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La saisie des navires en droit positif camerounais

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par Christian Valdano KOJOUO
Université de Dschang - Master 2013
  

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Paragraphe 2 : La problématique de l'exigence d'une créance maritime paraissant fondée dans son principe

Pour cette circonstance, le droit international et le droit communautaire CEMAC se sont déployés chacun en ce qui le concerne. Pendant que le principe de l'exigence d'une créance maritime paraissant fondée dans son principe est formellement affirmé dans le CCMM (A), le droit international à travers ses conventions, n'en a pas fait mention (B).

A- L'affirmation dans le CCMM

Le droit interne CEMAC dispose à travers son CCMM : « Elle (la saisie conservatoire des navires) peut être accordée dès lors qu'il est justifié d'une créance maritime paraissant fondée dans son principe »110(*). Contrairement à ce qu'on aurait pu penser à travers nos analyses précédemment exprimées, le CCMM ne se contente pas uniquement de mentionner pour l'ouverture d'une saisie conservatoire des navires, l'existence d'une créance maritime car il requiert la justification d'une « créance maritime paraissant fondée dans son principe ». Au regard de cette formulation, l'on constate la souplesse du législateur communautaire et par là même la flexibilité et l'accessibilité de la saisie conservatoire des navires dans l'espace CEMAC. Ainsi, comme le droit commun de la saisie des biens meubles, la créance doit paraître fondée dans son principe111(*) mais à la différence du droit commun, l'existence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de cette créance n'est pas requise.112(*). Une simple apparence de créance maritime répond à l'exigence requise.

Ainsi pour l'exercice d'une saisie conservatoire de navire dans l'espace CEMAC, le juge ne doit se préoccuper ni de l'exigibilité, ni de la liquidité, ni de la certitude la créance ; il doit vérifier si la créance est apparemment fondée. Une créance fondée dans son principe est une créance dont l'existence est vraisemblable ; il peut s'agir d'une créance conditionnelle ou d'une créance à terme ; il se peut aussi que le montant de la créance ne soit pas encore déterminé en argent. L'essentiel est que la personne qui a recours à la saisie puisse légitimement se prétendre créancière étant donné que le créancier n'a pas besoin d'attendre que sa créance soit certaine, liquide et exigible. Cependant, l'exigence d'une créance paraissant fondée dans son principe ne devrait pas être prise pour une exigence exclusive car même si une créance fondée en son principe suffit pour pratiquer une saisie conservatoire, a fortiori une créance certaine, liquide et exigible peut également constituer la cause d'une saisie conservatoire113(*).

Pour résumer, lorsque c'est le CCMM qui s'applique à l'exercice d'une saisie conservatoire, l'exigence classique d'existence d'une créance maritime est requise, mais édulcorée par le fait qu'il pourrait s'agir tout simplement d'une créance maritime paraissant fondée dans son principe. Cette tolérance législative sur le plan communautaire est aussi observée en droit interne français114(*) où à l'image du droit commun de la saisie conservatoire des miens meubles, il est exigé une créance (compte non tenu de son caractère maritime) paraissant fondée dans son principe115(*).

A priori, il ne serait pas incongru de dire qu'à ce niveau, dans l'espace CEMAC, outre le caractère maritime de la créance, il n'y a pas de différence notable avec le droit commun de la saisie des biens meubles corporels incarné par l'AUPSRVE. Cependant l'originalité de la saisie conservatoire des navires résulte du fait qu'il n'est pas nécessaire de prouver par exemple l'imminence de l'insolvabilité du débiteur comme en droit commun, laquelle insolvabilité imminente découle nécessairement de l'exigence de circonstances de nature à menacer le recouvrement de la créance.

Si jusqu'à présent la conviction sur l'originalité de la saisie conservatoire des navires par rapport au droit commun de la saisie des biens meubles corporels n'est pas emportée quant au fait que la créance doit paraître fondée dans son principe, cette originalité est fortement perceptible en droit international où cette exigence n'a point été formulée dans les textes régissant la saisie conservatoire des navires.

B- L'absence de l'exigence d'une créance maritime paraissant fondée dans son principe dans les conventions internationales

Fières de son attachement à l'obligation in rem découlant du droit anglo-saxon, la convention internationale de 1952 et son futur successeur, celle de 1999 exigent pour l'exercice d'une saisie conservatoire, l'allégation d'une créance maritime purement et simplement. Point n'est donc besoin que celle-ci puisse revêtir d'autres caractères notamment ceux découlant du droit interne de la saisie conservatoire des navires et résultant du CCMM et aussi et surtout ceux issus du droit commun de la saisie conservatoire des biens meubles corporels, lequel devrait a priori régir la saisie conservatoire des navires.

La simple référence à une allégation de créance maritime démontre le caractère libéral des conventions puisqu'elles n'exigent même pas une apparence de créance dont se satisfait le droit interne. Dès lors, le juge ne peut exiger de celui qui se prévaut des dispositions de la convention de 1952 et de celle de 1999 qu'il établisse le caractère certain et sérieux de sa créance. En droit français, la Cour de cassation sanctionne inévitablement les juridictions du fond qui accordent mainlevée de la saisie pratiquée sur le fondement de la convention au motif que la créance devrait présenter un caractère certain et sérieux116(*). La Cour d'appel d'Aix-en-Provence a en outre jugé que le juge n'avait pas à rechercher si la créance maritime est ou non frappée d'une éventuelle prescription117(*).

Gage de simplicité et de rapidité, cette exigence est particulièrement adaptée au domaine maritime puisqu'elle permet à celui qui se prétend créancier, de saisir un navire sans avoir à justifier de sa qualité. Ainsi, le créancier évitera de perdre un temps précieux durant lequel le navire à saisir pourrait quitter le port. Selon la formule du Doyen RODIÈRE, le juge de la saisie n'a pas à requérir du créancier quelque preuve que ce soit sinon celle d'être titulaire d'une créance entrant dans l'énumération faite dans lesdites conventions 118(*).

Ceci étant, et contrairement à ce que l'on observe dans le droit de saisie contenu dans le CCMM et dans l'AUPSRVE, les deux conventions internationales ne mentionnant pas l'allégation d'une  « créance paraissant fondée dans son principe », il suffit donc que la créance alléguée figure sur la liste limitative des causes des créances maritimes figurant dans lesdites conventions pour que la saisie puisse être valablement pratiquée119(*), et les pouvoirs du juge se trouvent en même temps diminués étant donné qu'il n'aura plus qu'à vérifier l'appartenance de la créance alléguée à celles figurant dans ladite liste.

Étant donné que l'allégation d'une créance paraissant fondée dans son principe découlant du droit interne permet de rendre moins aisée la saisie des navires en Afrique centrale, nous pourrons insinuer a contrario que l'absence d'une telle formulation dans les conventions internationales rend plutôt souple l'exercice d'une telle saisie car le créancier saisissant n'a pas forcément à démontrer qu'il est un créancier inéluctable.

* 110 Article 120 alinéa 2 du CCMM.

* 111 Article 54 de l'AUPSRVE : « Toute personne dont la créance paraît fondée dans son principe peut, par requête, solliciter (...) l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire... ».

* 112 Article 54 in fine de l'AUPSRVE : « ... si elle justifie des circonstances de nature à en menacer le recouvrement ».

* 113 ASSI-ESSO (A.-M), DIOUF (N.), OHADA, recouvrement des créances, Bruxelles, Bruylant, coll. Droit uniforme africain, 2002, p 76.

* 114 Voir JULIEN (P.) et TAORMINA (G.), op.cit., p 534, d'où il ressort que la convention internationale de Bruxelles demeure inapplicable si la saisie est effectuée dans un port français sur un navire battant pavillon français par un créancier résidant en France. Dans ce cas de figure, c'est la loi n°67/5 du 3 janvier 1967 et son décret d'application n°67/967 du 27 octobre 1967 portant statut des navires et autres bâtiments de mer qui demeurent applicables.  

* 115 Article 29 alinéa 2 du décret de 1967 précité : « L'autorisation peut être accordée dès lors qu'il est justifié d'une créance paraissant fondée dans son principe ».

* 116 Cass. Com. 12 janvier 1988, DMF 1992, somm. Comm. p.134.

* 117 Aix-en-Provence, 2ème ch., 6 décembre 1995, navire « Friday Star », DMF 1996, n° 572, p. 591 et s., obs. TASSEL (Y.).

* 118 RODIERE (R.), Traité général de droit maritime, Tome 2, Le navire, n° 199 ; cité par MOULET (J.), La saisie conservatoire du navire suite à son adjudication, op.cit., p 15.

* 119 Cass.com., 3 février 1998, n°95-20.474 ; Cass.com., 30 octobre 2000, préc., et sur renvoi après cassation, CA Montpellier, 1ère ch., sect. AS, 1èr décembre 2003, n°01/00384, DK Line c/Petredec Ltd, navire « Sargasse ».

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus