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La saisie des navires en droit positif camerounais

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par Christian Valdano KOJOUO
Université de Dschang - Master 2013
  

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SECTION II : L'ADAPTATION QUANT À LA PROCÉDURE DE SAISIE

Tout comme en matière de saisie conservatoire des navires, la saisie-exécution des navires peut se dérouler normalement (Paragraphe 1), de même qu'elle pourrait être émaillée d'incidents qui remettraient en cause sa légitimité (Paragraphe 2) ; toujours est-il que les deux procédures sont dominées par les règles en vigueur en matière de saisie immobilière de droit commun.

Paragraphe 1 : La procédure normale de saisie

La procédure normale de saisie-exécution des navires comporte des étapes préalables (A) qui pourraient aboutir à l'adjudication du navire (B).

A- Les étapes préalables à l'adjudication du navire

Pour préparer l'adjudication du navire, l'Acte uniforme exige l'établissement d'un commandement valant saisie (1), la rédaction d'un cahier de charges (2) qui pourrait éventuellement donner lieu à contestations et susciter une audience (3) ; après ces étapes, une publicité en vue de la vente s'avère nécessaire pour porter les enchères au meilleur prix (4).

1- L'établissement du commandement valant saisie

Dans sa première phase, la procédure se déroule pratiquement en dehors du tribunal, le commandement est l'élément fondamental et tout est lié dans cette phase à cet acte dont le régime est fixé par les articles 254 et suivants de l'Acte uniforme. Ces textes indiquent les modalités de rédaction, de signification et de publication du commandement.

D'abord, en ce qui concerne les modalités de rédaction, le mot commandement renvoie à l'idée d'exploit d'huissier. On peut donc être tenté de penser que le commandement est nécessairement établi par huissier. Ce n'est pourtant pas le cas ; en effet, l'Acte uniforme a supprimé le monopole des huissiers en la matière en permettant aussi aux agents d'exécution de l'établir. Le pouvoir d'établir le commandement est donc partagé entre les huissiers et les agents d'exécution. Cette option se justifie certainement par la volonté de tenir compte de la situation de certains pays où la profession d'huissier n'est pas bien organisée.

Si le commandement peut être établi par un huissier, il prend la forme d'un exploit et, en tant que tel, il doit comporter toutes les mentions requises pour la validité des exploits. Il doit en outre contenir les mentions propres prévues par l'article 254 de l'AUPSRVE. Selon ce texte, le commandement doit contenir un certain nombre d'indications dont l'absence peut entraîner une sanction grave : la nullité.

En ce qui concerne les mentions exigées, il y a premièrement la reproduction ou la copie du titre exécutoire et le montant de la dette ainsi que les noms, prénoms et adresses des personnes impliquées246(*). Deuxièmement, la copie du pouvoir spécial de saisie donnée à l'huissier ; la saisie des navires est un acte aux conséquences graves, il ne faut donc pas que l'huissier la déclenche de sa propre initiative. Troisièmement, l'avertissement que faute de payer dans les 20 jours, le commandement pourra être transmis au registre des hypothèques maritimes et vaudra saisie à compter de sa publication247(*). Quatrièmement, l'indication de la juridiction où l'expropriation sera poursuivie ; c'est l'article 248 de l'AUPSRVE qui fixe les règles de compétence en la matière248(*) ; ce texte, en parlant de plénitude de juridiction, pense probablement aux tribunaux de droit commun, ce qui serait dans le contexte camerounais le Tribunal de Grande Instance. Cinquièmement, le numéro d'immatriculation du navire. Sixièmement et enfin, la constitution d'avocat ; le créancier poursuivant doit élire domicile chez l'avocat constitué et c'est là que devront lui être notifiés les actes d'opposition au commandement, offres réelles et toutes significations relatives à la saisie.

Les énonciations figurant dans l'article 254 sont exigées à peine de nullité du commandement. Cette nullité ne s'attache pas automatiquement à l'absence d'une mention ; il est nécessaire que celui qui se prévaut de l'irrégularité apporte la preuve d'un grief conformément à l'article 297 alinéa 2 de l'AUPSRVE249(*).

Ensuite, pour ce qui est de la signification du commandement au débiteur, l'article 254 de l'AUPSRVE prévoit que le commandement est signifié au débiteur sans autre précision. Le CCMM comble cette lacune en matière de saisie-exécution des navires. Ce texte dispose en effet en son article 129: « Le saisissant doit, dans un délai de trois jours, notifier au propriétaire copie du procès-verbal de saisie et le faire citer devant le tribunal du lieu de la saisie, pour s'entendre dire qu'il sera procédé à la vente du navire saisi. Si le propriétaire n'est pas domicilié dans le ressort du tribunal, les signification et citations lui sont données en la personne du capitaine du bâtiment saisi, ou, en son absence, en la personne de celui qui représente le propriétaire ou le capitaine. Le délai de trois jours est augmenté de trente jours si le destinataire demeure hors du territoire de la C.E.M.A.C. S'il est étranger, hors du territoire C.E.M.A.C. et non représenté, les citations et significations sont données selon les voies de droit commun ».

Enfin, il s'agit de la publication du commandement. Pour ce faire, il convient d'examiner successivement les modalités de la publication du commandement et ses suites.

Premièrement, s'agissant des modalités de publication, en application de l'article 259 alinéa 1 de l'AUPSRVE, on dira que c'est l'huissier qui fait viser l'original du commandement par le conservateur des hypothèques ; l'article 130 du CCMM prenant en considération le particularisme de la saisie des navires et la célérité que requiert le domaine maritime, dispose que le commandement, tenant lieu de procès verbal, est inscrit sur le registre des hypothèques maritimes tenu par l'autorité administrative compétente ; cette inscription est requise dans le délai de sept jours à compter de la date de signification du procès-verbal, augmentés de vingt jours si le lieu de la saisie et le lieu où le registre est tenu, ne sont pas situés dans le même port.; passé ce délai, le créancier ne peut plus publier le commandement ; il ne peut reprendre les poursuites qu'en les réitérant.

Deuxièmement, en ce qui concerne les suites de la publication, à partir de l'inscription, la suite de la procédure va dépendre de l'attitude du débiteur : le paiement va mettre un terme à la procédure, alors que le défaut de paiement marque le point de départ d'une nouvelle étape. Si le débiteur paie dans les vingt jours, l'inscription du commandement est radiée par le conservateur ou l'autorité administrative sur mainlevée donnée par le créancier. Il est possible que la radiation ne soit pas opérée malgré le paiement ; dans une telle hypothèse, le débiteur ou tout intéressé pourra provoquer la radiation en saisissant la juridiction compétente en matière d'urgence250(*). Si le débiteur ne paie pas, le commandement vaudra saisie à compter de son inscription. À partir de ce moment, les prérogatives qui s'attachent au droit de propriété vont être restreintes. Des effets importants s'attachent à cette situation. On peut les regrouper autour de trois idées : d'abord, l'interdiction des actes de disposition ; à compter de son inscription, le débiteur, bien qu'étant toujours propriétaire de son navire, ne peut plus l'aliéner ou le grever de droit réel ou charge. Que se passera-t-il si le débiteur accomplit des actes de disposition en violation de cette règle ? L'Acte uniforme ne prévoit pas expressément de sanction. On peut cependant déduire celle-ci de la rédaction de l'article 262 alinéa 4. Ce texte commence par poser le principe de l'interdiction des aliénations et constitutions de droit réels ainsi que l'obligation pour le conservateur de refuser toute nouvelle inscription. Il prévoit ensuite une exception au principe en considérant comme valables les aliénations et constitutions de droits réels dans l'hypothèse où l'acquéreur ou le créancier (bénéficiaire de l'acte) consigne une somme suffisante pour acquitter en principal, intérêts et frais ce qui est dû aux créanciers inscrits et au saisissant. Cela veut dire a contrario, qu'à défaut de consignation, les actes d'aliénation et les constitutions de droits réels ne sont pas valables. La nullité des actes de disposition s'explique aisément : les tiers ont été informés ou devaient être informés de la saisie pratiquée ; il n'y a donc aucune raison de leur accorder une protection spéciale. Ensuite, la limitation au droit d'administration et de jouissance. Certes, le débiteur reste jusqu'à l'adjudication, en possession du navire si celui-ci n'est pas affrété, mais c'est en qualité de séquestre judiciaire ; cela signifie qu'il devra gérer le navire en bon père de famille, qu'il sera comptable des fruits et qu'il devra rendre compte de sa gestion. L'article 263 alinéa 2 in fine prévoit sur ce point qu'il peut en être décidé autrement, à la demande du ou des créanciers, par le président de la juridiction compétente. Enfin, l'immobilisation des fruits ; à compter du commandement, les fruits sont immobilisés pour être distribués avec le prix du navire et il n'y a pas lieu de distinguer selon qu'il s'agit de fruits industriels ou civils. Les fruits recueillis sont déposés à la caisse des dépôts et consignations ou entre les mains d'un séquestre désigné par le président de la juridiction compétente.

Il convient toutefois de noter que lorsque la saisie porte sur un navire détenu par un tiers, il faut accomplir une formalité supplémentaire : c'est la signification avec sommation à tiers détenteur. Sur ce point, l'Acte uniforme lève toute incertitude en indiquant clairement qu'à peine de nullité, le commandement est signifié au tiers détenteur avec sommation, soit de payer l'intégralité de la dette en principal et intérêts, soit de délaisser le navire hypothéqué, soit enfin de subir l'expropriation. Le caractère obligatoire de la sommation préalable est pleinement justifié : le tiers détenteur n'est pas le débiteur ; il est seulement tenu en raison de la détention du navire; il faut dès lors lui permettre d'exercer l'option que la loi lui reconnaît avant de procéder à la réalisation du navire. Ce qui donne lieu forcément à l'établissement d'un cahier des charges.

2- L'établissement du cahier de charges

Le cahier des charges est rédigé par l'avocat poursuivant. L'Acte uniforme indique les mentions qui doivent figurer dans le cahier des charges à peine de nullité. L'article 267, fixant le contenu du cahier des charges, vise neuf mentions251(*). Le cahier des charges auquel est annexé l'état des droits réels doit être déposé dans les conditions prévues par l'article 266252(*). Le dépôt donne lieu à l'établissement d'un acte appelé acte de dépôt qui indique la date de la vente ; celle-ci doit se situer entre le quarante-cinquième jour et le quatre-vingt-dixième jour après le dépôt.

Jusqu'au dépôt du cahier des charges, la procédure est conduite unilatéralement par le poursuivant. Pourtant, d'autres personnes peuvent être intéressées ; c'est pourquoi, les rédacteurs de l'Acte uniforme font obligation au poursuivant de faire sommation aux personnes qui peuvent être intéressées de prendre communication du cahier des charges et d'y insérer leurs dires.

L'article 267 de l'AUPSRVE vise deux catégories de personnes sommées de prendre communication du cahier des charges : le saisi et les créanciers inscrits. Il s'en suit que ni les créanciers chirographaires ni les créanciers hypothécaires non inscrits n'ont à recevoir la sommation. L'obligation de signifier la sommation au saisi s'explique aisément : c'est son navire qui doit être vendu ; il est normal qu'il soit invité à prendre connaissance du cahier des charges pour connaître les conditions de la vente. La signification au saisi se fait à personne ou à domicile. L'obligation de signifier la sommation aux créanciers inscrits se justifie tout autant : en effet, compte tenu de l'effet de purge qui s'attache à l'adjudication, il est normal qu'ils soient invités à prendre connaissance du cahier des charges pour y insérer leurs dires et observations ; la signification est faite pour ces créanciers, à domicile élu. Il convient de préciser qu'en parlant de créanciers inscrits, les rédacteurs de l'Acte uniforme visent non seulement les créanciers qui ont obtenu une hypothèque pour garantie d'un prêt, et qu'ils l'ont faite inscrire, mais aussi le vendeur, le copartageant et l'échangiste.

Le contenu de la sommation de prendre communication du cahier des charges est fixé par l'article 270 de l'AUPSRVE. Cette sommation doit indiquer à peine de nullité : premièrement, les jour et heure de l'audience éventuelle ; deuxièmement, les jour et heure prévus pour l'audience d'adjudication ; troisièmement et enfin, l'avertissement que les dires et observations seront reçus, à peine de déchéance, jusqu'au cinquième jour précédent l'audience éventuelle et qu'à défaut de former et de faire mentionner à la suite du cahier des charges, dans ce même délai, la demande en résolution d'une vente antérieure ou la poursuite de folle enchère d'une réalisation forcée antérieure, il y aura déchéance du droit d'exercer ces actions.

Le délai pour faire la sommation est de huit jours, et il a pour point de départ le jour du dépôt du cahier des charges. Ce délai est prescrit à peine de déchéance253(*).

La sommation est non seulement destinée à informer les personnes intéressées mais aussi à provoquer leurs dires et observations. Ces dires et observations doivent être déposés, à peine de déchéance, au plus tard le cinquième jour précédent l'audience éventuelle ; c'est au cours de cette audience que ces dires seront jugés.

3- L'audience éventuelle

Cette audience éventuelle ne peut avoir lieu moins de trente jours après la dernière sommation. Ce délai de trente jours est fixé pour permettre aux créanciers inscrits et au saisi de disposer du temps nécessaire pour préparer leurs argumentations. Il faut rappeler que la sommation doit indiquer la date retenue pour la tenue de cette audience. Cette date ne peut en principe être modifiée. Toutefois, il peut y avoir remise de l'audience éventuelle dans deux cas : premièrement, s'il y a des causes graves et dûment justifiées ; deuxièmement, si la juridiction saisie exerce d'office son contrôle sur le cahier des charges dans les conditions prévues par la loi254(*).

Lors de l'audience éventuelle, les principes directeurs du procès doivent être respectés. L'un des principes consacrés est le principe dispositif. C'est ce qui explique que le tribunal ne puisse se prononcer que sur les questions soulevées dans les dires et observations. Il peut cependant prendre d'office certaines mesures : il peut tout d'abord ordonner d'office la distraction de certains biens, lorsque la valeur apparaît disproportionnée par rapport au montant des créances à recouvrer ; il peut aussi modifier d'office, le montant de la mise à prix si celle-ci est fixée en violation des dispositions de l'article 267 sur la mise à prix fixée par le poursuivant. En plus du principe du dispositif, le juge doit veiller au respect du principe du contradictoire. Ainsi, les dires et observations sont jugés après échange de conclusions motivées255(*). Le juge doit lui-même respecter ce principe ; c'est pourquoi le tribunal doit, lorsqu'il est amené à modifier le cahier des charges, inviter les parties à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours256(*).

La décision judiciaire rendue à l'occasion de l'audience éventuelle est transcrite par les soins du greffier sur le cahier des charges ; elle est levée et signifiée à la demande de la partie la plus diligente.

Pour que le concours de nombreux acheteurs porte les enchères au meilleur prix, il est de l'intérêt du poursuivant de donner à la réalisation du navire la plus large publicité possible.

4- La publicité en vue de la vente

Il faut informer ceux qui pourraient être intéressés par l'adjudication de telle sorte que, la concurrence aidant, la vente puisse se faire au meilleur prix. L'article 276 détermine soigneusement les modalités et les délais de cette publicité.

En ce qui concerne les modalités, selon l'article 276, un extrait du cahier des charges doit être publié sous la signature de l'avocat poursuivant, par insertion dans un journal d'annonces légales et par apposition de placards. L'extrait doit à peine de nullité, contenir les indications prévues par l'article 277257(*). Ceci dit, les placards sont apposés à la porte du domicile du saisi, de la juridiction compétente ou de l'étude du notaire convenu ainsi que dans les lieux officiels d'affichage. Prenant en compte la particularité du navire, l'apposition devrait aussi se faire sur la partie apparente du navire saisi, sur le quai du port où le navire est amarré, à la chambre de commerce, au bureau de la douane et au siège de la circonscription maritime du lieu de la saisie. La publicité prévue par l'article 276 de l'AUPSRVE peut être augmentée ou restreinte par ordonnance (sur requête) du président du tribunal. Celui-ci rend son ordonnance en tenant compte de la nature et de la valeur du navire saisi.

Pour ce qui est des délais, la publicité ne doit avoir lieu ni trop tôt258(*) ni trop tard259(*). C'est ce qui explique les délais fixés par l'article 276. Ce texte prévoit que la publicité doit avoir lieu trente jours au plus tôt et quinze jours au plus tard avant l'adjudication260(*).

B- L'adjudication du navire

C'est le dénouement normal de la procédure de saisie des navires. Elle a lieu à la barre du tribunal ou en l'étude du notaire convenu. L'AUPSRVE ne donne aucune indication sur la convention désignant le notaire. Il règle en revanche trois problèmes : le moment (1), le déroulement (2) et les effets (3) de l'adjudication.

1- Le moment de l'adjudication

La date d'adjudication qui figure dans les sommations doit se situer entre le trentième et le soixantième jour après l'audience éventuelle. Il peut arriver cependant que la date fixée ne soit pas celle où l'adjudication aura effectivement lieu. Il en est ainsi dans trois cas : le premier est visé par l'article 271 alinéa 1er de l'AUPSRVE. Il résulte de ce texte que s'il a été régulièrement introduit une demande en résolution d'une vente antérieure ou une poursuite sur folle enchère d'une réalisation forcée antérieure, il est sursis aux poursuites. Ce sursis s'explique par le fait que de la décision rendue à propos de ces demandes, dépend la validité de l'adjudication. Le second est visé par l'article 274 de l'AUPSRVE. Pour comprendre la situation envisagée par ces textes, il faut partir de l'idée que les dires et observations peuvent rendre nécessairement la tenue d'une audience éventuelle. Si le tribunal est dans l'impossibilité de statuer immédiatement, il ne sera pas possible de tenir l'audience d'adjudication à la date prévue. C'est pourquoi l'article 274 alinéa 2 de l'AUPSRVE prévoit que la juridiction compétente fixe une nouvelle date si celle qui était antérieurement fixée ne peut être maintenue. Le troisième cas est fixé par l'article 281 de l'AUPSRVE. Ce texte prévoit que l'adjudication peut être remise pour causes graves et légitimes. La remise prévue par ce texte doit être demandée par requête au moins cinq jours avant la date fixée pour la vente. Elle fait l'objet d'une décision motivée qui doit fixer le jour du déroulement de l'adjudication qui ne peut être éloigné de plus de soixante jours.

2- Le déroulement de l'adjudication

Le déroulement de l'adjudication comporte trois étapes : la réquisition, les enchères et la décision.

Pour ce qui est premièrement de la réquisition, le tribunal ne peut procéder à l'adjudication sans en être requis par le poursuivant ; c'est le sens de l'article 280 de l'AUPSRVE selon lequel « au jour indiqué pour l'adjudication, il est procédé à la vente sur réquisition, même verbale, de l'avocat du poursuivant ». Toutefois, à défaut pour le poursuivant de requérir l'adjudication, il peut y être procédé sur demande de l'un des créanciers inscrits.

En ce qui concerne deuxièmement les enchères, elles sont définies par l'article 282 alinéa 2 comme des offres successives et de plus en plus élevées présentées par des personnes qui désirent acquérir le navire. En principe, tout intéressé peut enchérir mais il y a cependant des limites. En effet, ne peuvent enchérir ceux qui sont frappés d'incapacité de droit commun ; par conséquent, une personne incapable soumise à un régime de représentation ne peut enchérir dans une adjudication sur saisie des navires que par l'intermédiaire de son représentant légal ; un majeur en curatelle doit se faire représenter. Ne peuvent non plus enchérir, les personnes visées par l'article 284 de l'AUPSRVE. Ce texte parle des membres du tribunal ou de l'étude du notaire, de l'avocat poursuivant qui ne peut enchérir pour lui-même, du saisi et des personnes notoirement insolvables261(*). La transgression de ces règles portant incapacité d'enchérir est sanctionnée par la nullité de l'enchère. L'article 284 qui édicte cette sanction ne se prononce pas, toutefois, sur le caractère de cette nullité. On pourrait penser que s'il s'agit d'incapacité de droit commun, la nullité sera relative et que dans les autres cas, la nullité sera absolue. La nullité n'est cependant pas la seule sanction encourue ; l'article 284 prévoit, par ailleurs, que l'avocat qui a présenté une enchère pour une personne frappée d'incapacité spéciale peut être condamné au paiement des dommages et intérêts.

Avant l'entrée en vigueur de l'Acte uniforme, ceux qui voulaient enchérir devaient s'attacher les services d'un avocat, car les enchères étaient nécessairement portées par ministère d'avocat. On justifiait l'assistance obligatoire de l'avocat en soutenant qu'elle limitait les risques d'incidents entre enchérisseurs et qu'elle garantissait le sérieux des enchères. Aujourd'hui, l'article 282 alinéa 3262(*) de l'AUPSRVE donne aussi aux enchérisseurs le droit de porter eux-mêmes leurs enchères.

L'article 283, consacré au déroulement de la procédure d'adjudication, prévoit qu'avant l'ouverture des enchères, il est préparé des bougies de manière que chacune d'elles ait une durée d'une minute. Aussitôt les enchères ouvertes, il est allumé une bougie et le montant de la mise à prix est annoncé. Deux cas de figures peuvent alors se présenter : il se peut tout d'abord qu'il n'y ait pas d'enchère après l'extinction de trois bougies ; dans ce cas, le poursuivant est déclaré adjudicataire à moins qu'il ne demande la remise de l'adjudication à une autre audience pour une nouvelle mise à prix. En cas de remise263(*), si aucune enchère n'est portée, lors de la nouvelle adjudication, le poursuivant est déclaré adjudicataire pour la première mise à prix264(*) ; il se peut ensuite que plusieurs enchères soient portées, dans ce cas, les règles suivantes sont applicables : si, avant l'extinction d'une bougie, il survient une enchère, celle-ci ne devient définitive et n'entraîne l'adjudication que s'il n'en survient pas une nouvelle avant l'extinction de deux bougies. Toute enchère portée pendant cette période couvre automatiquement l'enchère précédente et libère l'enchérisseur précédent, même si la nouvelle enchère est nulle. Lorsque la dernière enchère est portée par ministère d'avocat, l'avocat dernier enchérisseur a trois jours pour faire connaître le nom de l'adjudicataire et fournir son acceptation ou représenter son pouvoir265(*). À défaut, il est réputé adjudicataire en son nom266(*).

Troisièmement et enfin, les biens sont adjugés à celui qui a porté l'enchère la plus élevée par décision judiciaire267(*) ou procès-verbal du notaire porté en minute à la suite du cahier des charges. Selon l'article 293 de l'AUPSRVE, la décision judiciaire ou le procès-verbal d'adjudication ne peut faire l'objet d'aucune voie de recours. Cette décision peut cependant être attaquée par la voie d'action principale en nullité portée devant la juridiction compétente268(*) ; cela résulte de l'article 313 de l'AUPSRVE. Même si ce texte ne parle que d'action principale en nullité, rien ne devrait s'opposer à ce que la demande en nullité soit présentée sous forme d'exception au cours d'un procès contentieux où la décision d'adjudication est invoquée.

Une fois le déroulement de l'adjudication achevé, l'on assiste à une véritable modification des droits et obligations du principal protagoniste à l'adjudication à savoir l'adjudicataire, ce qui est nettement perceptible dans les effets de l'adjudication.

3- Les effets de l'adjudication

L'adjudication donne des droits à l'adjudicataire et fait naître des obligations à sa charge.

En ce qui concerne les droits de l'adjudicataire, ce dernier acquiert la propriété du débiteur saisi mais seulement cela. C'est ce qui résulte de l'article 296 aux termes duquel, l'adjudication même publiée au bureau de la conservation des hypothèques maritimes, ne transmet à l'adjudicataire d'autres droits réels que ceux appartenant au saisi. Il s'en suit que si le saisi n'était pas propriétaire, l'adjudicataire n'acquiert pas la propriété du navire. Dans le même ordre d'idées, si la propriété du saisi était menacée par une action en annulation, en résolution ou en révocation, celle de l'adjudicataire serait menacée de la même manière. Il y a cependant une dérogation à ce principe. Elle apparaît lorsque le navire était grevé d'hypothèque ou de privilège. En effet, lorsque l'expédition est déposée à la conservation, le conservateur procède à la radiation de tous les privilèges et hypothèques inscrits qui se trouvent purgés par la vente. Les créanciers n'auront alors plus d'action que sur le prix.

Pour ce qui est des obligations de l'adjudicataire, il est tenu de toutes les obligations stipulées dans le cahier des charges269(*) et spécialement l'obligation de payer le prix. L'inexécution de ces obligations entraîne un certain nombre de conséquences : tout d'abord les créanciers colloqués pourront recourir aux voies d'exécution. Ensuite, le greffier ou le notaire pourra refuser de délivrer l'expédition de la décision ou du procès-verbal270(*). Cela résulte de l'article 290 alinéa 2 de l'AUPSRVE selon lequel le greffier ou le notaire délivre l'expédition après paiement du prix d'adjudication et des frais de poursuite et après l'accomplissement des obligations du cahier des charges. Cela veut dire que la délivrance ne pourra intervenir avant l'exécution de telles obligations. Enfin, la revente sur folle enchère pourra être poursuivie. En effet, l'article 290, dernier alinéa de l'AUPSRVE indique clairement que le défaut de production dans les vingt jours de l'adjudication, de la quittance de paiement et des pièces justificatives, peut entraîner des poursuites pour folle enchère.

Si l'adjudicataire exécute ses obligations, il peut s'attendre légitimement à un transfert de propriété à son profit. Toutefois, ce transfert ne s'opère pas toujours, il peut être remis en cause par un incident survenu en cours de procédure.

* 246 Cette exigence de l'Acte uniforme est une source de frais inutiles. Une simple mention du titre exécutoire aurait suffi pour permettre à l'acte de remplir sa fonction.

* 247 C'est une sorte de mise en demeure destinée à attirer l'attention du débiteur sur les conséquences du défaut de paiement.

* 248 Selon ce texte, « La juridiction devant laquelle la vente est poursuivie est celle ayant plénitude de juridiction dans le ressort territorial où se trouvent les immeubles (sous-entendus navires saisis) ».

* 249 Ce texte dispose : « Les formalités prévues (...) par les articles 254, 267 et 277 ci-dessus ne sont sanctionnées par la nullité que si l'irrégularité a eu pour effet de causer un préjudice aux intérêts de celui qui l'invoque ».

* 250 Au Cameroun il s'agit principalement du Président du Tribunal de Première Instance selon l'article 182 du CPCC.

* 251Il s'agit de :

1) l'intitulé de l'acte ;

2) l'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel les poursuites sont exercées contre le débiteur et du commandement avec la mention de sa publication ainsi que des autres actes et décisions judiciaires intervenus postérieurement au commandement et qui ont été notifiés au créancier poursuivant ;

3) l'indication de la juridiction ou du notaire convenu entre le poursuivant et le saisi devant qui l'adjudication est poursuivie ;

4) l'indication du lieu où se tiendra l'audience éventuelle prévue par l'article 270 ci-après;

5) les nom, prénoms, profession, nationalité, date de naissance et domicile du créancier poursuivant ;

6) les nom, qualité et adresse de l'avocat poursuivant ;

7) la désignation du navire saisi contenue dans le commandement ou le procès verbal de description dressé par l'huissier ou l'agent d'exécution ;

8) les conditions de la vente et, notamment, les droits et obligations des vendeurs et adjudicataires, le rappel des frais de poursuite et toute condition particulière ;

9) la mise à prix fixée par le poursuivant, laquelle ne peut être inférieure au quart de la valeur vénale du navire. La valeur du navire doit être appréciée, soit au regard de l'évaluation faite par les parties lors de la conclusion de l'hypothèque maritime, soit, à défaut, par comparaison avec les transactions portant sur des navires de nature et de situation semblables.

* 252 Article 266 de l'AUPSRVE : « Le cahier des charges est le document, rédigé et signé par l'avocat du créancier poursuivant, qui précise les conditions et modalités de la vente du navire saisi. Il est déposé au greffe de la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le navire saisi dans un délai maximum de cinquante jours à compter de la publication du commandement, à peine de déchéance ».

* 253 Article 297 alinéa 1er de l'AUPSRVE.

* 254 Article 273 de l'AUPSRVE.

* 255 L'article 272 alinéa 1er rappelle d'ailleurs expressément que cet échange doit être fait dans le respect du principe du contradictoire.

* 256 Article 275 alinéa 2 de l'AUPSRVE.

* 257 Il s'agit de : 1) les noms, prénoms, professions, domiciles ou demeures des parties et de leurs avocats ;

2) la désignation des navires saisis telle qu'elle est insérée dans le cahier des charges ;

3) la mise à prix ;

4) l'indication des jour, lieu et heure de l'adjudication, de la juridiction compétente ou du notaire convenu devant qui elle se fera.

* 258 Car les intéressés peuvent oublier la vente.

* 259 Car il ne faut pas que les intéressés soient obligés de se décider dans la précipitation.

* 260 L'article 297 de l'AUPSRVE prévoit que le non-respect des délais prévus par l'article 276 est sanctionné par la déchéance. Cette règle est curieuse. On peut en effet se demander comment sanctionner par la déchéance celui qui a accompli plus tôt que prévu la formalité requise. Il nous semble que celui qui a accompli les mesures trop tôt et qui s'en rend compte peut parfaitement les refaire.

* 261 L'interdiction d'enchérir en ce qu'elle concerne les personnes notoirement insolvables est sans intérêt. En effet, il y a une formule que l'on retrouve presque dans tous les cahiers des charges et qui apparaît comme une clause de style « nul ne peut enchérir sans versement préalable d'une caution égale au montant de la mise à prix sauf dispense de l'avocat poursuivant ».

* 262 Article 282 alinéa 3 de l'AUPSRVE : « Les offres sont portées par ministère d'avocat ou par les enchérisseurs eux-mêmes ; le même avocat peut représenter plusieurs enchérisseurs lorsque ceux-ci désirent se porter co-adjudicataires ».

* 263 En cas de remise, les mesures de publicité sont réitérées.

* 264 Article 283 alinéa 6.

* 265 Cette déclaration d'acceptation ne doit pas être confondue avec la déclaration de command qui consiste pour l'adjudicataire à faire savoir que ce n'est pas pour son propre compte qu'il s'est rendu acquéreur, mais pour une autre personne dont il révèle alors le nom. La déclaration de command doit être faite dans les vingt-quatre heures.

* 266 Article 286 alinéa 1er de l'AUPSRVE. Cette disposition, curieusement, revient à contredire celle de l'article 284 alinéa 2.

* 267 La décision judiciaire d'adjudication ne tranche pas de litige ; elle se borne à constater officiellement le déroulement des enchères et le nom de l'adjudicataire devenu le nouveau propriétaire du navire ; pour cette raison, elle est considérée comme une décision gracieuse.

* 268 La possibilité d'une action principale en nullité prouve que la décision d'adjudication est une décision gracieuse.

* 269 Ces obligations doivent être exécutées dans les vingt jours de l'adjudication.

* 270 C'est une sorte d'exception d'inexécution.

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"Ceux qui rêvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rêvent de nuit"   Edgar Allan Poe