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La saisie des navires en droit positif camerounais

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par Christian Valdano KOJOUO
Université de Dschang - Master 2013
  

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Paragraphe 2 : L'étendue des navires susceptibles d'être saisis

Les textes sur la saisie conservatoire des navires sont unanimes sur le fait que ladite saisie peut être pratiquée soit sur le navire auquel se rapporte la créance (A), soit sur tout autre navire appartenant à celui qui était au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel se rapporte la créance (B)48(*).

A- Le navire auquel la créance se rapporte

Sur le plan interne, avec le droit CEMAC et en considération du CCMM, l'article 114 dispose : « La saisie peut être pratiquée soit sur le navire auquel la créance se rapporte... ». Cette formule rejoint également celle retenue sur le plan international. C'est ainsi que la convention actuellement applicable sur la sphère internationale à savoir la convention de Bruxelles du 10 mai 1952 pour l'unification de certaines règles sur la saisie conservatoire des navires de mer,49(*) dispose que le demandeur peut saisir tout navire auquel la créance maritime se rapporte. Cette faculté accordée au créancier constitue un exemple typique d'application directe de l'action in rem puisqu'elle exclut toute référence au propriétaire du navire et élude par la même occasion la question de l'obligation du propriétaire à la dette à l'origine de la demande de saisie, question qui aurait été un préalable nécessaire à la saisie du droit interne OHADA. Selon la convention, le navire seul est « débiteur » de la créance maritime puisque sa naissance est liée au navire ou à son exploitation, ce qui justifie sa saisie50(*).

Cet état de choses se perçoit nettement lorsqu'il convient d'examiner la particularité de l'exploitation d'un navire c'est-à-dire l'affrètement. La convention de Bruxelles du 10 mai 1952 dispose en son article 3 paragraphe 1 que « Tout demandeur peut saisir (...) le navire auquel la créance se rapporte ». Dès lors, il importe peu, lorsque la saisie est pratiquée sur le navire qui se rapporte à la créance, que la dette ait été contractée par une personne autre que le propriétaire, en l'occurrence l'affréteur. Ainsi, par l'effet de cette disposition, le créancier bénéficie en principe d'un droit personnel contre le navire, qualifié de « maritime lien »51(*). La convention précise en outre en son article 3 paragraphe 4 alinéa 1er que le créancier de l'affréteur coque nue du navire « peut saisir ce navire »52(*), et l'article 3 paragraphe 4 alinéa 2 ajoute que cette règle « s'applique également à tous les cas où une personne autre que le propriétaire est tenue d'une créance maritime ».

La position du problème est simple. L'affrètement est le mode de transfert d'exploitation consacré du navire. Son économie est très variable selon que l'on est en présence d'un contrat d'affrètement coque nue qui est un contrat de location, d'un contrat d'affrètement à temps ou d'un contrat d'affrètement au voyage. Très souvent, le véritable exploitant du navire, ou armateur non-propriétaire, est un affréteur soit coque nue, soit à temps, l'affréteur coque nue pouvant d'ailleurs lui-même fréter à temps ou au voyage le navire à un sous-affréteur. En sa qualité d'exploitant, l'affréteur conclut des contrats de transport pour son compte. Pour le chargeur, le débiteur est alors le transporteur contractuel, affréteur du navire.

La convention de Bruxelles, en mentionnant les litiges nés de contrats de transport et d'affrètement dans la liste des créances maritimes et en précisant que « tout demandeur peut saisir (...) le navire auquel la créance se rapporte », a ainsi voulu permettre au créancier de saisir l'instrument d'exploitation de son débiteur, peu importe que celui-ci en soit propriétaire.

S'agissant des dettes contractées par l'affréteur, la convention établit une distinction importante ; son article 3 paragraphe 4 prévoit la possibilité de saisir un navire donné en affrètement avec remise de la gestion nautique lorsque l'affréteur répond seul d'une créance maritime relative à ce navire, quel que soit son propriétaire. Cette limite ne concerne que les contrats d'affrètement coque nue, dont l'économie est celle d'un contrat de location. Cette précision est importante en ce que toutes les créances visées à l'article 1 paragraphe 1 de cette convention à l'exception des alinéas (e) et (f) qui concernent la gestion commerciale, se réfèrent à la gestion nautique du navire que conserve le fréteur dans les contrats d'affrètement au voyage et à temps, mais qu'il cède lorsqu'il frète son navire coque nue. Ainsi, lorsque la dette a été contractée par l'affréteur coque nue, le créancier pourra saisir le navire objet de la créance, propriété d'un tiers, mais dont l'affréteur supporte seul le risque de l'exploitation. Aussi, le créancier peut saisir un autre navire appartenant à l'affréteur coque nue, ce qui est conforme aussi bien à la théorie du patrimoine du droit français qu'à l'article 3 paragraphe 1 de la convention du 10 mai 1952. En revanche, le créancier ne pourra pas saisir un autre navire appartenant au propriétaire du navire, celui-ci étant totalement étranger à la créance.

L'article 3 paragraphe 4 de ladite convention dispose en outre que la règle selon laquelle le demandeur peut saisir le navire frété coque nue pour une dette de l'affréteur relative à « ce navire », « s'applique également à tous les cas où une personne autre que le propriétaire est tenue d'une créance maritime ». Cette disposition concerne principalement les autres modes de transfert d'exploitation du navire, notamment les autres formes d'affrètement. La saisie du navire affrété pour une dette de l'affréteur à temps ou de l'affréteur au voyage est donc possible53(*), mais à la condition que la créance soit maritime et relative au navire saisi. La jurisprudence précise que la saisie peut être obtenue quand bien même le contrat d'affrètement aurait pris fin54(*).

L'article 3 paragraphe 1 précise par ailleurs que seul peut être saisi le navire auquel se rapportent les créances relatives à la propriété contestée du navire55(*), à la copropriété contestée d'un navire, à sa possession, son exploitation, ou les droits aux produits d'exploitation d'un navire en copropriété56(*) ainsi qu'aux hypothèques maritimes57(*). A contrario, s'il allègue une autre créance maritime, le demandeur peut saisir un navire qui n'a aucun lien avec la créance à garantir ; l'unique élément de rattachement tient à la personne du propriétaire du navire auquel la créance se rapporte.

B- Les autres navires appartenant au propriétaire du navire auquel la créance se rapporte

La question qui se pose est celle de savoir si le créancier peut saisir un navire autre que celui auquel la créance se rapporte. La réponse affirmative est donnée tant par le droit interne que par celui international58(*).

Sur le plan interne, le CCMM, en son article 114 dispose que : « La saisie peut être pratiquée (...) sur tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte ». Emboîtant le pas du CCMM, la Convention de Bruxelles dispose : « ... tout demandeur peut saisir (...) tout autre navire appartenant à celui qui était, au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel cette créance se rapporte alors même que le navire saisi est prêt à faire voile »59(*). Dans l'un comme dans l'autre cas, il s'agit des formules identiques qui dérogeraient en quelque sorte à la conception de l'action in rem telle que ci-dessus consacrée et rejoindrait la conception in personam ; ce qui permettrait au créancier de l'obligation de ne plus s'attaquer uniquement au navire débiteur à travers la possibilité à lui offerte de saisir les autres navires qui appartenaient au débiteur au moment où la créance maritime est née. La formulation ainsi exprimée est à relativiser dans la mesure où dans certains cas, on ne devrait saisir que le navire auquel la créance se rapporte ; c'est dans cette hypothèse que la convention prévoit qu'aucun navire ne pourra être saisi pour une créance prévue aux alinéas o, p ou q de l'article premier à l'exception du navire même que concerne la réclamation60(*).

Sur un tout autre terrain, l'existence de navires d'État et de sociétés d'un seul navire donne lieu à une certaine effervescence. Dans le premier cas, la théorie de l'émanation a voulu signifier que l'on pouvait saisir tout navire relevant du pavillon national parce que, a-t-on dit, les sociétés armateurs de navires d'État ne possèdent pas d'autonomie patrimoniale, voire même d'autonomie de gestion. La tentative qui a connu un certain succès semble avoir fait long feu61(*). Dans le second cas, il s'est agi de lutter contre la dispersion des patrimoines de mer résultant de la constitution des sociétés d'un seul navire62(*). Il a paru injuste que ceux qui contrôlent la gestion d'un ensemble de navires ne soient pas poursuivis sur l'un où l'autre de ceux-ci sous prétexte qu'ils ont constitué des sociétés indépendantes63(*). C'est ainsi qu'il a été fait recours à la théorie des « navires apparentés » pour soutenir que ces sociétés n'en faisaient la plupart du temps qu'une seule, afin de pouvoir saisir les navires autres que celui auquel la créance se rapporte, lorsque c'est possible64(*). Aujourd'hui, la jurisprudence française se montre extrêmement exigeante quant à la preuve de ce qui n'est rien d'autre que la fictivité de ces sociétés. Il ne suffit pas d'établir que les dirigeants ou les associés sont les mêmes, ou encore que les sociétés en cause font partie du même groupe, pour démontrer cette fictivité65(*). Cette jurisprudence, plus empreinte de droit des sociétés que de droit maritime, est directement inspirée de celle ayant cours en matière d'extension d'une procédure collective ouverte à l'encontre d'une société, à une autre société.

Afin de faciliter l'établissement de la fictivité d'une société, la convention de Bruxelles a prévu en son article 3 alinéa 2 une présomption d'apparentement en disposant que « des navires seront réputés avoir le même propriétaire, lorsque toutes les parts de propriété appartiendront à une même ou aux mêmes personnes ». Mais ce texte est en pratique de peu d'utilité, la Cour de cassation, faisant une application littérale extrêmement restrictive66(*). Elle considère en effet, qu'il faut s'en tenir strictement à la question de savoir qui est associé dans les sociétés en cause, sans que l'on puisse rechercher qui se trouve exactement derrière les associés apparents, ce qui conduirait à une appréciation indirecte de la propriété des navires. On ne saurait donc, dans le but de bénéficier de la présomption de l'article 3 alinéa 2 de la convention, rechercher qui est l'associé majoritaire de la société elle-même associée de la société en présence. Mais cette recherche demeure utile pour établir la fictivité d'une société sans recourir à la présomption de l'article 3.

Pour conclure avec la question des navires susceptibles d'être saisis, une faculté bien qu'encadrée est laissée au créancier saisissant tant par le CCMM sur le plan interne CEMAC que par la convention de Bruxelles sur le plan international. De ce fait le créancier pourra à son choix saisir soit le navire auquel se rattache la créance maritime, soit tout autre navire appartenant à celui qui était au moment où est née la créance maritime, propriétaire du navire auquel se rattache cette créance. Il convient toutefois de signaler que cette formule consacrée par ces différents textes ne pose guère de difficultés lorsque le navire se trouve entre les mains du débiteur, mais elle devient d'application difficile lorsque ledit navire a quitté les mains du débiteur et se trouve actuellement entre d'autres mains. La question sera ainsi celle de savoir si le créancier peut saisir le navire passé en d'autres mains que celles du débiteur. Aussi bien en droit interne CEMAC qu'en droit international et par suite de la consécration de l'obligation in rem, nous pensons que la solution affirmative fait moins de difficulté67(*). Elle ne conduit pas à une impasse contrairement à ce que l'on pourrait penser, parce que s'il est vrai que celui contre lequel la saisie est poursuivie n'est pas débiteur et ne le devient pas du fait de la saisie, la garantie donnée par le propriétaire non débiteur du navire saisi englobera l'armateur débiteur. C'est alors en tant que souscripteur de cette garantie donnée pour le compte de ce débiteur que celui qui est propriétaire du navire sera assigné et condamné.

L'on constate en fin de compte une originalité frappante des règles de la saisie conservatoire des navires par rapport à celles de la saisie de droit commun des biens meubles surtout lorsqu'on se rend compte qu'en principe, seul le navire fautif devrait répondre de cette dette, ce qui a donc donné lieu à la conception de navire-débiteur et à la consécration de l'action in rem en matière de saisie conservatoire des navires. Cette originalité ne s'arrête pas là ; elle se prolonge aussi dans les conditions d'ouverture de ladite saisie liées à la créance à garantir.

* 48 Article 114 du CCMM, article 3 de la convention de Bruxelles de 1958, article 3 de la convention de Genève de 1999.

* 49 Article 3 paragraphe 1.

* 50 MOULET (J.), op.cit., p. 17.

* 51 GUINCHARD (S.) et MOUSSA (T.), Droit et pratique des voies d'exécution, Paris, Dalloz, 2001-2002, p. 432.

* 52 C'est-à-dire celui auquel se rapporte sa créance.

* 53 VIALARD (A.), La saisie conservatoire du navire pour dettes de l'affréteur à temps. À propos d'un arrêt de la cour d'appel de Pau du 6 décembre 1984, DMF 1985, p 579 et s.

* 54 Cass. Com. 13 décembre 1994, navire "Trident Beauty", arrêt n° 377 rendu sur pourvoi n° 92-14.307.

* 55 Article 1 paragraphe 1(o) de la convention.

* 56 Article 1 paragraphe 1(p) de la convention.

* 57 Article 1 paragraphe 1(q) de la convention.

* 58 Il convient toutefois de noter qu'en droit interne français, et avec son attachement à la conception personnaliste en la matière, découlant de la consécration de l'action in personam de la saisie conservatoire du navire, le créancier peut sans aucun doute saisir tout autre navire du débiteur autre que celui auquel la créance se rapporte, dès lors que la créance invoquée paraît fondée dans son principe (article 29 alinéa 2 du décret n°67-967 du 07 Octobre 1967 portant statut des navires et autre bâtiments de mer). Voir également HESSE (Ph.J.), BEURRIER (J.-P.), CHAUMETTE (P.), TASSEL (Y.), MESNARD (A.-H.) et REZENTHEL (R.), op.cit., p.273 ; également MOULET (J.), op.cit., p. 14.

* 59 Article 3 paragraphe 1 de la convention.

* 60 Il s'agit des cas suivants : la propriété contestée du navire, à la copropriété contestée d'un navire, à sa possession, son exploitation, ou les droits aux produits d'exploitation d'un navire en copropriété ainsi qu'aux hypothèques maritimes.

* 61 GOUILLOUD (R.), L'émanation maritime-pour sortir de la clandestinité, DMF 1992 p.451, cité par HESSE (Ph.J.), BEURRIER (J.-P.), CHAUMETTE (P.), TASSEL (Y.), MESNARD (A.-H.) et REZENTHEL (R.), op.cit., p.273.

* 62 Encore dénommées single ship companies ou one ship companies.

* 63 HESSE (Ph.J.), BEURRIER (J.-P.), CHAUMETTE (P.), TASSEL (Y.), MESNARD (A.-H.) et REZENTHEL (R.), ibidem.

* 64 JULIEN (P.) et TAORMINA (G.), op.cit. P 523.

* 65 Cass.com., 21 janvier 1997, n°94-19.585, DMF 1997, p.612 , Note VIALARD , arrêt dans lequel le fait que la société possédant le navire et celle débitrice appartiennent au même groupe, n'a pas été jugé suffisant ; cité par JULIEN (P.) et TAORMINA (G.), op.cit. P 523.

* 66 Cass.com., 23 novembre 1999, Bull. civ IV, n°204, DMF 2000, obs. MOLFESSIS.

* 67 Nous pensons cependant qu'en droit interne français et avec sa prise en considération de l'obligation in personam qui voudrait que le débiteur engage ses biens, tous ses biens et rien que ses biens, le créancier ne pourrait pas saisir le navire qui est passé en d'autres mains que celles du débiteur. Cependant, si le créancier fait valoir une créance privilégiée, la solution inverse pourra s'imposer, et dans la limite de l'opposabilité aux tiers de ce privilège maritime. Voir en ce sens, CA de Pau, 6 décembre 1984, navire « spartan », DMF 1985, p.589 ; voir également, VIALARD, La saisie conservatoire du navire pour dettes de l'affréteur à temps, DMF 1985, p.579.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld