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Conclusion de la partie 1 :

Dans cette partie, le cadre empirique de la recherche a été établi. Pour répondre à la problématique « les acheteurs production et hors production ont-ils le même profil de compétences ? », l'enquête qualitative avec questions semi-directives en entretien face-à-face ou par téléphone est apparu le plus approprié. Les cibles interrogées sont tous des acheteurs français mais il a été décidé de jouer sur la variété des secteurs d'activité, de l'expérience, de l'âge, de genre afin d'avoir un périmètre élargi et éviter les particularités propres à un domaine d'activité.

De plus, l'entretien a été bâti de manière à comprendre le cursus universitaire, l'expérience et le rôle de l'acheteur dans l'entreprise, avant de l'interroger sur les compétences nécessaires pour être un bon acheteur et d'en arriver aux similitudes et différences entre l'acheteur production et l'acheteur hors production.

Dans la prochaine partie, les données qualitatives de ces entretiens seront analysées.

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II- L'ANALYSE DES DONNEES

Dans ce chapitre sont analysées les données qualitatives recueillies à la suite des entretiens effectués auprès des acheteurs. Le recueil de ces données permettra d'établir une synthèse des similitudes et éventuelles différences entre le métier d'acheteur production et celui d'acheteur hors production, répondant ainsi à la problématique. L'analyse s'effectue en décortiquant chaque partie de l'entretien ce qui va permettre d'effectuer des comparaisons, en partant du général pour aller au coeur du sujet. On peut ainsi la classifier en trois grandes parties correspondantes à la chronologie de l'entretien :

- Cursus universitaire et formation

- Rôle et missions de l'acheteur production et hors production

- Les compétences de l'acheteur production et hors production

2.1 Préalable à l'analyse

La présentation des données sera faite sous forme narrative afin de retenir les points clés cités par les acheteurs. En amont de l'analyse des données, la première étape consiste à synthétiser les entretiens ayant eu lieu avec les acheteurs. Etant donné les durées conséquentes des entretiens (entre 45 min et 1H30), l'essentiel des échanges a été retranscrit et condensé à l'aide de « fiches de synthèse ». Cette première étape est essentielle afin de comprendre de manière directe la vision du métier par chaque acheteur et les compétences nécessaires pour exercer leur fonction. Les fiches de synthèse de chaque entretien sont disponibles en annexe de ce travail de recherche.

2.2 Analyse des cursus universitaires et formations

La première étape amène à étudier la formation des acheteurs interrogés. L'objectif est de déterminer comment les acheteurs ont été amenés à exercer leur fonction actuelle et le lien avec leur formation initiale. Il s'agit également d'observer s'il existe des disparités de formation entre les acheteurs production et hors production.

Les données essentielles sont récapitulées dans le tableau ci-dessous :

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Nombre

Pourcentage

Formation initiale

Ecole de commerce

15

75%

Ecole d'ingénieur

5

25%

Formation Achats complémentaire

Oui

6

40%

Non

9

60%

Avez-vous toujours travaillé dans un service achats ?

Oui

11

73%

Non

4

27%

Figure 26 : Récapitulatif de la formation des acheteurs

Tout d'abord, hormis un junior, tous les acheteurs interrogés ont une formation minimum Bac+5. 75% d'entre eux proviennent d'une école de commerce, 25% ont un profil ingénieur éventuellement complété d'un Master Achats spécialisé.

40% des acheteurs interviewés ont poursuivi leurs études ou rejoint la formation de Bordeaux Master des Achats Internationaux (MAI) à la suite de leur premier emploi. Ce pourcentage n'est pas forcément représentatif de la réalité, le réseau de BEM ayant favorisé l'accès aux entretiens avec les personnes ayant réalisé le MAI. Cela montre néanmoins la reconnaissance de cette formation permettant d'acquérir des postes à responsabilité au sein des entreprises. Sur les 9 personnes n'ayant pas fait de MAI, 5 d'entre elles ont tout de même suivi des cours spécialisés achats au sein de leur école. Ainsi, près de 75% des personnes interrogées ont eu des cours sur les achats au cours de leur scolarité.

De plus, la majorité des acheteurs ont toujours travaillé dans un service achats, que ce soit des juniors ou des seniors. Cela montre l'intérêt important que ces acteurs consacrent au métier d'acheteur. Les autres acheteurs ont accédé à la fonction par évolution au sein de leur entreprise. Ainsi, ces statistiques montrent l'importance d'avoir une connaissance des achats pour un premier poste au sein de l'entreprise. Les formations achats permettent ainsi d'avoir une connaissance des techniques d'achats, des processus, du positionnement et des stratégies achats au sein de l'entreprise. De nombreuses études de cas font également partie des formations pour mieux appréhender le monde de l'entreprise.

Enfin, l'un des premiers points importants en réponse à la problématique est le fait qu'il n'y a pas de distinction significative entre les parcours des acheteurs production et hors production. Cependant il est très intéressant de noter que tous les acheteurs ayant une formation primaire d'ingénieur font tous des achats production. Ainsi, on peut en déduire que sur certains achats de production, les compétences techniques, les compétences d'expertise sur un domaine donné sont nécessaires pour exercer ce rôle d'acheteur. L'analyse des réponses données sur la

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partie « compétences » permettra de dire si oui ou non, les compétences techniques sont primordiales sur les achats de production, si les compétences se distinguent alors entre production et hors production.

2.3 Acheteur production et hors production : une frontière difficile à définir

Dans la revue de littérature, les achats hors production ont été définis comme les achats « non directement incorporés dans le service ou produit vendu ». Lors de l'enquête terrain, il a été volontairement choisi de laisser le libre arbitre aux acheteurs afin qu'ils donnent leur propre définition et se catégorisent eux-mêmes en tant qu'acheteur production ou hors production. Lors de nos entretiens, les acheteurs interrogés ont dans l'ensemble exprimé leur difficulté pour classifier de manière nette et précise les achats de production et les achats hors production. La première variable à prendre en considération est l'activité de l'entreprise : est-ce une entreprise industrielle ? Une entreprise de grande distribution ? Une entreprise de services ? Pour ce qui est des entreprises industrielles, il n'y a pas de doute en ce qui concerne les achats de matières premières, de packaging, de tous les composants incorporés dans les produits qui font ainsi partie des achats de production. Les achats hors production sont en général résumés par les frais généraux, les achats informatiques, les achats de papeterie ou d'intérim. Cependant, certaines catégories portent à débat telles que l'achat des machines nécessaires à la production ou encore l'achat d'énergie. On retrouve le débat ouvert par N. Merminod, matérialisée figure 4 dans la revue de littérature. Certaines personnes ont ainsi déclaré que les achats de machines faisaient partie de l'achat hors production. Pour d'autres, il s'agit d'achat de production. En ce qui concerne une entreprise non industrielle (banque, achat pour revente, services), il est tout simplement difficile pour les acheteurs de distinguer ce qui est de l'ordre de l'achat de production et ce qui est de l'ordre de l'achat hors production.

« J'effectue des achats Telecom pour une banque. Je ne suis pas sûre de ma réponse mais je pense que je classifierais mes achats comme des achats hors production. Nous n'utilisons pas ce type d'appellation au sein de l'entreprise » (Acheteur Senior, secteur bancaire)

« Selon moi, mon expérience dans le secteur des Télécommunications me fait dire que les achats de production dans ce domaine sont les achats réseaux, car c'est là que réside la

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stratégie de l'entreprise. Les achats de mobiles, par exemple, sont pour moi des achats plutôt hors production » (Acheteur senior, secteur électronucléaire).

Hors, l'acheteur de téléphonie mobile interviewé, évoluant au sein d'un opérateur téléphonique, se déclarait comme acheteur production.

Les acteurs interrogés ont mis en lumière la difficulté de définir une frontière nette et précise par l'aspect réducteur de l'appellation. Il faudrait ainsi prendre en compte le secteur d'activité de l'entreprise, ses enjeux stratégiques, le coeur de son business.

« Plutôt que de définir les achats par production et hors production, il faudrait définir les achats par ce qui est « Core Business » ou « Non-Core business ». Il faut se poser la question suivante : où l'entreprise met-elle son argent ? Il s'agit ainsi d'étudier sa structure de coût avant de pouvoir classifier. Pour moi, la classification production et hors production n'est plus vraiment d'actualité. » (Acheteur Senior, secteur aéronautique)

« La vision achats production et achats hors production est un peu réductrice. Il faut prendre en compte l'environnement de l'entreprise et le positionnement de l'acheteur dans son organisation. » (Acheteur Senior, secteur pharmaceutique).

Les acheteurs interrogés ont ainsi mis en évidence ce qui apparaît davantage important à leurs yeux. L'acheteur doit ainsi se positionner par rapport à sa catégorie d'achats, tout en prenant en compte le contexte d'entreprise dans lequel il évolue. Les achats sont-ils stratégiques pour le business de l'entreprise, pour sa chaîne de valeur et son avantage concurrentiel ?

Cette première dimension est ainsi primordiale et influe sur la mise en évidence des compétences nécessaires à l'acheteur. La classification qui a été établie dans l'étude prend en compte la classification que se donne l'acheteur lui-même, avec sa part de subjectivité.

2.4 Les rôles de l'acheteur

Cette partie relate les réponses données par les acheteurs concernant la vision de leur rôle au sein de l'entreprise. On constate que la majorité des mots-clés décrivant la fonction de l'acheteur production et hors production est semblable. Cependant, il existe quelques différences notables.

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2.4.1 Un rôle commun de transversalité et d'approche collaborative

Tout d'abord, le rôle le plus cité par les acheteurs est la notion d'écoute du besoin du client interne, la notion de fonction support. Le rôle relationnel en interne est ainsi mis en avant par l'ensemble des acheteurs interrogés. Plus qu'un collaborateur, l'acheteur se considère comme le partenaire incontournable de ses clients internes. En plus d'être à l'écoute du besoin, l'acheteur doit y répondre en y apportant les solutions adaptées. Ainsi, proposer des solutions, des alternatives, innover, font partie du quotidien de l'acheteur.

Les acheteurs production ont pour clients internes les équipes en lien avec la direction industrielle.

« La première étape de tout projet est l'analyse des besoins » (Acheteur hors production, secteur pharmaceutique).

« Je dois répondre aux besoins de la direction logistique et de la direction industrielle » (Acheteur production, Services)

« Mon rôle est de répondre aux besoins de l'usine de production située au Maroc et leur proposer des solutions » (Acheteur production, Industrie chimique).

De plus, on retrouve dans les discours la notion de chef d'orchestre des processus internes, traité en partie 4.1.2 de la revue de littérature. La coordination des activités et le rôle transversal de l'acheteur, qui collabore avec de multiples acteurs en internes, sont mentionnés dans le rôle principal de l'acheteur. Ainsi, celui-ci considère son rôle comme stratégique vis-à-vis de l'entreprise, de par son positionnement en interne. Par conséquents, cela vient confirmer l'importance prise par les achats au sein de l'entreprise.

« J'ai un rôle stratégique sur mon périmètre d'activité et un rôle également transverse vis-à-vis des autres services de l'entreprise » (Acheteur production, Telecom)

« Chaque usine développe des produits spécifiques, en fonction de son positionnement géographique. Mon rôle est de coordonner les activités liées aux différents projets » (Acheteur production, industrie automobile)

La notion d'interface avec le fournisseur intervient dans un second temps. Elle est moins citée que la notion de partenaire en interne mais reste néanmoins une part essentielle du rôle de

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l'acheteur. Plus qu'établir une relation, l'acheteur met en place et gère des partenariats durables avec ses fournisseurs. Ainsi les acheteurs production et hors production sont unanimes sur le rôle transversal et collaboratif de l'acheteur. Cette double-dimension permet ainsi à l'acheteur production et hors production de se placer au coeur de la stratégie de l'entreprise.

« Je suis un partenaire d'affaires auprès des clients internes et des fournisseurs. Mon rôle est d'être tourné sur les fournisseurs et l'innovation tout en étant à l'écoute de mes clients internes. Ainsi, je gère une relation à 360 degrés » (Acheteur production, Télécommunication)

« Tout d'abord, j'ai un rôle de « tampon » entre nos clients internes et les fournisseurs permettant d'instaurer une relation durable avec eux » (Acheteur hors production, construction).

« Ma stratégie est de limiter le changement de fournisseurs et bâtir des relations durables avec ceux-ci, notamment pour des raisons de qualité et de gestion des risques. » (Acheteur production, Chimie)

2.4.2 L'acheteur production et hors production sont créateur de valeur

Bien que satisfaire les besoins du client interne demeure le rôle principal de l'acheteur, celui-ci va de pair avec la création de valeur pour l'entreprise. Les acheteurs insistent sur la nécessité de répondre aux besoins du client interne tout en ayant en tête les objectifs de l'entreprise. L'acheteur doit alors comprendre les enjeux, l'environnement dans lequel il évolue, afin de prendre des décisions qui vont dans le sens de la stratégie de l'entreprise et qui se matérialise dans la stratégie achats. Il doit avoir une vision globale des besoins de ses clients, des enjeux de son entreprise, afin de réaliser le sourcing de façon pertinente. 30% des acheteurs ont ainsi cité la dimension de résultat dans les priorités de l'acheteur.

Cependant, cette notion de résultat commune se matérialise différemment lorsque l'on interroge les acheteurs production et hors production. Par exemple, les acheteurs production vont insister davantage sur la notion d'optimisation des coûts. De ce fait, la priorité est d'acheter mieux en provoquant un résultat financier significatif pour l'entreprise.

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« Ma priorité est de garder en tête quelles sont les priorités, quels sont les objectifs. Ainsi, je veux passer beaucoup plus de temps sur les projets sur lesquels les enjeux financiers sont importants (Acheteur production, Industrie chimique »

« La priorité de l'acheteur est l'optimisation et la réduction des coûts. Il doit donc réaliser un gros travail de sourcing pour trouver les meilleures opportunités du marché » (Acheteur production, industrie automobile)

« La priorité de l'acheteur est de satisfaire le business, en pensant toujours à acheter mieux et de manière intelligente. Il doit toujours avoir en tête le coût global, ce qu'on appelle le TCO (Total Cost of Ownership) » (Acheteur production, Energie)

Cette notion d'optimisation des coûts est également présente au niveau des achats hors production. Elle reste néanmoins secondaire et s'inscrit dans un cadre plus général de protection des intérêts de l'entreprise.

« Un bon acheteur doit satisfaire ses clients internes tout en gagnant de la valeur pour l'entreprise » (Acheteur hors production, Construction)

« Ma priorité est de répondre au besoin du prescripteur et protéger les intérêts de la boîte. Ensuite, ma seconde priorité est de faire des gains quand cela est possible » (Acheteur hors production, Electronucléaire)

« Mon rôle est avant tout de protéger les intérêts de l'entreprise » (Acheteur hors production, Pharmaceutique)

La nuance s'explique par l'importance stratégique des achats réalisés. L'acheteur production achète des composants du produit final vendu par l'entreprise. Il est alors centré sur le coeur de métier de l'entreprise, en travaillant sur des produits qui seront dans les mains des clients de l'entreprise. Les enjeux financiers seront ainsi très importants. L'acheteur hors production réalise quant à lui des achats qui ne font pas partie du coeur de métier de l'entreprise et dont les clients sont les personnes de l'entreprise. Ainsi, l'approche création de valeur sera différente. L'optimisation des coûts se matérialisera davantage par le mutualisation des achats ou le challenge des besoins de l'entreprise.

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2.4.3 Une matérialisation des priorités différente

Pour reprendre ce qui a été dit précédemment, l'acheteur production alimente les besoins correspondant au coeur de métier de l'entreprise tandis que l'acheteur hors production alimente des besoins divers et variés de ses clients internes, qui dans la plupart des cas, resteront au sein de l'entreprise. Ainsi, les enjeux et priorités ne sont pas les mêmes et cela se traduit dans les réponses des acheteurs.

Tout d'abord, les acheteurs production ont pour priorité d'être garant de l'approvisionnement des usines. En effet, le risque premier est que les usines ne soient pas alimentées dans le bon délai, sur le bon produit, ce qui aurait pour conséquence une rupture de stock et une perte de ventes au final. En conséquence, la maîtrise des risques est orientée risque de production. L'acheteur est ainsi amené à travailler sur des dossiers urgents et trouver des solutions aux problèmes liés à la production, et le respect des délais est primordial pour ne pas l'enrayer.

« Ma priorité est d'être réactif et de gérer rapidement les situations de crise » (Acheteur production, Telecom)

« La question que je dois me poser avant tout : « Peut-on tout approvisionner ? ». Mon devoir est ainsi d'assurer l'approvisionnement. Le principal risque est le manque d'approvisionnement. Il convient donc d'établir des relations quotidiennes avec les plateformes, qui gèrent la logistique. » (Acheteur production, grande distribution)

L'acheteur production est garant de la réalisation des projets en termes de qualité, coût et délai. Il travaille de manière proche et durable avec ses fournisseurs afin de trouver des produits et solutions innovantes.

L'acheteur hors production a également des objectifs qualitatifs et quantitatifs. Cependant, ils se matérialisent de manière différente. Il oeuvre au service d'une multitude de clients en interne, et sa priorité est de protéger les intérêts de l'entreprise. De cette manière, son rôle va davantage se traduire sur les procédures, la maîtrise des risques contractuels ou la simplification et mutualisation des achats de l'entreprise. La dimension de challenge du besoin du client interne va également être plus importante que pour l'acheteur hors production.

74

« J'ai un rôle de « challenger » pour les clients internes : il s'agit de toujours essayer de proposer des nouvelles possibilités aux clients internes pour changer leurs habitudes, rentrer dans leur budget et réduire les coûts » (Acheteur hors production, Construction)

« Si mon client interne me dit qu'il a besoin d'une BMW. Je vais essayer de comprendre si cela est nécessaire et dans l'intérêt de l'entreprise. S'il me dit que c'est pour aller faire ses courses en rentrant du travail, alors je vais challenger son besoin et lui proposerais une trottinette » (Acheteur hors production, industrie pharmaceutique)

2.5 Le quotidien de l'acheteur production et hors production

Comme il a été vu précédemment, les rôles et les missions de l'acheteur production et hors production sont globalement les mêmes, mais se matérialisent de manière différente. Les acheteurs ont également été interrogés sur leurs tâches quotidiennes. Acheteurs production et hors production vont ainsi répondre de la même manière aux questions posées. On peut regrouper le quotidien de l'acheteur en trois catégories, de manière chronologique. On retrouve la notion de chaîne de valeur achats qu'avait identifiée Perrotin en 2007 avec l'achat amont, l'acte d'achat et l'achat « aval ». Le tableau ci-dessous récapitule les tâches quotidiennes citées par l'ensemble des acheteurs, en les regroupant dans les trois catégories du processus achats.

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Le Processus achats

Tâches citées par les acheteurs

L'achat « amont »

- le sourcing

- le développement de nouveaux

produits

- la recherche d'innovation

- la définition des budgets

L'acte d'achat

- La consultation des fournisseurs

- La contractualisation

L'achat « aval »

- L'analyse des données

- Le reporting chiffré

- Le suivi administratif

- Le suivi, la coordination et le contrôle

de l'activité

- Le suivi des dépenses

- Le règlement des litiges

- Vérification de la satisfaction du

client interne

Figure 27 : Récapitulatif des tâches quotidiennes des acheteurs interrogés

Il convient d'ajouter à toutes ces tâches quotidiennes citées, la négociation et la communication en interne. Cette mention apparaît tout au long du processus achats, c'est pourquoi elle n'a pas été classifiée dans le tableau. Enfin, il y a des tâches propres au management, qui dépendent de la position managériale de l'acheteur interrogé. Ainsi, les managers qui ont à la charge une équipe d'acheteurs ont cité leurs fonctions d'encadrement, d'accompagnement, de remontée et descente d'information envers leurs équipes.

Ensuite, les acheteurs ont été interrogés sur les tâches qui leur prenaient le plus de temps. Les réponses sont variées et indépendantes de l'approche production, hors production. La communication et négociation en interne arrivent en tête des tâches qui prennent le plus de temps selon les acheteurs (cité par 40% des professionnels). Vient ensuite la partie « amont » de l'achat (cité par 33% des professionnels), puis la contractualisation et la partie reporting

76

(cités chacune par 20% des acheteurs), sachant que certains acheteurs ont cité plusieurs tâches.

En résumé, on retrouve dans les tâches quotidiennes de l'acheteur ce qui a été matérialisé en tant que processus achats dans la revue de littérature. Il n'y a pas de distinction entre l'acheteur production et l'acheteur hors production. On peut ainsi en conclure que les techniques et les processus d'achats sont les mêmes pour les acheteurs production et hors production.

2.6 Les compétences des acheteurs production et hors production

Lors des entretiens, il a été demandé aux acheteurs de définir les compétences qu'ils considèrent comme essentiels pour exercer leur métier, d'un point de vue subjectif. Puis, une seconde question leur a été posée sur les compétences d'un bon acheteur, d'un point de vue objectif.

Pour répondre à la problématique, il est important de récapituler les compétences citées et comparer les réponses données entre l'acheteur production et hors production.

Les compétences sont regroupées en trois grandes parties : les compétences comportementales, les compétences métacognitives et enfin les compétences techniques. Il est important de préciser qu'étant donné que le nombre d'acheteurs hors production interrogés est inférieur au nombre d'acheteurs production, les mots clés cités auront plus d'impact sur le pourcentage.

2.6.1 Les compétences comportementales

Sont regroupées dans les compétences comportementales toutes les compétences qui font appel à la relation à l'autre. Il a été vu qu'il soit production ou hors production, l'acheteur avait un rôle collaboratif et transversal. Le tableau ci-dessous relate les compétences comportementales citées et le pourcentage des acheteurs ayant cité ladite compétence.

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Principales compétences comportementales

Production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Hors production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Sens relationnel

40%

Force de conviction

80%

Force de conviction

40%

Communication

60%

Curiosité

40%

Curiosité

60%

Sens de l'écoute

30%

Sens de l'écoute

60%

Diplomatie

30%

Ethique

40%

Communication

20%

Sens relationnel

40%

Persévérance

20%

Persévérance

20%

Figure 28 : Compétences comportementales selon les acheteurs

On retrouve globalement des compétences comportementales citées similaires entre l'acheteur production et hors production.

Tout d'abord, les acheteurs ont cité la nécessité d'être convaincant que ce soit en interne avec les collaborateurs et en externe avec les fournisseurs. La « force de conviction » permet ainsi à l'acheteur de gagner en crédibilité en faisant adhérer ses clients internes à sa stratégie, et en défendant les intérêts de l'entreprise vis-à-vis du fournisseur.

« Au niveau stratégique, l'acheteur doit faire adhérer les clients internes à la stratégie achats. Il est primordial que les collaborateurs voient un réel bénéfice pour eux, sinon cela ne fonctionne pas. » (Acheteur production, aéronautique)

Le « sens relationnel » est indispensable pour exercer son rôle de collaboration et de transversalité. La compétence « sens de l'écoute » est essentielle pour mettre en pratique le premier rôle de l'acheteur qui est de répondre au besoin de ses clients internes. Ensuite, l'acheteur doit être curieux et ouvert d'esprit pour comprendre l'environnement dans lequel il évolue, mieux connaître son marché, son entreprise, ses fournisseurs, les besoins de ses clients. « La curiosité » permet ainsi de gagner de l'expertise sur une catégorie d'achats donnée.

78

« Dans notre métier, il faut avant tout être ouvert d'esprit et curieux. Il faut s'intéresser aux produits, aux entreprises, au marché, à l'innovation, à l'actualité économique, à l'aspect environnemental. Je pense aussi qu'il faut s'intéresser aux gens. Par exemple, j'aime bien savoir chez les fournisseurs, le parcours (commercial ou technique) de ceux-ci pour adapter la discussion et comprendre comment ils fonctionnent. » (Acheteur Production, industrie chimique).

« La persévérance » est également une compétence importante de l'acheteur. Elle permet de faire avancer les dossiers, de faire face aux obstacles, et de protéger des intérêts cruciaux pour l'entreprise. L'acheteur doit aussi être « diplomate », notamment lorsqu'il est confronté à des désaccords avec ses clients internes ou ses fournisseurs. Cette qualité est essentielle afin d'entretenir des relations cordiales et s'inscrire en tant que « business partner ».

Ensuite, la notion « d'éthique » est également citée. Elle se matérialise par exemple par l'objectivité vis-à-vis des fournisseurs. L'acheteur doit ainsi traiter tous ses fournisseurs de la même manière, en faisant preuve de transparence pour instaurer un climat de confiance.

Enfin, l'acheteur doit être un bon communicant. Son rôle d'interface et de coordination l'oblige à transmettre des informations en interne et en externe. De plus, ce rôle prend plus d'importance chez l'acheteur hors production. Cela peut s'expliquer par la nature moins mature des achats hors production. Cette fonction est plus récente et les acheteurs doivent ainsi vendre leur valeur ajoutée auprès de leurs clients internes.

« Dans mon entreprise, les achats hors production étant nouveaux, nous devons davantage éduquer les clients internes sur notre rôle, notre valeur ajoutée. Celle-ci est davantage acquise dans les achats production » (Acheteur hors production, Construction)

2.6.2 Les compétences métacognitives

Dans les compétences métacognitives sont regroupées les compétences qui désignent « la capacité d'un acheteur à appréhender les problèmes et leurs solutions dans une dynamique cohérente incluant prise de recul, réflexion et proposition de solutions nouvelles. » Ce sont ainsi les compétences qui font appel à un raisonnement, à une certaine prise de recul. Les compétences métacognitives citées par les acheteurs sont regroupées dans le tableau ci-dessous.

79

Principales compétences métacognitives citées

Production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Hors production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Prise de recul

40%

Prise de recul

80%

Leadership

40%

Esprit d'analyse

80%

Esprit d'analyse

40%

Rigueur

60%

Force de proposition

40%

Force de proposition

40%

Rigueur

40%

Esprit de synthèse

40%

Esprit de synthèse

30%

Réactivité

40%

Réactivité

30%

Anticipation

40%

Anticipation

20%

Adaptation

40%

Adaptation

20%

Organisation

20%

Organisation

10%

Productivité

20%

Figure 29 : Compétences métacognitives selon les acheteurs

Tout d'abord, on remarque que 90% des compétences citées l'ont été à la fois par les acheteurs production et par les acheteurs hors production. Seul le leadership n'a pas été cité par les acheteurs hors production.

Dans les premières compétences citées, on retrouve « l'esprit d'analyse » et « la rigueur ». Ces compétences sont essentielles pour mettre en pratique les techniques achats, telles que l'analyse du marché, le dépouillement des appels d'offres et la contractualisation.

Ensuite, on retrouve comme compétence « la prise de recul ». Les acheteurs insistent sur l'importance d'avoir une vision globale, de prendre en compte notamment l'environnement dans lequel l'acheteur évolue et l'orientation stratégique de l'entreprise afin de prendre les bonnes décisions. De cette prise de recul émanent bon sens et esprit logique.

« Il faut avant tout du bon sens pour être acheteur. Lors des négociations, il faut être bien préparé, prendre du recul pour avoir de la présence d'esprit et mener à bien les discussions. » (Acheteur hors production, secteur bancaire)

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Ensuite, l'acheteur doit être « force de proposition ». Cette notion va de pair avec le leadership. L'acheteur doit ainsi assumer son rôle de chef d'orchestre et trouver des solutions pour répondre aux besoins de ses clients internes. L'acheteur doit être innovant, trouver des idées pour améliorer la rentabilité de l'entreprise, contourner les obstacles ou encore régler les litiges. Sa capacité de « leadership », son charisme, sa confiance en lui, sa conviction personnelle vont lui permettre de se montrer convaincant et de faire adhérer ses idées auprès de ses clients internes.

« Je pense qu'un acheteur doit avoir un certain tempérament. Il ne faut pas être introverti. » (Acheteur production, Energie)

De plus, on retrouve la « capacité à synthétiser », à faire ressortir l'essentiel des nombreuses informations manipulées. La synthèse est le résultat de l'analyse, que ce soit des analyses de chiffres ou bien des analyses d'appels d'offres. Cette qualité est nécessaire pour avoir « une vue d'hélicoptère », prendre les bonnes décisions, faciliter la communication auprès des collaborateurs et des fournisseurs et être efficace.

« Aujourd'hui, une compétence que je considère comme importante et qui manque aux jeunes que j'encadre, c'est l'esprit de synthèse. Cela est important pour être productif » (Acheteur production, services)

« La réactivité » est également une notion importante pour trouver des solutions de manière efficace et dans les meilleurs délais, lorsque l'entreprise est confrontée à un obstacle.

« La priorité de l'acheteur est d'être réactif et de gérer rapidement les situations de crise. » (Acheteur production, Telecom)

« Il faut être réactif pour apporter des solutions dans les meilleurs délais » (Acheteur production et hors production, Mécanique)

La capacité d'avoir une vision du futur, « d'anticiper » et « l'esprit d'adaptation » qui s'explique par la diversité des sujets traités et des interlocuteurs sont également des compétences citées par les acheteurs.

81

« Pour moi, un bon acheteur est un acteur capable d'anticiper les besoins de son entreprise en captant l'innovation de son environnement » (Acheteur production, Télécommunication)

Enfin, l'acheteur doit être « organisé », notamment pour gérer l'ensemble de ses sujets, les priorités, et les contraintes liées aux les plannings des projets.

Ainsi, après les compétences comportementales, on retrouve une similitude de compétences métacognitives entre les acheteurs production et hors production. Reste à savoir si les compétences techniques citées sont identiques.

2.6.3 Les compétences techniques

La dernière catégorie de compétences est propre au «savoir » et « savoir-faire » du métier d'acheteur. Il s'agit d'avoir une connaissance des techniques d'achat et une compréhension de l'environnement dans lequel l'acheteur évolue. Que ce soit par l'acheteur production ou l'acheteur hors production, ces compétences ont été très peu citées. Cela peut notamment s'expliquer par le caractère évident de la connaissance des techniques d'achat, qui fait que les acheteurs ont, de manière spontanée, répondu en termes de savoir-être.

Le tableau ci-dessous regroupe les compétences techniques citées par les acheteurs :

Compétences techniques citées

Production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Hors production

% d'acheteurs ayant
cité la compétence

Négociation

20%

Négociation

40%

Contractualisation

20%

Technique Achat

20%

Connaissance de
l'organisation

20%

Outils informatiques

20%

Connaissance des
produits

20%

 
 

Outils informatiques

10%

 
 

Maîtrise de l'anglais

10%

 
 

82

Figure 30 : Compétences techniques selon les acheteurs

Les compétences des « techniques achats » ont ainsi peu été citées par les acheteurs car ceux-ci les considèrent comme évidentes au vu de leur quotidien. On retiendra que sont citées « la négociation » et « la contractualisation », la maîtrise de l'anglais pour l'environnement international et « l'informatique ». Pour ce qui est de la négociation, pour la majorité des acheteurs, celle-ci s'acquiert sur le terrain et grâce aux compétences comportementales et métacognitives. L'aspect négociation dépend davantage du secteur d'activité de l'entreprise et du positionnement de l'acheteur. Ainsi, un acheteur en grande distribution aura une forte dominante de négociation tandis que pour un autre acheteur, elle sera presque inexistante. « La connaissance de l'organisation et des produits » est également importante mais elle s'acquiert surtout par l'expérience et grâce à la curiosité, à l'ouverture d'esprit des acheteurs.

« Aujourd'hui, dans ma fonction, l'aspect négociation est presque inexistant » (Acheteur hors production, électronucléaire)

« La première chose importante est d'avoir une bonne connaissance de l'organisation. Il s'agit d'une organisation matricielle et il est important de bien connaître le fonctionnement de l'entreprise et d'être au courant des évolutions » (Acheteur production, automobile)

« Dans mon métier, il faut avoir en premier lieu une bonne connaissance du produit » (Acheteur production, grande distribution)

2.7 Les similitudes et différences entre l'acheteur production et l'acheteur hors production selon les acheteurs

2.7.1 Approche générale

Il a été vu que les compétences citées par les acheteurs production et hors production étaient similaires dans les trois catégories citées.

Il a été décidé ensuite d'aller plus loin dans la réflexion en sollicitant l'avis des acheteurs sur les similitudes et différences entre l'acheteur production et hors production, sans qu'ils aient connaissance des réponses données par les autres professionnels. La question suivante a été

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posée : « Pensez-vous que les compétences des acheteurs production et hors production sont

similaires ? »

La réponse à la question est

- Plutôt oui : 73%

- Plutôt non : 27%

Peu de réponses sont tranchées. Beaucoup de répondants ont répondu par des « oui mais » ou encore « oui et non ». Les acheteurs ayant répondu « non » ont mis en avant les mêmes nuances que les acheteurs ayant répondu « oui ». En fait, pour la majorité des acheteurs, les compétences sont les mêmes mais la mise en pratique, les métiers sont différents. Les acheteurs mettent en avant la différence d'approche, d'enjeux et d'objectifs.

Ci-dessous quelques citations d'acheteurs :

« Je pense que les compétences sont différentes car les métiers sont différents. » (Acheteur production, Automobile)

« Je pense que certaines compétences sont communes. Par exemple, l'analyse du besoin et la négociation. Ensuite, il y a des compétences qui sont plus ou moins à mettre en avant selon le métier. » (Acheteur production, aéronautique)

« Je dirais que les compétences sont identiques mais les connaissances sont différentes. » (Acheteur production, Energie)

« Je pense qu'il y a un socle commun de compétences mais celles-ci ne sont pas mises en oeuvre de la même façon. » (Acheteur hors production, Electronucléaire)

« Je dirais qu'il y a un socle commun de compétences mais des spécificités propres aux deux métiers. » (Acheteur production, Télécommunication)

Il a été vu précédemment que le rôle de transversalité et de collaboration, le quotidien de l'acheteur production et hors production, ainsi que les compétences citées, étaient similaires. Cependant, il semblerait que les degrés d'utilisation de ces compétences varient. Au-delà de la différence de catégorie d'achats, il faudrait prendre en compte les enjeux de l'entreprise, la position de l'acheteur au sein de son entreprise et l'environnement dans lequel il évolue. Ainsi, les compétences sont plus ou moins importantes en fonction des situations données.

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Comme il a été étudié dans le paragraphe 2.4.3, le rôle de l'acheteur va se matérialiser différemment, ce qui explique ces variations.

2.7.2 Les spécificités de l'acheteur production

Tout d'abord, l'acheteur production se situe sur une catégorie d'achats stratégiques pour l'entreprise : celle qui est en lien avec les produits finis, qui vont être dans les mains du client final. Ainsi les besoins des clients internes sont dépendants des besoins des clients finaux. L'acheteur production est ainsi confronté à des enjeux liés à la production, tels que la décomposition des coûts ou le respect des délais. Il est garant de l'approvisionnement en termes de qualité, délais et coûts et son métier est lié au rythme de la production.

« Pour la production, il y a une contrainte en termes de planification, des délais à respecter, la pression est différente et la connaissance du produit doit être plus précise. » (Acheteur hors production, électronucléaire)

« La principale différence est le rythme. L'acheteur production est connecté malgré tout au rythme de la production et ses aléas. Il faut des individus très réactifs, qui peuvent très vite apporter une solution. » (Acheteur hors production, ingénierie)

« Je pense que pour l'acheteur production, il y a davantage la notion de rupture technologique, plus de notion de risques, d'urgence. » (Acheteur production et hors production, mécanique)

Ainsi, les compétences telles que la réactivité, la capacité à prendre des décisions dans l'urgence ou la résistance au stress sont des dominantes plus importantes pour l'acheteur production. Les prix sont décomposables et l'acheteur intervient sur une notion de qualité et coût global.

Ensuite, la relation au fournisseur est différente. Les acheteurs production ont en général un nombre de fournisseurs limité, avec qui la notion de partenariat est très forte. Fournisseurs et acheteurs vont chercher ensemble à innover pour garantir l'avantage compétitif de l'entreprise. De plus, dans la plupart des cas, l'acheteur production va raisonner de manière globale, avec une forte dimension internationale. Il n'est pas limité géographiquement.

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« Pour moi l'acheteur production évolue davantage dans un environnement multiculturel, gérant plusieurs sites dans une organisation matricielle.

Sur les achats hors production, il y a davantage une approche terrain, avec des marchés différents en fonction des régions et des pays. » (Acheteur production, Automobile)

Une question a été posée pour savoir si l'acheteur production devait avoir la connaissance technique de type ingénieur. Comme il en a été parlé dans les formations, certains acheteurs production ont une formation d'ingénieur et ont été recrutés notamment en raison de leurs compétences techniques. La réponse des acheteurs est que la connaissance technique dépend des missions attribuées à l'acheteur et du degré technique des achats réalisés. Ainsi, dans certaines entreprises, l'acheteur aura à sa charge la rédaction du cahier des charges tandis que dans d'autres entreprises, l'acheteur aura le support d'un client interne, qui a la connaissance technique et rédige lui-même le cahier des charges. Lorsque la dimension technique est très forte, le côté spécialiste ingénieur sera privilégié car l'acheteur devra être crédible vis-à-vis de ses clients internes, et sera capable également de mettre à profit sa spécialité pour obtenir des meilleurs résultats lors des négociations. Tout ne se résume donc pas à la simple question : l'acheteur production doit-il avoir des connaissances techniques ? Tout dépend du degré de complexité des produits et de la position de l'acheteur vis-à-vis de ses clients internes. Par exemple, les acheteurs fruits et légumes d'une enseigne de grande distribution sont tous recruté pour leurs connaissances sur les produits. Il y a un besoin d'avoir des spécialistes c'est pourquoi ceux-ci proviennent d'écoles d'ingénieur agronome. En revanche, sur des produits dont l'aspect technique est plutôt simple, la curiosité et l'expérience permettent d'avoir une expertise suffisante des produits.

« Le technique s'apprend sur le terrain, en ayant cette approche de savoir, en faisant preuve de curiosité pour comprendre son environnement. » (Acheteur production, chimie)

« Il y a des limites dans certains types d'achats. Par exemple, si les achats sont très techniques, la connaissance peut être difficile à acquérir et par conséquent, je pense que je serai moins compétente que quelqu'un qui est spécialiste sur le sujet. Je serai davantage compétente sur des produits ou services pas trop complexe dans la technique. » (Acheteur production, énergie)

« Si le type d'achats est très technique et que l'acheteur connaît moins le produit que son client interne, il va perdre en crédibilité. Un spécialiste peut ainsi s'avérer important. Cependant, ce n'est pas forcément vrai sur tous les achats. Tout dépend donc du métier et de

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la manière de matérialiser ses compétences. » (Acheteur hors production, industrie pharmaceutique)

2.7.3 Les spécificités de l'acheteur hors production

L'acheteur production a des spécificités propres à son métier, à son positionnement dans la chaîne de production. L'acheteur hors production a également ses spécificités.

Tout d'abord, dans la revue de littérature, il a été abordé le fait que le métier d'acheteur hors production était récent. La fonction achats est en effet devenue d'abord stratégique sur le coeur de métier de l'entreprise. C'est seulement de manière récente que les achats hors production se développent, l'entreprise sous-traitant de plus en plus d'activités. Les réponses des acheteurs confirment cette nouveauté. Ainsi, les acheteurs hors production ont un travail de communication plus important auprès de leurs clients internes, ils doivent davantage gagner en légitimité pour expliquer leur valeur ajoutée et acquérir la confiance des clients internes.

« Le métier d'acheteur hors production se valorise de plus en plus. Il se professionnalise enfin. » (Acheteur production, aéronautique)

« Dans mon entreprise, les achats hors production étant nouveaux, les acheteurs doivent plus « éduquer les clients internes » sur le rôle des acheteurs. C'est acquis dans les achats production. Il y a donc plus d'esprit d'influence dans les achats hors production. » (Acheteur hors production, construction)

De plus, contrairement aux acheteurs productions, le client interne est généralement le client final. Ainsi, leurs besoins sont indépendants des produits ou services que vend l'entreprise. La notion de « challenge » du besoin va ainsi être plus importante. C'est pourquoi, des compétences telles que la communication, la capacité à convaincre et la persévérance peuvent avoir un degré d'importance plus élevé chez les acheteurs hors production.

De plus, l'acheteur hors production achète une catégorie de produits pour diverses entités de l'entreprise. Ses clients internes peuvent être aussi bien le marketing que le département financier alors que l'acheteur production a pour principal client interne la production. Le degré d'adaptation est ainsi différent et va concerner la pluralité des clients internes.

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Ensuite, dans les achats hors production, les prix sont difficilement décomposables. L'acheteur achète « un tout », par exemple un ordinateur, des téléphones mobiles, des voitures, des prestations d'intérim. L'optimisation des coûts se fera davantage par la mutualisation des achats ou le challenge du client interne car les produits sont standards. Il est difficile d'avoir une prestation spécifique, « sur-mesure ».

De plus, la relation avec le marché et les fournisseurs est différente. Alors que l'acheteur production va discuter davantage de problématique produit vis-à-vis du fournisseur, l'acheteur hors production n'a pas cette dominante sur des produits standards et travaille donc davantage sur d'autres problématiques telles que les contrats ou les procédures. Souvent, ce sont les clients internes qui vont passer les commandes, faire un suivi de l'activité lorsque les contrats sont signés. Les cycles d'achat sont également plus courts et il est possible de changer de fournisseur plus facilement que dans les achats hors production, surtout que les marchés sont davantage concurrentiels. Ainsi la remise en question des achats est quotidienne. Contrairement aux achats de production, le marché est souvent local. Ce n'est pas le cas pour tous les produits (par exemple les achats informatiques) mais cela va être le cas pour l'achat de forfaits mobiles, l'intérim, les assurances qui sont propres à chaque pays. Les possibilités de l'acheteur sont ainsi davantage limitées que pour l'acheteur hors production.

Ensuite, l'activité est davantage aléatoire que pour les achats de production où la visibilité est plus forte et où il est davantage possible de budgétiser à l'avance ce qui va être produit durant l'année.

« Je pense que pour l'acheteur production, l'activité est plus cadrée, on sait où on va, il y a un process plus global, il faut être plus rigoureux, plus impliqué dans la qualité, la logistique. En ce qui concerne les achats hors production, ceux-ci sont plus aléatoires, il y a davantage d'indépendance puisqu'il n'y a pas d'impact direct sur la production. » (Acheteur hors production, électronucléaire)

Enfin, la connaissance des produits est moins essentielle que pour les acheteurs production. Il faut plutôt avoir une bonne connaissance du marché.

« Aujourd'hui dans mes équipes, j'ai un acheteur informatique passionné et qui s'est spécialisé dans ce domaine. Hors les achats informatiques ne sont pas stratégiques pour l'entreprise. C'est pourquoi, cette passion m'amène à l'inciter à rejoindre une entreprise où

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cette dimension est stratégique, pour son enrichissement personnel » (Acheteur hors production, industrie pharmaceutique)

2.8 L'évolution des compétences

Enfin, les acheteurs ont été questionnés sur les compétences qu'ils souhaitaient acquérir pour évoluer dans leur métier. Les réponses données sont variables en fonction des individus Certains acheteurs souhaitent acquérir davantage de compétences comportementales telles que savoir quelles postures physiques adopter ou encore apprendre à être ferme ou à être diplomate. D'autres, vont citer les compétences métacognitives telles que le leadership, les compétences managériales, la gestion de l'urgence ou encore la vision stratégique. Enfin, d'autres vont énumérer des compétences techniques telles que les compétences commerciales, la connaissance des autres métiers, la connaissance plus approfondie de la qualité ou de la logistique, des compétences juridiques et techniques ou bien encore des connaissances sur l'environnement multiculturel.

Pour l'ensemble des acheteurs, l'évolution de leurs compétences se fera principalement par l'expérience, les mises en situation et l'implication de l'acheteur. Cependant, les formations complémentaires sur divers sujets sont également importantes.

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