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L'AFRICOM dans la politique américaine de sécurité en Afrique: l'évolution doctrinale a l'épreuve des contraintes géostratégiques

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par André Désiré Foumane
Université de Yaoundé II, Soa - Master 2012
  

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ABSTRACT

Since the attacks on American embassies in East Africa and especially those of September 11, 2001, Africa, which was only peripheral in American strategic planning, so, has gained importance. Considered as a breeding ground for international terrorism, it is the subject of special attention. Hence the creation of a unified command dedicated to it. Born from a particular strategic environment, this structure is framed by a new doctrine that puts more emphasis on conflict prevention. That is why in his daily activities, AFRICOM focuses on strengthening the capacity of African armies. The official aim is to enable them to provide their own security against new threats. To ensure the realization of this doctrinal evolution, this command is also conducting civil and humanitarian activities. But faced with the challenges that exist on the African continent, the implementation of the new security approach is somewhat undermined. This is because Americans remain tied to their strategic culture that prominently gives preference to the mobilization and use of the military tool in the US foreign deployment. That predisposes AFRICOM to strengthen a military presence on the ground. Far from the benevolence and altruism professed in American public communication.

KEY WORDS: AFRICOM; doctrine; strategic culture; geostrategic constraints.

SOMMAIRE

AVERTISSEMENT.......................................................................................I

DEDICACES.............................................................................................II

REMERCIEMENTS III

LISTE DES SIGLES ET DES ABREVIATIONS IV

LISTE DES ILLUSTRATIONS VIII

LISTE DES ANNEXES IX

RESUME X

ABSTRACT XI

SOMMAIRE  XII

INTRODUCTION 1

PREMIERE PARTIE : L'AFRICOM ET LE RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ARMEES AFRICAINES 23

CHAPITRE I : LA PLACE DE LA FORMATION MILITAIRE DANS L'AGENDA DE L'AFRICOM 26

CHAPITRE II : UNE APPRECIATION CRITIQUE DE L'ASSISTANCE SECURITAIRE AMERICAINE EN AFRIQUE 49

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 74

DEUXIEME PARTIE : L'AFRICOM DANS LE RENFORCEMENT DE LA PRESENCE MILITAIRE AMERICAINE EN AFRIQUE 75

CHAPITRE III : LA PLACE MARGINALE DE LA DIPLOMATIE DANS LES ACTIONS DE L'AFRICOM 78

CHAPITRE IV: L'AFRICOM: UN COMMANDEMENT FIDELE A LA CULTURE STRATEGIQUE AMERICAINE 101

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 126

CONCLUSION GENERALE 127

BIBLIOGRAPHIE 132

ANNEXES 144

TABLE DES MATIERES 145

INTRODUCTION

I. CONTEXTE DE L'ETUDE

Depuis la chute du mur de Berlin, la politique africaine des Etats-Unis, qui jusque-là était concentrée sur l'endiguement du communisme connait une réorientation. Ce continent qui était alors considéré comme un appendice colonial de l'Europe occidentale1(*) fait désormais l'objet d'une relative attention. Washington s'y attèle depuis lors à la consolidation de la démocratie, l'enrayage des crises, le soutien au développement économique ou encore la lutte contre les pandémies2(*). Avec la décennie 1990, marquée par les attentats des ambassades américaines de Dar es-Salaam et de Nairobi en Août 1998, l'Afrique se révèlera comme un terrain fragile et favorable au terrorisme international. Un phénomène qui atteindra d'une manière inédite le territoire américain, le 11 Septembre 2001 avec les attentats de New York et de Washington. En réponse, l'administration Bush lance une riposte planétaire contre le terrorisme ou encore Global War On Terror3(*). Cette action anti-terroriste s'étendra aussi au continent africain. Il s'agit d'une implication sécuritaire qui aboutit, le 6 Février 2007, à l'annonce par le président G. W. Bush, de la création d'un commandement unifié pour l'Afrique. Ce qui apparait comme un tournant majeur et un acte inédit dans la politique africaine des Etats-Unis, et cela pour deux raisons. Premièrement, avant la création de ce commandement, le déploiement militaire américain y était assuré par trois commandements différents. Il s'agit du Commandement Central (US CENTCOM), du Commandement du Pacifique (US PACOM) et du Commandement européen (US EUCOM)4(*). Chacun d'eux abordant les questions de sécurité en Afrique selon ses approches. Or un tel partage ne permettait pas aux Etats-Unis de mettre sur pied une politique de sécurité cohérente. La deuxième raison traduisant l'originalité de cet acte posé par l'administration Bush concerne le passage d'une coordination civile à une coordination militaire des activités sécuritaires américaines en Afrique. Car, avant la création de l'AFRICOM, celles-ci étaient sous la responsabilité du Département d'Etat qui, aujourd'hui, est quelque peu en deuxième ligne. La primauté étant désormais reconnue au Département de la Défense. Cela consacre la militarisation de la politique américaine en Afrique. Puisque Plusieurs tâches civiles sont remplies par des militaires. Il en est ainsi de l'assistance humanitaire, du développement économique, de l'assistance civique ou encore de l'assistance sanitaire5(*). Cette nouvelle approche tranche avec l'approche sécuritaire post-bipolaire des Etats-Unis en Afrique, qui s'est caractérisée par une marginalisation relative du continent dans la planification stratégique américaine. Cela était perceptible lors de l'entrée, à la Maison Blanche de G. W. Bush. Ce dernier pensant que ce continent ne correspondait pas aux intérêts stratégiques nationaux des Etats-Unis, d'où son hostilité aux opérations de rétablissement de la paix en Afrique6(*). Mais cet état de chose sera rapidement remis en cause par les attentats du 11 Septembre 2001. Le chef de fil du réseau Al-Qaïda ayant séjourné en Afrique, notamment au Soudan. C'est quelques années plus tard que le président Bush, avec beaucoup de réalisme mettra sur pied, le commandement américain pour l'Afrique. Par ailleurs cet événement historique intervient dans un contexte marqué par la percée sur le continent africain, de puissances émergentes comme la Chine, le Brésil ou encore l'Inde. A cela s'ajoute le délabrement de l'environnement sécuritaire du Golfe Arabo-persique, par ailleurs source d'approvisionnement important de Washington en ressources énergétiques. Or avec 100 milliards de barils prouvés7(*), l'Afrique se présente comme une alternative fiable sur le plan de la sécurité énergétique des Etats-Unis. Même si ce nouvel outilgéopolitique semble être fondamental pour relever de tels défis, il butte cependant sur une certaine prudence et même une inquiétude de la part des africains. L'on peut aisément comprendre sur cette base, la prolifération de déclarations de la part des autorités américaines. Et ce dans la perspective de rassurer les sceptiques. On peut dans ce sens, lire sur le site du Commandement Américain pour l'Afrique que l'AFRICOM cherche à « bolser security on the continent, to prevent and respond to humanitarian crises, to improve cooperative efforts with African nations to stem transnational terrorism, and to sustain enduring efforts that contribute to African unity »8(*). Au-delà de ce discours officiel, ce travail se propose d'analyser la réalité du déploiement de cette institution sur le continent africain. Ce qui revient à interroger les intentions fondamentales qui ont motivé la création d'un commandement spécifiquement dédié à l'Afrique.

II. INTERET DU SUJET

Sur le Plan heuristique, ce travail a le mérite d'analyser la mise sur pied de l'AFRICOM à l'aune de l'évolution doctrinale que connait la politique américaine de sécurité en Afrique. Il montre notamment comment la puissance américaine essaie de s'adapter à l'évolution de l'environnement stratégique africain. Et ce afin de faire face aux nouveaux défis sécuritaires qui s'y posent. En tant qu'outil géopolitique, le commandement américain pour l'Afrique permettrait dans ce sens aux USA, de mieux faire face aux enjeux géostratégiques qui existent sur ce continent. Au-delà des déclarations officielles faisant état de la bienveillance des autorités américaines, nous essayons d'explorer la réalité du déploiement de cette institution sur le terrain ainsi que les variables qui conditionnent ce comportement. L'on essaye également de mettre en exergue, l'émergence de l'Afrique comme nouveau pivot géostratégique. Du fait de la compétition dont elle fait désormais l'objet entre les grandes puissances.Relativement aux menaces non conventionnelles qui règnent sur le continent, ce travail tente une explication de la difficile adaptation des solutions américaines à l'évolution de l'environnement sécuritaire. L'on insiste notamment sur la place de la culture stratégique américaine dans le déploiement de la nouvelle institution. Par ailleurs, ce travail met en lumière les grandes tendances qui caractérisent l'assistance militaire américaine en Afrique, ainsi que les principales variables qui la structurent. Au-delà de sa mission officielle, nous explorons d'autres fonctions de cette assistance. Celle-ci est de plus en plus utilisée comme tremplin devant favoriser la percée militaire de Washington sur le terrain.

Sur le plan pratique, ce sujet permettrait aux autorités politiques et militaires africaines de se rendre à l'évidence de ce que représente pour leurs Etats, l'implication progressive des Etats-Unis dans les questions sécuritaires sur le continent. Celles-ci pourraient aussi s'interroger de manière lucide sur les enjeux de la création d'un commandement unifié pour l'Afrique. Elles pourraient de cette façon avoir une idée claire sur le type de rapports qu'il faudrait entretenir avec l'AFRICOM. En ce moment où l'Afrique essaie de construire une architecture de paix et de sécurité, ce travailtente une mise en lumière des revers qui pourraient accompagner une adhésion aveugle des africains aux programmes sécuritaires américains. Cela pourrait leur permettre d'éviter la perte du contrôle de ce dispositif sécuritaire en gestation. Elles pourraient ainsi maîtriser les problématiques sécuritaires sur le continent. C'est la conscience géopolitique des africains qui est à ce niveau interpelée. Et ce dans la mesure où ils peinent à mettre sur pied, un dispositif sécuritaire autonome à l'échelle continentale. Une situation qui les rend dépendants de l'assistance sécuritaire étrangère. Or c'est ce soutien exogène qui favorise la percée des forces impérialistes sur leur sol. C'est notamment le cas de l'AFRICOM.

III. CONSTRUCTION DE L'OBJET

Elle passe par la clarification conceptuelle (1) et la délimitation du sujet (2).

1. Clarification conceptuelle

a. L'AFRICOM 

Ce concept désigne le sixième commandement combattant que les Etats-Unis ont créé et qui concerne le continent Africain. Sa création avait été annoncée le 6 Février 2007 par l'administration Bush, dans la cadre de l'Unified Command Plan. Il entre officiellement en fonction le 1er Octobre 2008. Jusqu'ici, sa base est restée à Stuttgart en Allemagne, au centre du commandement européen (EUCOM). Et ce, du fait de l'hostilité des autorités africaines à l'installation de celle-ci sur leur sol9(*). Ce commandement unifié est venu se substituer à trois autres qui, jusqu'alors assuraient la responsabilité des activités sécuritaires américaines en Afrique. Il s'agit de l'US EUCOM, de l'US PACOM et de l'US CENTCOM. Cependant, l'AFRICOM diffère en principe des autres en ceci qu'il n'a pas vocation à faire la guerre. En fait, Pour Henry Ryan, un haut responsable du ministère américain de la défense, cette structure n'a ni vocation à lutter contre le terrorisme ni à endiguer l'offensive chinoise10(*). Donc, officiellement, ce commandement a pour but de protéger les intérêts de sécurité nationale des Etats-Unis par le renforcement de la capacités militaires des pays africains et des organisations régionales, et si nécessaire, par la conduite des opérations militaires afin de combattre la criminalité internationale et de créer un environnement de paix susceptible de garantir la bonne gouvernance et le développement durable en Afrique11(*).

Carte n°1: Zone de responsabilité des commandements militaires américains. Sources: www.wikipedia.org12(*)

b. POLITIQUE AMERICAINE DE SECURITE (en Afrique) :

Après les années de Guerre Froide pendant lesquelles le déploiement américain en Afrique était essentiellement structuré par l'endiguement du communisme, c'est à partir des années 1990 que l'on peut parler d'une véritable implication de Washington dans les problématiques sécuritaires africaines. En réalité, la politique africaine des Etats-Unis en matière de sécurité depuis la chute du mur de Berlin peut s'appréhender en trois phases. La première qui va de 1991 à 1994 est celle dite de l'engagement. Initié sous Bush Sr, l'accent était mis sur les questions humanitaires avec pour point culminant la participation de Washington à la mission des Nations Unies en Somalie en 199213(*). La deuxième phase va de 1994 à 1998, avec pour postulat que les Etats-Unis n'avaient qu'un intérêt limité en Afrique. D'où la non-intervention au Rwanda en 1994. La dernière phase va de 1998 à 2001. Il s'agit de la réponse aux attentats des ambassades américaines en Afrique de l'Est et surtout aux attaques des Twin Towers14(*). Ce dernier événement a donné à l'Afrique, une importance aux yeux de Washington. Pour être quelque peu complet sur la question de la politique de sécurité américaine sur le continent, l'on peut ajouter une dernière phase qui va du 6 Février 2007 à nos jours. Elle commence par la création de l'AFRICOM qui est un acte inédit dans l'histoire américano-africaine.

c. DOCTRINE :

Généralement, toute action stratégique se réalise selon un répertoire opérationnel. Le contenu de ce dernier très souvent, varie selon le contexte et les circonstances. Il s'arrime à l'évolution de l'environnement. C'est une relecture des finalités politiques en fonction des défis auxquels on fait face. Ce cadre variable qui régit l'action stratégique peut porter le nom de doctrine. Ce concept désigne plus spécifiquement, l'ensemble des conceptions qui sous-tendent une stratégie. Elle opère un choix parmi la diversité des solutions envisagées par la théorie en fonction des circonstances et des besoins du moment15(*). Elle peut également être assimilée comme une construction intellectuelle qui formule le savoir jugé nécessaire et suffisant pour guider les personnels militaires - mieux l'ensemble des forces - dans leur action opérationnelle. Dans ce sens, elle prescrit les règles et les conditions optimales de leurs conduites d'action16(*). Par ailleurs, la doctrine fournit aux chefs à différents niveaux, des principes pour organiser les moyens dont ils disposent et elle énumère des modes d'action possible parmi lesquels ils peuvent choisir en fonction du contexte17(*). Ceci montre que d'une manière générale, toute doctrine est amenée à évoluer, à connaître des transformations. C'est ce qui la différencie fondamentalement de la culture.

v De la différence entre doctrine et culture

Le débat relatif à la permanence et à la contingence des méthodes régissant l'action stratégique renseigne sur la cloison qui existe entre ces deux concepts. La culture stratégique a été consacrée depuis les années 1980 par les relations internationales et les études stratégiques. L'idée la plus saillante qui est ici mise en exergue est celle selon laquelle les actions des autorités sont influencées et orientées par l'expérience et les préférences historiques18(*). Les expériences historiques occupent ici, une place primordiale dans la mesure où elles se sédimentent dans le répertoire d'actions des sociétés. Elles leur offrent ainsi un ensemble de solutions applicables à différentes situations. Cette fidélité à l'histoire est soutenue par Ken BOOTH. Pour lui en effet, l'histoire est l'introduction idéale aux études stratégiques. Car c'est elle qui permet de comprendre les traditions nationales et les idiosyncrasies de la pensée stratégique ; elle seule donne une idée de la complexité des causes et de la dynamique des évènements ; elle montre ce qui est durable et ce qui est transitoire19(*). Cette posture aboutit à l'élaboration de lois et de règles relatives aux invariants de toute action stratégique. C'est la position des « scientifiques » à la tête desquels se trouve JOMINI.

La culture s'oppose à la doctrine dans le mesure où la dernière, loin de s'atteler à mettre en évidence, des invariants, insiste sur l'efficacité pratique. Dans la perspective de Colin S. GRAY, la doctrine enseigne ce qu'il faut faire et comment être préparé à le faire20(*) ; elle explique les objectifs, identifie les tâches et façonne les outils de l'organisation ; elle aide une organisation militaire - ou une société - à entretenir la cohésion interne sur la manière de se préparer et de poursuivre les opérations21(*). Elle précise, pour ce faire, les règles et les procédures permettant de conduire l'action22(*). Même si elle s'attèle à fixer un guide pour l'action, force est de préciser que celui-ci n'est valable que dans un environnement donné. Le contenu doctrinal étant sujet à des transformations afin de prévenir la désuétude. L'objectif est également de produire un répertoire d'actions producteur d'efficacité. De ceci, l'on peut retenir que la doctrine est l'ensemble de principes définis dans un contexte spécifique, destinés à régir l'action, l'organisation et l'emploi des forces afin d'atteindre les buts stratégiques.

v De la nature de la doctrine

Dans son acception traditionnelle, elle se limitait au domaine militaire. Il s'agissait de permettre au général de mener ses batailles avec la plus grande efficacité. Elle se fixait pour but d'amener à la bataille, le maximum de moyens dans les conditions les plus favorables23(*). Cette approche était pertinente à l'époque où la stratégie pouvait encore se limiter à l'art du général. L'action stratégique pouvait encore être perçue comme étant limitée au seul domaine opérationnel comme le montrait JOMINI24(*). Mais avec l'élargissement contemporain de ce domaine, la doctrine a vu son champ s'élargir pour englober non seulement la guerre mais aussi les opérations autres que la guerre ou la manoeuvre de crise25(*). A l'époque contemporaine, la doctrine n'est plus limitée à la seule autorité militaire. Cet acteur traditionnel est de plus en plus concurrencé par le pouvoir politique. Celui-ci intervenant désormais tant dans la définition des moyens que dans leur mise en oeuvre, y compris sur le terrain26(*).

d. CONTRAINTES GEOSTRATEGIQUES

Au-delà des discours et des intentions, l'environnement stratégique est constitué d'éléments qui peuvent rendre caduques toutes les prévisions. Cet environnement est constitué de réalités et de contraintes dont la complexité est traduite dans le concept même de stratégie. En tant qu'art de l'action finalisée, volontaire et difficile, la stratégie est au coeur de la praxéologie ou science de l'action27(*). La difficulté de cette action est liée à un ensemble d'obstacles et de contraintes. C'est toute la substance de l'incertitude dont parle CLAUSEWITZ28(*). La réalisation des objectifs d'une action stratégique est profondément conditionnée par la configuration des forces en présence. Elle nécessite des moyens conséquents qui relèvent de la rationalité des acteurs.

Le besoin des américains de réaliser leurs objectifs en Afrique est mis à l'épreuve par certaines contraintes. Celles-ci sont d'abord stratégiques dans la mesure où elles entravent une meilleure conduite des actions des USA sur le continent. Elles sont géostratégiques dans la mesure où elles relèvent de l'échelle macrogéographique. C'est-à-dire une dimension spatiale suffisante pour exclure la constitution d'un théâtre unique29(*). Les contraintes auxquelles les USA font face aujourd'hui s'étendent à l'échelle de tout le continent africain. Leur prise en compte devrait permettre à Washington de perpétuer son influence à l'échelle globale. Parmi elles, l'on peut citer la présence grandissante de la Chine et d'autres Etats émergeants sur le continent, la croissance de nouvelles menaces qui entravent son accès aux ressources énergétiques. La stratégie de compétition chinoise par exemple, est basée sur le « Consensus de Beijing ». Contrairement au « Consensus de Washington », celui-ci vise un « développement sans condition »30(*). Par ailleurs, les exportations africaines vers Pékin ont cru de 40%. Elles sont en effet passées de 4,8 millions en 2001 à 28.8 millions USD en 200631(*). A cela s'ajoutent les nombreuses menaces qui planent sur les intérêts américains sur le continent. C'est le cas de la piraterie maritime ou encore du terrorisme. Tout ceci montre que le déploiement de la puissance américaine en Afrique se fait face à des réalités assez complexes qui entravent sans cesse ses actions. Ce qui nécessite une posture assez particulière.

2. Délimitation du sujet

La délimitation du sujet se fait sur le plan spatial (a) et sur celui temporel (b).

a. Délimitation spatiale

Le cadre spatial de notre travail est l'Afrique. Puisque ce continent, qui aujourd'hui, compte 54 Etats fait, depuis la chute du mur de Berlin, l'objet d'un important déploiement de la part des Etats-Unis. Et ce, pour y traquer les facteurs d'insécurité et pour s'approvisionner en ressources énergétiques. Malgré une prise en compte du continent dans sa généralité, il faut dire que certaines régions sont davantage ciblées par les actions de l'AFRICOM par rapport à d'autres. C'est le cas du Sahel, de la Corne de l'Afrique mais aussi du Golfe de Guinée qui vont faire l'objet d'un traitement particulier. Ce continent est hétérogène sur le plan sociologique. On y retrouve non seulement des populations francophones, anglophones mais aussi lusophones. Un bon nombre d'entre elles utilisant également des langues locales. Cette hétérogénéité sociologique se perçoit également à travers les appartenances religieuses. L'on y trouve ainsi des chrétiens, des musulmans ou encore des animistes.

L'autre composante spatiale de ce travail concerne les Etats-Unis. Puisque cet Etat fait montre aujourd'hui, d'une grande mobilisation pour les questions sécuritaires en Afrique. Washington investit le plus de moyens dans sa sécurité. Cela se traduit par le fait que ses dépenses militaires représentent entre 45 et 50% de celles mondiales32(*).

b. Délimitation temporelle

Le cadre temporel qui nous intéressera ici s'étend de 1990 à nos jours. Ce choix a été fait par ce que 1990 est la date du début d'une réelle implication des Etats-Unis dans les questions de sécurité en Afrique, en raison de la dissémination de la menace, y compris dans cette région qui jusque-là, avait été sous le joug des puissances européennes. Washington est passé d'une posture de retrait à une prise en charge des questions de sécurité sur le continent. Cette dynamique aboutit, en 2007 à la création d'un commandement unifié pour l'Afrique.

IV. REVUE DE LA LITTERATURE

Bien que sa création soit récente, l'AFRICOM a déjà fait l'objet d'une littérature non négligeable. Que ce soit de la part des chercheurs ou encore des autorités officielles. Leurs différentes contributions peuvent se classer en deux courants. Le premier regroupe ceux des auteurs qui adoptent une approche réaliste pour décrire cette structure pendant que le deuxième est constitué de ceux qui louent son altruisme. Ces perceptions se traduisent également dans la réception africaine de ce commandement.

v Les études liées à une perception réaliste de l'AFRICOM

Ici, ce qui est le plus mis en visibilité par les auteurs, c'est la défense et même la promotion des intérêts américains. C'est notamment le cas de Timothy A. HAZEN qui, dans son étude sur ce commandement, aborde la question des objectifs. Il estime en effet qu'il est destiné à faire coexister les activités civiles à côté de celles traditionnelles relevant de la force militaire. Ainsi, à côté de la formation des armées africaines et du soutien humanitaire qui relèvent du soft power, se trouve la lutte contre le terrorisme33(*). Par ailleurs, après une observation de ces activités, il note que cette institution est condamnée à mettre l'accent sur l'usage de la force militaire. Sinon il fera face à de nombreuses critiques et pire, il risquera d'entraver les intérêts américains sur le continent34(*).

Ces travaux ont le mérite d'aborder le champ d'action du commandement américain pour l'Afrique et surtout de montrer la nouvelle orientation de la politique sécuritaire des Etats-Unis sur le continent. C'est-à-dire celle qui perçoit les activités civiles comme étant des facteurs de prévention et de résolution des conflits. En outre cette étude montre la place prépondérante qu'occupe l'intérêt national dans l'agenda américain, en relevant la consubstantialité entre ce commandement et la lutte contre le terrorisme. Cependant, parlant des programmes de formation, l'auteur ne montre pas comment ils sont répartis à travers le continent et quels sont leurs implications sur la sécurité en Afrique.

Une approche semblable à celle-là est adoptée par Alain FOGUE. Pour lui, l'AFRICOM est une structure qui met l'accent sur la lutte contre le terrorisme et qui prend pour prétexte, les questions humanitaires, le développement, et la prévention des conflits en Afrique35(*). Sa vocation, poursuit-il est la lutte préventive et active contre le terrorisme dont la menace contre les intérêts américains en Afrique est une réalité. Il montre par ailleurs que sa création a été motivée par le souci de Washington de protéger ses intérêts sans cesse croissants sur le continent.

Cette démarche pour le moins réaliste est très proche de la notre parce que plaçant l'intérêt des Etats-Unis au centre même des préoccupations de cette structure. Cette étude a également la vertu de montrer la place périphérique qu'occupent les problématiques humanitaires et civiles dans l'agenda réel de l'AFRICOM. Etant donné que celles-ci ne servent que de tremplin à la réalisation des objectifs de politique étrangère des Etats-Unis. Mais, ce travail aborde plus la question des raisons qui ont présidé à la création du commandement américain pour Afrique. C'est-à-dire qu'il se focalise sur le pourquoi de sa mise sur pied. Si notre approche, comme celle d'Alain FOGUE, s'intéresse à la question du pourquoi, elle répond plus à une démarche appréciative du fonctionnement et du déploiement de cette institution. Et c'est à travers cette appréciation que nous espérons identifier les motivations géopolitiques qui ont conduit à sa création. Nous essayons également de dégager les grandes tendances qui en découlent mais aussi d'aborder l'aspect lié aux résultats.

De son coté, Stefan GÄNZLE écrit que le commandement Américain répond à un souci du DOD de jouer un rôle majeur dans la formulation et la conception de la politique étrangère de Washington en Afrique36(*). La création de cette structure, d'après lui, permet au Pentagone d'avoir une place importante dans le trio « développement, diplomatie et défense » en matière de politique africaine. Cela étant du à l'impératif de lutte contre le terrorisme sur le continent37(*). La composante civile est, selon lui, instrumentalisée pour une meilleure acceptation des actions du Pentagone38(*).

Ce travail est important dans la mesure où il trouve en la lutte contre le terrorisme, la raison fondamentale de la création du commandement américain. Tout comme dans les travaux évoqués plus haut, l'intérêt des Etats-Unis est mis en avant. Il nous permet de comprendre pourquoi ce commandement militaire associe des civils. Mais il n'aborde pas les conséquences de cette militarisation de la politique étrangère américaine sur le continent. Puisque sur le plan des faits, celle-ci commence à produire des résultats. Un autre aspect qu'élude ce travail concerne les conséquences de la focalisation de l'AFRICOM sur la défense des intérêts américains.

v Travaux portant sur une vision altruiste de l'AFRICOM

Dans ce groupe, les auteurs s'attèlent à montrer la bienveillance du commandement américain pour l'Afrique. C'est notamment le cas soit des autorités américaines, soit de chercheurs associés à l'opération de charme à la quelle s'est livré Washington pour légitimer sa nouvelle structure.

C'est notamment le cas de Theresa WHELAN. Après avoir rassuré que la création de l'AFRICOM n'aura aucun impact sur la souveraineté des Etats Africains, elle avait précisé que cette structure était destinée à renforcer le partenariat entre Washington et les Etats du continent. De telle manière que celui-ci soit bénéfique pour tous39(*). Unique en son genre du fait de la participation des civils, ce commandement va surtout s'atteler à travailler avec les africains pour les aider à faire face aux défis sécuritaires liés à l'assistance humanitaire, à l'aide en cas de catastrophe, aux maladies, à la déforestation, à l'action civique ainsi qu'à la construction des capacités des armées africaines40(*).

Ces déclarations de WHELAN Theresa montrent la reconversion civile du traitement de l'insécurité en Afrique. Celle-ci n'étant plus seulement basée sur des menaces militaires mais également sur le délabrement de la structure sociale du fait de la mauvaise gouvernance, de la multiplication des conflits internes et du manque des capacités régulatrices de l'Etat. Cependant, cette présentation du commandement américain élude - peut-être à dessein - d'aborder la question de la défense des intérêts stratégiques.

Allant quelque peu dans le même sens, Rich JUERGENS pense que l'AFRICOM est différent des autres commandements combattants. En effet, contrairement à l'EUCOM, au PACOM ou encore au CENTCOM, cette structure n'a pas pour mission principale de mener des opérations militaires. Il s'agit plutôt de construire les capacités des armées partenaires, de promouvoir la démocratie, la croissance économique ou encore de favoriser l'éclosion d'un marché libre41(*). L'autre marque de la spécificité de ce commandement est sa structure interministérielle qui tranche avec celles des autres commandements américains42(*).

Démontrer la spécificité du commandement américain pour l'Afrique permet de voir le souci de Washington d'adapter sa nouvelle stratégie aux réalités africaines. Puisque l'environnement sécuritaire de ce continent ne répond pas aux exigences stratégiques post- Guerre Froide qui ont présidé à la mise sur pied des autres Commandements. Mais ce travail présente la faiblesse de ne pas montrer si l'AFRICOM fonctionne vraiment comme il a été annoncé par les autorités américaines et si il se démarque vraiment de l'approche traditionnelle dans la quelle sont inscrits les autres. C'est-à-dire la priorisation des opérations militaires.

v Sur la réception de l'AFRICOM en Afrique

Le commandement américain pour l'Afrique a fait l'objet d'une véritable polémique dès sa création. Il n'a pas suscité autant d'enthousiasme qu'espéraient les autorités américaines. Cette réception a été duale. Certains y étaient favorables tandis que d'autres en étaient réfractaires.

Ø L'opinion défavorable à l'AFRICOM.

Cette tendance était animée soit par des hommes politiques, soit par des scientifiques, ou encore par des journalistes, sans compter l'opinion publique africaine d'une manière générale. Pour M. SAADOUNE, cette institution essuie de nombreuses critiques. Certains considèrent qu'elle consacre la militarisation de la politique extérieure américaine sur le continent43(*). Cet auteur prend l'exemple de Mark FANCHER, membre de la conférence américaine des avocats noirs. Pour ce dernier en effet, ce commandement n'est rien d'autre qu'un instrument visant à garantir l'accès de l'industrie pétrolière américaine aux larges réserves énergétiques de l'Afrique44(*).

Ces travaux ont le mérite de montrer le degré d'hostilité des africains à l'égard de la mise sur pied de ce cette structure. Ils montrent toute la difficulté qu'éprouvent les américains à se déployer sur le continent. L'on peut comprendre avec SAADOUNE que l'opposition à l'AFRICOM ne se déroule pas uniquement en Afrique. Mais également sur le territoire américain. Notamment au sein de la communauté noire plus ou moins solidaire de ses « frères » africains. Face à cette opposition, l'on pourrait également avoir l'impression que finalement les africains ont compris les enjeux stratégiques qui entourent le déploiement américain sur leur sol. Ces derniers éprouveraient ainsi une crainte face à la militarisation de leur continent.

C'est justement ce que l'on peut reprocher à ces travaux. Puisqu'ils n'expliquent pas ce qui pourrait être à la base de ce sursaut « patriotique » brusque. Est-ce le résultat d'un processus d'éveil stratégique ? Ou alors un simple mouvement d'humeur. Par ailleurs, ces travaux s'attèlent à montrer la posture des africains face à l'AFRICOM sans montrer son véritable déploiement sur le continent. C'est justement là un des points focaux de notre travail.

Pour sa part, Amadou BAMBA NIANG stigmatise ce commandement. Il pense que son objectif principal est de mettre l'Afrique sous-tutelle. C'est depuis les années 1990 que le général James Jones, commandant de l'EUCOM, note l'importance de la mise sur pied d'un commandement unifié pour l'Afrique. Malgré les messages de bienveillance qu'envoient l'amiral Robert MOELLER, l'installation de l'AFRICOM sur le continent le mettra en ligne de mire de tous les groupes anti-américains dont les actions pourront s'intensifier sur le continent45(*).

Ces travaux de NIANG établissent bien un lien entre la militarisation de l'Afrique par Washington et la possibilité de l'augmentation de l'insécurité. Etant donné que l'installation des infrastructures de l'AFRICOM dans un Etat, du coup l'expose aux attaques de certains groupes politico-militaires actifs sur le continent. L'auteur soulève un aspect qui parait assez pédagogique. Celui-ci est lié au danger que représente l'assistance militaire américaine pour les Etats africains. En réalité, plus on bénéficie des « faveurs », de la superpuissance46(*), plus on apparait comme l'ennemi des groupes armés africains. C'est une thèse qui s'est vérifiée notamment lors de l'attaque du centre de Westgate au Kenya, le 21 Septembre 2013. Cela n'est pas surprenant lorsqu'on sait que ca pays est l'un des principaux bénéficiaires de l'aide militaire américaine sur le continent.

Si les revers de l'aide militaire américaine sont mis en lumière ici, l'on peut tout de même noter l'absence de l'analyse liée au rôle que pourraient jouer les principaux alliés de l'AFRICOM. L'auteur aurait pu explorer le rôle que jouent des Etats comme l'Ethiopie, le Maroc ou encore le Nigéria qui ont ce statut. Par ailleurs, il insiste sur des conjectures liées à la mise sur pied de l'AFRICOM. Même s'il se base sur l'expérience, il reste focalisé sur des probabilités sans apprécier la réalité des actions de cette institution.

Ø L'opinion favorable à l'AFRICOM

Si l'opinion africaine a été en majeure partie défavorable à la mise sur pied du commandement américain pour l'Afrique, quelques voix se sont tout de même levées pour exprimer leur adhésion. La plus intéressante et la plus polémique est sans doute celle de la présidente Ellen Johnson Sirleaf. L'acceptation par la présidente libérienne de l'AFRICOM est soulevée par allAfrica dans un article47(*). Celui-ci revient sur un rapport publié en 2011 et qui explique les véritables raisons de ce soutien à l'institution américaine. L'on peut y lire que l'objectif, pour la présidente Ellen Johnson, est de protéger et promouvoir les intérêts de certaines industries américaines. Notamment la Soros Fund Management ainsi que la Newmont Mining Corporation, respectivement dirigées par Georges Soros et Nathaniel Rothschild. Tous les deux sont de grands hommes d'affaires américains qui ont de l'influence dans la politique de leur pays. Ils sont, selon ce rapport, impliqués dans la reconfiguration du paysage politique de plusieurs Etats africains. Alors, en demandant l'installation de la base de l'AFRICOM dans son pays, Ellen Johnson voulait se positionner comme une alliée importante de Washington sur le continent48(*). C'est en récompense de cela, selon cet auteur, qu'elle a reçu le Prix Nobel de la Paix juste avant les élections de 2011. L'objectif étant de favoriser sa victoire lors de ce scrutin.

L'on voit bien qu'il est évoqué ici certains des problèmes les plus fondamentaux du continent africain, à savoir la cécité stratégique et le manque de volonté politique. L'auteur montre bien comment un dirigeant préfère brader son pays, voire tout un continent au profit de ses intérêts personnels et de ses calculs politiques. Il est également mis en exergue, le jeu trouble auquel jouent certains chefs d'Etats avec des industriels étrangers. Donnant du coup à ces derniers, un énorme pouvoir dans le jeu politique de leurs pays. L'auteur présente avec une pertinence certaine, le prototype même des dirigeants de l'Etat postcolonial. Ceux qui n'ont pas le courage de refuser ou au moins de dénoncer la domination extérieure. Ceux qui se soucient très peu de l'avenir de leurs populations. Enfin, un autre aspect intéressant de ce travail est la mise à nue du rôle des grands groupes industriels dans la politique extérieure des Etats. Ceux-ci, forts de leur pouvoir financier, financent les campagnes électorales de différents candidats. En retour, leurs préférences sont mises en avant dans l'agenda du président élu. Ils peuvent ainsi « dicter leurs lois » dans la politique internationale. Y compris en matière de reconfiguration du paysage politique des Etats étrangers.

Si ce travail identifie le positionnement politique de la présidente libérienne comme étant le principal facteur de son soutien à l'AFRICOM, il omet de souligner les besoins liés la réhabilitation de l'appareil sécuritaire. Cela est pertinent dans la mesure où ce pays sort d'une guerre très sanglante. L'une des conséquences étant l'hyper-fragilisation du dispositif sécuritaire national. Si l'AFRICOM s'intéresse notamment à la formation des armées, on pourrait comprendre le besoin du Libéria de bénéficier de cet « avantage » en ayant sa base sur son territoire.

Il ya également un besoin pour cet Etat de l'Afrique de l'Ouest de jouer un rôle géopolitique important. Puisqu'en se positionnant comme pivot américain dans la région, il pourrait se servir de cette influence pour avoir une emprise sur les questions sécuritaires et politiques qui y sont soulevées. Il pourrait alors passer d'un petit Etat perdu aux confins de l'Afrique à un acteur géopolitique important. C'est justement un des aspects les plus importants qu'aborde notre étude.

V. PROBLEMATIQUE

La politique étrangère des Etats-Unis a traditionnellement considéré l'Afrique comme étant périphérique par rapports aux intérêts géostratégiques américains à travers le monde. Si depuis la fin de la guerre froide, l'on a perçu certaines actions de cet Etat en faveur de la sécurité sur le continent, cette tendance va s'intensifier après les attentats du 11 Septembre 2001, avec la mise sur pied de plusieurs programmes d'assistance militaire. Ce continent commençait alors à devenir un enjeu sécuritaire important pour Washington.

L'engagement américain pour les questions de sécurité en Afrique connait un tournant décisif lorsque l'administration Bush décide de créer, le 6 Février 2007, un commandement unifié dédié à cette partie du monde. Cet acte est considéré comme étant inédit. Puisque jusqu'ici, la tâche désormais dévolue à l'AFRICOM était autrefois assurée par trois commandements différents que sont le PACOM, l'EUCOM et le CENTCOM. La création de cette structure s'inscrit dans une logique d'évolution de la doctrine américaine de sécurité dans le monde. Et ce suite aux expériences douloureuses d'Irak et d'Afghanistan. On comprend logiquement pourquoi sa mise sur pied s'est accompagnée d'une grande mobilisation discursive de la part des autorités américaines. Et ceci en vue, non seulement d'affirmer sa spécificité, mais également de faire taire les critiques y relatives. Ce discours insistait surtout sur la bienveillance de cette institution en mettant en avant l'assistance humanitaire, sécuritaire ou encore le développement économique et la bonne gouvernance en Afrique. Cependant, l'appréciation du déploiement du commandement américain pour l'Afrique nécessite une plus grande lucidité. Une telle grille de lecture devant permettre de mieux appréhender les objectifs de cette institution.

QUESTION PRINCIPALE :

Alors, face à l'environnement stratégique africain, quelles sont les motivations géostratégiques et géopolitiques qui ont présidé à la mise sur pied de l'AFRICOM ?

QUESTION SECONDAIRES :

Qu'est-ce qui explique l'implication des Etats-Unis dans les questions sécuritaires en Afrique au point de créer un commandement qui lui est uniquement dédié ? Qu'est-ce qui explique l'évolution que connait la doctrine américaine de sécurité en Afrique ?

A quels résultats aboutit la formation que proposent les Etats-Unis aux armées africaines notamment sur le plan de la performance et de la stabilité régionale ?

VI. HYPOTHESES

Comme tout travail scientifique, notre étude part d'une hypothèse principale (1) et des hypothèses secondaires (2).

1. Hypothèse principale

Au travers du déploiement de l'AFRICOM en Afrique, il est possible de comprendre que sa mise sur pied a été motivée non seulement par le souci de Washington d'adapter ses réponses sécuritaires à l'environnement stratégique africain, marqué par la prégnance de nouvelles menaces, mais également par le besoin du renforcement de ses capacités militaires sur le terrain. Et ce afin de mieux dissuader les puissances émergentes qui y sont en pleine expansion et tous ceux qui s'attaquent aux intérêts américains.

2. Hypothèses secondaires

Dans le souci de s'adapter aux réalités sécuritaires africaines, le commandement américain fait de l'assistance sécuritaire, un référentiel important de son agenda. Pour cela, il propose aux africains,de multiples programmes de formation et exercices qu'il organise annuellement. Cette démarche vise à les rendre capables de faire face aux nouvelles menaces dans un contexte marqué par une évolution de l'environnement sécuritaire.

Malgré la bienveillance dont fait preuve, le discours officiel américain, l'AFRICOM demeure fidèle à la culture stratégique américaine qui met en bonne place, l'usage ferme de la force militaire dans l'engagement extérieur. Cette posture permet à Washington de mieux répondre aux contraintes géostratégiques liées à la promotion de ses intérêts en Afrique.

VII. CONSTRUCTION DE LA DEMARCHE

Après avoir déterminé notre approche théorique(1), nous allons tabler sur nos choix méthodologiques(2).

1. Approche théorique

Dans le cadre de ce travail, nous allons mobiliser la théorie réaliste. Car, elle permettrait le mieux d'analyser ce sujet. Selon les réalistes, les Etats sont les principaux acteurs des relations internationales, ils sont motivés par la défense de leurs intérêts définis en termes de puissance49(*) et la confrontation d'intérêts opposés condamne la scène internationale à de nombreux conflits. Cette théorie nous permet de mieux percevoir les visées stratégiques de l'AFRICOM en Afrique et les stratégies des Etats de la zone pour tirer un bénéfice de ce partenariat.

L'autre théorie pertinente ici est celle constructiviste. Elle postule que les objets n'ont pas de réalité matérielle, mais n'existent que parce qu'un ensemble de personnes croient et disent qu'ils existent et agissent en conséquence50(*). Toujours selon cette théorie, la politique mondiale est déterminée par une structure cognitive composée des idées, croyances, valeurs, normes et institutions partagées par les acteurs51(*). Le constructivisme permettra de faire ressortir les processus cognitifs qui président à la définition et à la désignation des menaces par l'acteur qui, ici est la puissance américaine.

2. Approche méthodologique

Elle concerne la collecte (a) et l'analyse des données (b).

a. Collecte des données

Relativement aux techniques de collecte des données, nous allons recourir à la recherche documentaire - en analysant des documents officiels, des ouvrages, des articles de presse et autres revues scientifiques -. Nous mobiliserons également la recherche empirique par le canal des entretiens individuels effectués avec des officiers américains et africains.

b. Analyse des données

Les sciences sociales proposent un arsenal méthodologique pour analyser les faits et autres données à la disposition du chercheur. Dans le cadre de notre recherche, nous mobiliserons la méthode historique. En effet, en tant qu'instrument de l'explication causale, cette méthode participe de l'étude des phénomènes sociaux en marche. Car, on peut difficilement imaginer une explication qui ne soit diachronique, c'est-à-dire génétique et donc révélatrice des changements et des métamorphoses52(*). Cette méthode permettra de montrer la trajectoire du partenariat stratégique des Etats-Unis en Afrique. Cependant, du fait des limites de l'approche diachronique - étant plus descriptive qu'explicative - l'on va lui ajouter le fonctionnalisme. Cette méthode répond plus à une démarche synchronique. C'est-à-dire qu'elle s'attache à mettre en lumière les rapports qui relient entre eux, les phénomènes qui se produisent simultanément53(*). Cette méthode nous permettra de mieux cerner les contours de ce sujet. Elle repose sur la notion de fonction qui se rapporte « aux processus vitaux ou organiques dans la mesure où ils contribuent au maintien de l'organisme »54(*). Le fonctionnalisme va nous permettre d'explorer les fonctions manifestes et latentes du commandement américain pour l'Afrique.

L'analysestratégique apparait comme une méthode pertinente pouvant permettre une meilleure explication des rapports existant entre les acteurs évoqués dans cette étude. La mobilisation de la stratégie comme cadre d'analyse présente en effet un certain nombre d'avantages. Elle pourrait notamment bien renseigner sur les finalités réelles de l'AFRICOM. Cela est vrai dans la mesure où l'action finalisée est au coeur de toute stratégie55(*). Cette dernière elle-même consiste à mettre en oeuvre une praxis avec une certaine logique, elle est une gestion de la fin, des voies et des moyens, donc la stratégie est une façon de conduire l'action56(*). La référence à l'analyse stratégique permettra ainsi d'explorer la démarche, les logiques, les moyens et même les intelligences de ce commandement dans la perspective d'atteindre ses objectifs.

VIII. PLAN D'ORGANISATION DU TRAVAIL

Les principaux axes d'analyse qui constituent l'architecture de ce travail sont au nombre de deux. Le premier concerne l'AFRICOM et le renforcement des capacités des armées africaines (première partie) tandis que le deuxième montre le rôle de cette institution dans le renforcement de la présence militaire américaine en Afrique (deuxième partie).

PREMIERE PARTIE 

L'AFRICOM ET LE RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ARMEES AFRICAINES

Depuis les attentats du 11 Septembre 2001, après ceux de Dar Es-Salaam et de Nairobi en 1998, l'Afrique est durablement inscrite dans la riposte planétaire contre le terrorisme lancée par les Etats-Unis. Ce continent qui jusque-là n'était que très périphérique dans la planification stratégique américaine, du coup, acquiert de l'importance aux yeux de la superpuissance. Afin de prévenir les flux probables des membres d'Al-Qaïda vers la Corne de l'Afrique du fait de l'intervention en Afghanistan, en Octobre 2001, Washington décide d'y créer la CJTF-HOA. Mise sur pied en Octobre 2002 par le CENTCOM, cette force multinationale sous commandement américain est transférée, le premier Octobre 2008, au commandement américain pour l'Afrique. La création d'un commandement spécifique pour ce continent marque le début d'une ère nouvelle dans les relations américano-africaines. Non seulement, elle révèle la place désormais importante qu'occupe l'Afrique dans le dispositif géopolitique américain, mais également elle traduit la volonté de Washington de prendre en charge les problématiques sécuritaires locales. Or si l'insécurité est l'une des variables explicatives de la réorientation de ce pays vers le continent, celle-ci revêt un aspect particulier. Elle n'est plus forcément le fait d'une puissance rivale, mais de plus en plus de groupuscules disséminés et imprévisibles. Faire face à de telles menaces exige un engagement de proximité et de contact loin du « fétichisme technologique » qu'alimentait la Révolution dans les Affaires Militaires (RMA)57(*).

En effet, Dans un contexte marqué par des guerres de faible ampleur et dont l'inéluctabilité du contact est de mise, les américains redoutent le « syndrome somalien ». Car le peuple américain est réticent aux engagements militaires extérieurs parce qu'ils engendrent des pertes. Or d'après l'opinion américaine, la vie américaine est sacrée58(*). Dans le souci de concilier nécessité de traitement de l'insécurité et préservation des vies américaines, les autorités de Washington optent pour la formation de « Proxy forces ». Il s'agit de forces sous-traitantes combattant au profit des intérêts américains59(*). Pour y parvenir, l'AFRICOM met l'accent sur le renforcement des capacités des armées africaines.

Depuis les attentats du 11 Septembre 2001, le continent africain est considéré comme un vivier pour le terrorisme international. Les Etats africains ne contrôlant pas l'ensemble de leurs espaces territoriaux, du fait du manque de moyens financiers, matériels et humains. C'est dans ce sens que l'habilitation des forces africaines apparaît de manière claire dans le discours politique qui accompagne la mise sur pied du commandement américain. Il s'agit ici de pallier les carences des armées africaines et de les rendre plus efficaces face aux nouvelles menaces. Cependant, même si des programmes d'assistance sécuritaire sont mis en pratique avec en bonne place, la formation militaire (Chapitre I), ceux-ci ont néanmoins, malgré leur raison d'être, certaines tendances et certains résultats qui méritent d'être évoqués au travers d'une analyse critique (Chapitre II).

Chapitre I : La place de la formation militaire dans l'agenda de l'AFRICOM

Lors de sa création le 6 Février 2007, les autorités américaines assignaient un certain nombre de missions au commandement dédié à l'Afrique. Parlant de cette institution, Theresa WHELAN énonçait que: «this new Command will strengthen our security cooperation with Africa and help to create new opportunities to bolster the capabilities of our partners in Africa...»60(*). Cette déclaration est assez représentative de la place qu'occupe la formation militaire dans l'agenda de cette structure. Vu sous cet angle, ce commandement s'écarte en principe de la ligne directrice des cinq autres. La plupart d'entre eux étant nés au sortir de la seconde guerre mondiale. Mis sur pied depuis 1945, ce réseau de commandements avait pour principale mission, d'endiguer l'expansion de l'Union Soviétique. Il s'agissait également pour les Etats-Unis d'assurer une permanence mondiale contre une menace croissante et multiple et de contrôler plusieurs crises simultanément61(*). Or le contexte de création de l'AFRICOM n'est pas le même. Car, même si la Chine est un adversaire de plus en plus sérieux pour Washington, elle ne l'est pas autant que l'était l'URSS. Par ailleurs, l'opposition entre Washington et Pékin est plus économique et commerciale. C'est peut-être pour cela que les ambitions militaires de cette institution ne sont pas affirmées avec la plus grande fermeté et la plus grande visibilité. Elle s'attèle plutôt - officiellement - à former les armées africaines. Répondant ainsi à un encadrement doctrinal spécifique (Section I), avec une place centrale reconnue à la formation militaire (Section II).

SECTION I : ENCADREMENT DOCTRINAL DE L'AFRICOM

L'AFRICOM, à en croire les autorités américaines, présente un caractère particulier en ceci qu'il n'est pas concentré sur le combat tel que c'est le cas avec les autres commandements combattants américains dans le monde, mais plutôt sur la prévention des conflits62(*). Cette démarche est l'aboutissement d'une évolution doctrinale qui consacre l'approche globale de la sécurité comme nouveau paradigme d'engagement militaire américain (A), une telle doctrine présentant de nombreux enjeux dans l'environnement africain (B).

A. L'évolution de la doctrine sécuritaire américaine en Afrique depuis 1990

Face à une multiplication des conflits post-guerre froide en Afrique, les Etats-Unis ont fait preuve d'une certaine prudence relativement aux interventions militaires directes sur le continent africain. Privilégiant plutôt l'assistance militaire. Cette dynamique s'accentue avec l'échec de l'intervention en Somalie où 18 soldats américains avaient perdu la vie63(*). La chute de l'URSS ayant érigé les Etats-Unis en superpuissance, ces derniers vont se concentrer sur les Military Operations Other Than War (MOOTW) (1) qui seront plus tard remplacées par les opérations dites de Stability Operations (2).

1. La doctrine «Military Operations Other Than War»

Depuis la fin de la Guerre Froide, l'engagement sécuritaire américain sur le continent africain s'est opéré dans le cadre d'une doctrine militaire baptisée Military Operations Other Than War ou opérations militaires autres que la guerre. Définie par le Département de la Défense et publiée le 16 Juin 1995, elle est basée sur le postulat selon lequel dans un contexte d'incertitude - lié à l'effondrement de l'URSS, - seule la suprématie militaire peut garantir une assurance contre la nouvelle donne64(*). Cette doctrine a également pour arrière-plan, la doctrine de sécurité américaine annoncée à Aspen en Aout 1990. Celle-ci insistait sur la nécessité de la présence à l'avant destinée à manifester l' « engagement en temps de paix » pour la protection de leurs intérêts à l'étranger, la capacité de réponse rapide et efficace aux crises régionales et l'aptitude à reconstituer des moyens de défense important au cas où l'Union Soviétique redeviendrait une menace65(*).

La doctrine MOOTW fait suite à un rapport du Département de la Défense paru dans la Bottom-up review publiée en Octobre 1993. Les conclusions de ces travaux mettent l'accent sur une stratégie fondée sur l'engagement, la prévention et le partenariat, afin de contrer les risques et de saisir les opportunités offertes par la nouvelle ère66(*). En tant que paradigme d'engagement militaire, cette doctrine consacre l'utilisation des capacités militaires dans des opérations militaires autres que le combat direct généralement dans un cadre multinational ou interministériel67(*).

Fondées sur la prévention des conflits, les MOOTW englobent les opérations en faveur de la paix, les actions humanitaires effectuées par les armées ainsi que toutes interventions militaires de nature limitée. Ces opérations se rangent sous deux groupes. Celles qui se font en temps de paix, il s'agit notamment de la lutte contre la drogue, du secours apporté en cas de catastrophe, du soutien aux autorités civiles, de la construction de la paix et de l'assistance extérieure68(*). Le deuxième concerne celles des opérations qui se déroulent dans un environnement conflictuel. L'on peut noter ici, des frappes et des raids qui seraient le fait des forces américaines, des opérations d'imposition de la paix, de soutien à une insurrection, des actions anti-terroristes, ou des missions de maintien de la paix69(*). C'est cette doctrine qui a présidé à la mise en place d'institutions telles que la Force de Réponse aux crises Africaines (ACRF) lancée en Septembre 1996. Celle-ci sera très vite remplacée par l'Initiative de Réponse aux Crises africaines (ACRI) destinée à former les officiers africains dans le maintien de la paix tel que défini par le Chapitre VI de la charte des Nations Unies. Cette initiative sera elle-même remplacée par African Contigency Operations Training and Assistance (ACOTA). Créée en 2004, cette dernière est destinée à renforcer les capacités des armées africaines à participer à des opérations militaires telles que définies dans le chapitre VII de la Charte des Nations Unies70(*).

Parmi les autres programmes de formation qui ont été mis sur pied dans le cadre de cette doctrine, l'on peut citer l'International Military Education Training (IMET). Ce programme prévoit la formation d'officiers dans les écoles américaines. Ainsi, jusqu'en 2001, les militaires de 31 Pays africains y avaient reçu un enseignement71(*). Si la doctrine MOOTW s'est avérée importante dans le sens du renforcement des capacités des armées africaines pour faire face à la prolifération des conflits de l'ère post-guerre froide, celle-ci s'est avérée particulièrement nocive face à un environnement sécuritaire évolutif. Pour le général Vincent DESPORTES, elle est très marquée par une culture classique et donc inadaptée à gérer les nouvelles formes de crises72(*). En effet, elle martèle que les armées existent « to win the Nation's War »73(*). C'est-à-dire pour gagner des guerres de nations. Ce qui relève pourtant de l'ancienne approche militariste. Sur le terrain la doctrine MOOTW s'est avérée limitée. D'où sa substitution par un autre paradigme d'engagement militaire qui se veut plus adapté.

2. La doctrine «Stability Operations»

Lorsqu'il s'interrogeait sur la « possibilité de trouver une façon efficace de n'utiliser qu'une partie de la puissance »74(*), Henry KISSINGER mettait à nu ce qui allait constituer l'un des obstacles les plus redoutables aux engagements militaires américains. Fondamentalement basée sur la suprématie militaire, l'action extérieure américaine rencontre de nombreuses difficultés. D'où le besoin d'une révision de la doctrine d'engagement.

Sur le plan théorique, le problème de la dialectique permanence/contingence du cadre d'action stratégique est clairement posé. Généralement, l'on identifie deux grandes tendances. La première, qui est représentée par Antoine Henry JOMINI, insiste sur l'existence de principes universels et immuables qui sous-tendent toute action stratégique. La deuxième représentée par Carl Von CLAUSEWITZ insiste sur l'incertitude permanente et donc sur la nécessaire révision de la doctrine d'action75(*). En effet, assimilant la stratégie à une science, JOMINI estime qu'elle peut être soumise à des maximes dogmatiques qui approchent les axiomes des sciences positives76(*). En d'autres termes, toute stratégie devrait obéir à des règles sécrétées par l'expérience historique et dont la négligence pourrait mener à l'échec. A l'opposé de cette conception, l'approche défendue par CLAUSEWITZ s'oppose à toute élaboration de règles. Pour lui, toute guerre - ou plus largement - toute stratégie est le royaume de l'incertitude et le domaine du hasard. En conséquence, les trois quarts des évènements sur lesquels repose l'action sont plongés dans le brouillard d'une incertitude plus ou moins profonde77(*). C'est tout le sens des concepts de « brouillard de la guerre » ou encore de « friction ». Les partisans de cette thèse montrent la difficulté de l'opérationnalisation de méthodes et techniques préalablement définies. Une telle situation est favorisée par l'imparfaite connaissance des intentions et des capacités de l'ennemi ; l'imprécision des calculs et des solutions78(*). Le Maréchal de SAXE notait déjà que « la guerre est une science couverte de ténèbres dans l'obscurité desquelles on ne marche pas d'un pas assuré »79(*). L'activité guerrière ou stratégique échapperait ainsi à toute schématisation ou mathématisation. C'est pourquoi, face à la complexité de l'environnement conflictuel, les théoriciens de la nature « artistique » de la stratégie estiment qu'elle doit être adaptée à un contexte particulier. Cela commande la définition de nouveaux objectifs politiques.

Ce débat paradigmatique entre permanence et contingence du cadre d'action stratégique renseigne assez bien sur l'évolution qu'a connue la doctrine d'engagement des Etats-Unis implémentée par l'AFRICOM. En effet, puisque fondée sur la suprématie militaire, la doctrine MOOTW s'avérait de plus en plus inadaptée face à l'évolution des réalités sécuritaires du monde. Les interventions militaires en Irak et en Afghanistan sur ce plan sont assez instructives. En Irak par exemple, malgré l'expédition militaire américaine, sur le plan politique, les tensions entre sunnites et chiites s'aggravent, ainsi que le conflit avec les Kurdes et le Premier ministre Nouri Al-Maliki n'est plus aimé ni par son gouvernement, ni par la population. Par ailleurs, la corruption s'est répandue dans tous les secteurs du pays, et la stabilité et la sécurité sont loin d'être rétablies80(*). Cet échec est également reconnu par le Département américain de la Défense qui note que la réussite d'une action étrangère ne s'apprécie pas que sur le plan militaire, mais aussi en termes de reconstruction des infrastructures, de soutien au développent économique, d'établissement de l'Etat de droit, d'instauration d'une gouvernance responsable, d'établissement des services essentiels, et de construction d'une nation où les autorités militaires sont soumises à celles civiles81(*).

En réalité, la sonnette d'alarme sur la nécessité de réviser la doctrine d'engagement extérieur des Etats-Unis a été tirée par l'US Marines Corps. C'était dans un document intitulé  « Marines Corps Concept for a Changing Security Environment ». Publié en 2006, ce document note l'importance mais également l'insuffisance des opérations militaires classiques. Il met alors l'accent sur l'entrainement et le conseil des forces de sécurité de la nation hôte, le rétablissement des services de base, la promotion de la bonne gouvernance ou encore le développement économique82(*). Le Marines Corps a été relayé par le secrétaire à la défense Robert Gates. S'opposant à la pensée militaire classique qui est animée par les élus et les grands groupes militaro-industriels, ce dernier indique un nouveau principe directeur pour la stratégie de défense nationale, à savoir l'équilibre. Il s'agit d'une meilleure intégration des moyens militaires et civils dans le sens d'une meilleure coopération civilo-militaire83(*). Ces recommandations de R. Gates sont pertinentes d'autant plus que dans les guerres d'aujourd'hui, l'efficacité militaire ne se mesure plus par le degré destruction - si chère à Washington - mais par la capacité des forces armées à créer les conditions d'un dialogue et d'un consensus politique84(*).

Cette inquiétude des autorités américaines relativement à leurs engagements militaires à l'étranger a entrainé la conception d'une nouvelle doctrine en 2010. C'est celle desStability Operations. Il s'agit d'une approche globale placée sous l'autorité du Département d'Etat en collaboration avec d'autres agences et services. Le concept de Stability Operations a trois composantes. Notamment, les activités de réponses initiales qui visent la création d'un environnement sain et sécurisé ainsi que la réponse aux besoins humanitaires immédiats de la population ; ensuite les activités de transformation qui concernent la sécurité dans son sens large, la reconstruction et l'habilitation des forces de sécurité partenaires ; enfin, les activités de soutien qui se focalisent sur les efforts à long terme destinés à reconstruire les capacités de l'Etat bénéficiaire et à créer des conditions favorables au développement durable85(*). Ainsi contrairement aux autres Commandements américains qui sont centrés sur le combat, l'AFRICOM insiste en priorité sur la prévention des conflits86(*). Ce commandement est considéré comme un laboratoire de mise en oeuvre expérimentale d'une approche globale de la sécurité. Puisque ses activités sont basées sur l'assistance sanitaire, l'aide humanitaire, l'action humanitaire contre les mines, la réponse aux catastrophes, la réforme du secteur de sécurité ainsi que sur les opérations de soutien à la paix87(*). C'est cet encadrement doctrinal qui fait du Commandement Américain pour l'Afrique, un commandement spécifique pouvant répondre à des enjeux spécifiques.

B. Les enjeux de la doctrine «Stability operations» 

Depuis son adoption en 2010, cette doctrine représente un grand espoir pour les autorités américaines. Puisqu'elle devrait permettre de mieux aborder les problématiques sécuritaires sur le continent. En réalité, il s'agit d'adapter les réponses sécuritaires américaines (2) à la spécificité de l'environnement africain (1).

1. la spécificité de l'environnement sécuritaire africain

Depuis la fin de la guerre froide, le continent africain se trouve dans une spirale conflictuelle qui s'assimile à une pandémie. En effet, ce continent est l'un des plus touchés par une suite ininterrompue de guerres permanentes et de violences folles88(*). Il s'agit en majeure partie de guerres intra-étatiques. On est passé des guerres interétatiques - dont le champ de références était structuré par un ordre politique articulé autour de l'Etat-nation - à des guerres où la destruction se fait de l'intérieur89(*). L'affrontement des volontés - dialectique des volontés, - en tant qu'essence de la stratégie n'a plus lieu entre les Etats. Il se déroule désormais au niveau des individus90(*). Ceux-ci s'opposent soit entre eux, soit à l'Etat auquel ils font un certain nombre de reproches.

Parmi les variables explicatives de ces conflits, se trouve en bonne place, le processus de démocratisation mal négocié qui avait donné lieu depuis 1990, à de nombreux conflits aux conséquences dramatiques91(*). Ainsi une rébellion serait la réaction à une répression politique. Par ailleurs, on peut également considérer les actions de ces groupes violents comme la recherche de la justice sociale. Il s'agit notamment de l'inégalité dans le revenu des ménages ainsi que l'inégalité dans la propriété des terres92(*). Cet aspect pose le problème de la bonne gouvernance politico-économique qui est encore quelque peu absente dans la gestion des Etats africains.

Cette multitude de conflits a des conséquences qui entament véritablement les capacités régulatrices et distributrices de l'Etat. En effet, pendant la guerre civile, l'Etat détourne une partie de ses ressources des activités productives vers des activités destructives. Le plus souvent, il augmente ses dépenses militaires. Or une telle augmentation présente le risque d'entrainer la diminution des sommes affectées à d'autres secteurs tels que la santé et l'infrastructure93(*). Le cas du Tchad est assez illustratif de la logique d'augmentation des dépenses militaires en période de conflit. En effet, depuis l'arrivée au pouvoir d'Idriss Déby en 1990, l'on a assisté à la signature des accords de paix entre le gouvernement et les rebelles du Mouvement pour la Démocratie et la Justice du Tchad (MDJT), notamment à Tripoli, en Janvier 2002. Ceux-ci prévoyaient la cessation des hostilités et l'amnistie générale. Cependant la résurgence des hostilités en Mars-Avril 2006 a entrainé une augmentation presque vertigineuse des dépenses militaires. Celles-ci sont passées de 68,9 millions USD en 2005 à 446,0 millions USD en 200794(*). Il fallait pour le président Déby, combattre les rebelles du Front Uni pour le Changement (FUC). Par ailleurs, entre 2002 et 2007, les dépenses consacrées aux secteurs sociaux n'ont augmenté que de 9% contre 19% pour le secteur de la sécurité. Pour être plus précis, la part des services sociaux dans les dépenses publiques de ce pays entre 2006 et 2008 est passée d'environ 23% à moins de 20%95(*).

Pour le cas du Mali, ce pays s'est vu envahir en Mars 2012 par des groupes insurgés de nature différente. Il s'agissait du Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA), Ansar Eddine, AQMI ou encore le MUJAO96(*).Cette invasion rapide s'explique par l'incapacité de cet Etat à assurer le contrôle sur l'ensemble de son territoire, ses capacités de régulation étant très réduites. En effet, suite à l'insurrection des Touaregs de 2000, le gouvernement s'est engagé dans une riposte dans le Nord du Pays. Les dépenses militaires franchissaient pour la première fois, la barre des 80 millions USD. En fait, celles-ci passaient de 76,3 millions en 1999 à 88,5 millions USD en 200097(*). Or malgré ces efforts qui permettent d'atteindre la somme de 153,0 millions USD en 201298(*), le pays ne sera pas épargné. Car il ne disposait que de 33 chars d'assaut (12 T-55 et 21 T-34 de fabrication russe) ; 2 BM-21 ; 8 canons D-30 et une dizaine d'obusier de différents calibres ; 4 avions de combat (MIG-21), 10 avions de transport, 4 hélicoptères d'interception et deux de transport99(*). Ce qui en fait une armée modeste et donc incapable d'assurer le contrôle de 1 240 192 km² de superficie. Ce pays devient donc une terre fertile à l'installation de groupes criminels divers.

Ceci montre clairement que la menace aux intérêts américains en Afrique n'est plus prioritairement liée à l'aspect militaire, mais plutôt au potentiel de fragilisation des Etats africains. Les facteurs les plus importants étant la pauvreté, la mauvaise gouvernance, les épidémies, le manque de démocratie ou encore les faibles capacités des forces de défense. Ce qui commande une adaptation des réponses sécuritaires américaines à l'environnement africain.

2. L'adaptation des réponses sécuritaires à l'environnement africain

Depuis la chute du mur de Berlin et surtout les attentats du 11 Septembre, l'Afrique représente un enjeu important pour la sécurité américaine. En effet, selon les autorités américaines, ce continent s'avère particulièrement fertile aux nouvelles menaces comme le terrorisme, la piraterie maritime ainsi que diverses activités criminelles. Washington attribue cet état de choses à l'incapacité des africains à contrôler l'ensemble de leurs territoires. Pour désigner ces Etats, le Département d'Etat américain parle fort-à-propos d'Etats défaillants (falling states), d'Etats fragiles (weak states) et même souvent d'Etats faillis (failled states). Ce dernier type d'Etat est celui qui exerce une autorité limitée sur son territoire et qui abrite des zones de « non-droit »100(*). Cette réalité a fait dire au gouvernement américain que : « Weak State like Afghanistan, can pose as great danger to our national interest as strong »101(*). Pourtant tel qu'indiqué plus haut, certains Etats africains présentent ces caractéristiques.

La réduction des capacités de régulation inhérente aux conflits et à l'insuffisance des moyens met à rude épreuve, la sécurité américaine. Etant donné que certaines régions africaines sont devenues des havres pour les terroristes. Parce que disposant de grands « espaces non gouvernés » qui permettent aux terroristes et criminels de se réfugier, acquérir et entreposer des armes, recruter des membres et surtout mener des opérations102(*). C'est le cas du Sahara, qui, en quelques années est devenu un espace de « non-droit » où les contrebandiers et trafiquants en tout genre ont tracé une série de pistes en marge des voies officielles, où les migrants développent leurs propres réseaux de route et où AQMI a pris possession du Nord-est du Mali qui échappe à l'autorité de l'Etat central103(*). Dans un tel contexte caractérisé par l'asymétrie qui est une forme de menace multiple, diffuse et imprévisible, l'adoption d'approches militaires classiques liées au combat s'avère limitée. Il faut pour cela mettre en place des approches multiples, afin de la contrer104(*). Cette menace est liée à des problèmes sociaux courants tels que le bien-être, la santé, l'éducation, la démocratie. C'est toute la signification du concept de sécurité humaine. L'on comprend ainsi le sens de la doctrine Stability Operations qui semble plus adaptée à un tel environnement sécuritaire. Puisqu'abordant la sécurité dans son sens le plus large afin de prévenir les crises.

La définition de la sécurité des Etats-Unis rime désormais avec la stabilité des Etats africains. C'est la raison pour laquelle, «Preventing conflicts, stabilizing crisis and building security sector capacity are essential elements of America's National Security approach»105(*). Cette approche proactive destinée à éviter les conflits reflète l'évolution de la stratégie du Département de la Défense. Ainsi, il affirme: «We want to help develop a stable environment in which civil society can be built and that the quality of life for the citizenry can be improved»106(*). Le nouveau paradigme d'engagement militaire américain est donc beaucoup plus basé sur la prévention que sur la réaction.

La focalisation de Washington sur le facteur humain - qui est central dans la conflictualité contemporaine - pourrait faire croire que finalement, ce pays a abandonné l'un des principes fondamentaux de sa culture stratégique. C'est-à-dire qu'il a cessé non seulement de se prévaloir de son statut d'hyperpuissance - qui conduit à l'«over-confidence » - mais également de mépriser l'ennemi107(*). Cette tendance laisse également transparaître une sorte de politisation de la stratégie américaine tant souhaitée par l'Amiral Mullen. Ce dernier, lors de son discours du 3 Mars 2010 à l'Université du Texas, avait proposé une relecture de la culture stratégique de son pays. Rejetant l'idée de rupture entre action politique et action des armées, il estime que la défense et la diplomatie ne sont pas exclusives chacune mais doivent se compléter tout au long du processus compliqué de l'action internationale108(*). Il s'agit donc d'une réorientation clausewitzienne de la pensée militaire américaine. Cette-à-dire que les autorités américaines ressentent désormais le besoin de subordonner l'action militaire à des objectifs politiques plus larges. Notamment ceux liés à la construction d'une société stable et autonome. C'est la raison pour laquelle l'AFRICOM met en bonne place, la formation des armées africaines pour que celles-ci puissent assurer elles-mêmes leur propre sécurité.

SECTION II - LA FORMATION MILITAIRE : UN REFERENTIEL IMPORTANT DANS LE FONCTIONNEMENT DE L'AFRICOM

Dans la nouvelle stratégie du DOD en Afrique, la sous-traitance des questions de sécurité aux forces africaines est cardinale. Pour y parvenir, le nouveau Commandement américain qui a la charge de la mise en oeuvre de cette stratégie, assure la formation des armées africaines pour les rendre capables de faire face aux défis sécuritaires sur le continent. D'ailleurs, parlant de l'AFRICOM, le DOD avait précisé : « Its principal mission will be in the area of security cooperation and building partnership capability.» Cette déclaration montre la place importante qu'occupe la coopération sécuritaire dans les objectifs du commandement américain. Cette activité est en majeure partie focalisée sur la lutte contre le terrorisme (A) ainsi que sur la lutte contre la piraterie maritime (B).

A. La mobilisation américaine en faveur de la lutte contre le terrorisme en Afrique

Dans le cadre de la Global War On Terror (GWOT) engagée par l'administration Bush en 2001, l'Afrique est un client assez important. En effet, c'est sur ce continent que deux ambassades américaines ont été visées par la nébuleuse Al-Qaïda en 1998. Il s'agit de celles de Nairobi et de Dar es-Salaam. Les attentats du 11 Septembre 2001 ont accru l'inquiétude des autorités américaines de voir ce continent devenir un véritable bastion terroriste. Pour prévenir cette éventualité, l'AFRICOM s'attèle à combattre la menace terroriste toujours prégnante sur le continent (1) en multipliant des programmes de lutte contre le terrorisme (2).

1. Prégnance de la menace terroriste en Afrique

Carte n°2 : le terrorisme en Afrique. Sources : journal.liberation.fr , consulté le 7 Septembre 2014

Depuis l'éviction du FIS (Front Islamique du Salut), vainqueur des élections algériennes de 1992, ce pays fait face à une grande insurrection. En effet, sous l'effet de la frustration, ce mouvement politique se transformera en GIA (Groupe Islamique Armé) et entrera dans la clandestinité pour combattre le gouvernement. Devenue GSPC en 1998, cette insurrection connaît une évolution doctrinale qui sera consacrée par son alliance, le 11 Septembre 2006, à Al-Qaïda, devenant Al-Qaïda au Maghreb Islamique109(*). Dans le nouveau label, l'objectif est de mener le jihad non seulement en Algérie, mais aussi à d'autres pays du Maghreb tels que le Maroc, la Libye, ou encore la Tunisie110(*). Au vu de l'extension géographique de ce groupe et des liens qu'il noue avec d'autres groupes considérés comme terroristes à travers l'Afrique, il est possible de parler d'une multinationale du terrorisme sur le continent. Et cela en raison d'une alliance composée de personnels de toutes nationalités, aux parcours professionnels et humains très différents111(*). Ce qui en fait une menace transnationale, dans le sens où elle implique la connexion entre groupes à travers le continent : l'action clandestine devenant plurielle, ouverte et solidaire. Cette connexion se fait entre des groupes qui ont un sens similaire de la lutte, une connaissance commune de la clandestinité, un usage de méthodes voisines et par conséquent un besoin identique de matériels et de supports112(*). Cette tendance se fait déjà sentir en Afrique du Nord où l'on évoque de plus en plus des liens entre AQMI et Boko Haram. Les deux groupes seraient en intelligence depuis 2010 lorsque l'Emir d'AQMI, Abdel Malek avait publiquement proposé son soutien à la rébellion nigériane à travers l'apport en hommes, en équipements et en matière de formation113(*). Sur le terrain, il est même indiqué que Boko Haram se livre à des prises d'otages au compte d'AQMI, en échange d'argent, d'armes, et de munitions114(*).

L'Afrique de l'Est est également considérée comme une région prolifique au terrorisme international. Elle abrite des groupes intégristes dans plusieurs de ses Etats comme l'Ethiopie, l'Erythrée, les Comores, l'île Tanzanienne de Zanzibar, et même le Soudan qui est désormais considéré comme un sanctuaire pour les fondamentalistes islamistes désireux d'essaimer dans les pays voisins115(*). Cependant le pays qui attire le plus d'attention dans la région est la Somalie. En effet depuis la chute de Siyad Barré en 1991, le territoire est divisé en trois entités distinctes. Le Somaliland au Nord, le Puntland à l'Est et la côte méridionale qui pourrait être considérée comme le coeur politique du pays. Or cette dernière partie n'est sous aucun contrôle effectif, malgré le renversement de l'Union des Tribunaux Islamiques en Décembre 2006 par l'armée éthiopienne et surtout l'instauration d'un gouvernement de transition en 2009. En réalité, dans ce territoire, s'épanouissent milices privées, gangs mafieux, mouvements islamistes, groupuscules armés de tous types116(*).

Au nombre des groupes islamistes en activité dans le pays l'on a celui qui est baptisé Al-Ittihaad al-Islami (Unité de l'Islam). Celui-ci est actif dans l'Ogaden éthiopien et en Somalie méridionale. Ce groupe, du fait de ces liens historiques avec Al-Qaïda, est très souvent mis en cause dans les attentats qui sont fomentés dans la région. Selon un Rapport du Département d'Etat américain, il serait responsable des attentats d'Addis-Abeba en 1996 et 1997. Par ailleurs, depuis 2007, lors de l'invasion éthiopienne, un autre groupe fait parler de lui. Il s'agit d'Al-Shabaab qui est un mouvement à idéologie islamiste sunnite avec pour objectif, la création d'un Etat islamique en Somalie. Ce groupe s'est illustré le 21 Septembre 2013, lorsqu'il a attaqué le centre commercial de Westgate à Nairobi. Une attaque qui était une réaction à la campagne militaire que le Kenya avait entreprise en Octobre 2011. Ce Faisant, cet attentat venait démontrer comme d'autres par le passé, l'ampleur de la menace terroriste dans cette région en particulier et en Afrique en général. D'où l'urgence pour Washington de la combattre, notamment en formant les forces de défense africaines.

2. La multiplication des programmes de lutte contre le terrorisme en Afrique

Le redimensionnement doctrinal et géographique de certains groupes locaux tels que le GSPC algérien ainsi que leur connexion à d'autres groupes africains pour finalement s'insérer au « réseau djihadiste transnational » fait de l'Afrique, une zone d'intérêt stratégique pour les Etats-Unis. Ceux-ci craignant en effet que la région toute entière ne tombe aux mains des islamistes. Pour ce faire, les américains mettent en avant, la coopération militaire avec les nations partenaires. Lors du séminaire organisé du 8 au 10 Février 2003 à Washington par le Centre Africain d'Etudes Stratégiques (CESA), Paul Wolfowitz déclarait : « La lutte mondiale contre le terrorisme n'est pas seulement une affaire américaine ou du monde développé ; elle concerne également de plus en plus l'Afrique. Nous coopérons étroitement avec nombre de nos partenaires africains afin de lutter contre le terrorisme »117(*).

Ainsi, dans la partie Nord-ouest du continent, L'engagement américain est consécutif à l'existence de grands espaces mal gouvernés et non contrôlés qui pourraient constituer des sanctuaires pour les terroristes118(*). C'est pourquoi en 2002, le Département d'Etat lançait la Pan-Sahel Initiative (PSI). Ce programme vise à aider le Mali, le Tchad, le Niger et la Mauritanie à combattre la contrebande, les criminels internationaux et les mouvements terroristes119(*). L'Initiative Pan-Sahel comporte une partie de formation et d'appui de 60 jours pour renforcer les aptitudes des forces de police et de sécurité, la sécurité des aéroports et les procédures d'immigration et de douane120(*). Par la suite, naîtra le Trans-Sahara Counter-terrorism Partnership (TSCTP) en 2005. Il est censé combattre l'extrémisme violent et défaire les organisations terroristes qui règnent au Maghreb et au Sahel en renforçant les capacités anti-terroristes et la coordination régionale et en discréditant l'idéologie terroriste121(*).

Un autre levier anti-terroriste de l'AFRICOM au Maghreb et au Sahara est l'Opération de liberté durable dans le Trans-Sahara (Operation Enduring Freedom Trans-Sahara - OEF-TS). Il a pour but d'aider les pays de ces régions à combattre l'idéologie terroriste et le terrorisme à travers le partage de l'information, l'interopérabilité des systèmes de communication, l'organisation d'exercices militaires multinationaux conjoints et combinés afin de promouvoir la coopération entre Etats122(*). Ce programme concerne des pays tels que l'Algérie, le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie, le Maroc, le Niger, le Nigeria, le Sénégal et la Tunisie. Les armées de ces différents Etats doivent être capables de mener des opérations conjointes contre les groupes terroristes123(*). Ce programme est rentré sous la responsabilité de l'AFRICOM à la fin de l'Année 2008.

En Afrique de l'Est, Washington a mis sur pied l'Initiative Anti-terroriste pour l'Afrique de l'Est (IAEA) en Juin 2003. Son but est de juguler la menace terroriste dans cette région. Il concerne entre autres des domaines comme la sécurité des côtes et des frontières, la formation d'agents de police, d'immigration et de douane, la sécurité portuaire et aéroportuaire ou encore le démantèlement des réseaux financiers des terroristes124(*). Un an plus tôt, le CENTCOM mettait sur pied le Groupement des Forces Interarmées et multinationales pour la corne de l'Afrique (CJTF-HOA). Celui-ci a pour mission, de démasquer, combattre, désorganiser et écarter toute activité terroriste dans la Corne de l'Afrique125(*). Ainsi cette force entraine les forces de sécurité dans la région en matière de lutte anti-terroriste.

Dans le cadre de ces programmes, le commandement américain organise environ une quinzaine d'exercices militaires par an avec ses partenaires africains. Parmi ceux qui concernent la lutte contre le terrorisme, l'on peut citer l'exercice Fintlock. Débuté en 2006, il est planifié par la Special Operations Command (SOCOM), dans la perspective de développer les capacités et la collaboration entre les forces de sécurité dans la protection des populations civiles. Se déroulant dans les nations du Sahel, il a pour mission de promouvoir la coopération régionale afin de permettre aux africains de stabiliser l'Afrique du Nord-Ouest. Et cela en réduisant les sanctuaires et les soutiens aux organisations extrémistes126(*). L'on peut également citerAfrica lion. Il s'agit d'un exercice bilatéral annuel entre les Etats-Unis et le Maroc. Il est destiné à promouvoir l'interopérabilité et la compréhension mutuelle des tactiques, techniques et procédures de chaque nation127(*).

Toutes ces initiatives montrent à suffisance le degré d'engagement de l'AFRICOM dans la lutte contre le terrorisme en Afrique. Un tel engouement se perçoit aussi dans la lutte contre la piraterie maritime sur le continent.

B. La mobilisation américaine en faveur de la lutte contre la piraterie maritime en Afrique

La piraterie maritime est l'une des plus grandes menaces auxquelles le continent fait face aujourd'hui. Appréhendé sous un prisme essentiellement intra-africain, ce phénomène cause d'énormes dommages aux Etats du continent. Mais si l'on aborde la question sous une perspective internationale, on se rend très vite compte des enjeux que représente son éradication. En effet, la piraterie maritime constitue une entrave au principe de la liberté des mers. Or lorsqu'on sait que l'espace maritime abrite 90% du commerce mondial, on comprend très logiquement pourquoi face à l'ampleur de la menace (1), les Etats-Unis mettent sur pied des programmes de formation pour la juguler (2).

1. L'ampleur de la menace

Lorsqu'on parle de piraterie maritime en Afrique, deux régions viennent à l'esprit. Il s'agit de la Corne de l'Afrique et du Golfe de Guinée. Car, ce sont deux zones qui sont le théâtre d'attaques de pirates qui ont lieu sur le continent. Elles ont toutes les deux en commun d'être des zones stratégiques. En effet la Corne de l'Afrique est située à proximité d'une grande route maritime qui assure le trafic entre l'Extrême-Orient et l'Europe. Avec 20 410 navires y ayant transité en 2007, elle assure, avec le Canal de Suez, plus de 7.5% du transport maritime mondial128(*). De son coté, le Golfe de Guinée est la région qui produit le plus de pétrole en Afrique. En 2007, les Etats-Unis y importaient 18% de leur consommation. Ce chiffre devrait atteindre 25% en 2025129(*).

L'ampleur de la menace ne peut s'apprécier qu'au travers des chiffres qui sont publiés sur ce phénomène. Même si la côte Est-africaine connait une baisse d'attaques depuis 2012 avec 99 incidents contre 286 en 2011130(*), la Somalie dont les ressortissants en sont les principaux acteurs, est toujours en déliquescence. Par ailleurs, pendant que le nombre d'incident diminue, leur taux de réussite augmente. C'est ainsi que sur 99 incidents signalés en 2012, 13 se sont débouchés sur des détournements de navires - ce qui fait un taux de réussite de 13,13% - alors qu'au cours de l'année précédente, ce chiffre était de 11,54%. Puisque sur 286 attaques, seuls 33 navires avaient été détournés131(*). Cette tendance « baissière » vient quelque peu édulcorer la réputation pas très enviable de ce pays d'Afrique de l'Est. Et surtout lorsqu'on sait que c'est depuis le 4 Avril 2008 que ce pays se révèle comme étant un acteur important du paysage maritime international à travers la saisie d'un Navire de croisière132(*). Ce yacht qu'on appelait le Ponant avait à son bord, une trentaine de membre d'équipage dont 22 français. Par ailleurs, sur les 293 attaques enregistrées la même année, le Golfe d'Aden et la Corne de l'Afrique en concentraient 92 auxquelles s'ajoutent 19 attaques perpétrées dans les eaux territoriales somaliennes133(*).

Pour ce qui est du Golfe de Guinée, il faut dire qu'il est devenu la deuxième région du monde la plus affectée par les actes de piraterie. Parlant des chiffres, selon les Bureau Maritime International, on est passé de 40 incidents en 2008 à 64 en 2012 en passant par 51 en 2011134(*). Ce qui traduit une réelle croissance de ce phénomène dans la région.

Une telle situation ne peut être qu'alarmante lorsqu'on sait que la plupart des échanges commerciaux, de nos jours s'opèrent beaucoup plus par voie maritime. Sur le plan financier, selon des estimations de 2012, les Etats de la zone du Golfe de Guinée perdraient 2 millions USD par an du fait de ce phénomène135(*). Si l'on ajoute à cela les pertes subies par les Etats industrialisés du fait du détournement des navires et des attaques des plateformes pétrolières, on peut comprendre la mobilisation américaine à ce sujet. Dans l'approche de l'AFRICOM, si le traitement social de la question est envisagé, il n'empêche que l'accent soit mis sur la formation des forces de sécurité africaines pour mieux y faire face.

2. La formation des armées africaines dans la lutte contre la piraterie maritime

La piraterie maritime représente une grande entrave à la santé de la marine marchande internationale. En effet, dans son rapport de 2004, le BMI estimait que son impact économique se chiffrait à 16 Milliards USD par an. Le niveau élevé de ces pertes est en grande partie du à la maritimisation économique136(*). Cette nouvelle donne de l'économie mondiale est alimentée par les stratégies maritimes de différents Etats du monde. Ceux-ci menant une politique « locale » visant à développer les littoraux nationaux et une géostratégie « globale » envisageant l'insertion de la nation entière dans les réseaux maritimes internationaux137(*). Or cette propension vers les mers est particulièrement prononcée aux Etats-Unis. Et ce du fait de leur position Géographique. En effet, dans la perspective de Alfred Tayer MAHAN, « Si un Etat est situé de manière à n'être ni forcé à se défendre, ni poussé à s'étendre du coté de la terre, ses aspirations seront dirigées vers la mer »138(*). Si l'insularité peut expliquer le besoin de Washington de contrôler l'espace maritime, les motivations sont également économiques. C'est pourquoi en tant que nation maritime, il fait de la libre navigation dans les mers, une condition essentielle à sa prospérité économique. D'où son engagement pour la lutte contre piraterie maritime sur les côtes africaines. Pour ce faire, il travaille en synergie avec les Etats côtiers.

Le cadre institutionnel fédérateur de l'assistance militaire en matière de lutte contre la piraterie maritime en Afrique est l'Africa Partership Station (APS). Lancé en Octobre 2007 en organisant une première mission avec les Etats africains, ce partenariat est destiné à renforcer les capacités des partenaires africains à travers la formation, les exercices et les opérations conjointes. Ce programme augmente la conscience et le professionnalisme maritime des Etats et facilite l'intégration régionale139(*). Dans le cadre de ce partenariat, l'AFRICOM organise annuellement des exercices militaires sur le continent. C'est le cas de l'exercice Africa Endeavour qui est un exercice interarmées visant à développer l'interopérabilité en matière de transmission et d'échange d'informations entre les armées. Dans le même sillage, l'exercice ObangameExpress est organisé chaque année par cette structure. Il s'agit d'un exercice multinational destiné à augmenter les capacités anti-piraterie des nations partenaires et à dissuader d'autres criminels maritimes dans le Golfe de Guinée. Au-delà de l'avantage lié à la création d'un cadre de partage de l'information entre les armées, cette initiative permet aux nations du Golfe de Guinée de mieux contrôler et de faire respecter leurs eaux territoriales et leurs Zones Economiques Exclusives140(*). Sous les auspices du Général Carter Ham alors commandant de l'AFRICOM, la session 2013 de cet exercice maritime avait proposé une large variété de formations telles que l'arraisonnement et le contrôle des navires, des opérations aériennes, des entrainements de communication et le partage d'informations à l'échelle régionale141(*). Parmi les Etats participants, il y avait le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Nigeria, la Guinée équatoriale, le Gabon, la République du Congo, São Tomé-et-Principe ou encore le Togo. Il y avait également des Etats européens et américains tels que la France, la Belgique, les Pays-Bas, l'Espagne ; le Brésil et bien entendu les Etats-Unis.En Afrique de l'Est, l'AFRICOM supervise l'exercice « Cutlass Express ». Il est basé sur la lutte contre la piraterie à travers le partage de l'information et des opérations coordonnées entre les marines internationales.

Dans un contexte marqué par une menace disséminée, imprévisible et mutante, la nouvelle stratégie sécuritaire américaine met officiellement l'accent davantage sur la prévention que sur la réaction. Cette nouvelle posture qui se fait sentir dès 2006 se traduit dans la doctrine qui encadre le commandement américain pour l'Afrique. Cette doctrine qui porte le nom de Stability Operations naît des cendres de celle dite de MOOTW. Cette dernière ayant montré ses limites sur le terrain. Le nouveau cadre d'engagement américain répond donc officiellement à un besoin d'adaptation des réponses sécuritaires à la spécificité de l'environnement africain. C'est pourquoi l'AFRICOM fait de la formation des armées, un référentiel important de son fonctionnement. Cette habilitation des forces de défense et de sécurité se fait au travers de la multiplication des programmes de lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime. Tous les deux toujours prégnants sur le continent. La promotion de la formation militaire devrait permettre aux Etats africains d'assurer leur propre sécurité. Il s'agit également pour Washington de réduire quelque peu son engagement direct sur le sol africain à travers le développement de forces sous-traitantes agissant au service de ses intérêts. Cela permet de réduire les pertes humaines au sein de l'armée - face auxquelles l'opinion américaine affiche une grande hostilité. Cette démarche est également destinée à limiter les critiques africaines sur la nouvelle institution militaire. Cela montre que l'assistance militaire américaine se fonde sur des raisons qui vont au-delà du simple besoin d'adaptation des solutions à l'environnement sécuritaire africain. Il s'agit en réalité pour Washington de protéger ses intérêts menacés par les phénomènes cités plus haut. Or une assistance sécuritaire fondamentalement basée sur la protection des intérêts américains semble avoir de nombreuses difficultés à assurer de manière optimale, la sécurité sur le continent. Puisque n'ayant pas pour référentiel dominant, la défense des intérêts africains. D'où la nécessité d'une appréciation critique de l'engagement de l'AFRICOM dans ce domaine.

Chapitre II : Une appréciation critique de l'assistance sécuritaire américaine en Afrique

Lors de sa création, l'AFRICOM a été désigné comme étant responsable de la coordination des activités de coopération sécuritaire américaines en Afrique. Comme indiqué plus haut, cette structure a fait de la formation militaire, l'une de ses activités principales. Si l'on s'y limite, cette tendance apparemment altruiste peut faire ombrage à la mission principale du Commandement Américain. Cet objectif principal transparaît - malgré toute la rhétorique diplomatique - dans le discours officiel. D'ailleurs, le général Carter HAM déclarait sans ambiguïté que : « Africa Command protects and defends the national security interests  »142(*). En réalité, loin de répondre à une logique de solidarité internationale, la multiplication de partenariats sécuritaires entre Washington et les Etats africains répond plus à des besoins de cohérence. Il s'agit de protéger les intérêts américains en s'arrimant à l'environnement sécuritaire post-11 Septembre.

L'imprévisibilité et l'incertitude liées aux nouvelles menaces poussent la superpuissance à mener une lutte indirecte. C'est-à-dire par le biais de partenariats avec les acteurs régionaux portant sur la sécurité143(*). Prescrite par le QDR de 2006, cette stratégie « indirecte » répondrait également à une exigence des réalités stratégiques liées aux réseaux transnationaux. Car le caractère régional ou global du problème frappe d'impertinence toute initiative unilatérale. D'où le nécessité de la construction des capacités des forces africaines144(*). Au-delà de ces précisions et à l'observation, on se rend compte que l'assistance sécuritaire américaine présente des disparités, des irrégularités et des incongruités qui attirent tout de même la curiosité des chercheurs. Très poussée dans certaines régions du continent, elle est très morose dans d'autres. Parfois, elle se trouve en désaccord avec les valeurs fondatrices même de la société américaine. Des éléments dont l'étude attentive pourrait permettre de dégager les principales caractéristiques de cette assistance.

Ce que l'on sait d'emblée c'est que l'engagement sécuritaire américain se fonde plus sur des considérations réalistes qu'altruistes. Car celle-ci a pour principal référentiel, la défense des intérêts américains. Vu sous cet angle, les préoccupations des africains sont considérées comme étant périphériques. Ainsi pour mieux défendre ses intérêts sur le continent, la superpuissance se sert d'une assistance sécuritaire aux logiques biens spécifiques et productrice d'incertitudes en termes de résultats (section II), ceci lui permettant de prétendre à la définition du paradigme sécuritaire prééminent (section I).

SECTION I : ASSISTANCE MILITAIRE ET REDEFINITION DU PARADIGME SECURITAIRE

L'assistance militaire est un pilier important dans la stratégie américaine en Afrique. Celle-ci se concentre sur certains thèmes qui constituent les priorités des USA. Or cela semble avoir un impact assez fort sur les priorités sécuritaires des Etats partenaires. Ceux-ci s'intéressant de plus en plus à des référentiels que la Washington juge prioritaires. Ainsi par effet d'entrainement, les priorités des Etats-Unis deviennent celles des Etats africains. Cela est assez perceptible sur les questions de l'insécurité maritime dans le Golfe de Guinée (A) et de l'insécurité dans la Corne de l'Afrique (B).

A. Le cas de l'insécurité maritime dans le Golfe de Guinée

L'insécurité maritime dans le Golfe de Guinée n'est pas un phénomène nouveau. Depuis plusieurs années, cette zone fait face à de nombreuses crises. Celles-ci étant liées entre autres à la délimitation des frontières maritimes. Or depuis quelques temps, cette problématique a quasiment disparu du débat sécuritaire de la région (1), celui-ci étant désormais dominé par la question de la piraterie maritime (2).

1. Quasi-disparition des problématiques sécuritaires traditionnelles

v La question de l'exploitation harmonieuse des ressources naturelles

Du fait de sa configuration géographique, le Golfe de guinée est une région très conflictogène. En effet, le bassin atlantique de l'Afrique centrale dispose d'un Etat fractionné et semi-insulaire - la Guinée Equatoriale - et d'un Etat archipélagique composé de deux îles principales : Sao Tome et Principe145(*). Cet éparpillement de certains territoires en fait un espace maritime où les souverainetés des Etats se prolongent, se heurtent et se superposent146(*). Dans une telle configuration territoriale, les principes consacrés par la convention de Montego Bay sont inapplicables. En fait, adopté le 30 Avril 1982, en Jamaïque, ce texte divise l'espace océanique en plusieurs zones maritimes sous juridiction nationale. Il s'agit de la mer territoriale - 12 mile marins, - de la zone contiguë - 24 mile marins - et de la Zone Economique Exclusive (ZEE) qui va jusqu'à 200 mile à partir de la côte. Or, l'espace maritime d'Afrique centrale est caractérisé par la proximité des territoires insulaires des rivages des Etats littoraux. Conséquence, aucun Etat littoral qui borde ces eaux ne peut espérer se projeter jusqu'à 200 miles de son littoral sans rencontrer d'interruption du au prolongement de l'autre147(*).

Cette réalité a créé un certain nombre de conflits sur fond de richesse pétrolière entre ces Etats. C'est notamment le cas du différend entre le Gabon et la Guinée Equatoriale qui remonte à 1963. Celui-ci est lié à la dispute des ilots de Mbanié, Cocotier et Conga, tous situés dans les baies de Corisco148(*). Il avait même abouti le 14 Août 1972, à une expédition militaire de la part du Gabon pour revendiquer la souveraineté de Mbanié149(*). D'autres différends territoriaux ont existé ou existent encore entre le Cameroun et le Nigéria - à propos de Bakassi - ou encore entre le Ghana et la Côte-d'Ivoire. Tous ces différends portant sur la délimitation des frontières maritimes. Pour y faire face, les Etats du Golfe de Guinée ont mis sur pied la Commission du Golfe de Guinée (CGG).

Cette institution a été initiée à Yaoundé, par le Cameroun et le Nigéria lors des travaux de leur commission des frontières. Ces travaux ont eu lieu du 27 au 30 Août 1991. La CGG est créée plus tard à Libreville en 1999. Elle est chargée de « faciliter les consultations régionales afin de prévenir, gérer et régler les conflits pouvant découler de la délimitation des frontières maritimes et de l'exploitation économique et commerciale des ressources naturelles à l'intérieur des frontières nationales »150(*). Donc fondamentalement, c'est de la difficulté liée à la délimitation des espaces maritimes entre les Etats de la région qu'est née institution. Elle répond à la « nécessité de mettre en place un mécanisme de dialogue et de concertation propre à prévenir, gérer et régler les conflits liés à l'exploitation économique et commerciale des ressources naturelles situées aux limites territoriales et notamment aux Zones Economiques Exclusives »151(*).

Contrairement à cette impulsion donnée par la CGG, les questions de l'exploitation harmonieuse des ressources naturelles et de la délimitation collégiale des frontières maritimes deviennent de plus en plus absentes dans le débat concernant la sécurité maritime en Afrique. Ainsi, si l'on observe le sommet de Yaoundé - qui s'est tenu du 25 au 26 Juin 2013 - sur la sécurité et la sureté maritime, le constat est clair. L'ensemble des discours ignoraient quasiment ces problématiques traditionnelles. Que ce soit les présidents de la CEDEAO, de la CEEAC ou le représentant de la CGG, les discours ont convergé vers d'autres référentiels.

Par ailleurs, cette réalité est traduite par la virtualité de l'institution CGG. En effet, non seulement elle est quasiment absente dans le débat relatif à la sécurité maritime, mais également l'on a du mal à voir le rôle qu'elle joue au quotidien pour la résolution des litiges relatifs à la délimitation des frontières maritimes. Si l'on prend l'exemple du différend entre le Gabon et la Guinée Equatoriale, la rencontre qui a permis de faire un grand pas vers la solution a été organisée à l'initiative du secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. Elle s'est tenue à Genève le 27 Février 2006 entre les présidents Omar Bongo Ondimba (Gabon) et Theodoro Obiang Nguéma Mbazogo (Guinée Equatoriale). C'est à cette occasion que les deux chefs d'Etats ont décidé « procéder à la délimitation définitive de leur frontières maritimes et terrestres »152(*). On voit très bien que le rôle prépondérant dans ce différend n'a pas été joué par la CGG.

Similairement, les accords de Green Tree153(*) entre le Cameroun et le Nigéria ont été signés à Green Tree aux Etats-Unis, le 12 Juin 2006 sous les auspices du secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan. Les présidents Paul Biya (Cameroun) et Olusegun Obassandjo (Nigéria) ont négocié sur la base de l'arrêt rendu par la Cour Internationale de Justice (CIJ) le 10 Octobre 2002, qui donnait raison au Cameroun. Là encore, la CGG est restée virtuelle. Cette virtualité traduit une réalité liée à l'évolution du débat sécuritaire maritime en Afrique. Il s'agit de la focalisation des attentions de l'ensemble des acteurs sur la question de la piraterie maritime.

v La question des groupes insurrectionnels actifs dans les zones maritimes

Contrairement à ce que consacre le discours officiel des acteurs dominants, l'insécurité maritime ne se limite pas aux actes de piraterie, de pêche illégale ou encore de vols à main armée. Au-delà de la problématique liée à la délimitation harmonieuse des frontières maritimes et à une exploitation collégiale des ressources, il ya un autre problème tout aussi intéressant. Il s'agit de celui qui concerne les activités de certains groupes politico-militaires qui entravent également la sécurité et la sureté des mers. Ces derniers ont des revendications parfois politiques qui vont au-delà de la simple volonté de nuire au trafic maritime.

C'est notamment le cas du Mouvement pour l'Emancipation du Delta du Niger (MEND). Celui-ci est dans le viseur des Etats-Unis. Selon l'AFRICOM, il constitue un des facteurs qui entravent les intérêts sécuritaires américains dans le Golfe de Guinée. Considéré comme étant un acteur important de l'insécurité maritime, il est qualifié de gang illégal154(*). Or l'on sait qu'il est fondamentalement engagé dans un combat qui a pout référentiel dominant, une meilleure redistribution des ressources pétrolières du Nigéria. Son endiguement ne saurait donc se résoudre à la multiplication d'actions anti-piraterie. Mais par un compromis politique avec le gouvernement.

D'autres groupes peuvent être cités ici. L'on a le cas du MAIB155(*), duBAMOSD ou encore des BFF. Tous méritant un traitement particulier. Au vu de leur nature, ces menaces ne sont que très peu sensibles aux seules mesures « anti-piraterie ». Car elles biaisent la compréhension de la situation et éludent les problèmes fondamentaux qui sont également constitutifs de cette insécurité. Or c'est cette approche qui encadre la mobilisation institutionnelle des Etats du Golfe de Guinée dans le traitement de l'insécurité maritime.

Carte 3 : ZEE dans le Golfe de Guinée. Sources: http://aquaculture-aquablog.blogspot.com/2010/01/afrique-de-grands-pecheurs-ruines-par.html, consulté le 2 Avril 2014

2. Mobilisation institutionnelle et Cristallisation du débat sécuritaire autour de la luttecontre la piraterie maritime  

L'assistance américaine en vue de la lutte contre la piraterie maritime dans le Golfe de Guinée a un double impact sur les politiques sécuritaires régionales. Premièrement, elle est une sorte de pression exercée sur les Etats de cette zone. Pression allant dans le sens d'une stigmatisation de leur incapacité à y faire face. Deuxièmement, la multiplication des programmes de formation américains renforce le sentiment d'urgence sur cette question. Sans toutefois estimer que la piraterie maritime ne représente pas une menace, encore moins que la situation n'est pas urgente, l'on précise seulement qu'elle a éclipsé d'autres problématiques liées elles-aussi à la sécurité maritime et qui méritent de l'attention.

Par effet d'entrainement la piraterie maritime est devenue le référentiel dominant de la mobilisation discursive et institutionnelle sur la question de l'insécurité maritime. Ce thème fait l'objet de nombreux sommets de la part des organisations sous-régionales d'Afrique centrale et occidentale. La preuve en est que le premier sommet sur la sécurité et la sureté maritimes à l'échelle du Golfe de Guinée était focalisé sur la piraterie maritime156(*). Puisque le conseil de sécurité des Nations Unies, dans sa résolution 2039 du 29 février 2012, avait recommandé à la CEEAC, à la CEDEAO et la Commission du Golfe de Guinée, la tenue d'un sommet des Chefs d'Etats et de Gouvernements sur la piraterie maritime et les vols à main armée dans le Golfe de Guinée.

La Commission du Golfe de Guinée dont la création a été fondamentalement motivée par la problématique frontalière, sur le plan pratique est moribonde. Elle n'a tenu sa toute première réunion (« Sommet ») qu'en 2006 à Libreville, or elle doit se réunir chaque année157(*). En outre, son centre d'intérêt traditionnel ne parait tellement pas à l'ordre du jour de ces sommets. C'est ainsi qu'au sommet de la CGG qui s'est tenu à Malabo en Août 2013, le président équato-guinéen a estimé que face à la recrudescence des actes de piraterie, il était nécessaire d'entreprendre une action collective, concertée et coordonnée à travers « la création d'un service de surveillance et de sécurité maritime qui opère dans les États membres pour compenser ces actes qui violent la sécurité et la stabilité de la zone, ainsi que l'intégration de tous les Etats riverains du Golfe en tant que pays membres de cette organisation. »158(*). Ceci montre clairement que la piraterie maritime est au centre des préoccupations de cette institution.

Pour faire face à l'insécurité maritime, les Etats de le CEEAC, dans le cadre du Conseil de Paix et de Sécurité de l'Afrique Centrale (COPAX), ont mis sur pied, le Centre Régionale de Sécurité Maritime de l'Afrique Centrale (CERSMAC). Créé par le protocole d'Accord sur la gestion de la stratégie de sécurisation des intérêts vitaux en mer, signé à Kinshasa le 24 Octobre 2004, cette structure est désignée comme étant le principal organe chargé de la mise en oeuvre de la stratégie sous-régionale de sécurisation des espaces maritimes. Il est assisté du Centre Multinational de Coordination (CMC) et du Centre Opérationnel de la Marine (COM). La CEEAC a même été divisée en trois zones. Il s'agit des zones A, B et D. La dernière organisera des patrouilles conjointes entre les principaux Etats membres à partir du 7 Mai 2009 à Douala159(*). Par la suite, un plan de surveillance baptisé SECMAR 1 sera signé par les chefs d'Etats Majors Généraux de cette zone160(*).

Dans cette reconversion thématique, la sécurité des installations et infrastructures maritimes est devenu le point focal de la sécurité maritime. Or même si ces nouveaux référentiels représentent des enjeux importants dans la vie économique des Etats africains, leur mise en exclusivité par les Etats-Unis répond bien à une logique stratégique. Il s'agit de confiner les pays de cette région à la défense des intérêts américains hautement importants en mer. Donc la redéfinition des priorités en matière de sécurité maritime dans le Golfe de Guinée s'inscrit dans le sens de l'entretien d'une sous-traitance stratégique également perceptible dans le traitement de l'insécurité en Afrique de l'Est.

B. L'insécurité en Afrique de l'Est

Depuis les attentats des ambassades américaines de 1998 et surtout ceux du 11septembre 2001, l'Afrique est devenu un front important dans la lutte contre le terrorisme menée par les Etats-Unis. Ils mettent à cet effet l'accent sur l'assistance sécuritaire qui se traduit par de nombreux programmes de formation. Or cette démarche, puisque basée sur la lutte contre le terrorisme (1), érige cette menace en principal facteur d'insécurité dans la région (2).

1. Une assistance militaire anti-terroriste en Afrique de l'Est

L'Afrique de l'Est est une zone hautement stratégique pour les Etats-Unis, puisque c'est ici que se trouve la Corne de l'Afrique. Or c'est à partir de cette dernière région que Washington peut surveiller la production et l'évacuation du pétrole du Golfe Arabo-persique, veiller sur l'équilibre régional en particulier sur l'Irak et l'Iran, contrôler le débouché de la Mer Rouge et du canal de Suez ou encore intervenir si nécessaire en Afrique161(*). Tous ces atouts constituent autant d'enjeux stratégiques pour lui. Or les intérêts américains dans la région sont sous la menace permanente de groupes armés depuis les attaques des ambassades en 1998. Déjà, en Février 2008, cette inquiétude se confirmait par les propos de chef du Renseignement National (Director of National Intelligence), McCONNELL qui affirmait devant le congrès qu'au début de l'année 2006, Al-Qaïda s'était installé en Somalie de manière considérable162(*). Cette mise engarde venait s'ajouter à d'autres qui lui sont antérieures et qui ont permis à Washington de prendre la mesure de la menace.

C'est pourquoi depuis les attentats de Nairobi et de Dar es-Salaam, les Etats-Unis multiplient les initiatives d'assistance militaire. Ces programmes sont basés sur la stratégie du contre-terrorisme qui consiste, d'après le DOD, à entreprendre une action soit directement contre les réseaux terroristes, soit indirectement afin de rendre l'environnement régional impraticable pour des réseaux163(*). Cette déclaration présente les objectifs de l'assistance militaire américaine en Afrique de l'Est. Il s'agit de rendre les armées de la région capables d'endiguer et de traquer les mouvements considérés comme terroristes. Pour y parvenir, Washington met en place un certain nombre de programmes destinés à renforcer les capacités des armées locales. Il s'agit notamment de l'Initiative Antiterroriste de l'Afrique de l'Est (EACTI). C'est un programme qui est sous la tutelle du Département d'Etat et qui a été mis sur pied en 2003. Celui-ci est destiné à renforcer les capacités antiterroristes de Djibouti, de l'Ethiopie, de l'Erythrée, du Kenya, de la Tanzanie et de l'Ouganda164(*). Sur les années 2003 et 2004, le gouvernement l'a doté de plus de 100 millions USD165(*). Dans le cadre de cette initiative, des Pays comme le Kenya, l'Ethiopie ou encore Djibouti ont reçu de la formation et du matériel tactique. Ils ont également reçu des fonds pour renforcer leurs contrôles frontaliers. Ces Etats tout comme l'Erythrée, la Tanzanie et l'Ouganda ont également bénéficié de la formation de leurs forces de police, du renforcement de leurs capacités de contrôle côtier166(*).

L'autre programme important dans le dispositif anti-terroriste américain en Afrique de l'Est est le Groupement des Forces Interarmées et Multinationales pour la Corne de l'Afrique (CJTF-HOA). C'est une force qui a été mise sur pied en Octobre 2002 par le CENTCOM avec pour mission, détecter, perturber et enfin vaincre les groupes terroristes transnationaux opérant dans la région167(*). Ses prémices se trouvent dans la Stratégie de Sécurité Nationale de 2002 qui la confinait à des actions militaires visant à détecter et à détruire les terroristes avant qu'ils n'atteignent les frontières américaines. Mais depuis peu, cette mission a graduellement évolué pour inclure désormais la coopération militaire dans le cadre d'une approche indirecte de lutte anti-terroriste168(*). Dans sa zone de responsabilité qui comprend l'Ethiopie, l'Erythrée, le Kenya, Djibouti, les Seychelles, la Somalie et le Soudan, cette structure assure la formation des armées en matière de lutte anti-terroriste, de collecte des renseignements, de professionnalisation ou encore de conduite des actions civiles. Les deux programmes américains étudiés ici montrent clairement que l'assistance sécuritaire américaine est fondamentalement basée sur la lutte contre le terrorisme. Or cela contribue à ériger ce phénomène en défi sécuritaire prioritaire pour les Etats de l'Afrique de l'Est.

2. La reconversion anti-terroriste des efforts sécuritaires en Afrique de l'Est 

L'activisme américain pour la lutte contre le terrorisme en Afrique de l'Est a un grand impact sur la définition de l'ordre des priorités sécuritaires dans cette région. En effet, la tendance qui se dessine est que la plupart de ces Etats consacrent plus d'efforts à la lutte contre le terrorisme. Cela faisant penser à une sous-traitance stratégique au profit de leur sponsor qu'est la puissance américaine. C'est ainsi que grâce au soutien qu'elle avait bénéficié des Etats-Unis, l'Ethiopie envahissait la Somalie en Décembre 2006. Après que l'Union des Tribunaux Islamiques ait pris le pouvoir. Le soutien des Special Operations Forces (SOF) - ou Forces d'opérations Spéciales - américaines a confirmé la thèse d'une expédition anti-terroriste169(*). En réalité, l'intervention éthiopienne en Somalie s'inscrivait dans le cadre de la Guerre Globale contre la Terreur (GWOT) engagée par les Etats-Unis en 2001. Et c'est à l'aune de ce paradigme anti-terroriste que ce conflit avait été géré170(*). Selon ce paradigme il n'y avait pas de différence entre les militants djihadistes internationaux et les islamistes locaux. Les autorités américaines avaient alors affirmé que l'Union des Tribunaux Islamiques et Al-Qaïda sont un et identiques171(*). Or une telle analyse n'était pas adaptée à la nature de la menace qui avait des spécificités locales ne relevant forcément pas du jihad international d'Al-Qaïda. Cela est d'autant plus pertinent qu'il est recommandé dans un tel contexte de résoudre le conflit selon une approche « bottom-up » qui implique la participation au premier plan, des populations locales et selon la culture locale172(*). Ainsi, dans un processus où devraient participer les leaders religieuses locaux, les notables de communautés ou encore la société civile, l'application de la charia à une échelle locale pourrait être une solution provisoire. Puisque répondant à la culture locale173(*). Dans un tel contexte, la force militaire ne doit créer que les pré-conditions à d'autres actions destinées à gérer le problème selon la culture locale.

C'est ce que semble n'avoir pas compris la Mission de l'Union Africaine en Somalie (AMISOM). Celle-ci s'est naïvement empêtrée dans l'application aveugle de la stratégie anti-terroriste de la GWOT qui consiste à identifier et à détruire les terroristes174(*). En effet, l'AMISOM, dans son obsession anti-terroriste, a juste relayé l'action de l'Ethiopie qui consistait à renverser le régime de l'UTI. Or ce régime avait commencé à stabiliser le pays. En écartant les partisans de l'UTI du processus politique et en essayant d'imposer un ordre étranger aux spécificités locales, les interventions de l'Ethiopie et de l'Union Africaine ont abouti à un échec. L'hyper militarisation à des fins de « lutte contre le terrorisme » ayant conduit à un désordre dans le Sud du pays175(*).

Ceci montre à suffisance comment la logique anti-terroriste américaine a supplanté la tradition de règlement des conflits de l'UA qui d'habitude met l'accent sur la négociation. Ce que semblent avoir oublié les dirigeants de cette institution c'est que dans une guerre asymétrique, la victoire tactique peut ne pas aboutir à la victoire stratégique. Mieux la victoire purement militaire ne charrie pas automatiquement le succès politique pourtant crucial dans ce genre d'opération176(*). Vaincre les rebelles de l'UTI sur le terrain ne suffit pas à enclencher un processus politique plein de succès. Par contre, l'usage orgueilleux de moyens militaires - formation et logistique - largement fournis par Washington ne peut que réduire les rebelles à la clandestinité et accroître l'insurrection. Car - sans mettre l'accent sur les conditions d'évolution du contexte social, politique et économique, - les activités de destruction peuvent délégitimer la force au sein de l'opinion nationale177(*). Malheureusement tel a été le cas en Somalie. D'abord lors de l'intervention éthiopienne qui a entrainé la création de la milice Al-Shabaab et ensuite lors du déploiement de l'AMISOM qui ne cesse d'être la cible d'attaques de la part de différents groupes armés.

L'on peut ainsi logiquement aboutir à la conclusion de l'échec de la Mission africaine dans le pays. Car non seulement l'usage aveugle de la violence ne peut qu'entrainer la violence, mais elle handicape également le processus politique. Jusqu'ici, l'AMISOM n'a pas pu favoriser le dialogue politique entre les groupes armés - considérés comme étant terroristes - et le Gouvernement Fédéral de Transition (GFT). Elle se limite plutôt à diaboliser un camp tandis que l'autre est légitimé. Ce qui ne facilite pas le processus de sortie de crise et renforce l'insurrection.

La façon dont le conflit somalien est géré montre à suffisance à quel point la lutte contre le terrorisme occupe désormais une place privilégiée dans l'agenda sécuritaire des Etats africains. Dans ce sens, ces Etats sont devenus des sous-traitants stratégiques aux problèmes sécuritaires américains. Cette situation est alimentée par l'assistance sécuritaire de Washington qui, à l'observation a certaines logiques spécifiques avec des résultats incertains.

SECTION II : LOGIQUES D'UNE ASSISTANCE SECURITAIRE AUX RESULTATS INCERTAINS

Pour prévenir et combattre les menaces à leurs intérêts, les Etats-Unis s'investissent dans le renforcement d'alliances avec les Etats africains. Une analyse attentive de cette assistance sécuritaire laisse entrevoir un certain nombre de tendances qui semblent caractériser la coopération militaire américano-africaine. Celle-ci est déterminée par une variable principale mais pas exclusive. Il s'agit de l'ampleur de la menace dans différentes régions. Il parait assez claire que cette variable conditionne la nature, la destination et surtout le volume de l'aide militaire américaine sur le continent africain. Il n'est donc pas surprenant de la voir se concentrer dans certaines régions puisqu'elle répond à une logique sélective (A) cela aboutissant à des résultats mitigés (B).

A. Une assistance militaire sélective

Dans un contexte marqué par la prolifération de nouvelles menaces en Afrique, le renforcement et le maintien des capacités de réponse aux crises est indispensable pour les Etats-Unis. Cela demande d'énormes moyens. Si cette contrainte peut expliquer la sélectivité de l'assistance militaire américaine178(*), elle n'est pas suffisante. Car, dans les faits, les principaux programmes sécuritaires de cet Etat sur le continent africain se concentrent très souvent dans des zones considérées comme étant d'intérêt stratégique (1), tout en marginalisant celles considérées comme étant périphériques (2).

1. priorisation des zones à intérêts stratégiques

L'assistance militaire des Etats-Unis en Afrique est en majeure partie conditionnée par l'existence d'une menace à leurs intérêts stratégiques. L'objectif ici étant de rendre les armées de certaines régions plus aptes à y faire face. Sur le continent, les régions qui bénéficient des plus importants programmes d'assistance militaire américains sont l'Afrique du Nord, l'Afrique de l'Est et le Golfe de guinée. Ces différentes zones représentent ou regorgent des intérêts stratégiques pour les USA. En Afrique du Nord, les vastes terres du Sahara, de la Mauritanie à l'Ouest au Soudan à l'Est, qui ont été des itinéraires de contrebande depuis des siècles, peuvent aussi être des secteurs de choix pour les groupes terroristes179(*). L'Afrique de l'Est - et beaucoup plus précisément la Corne de l'Afrique - qui jouxte une route maritime importante, constitue un front important dans la lutte contre le terrorisme. Pour sa part, le Golfe de Guinée est la région où se trouvent les deux premiers producteurs de pétrole en Afrique. Il s'agit respectivement du Nigéria et de l'Angola. La production du premier devrait, selon les estimations, atteindre les 4,42 millions de baril par jours à l'horizon 2020, pendant que les prévisions du deuxième s'estiment à 3,28 millions de barils par jour180(*).

Du fait de ces atouts, ces différentes régions constituent des intérêts stratégiques de la part de Washington. C'est la raison pour laquelle elles concentrent la plupart de ses programmes d'assistance militaire. En Afrique du Nord, l'on peut énumérer des programmes comme la PSI créée en 2002 ; le TSCTP initié en 2005 ou encore l'OEF-TS lancée à la fin d'année 2008. Cette partie de l'Afrique bénéficie également d'un certain nombre d'exercices militaires. C'est le cas des exercices Fintlock ou encore Africa Lion. Tous deux basés sur la lutte contre le terrorisme. Même si le Golfe de Guinée ne fait pas l'objet de la mise sur pied d'un Programme à la dimension de ceux cités plus haut, il est tout de même le théâtre de plusieurs exercices militaires conjoints. C'est le cas d'Obangame Express, de Med Accord Central ou encore d'Africa Endeavour181(*).

L'Afrique de l'Est a bénéficié de la mise sur pied de programmes tels que l'EACTI en 2003, remplacée par l'EARSI en 2009. Par ailleurs, c'est cette région qui dispose de la plus grande base américaine sur le continent. Il s'agit de celle du Camp Lemonnier à Djibouti. Cette base abrite la CJTF-HOA qui est le bras armé de l'OEF-HOA. Cette région abrite également des exercices militaires. L'on peut citer Cutlass Express, Estearn Accord ou encore Natural Fire. L'importance de cette région aux yeux de Washington s'est confirmée à l'occasion du conflit en Somalie. Plus précisément après la prise de Mogadiscio par l'Union des Tribunaux Islamiques. La mobilisation des Etats-Unis face à cette situation avait été grande.Washington avait alors apporté son soutien à l'AMISOM. Cela s'est fait à travers un soutien logistique et une formation avant le déploiement des troupes. Ainsi dans le cadre de l'ACOTA, plus de 8400 soldats ougandais ainsi que 7000 burundais ont été formés avant leur intervention en Somalie182(*). Par ailleurs, le Kenya qui est un acteur important dans la « stabilisation » de la Somalie est l'un des plus grands bénéficiaires du programme Anti-Terrorism Assistance (ATA) dans le monde. En 2010, il était à la quatrième place derrière l'Afghanistan, la Jordanie et le Pakistan183(*). Ces différents éléments témoignent de la sélectivité de l'assistance militaire américaine.

Au-delà du nombre de programmes accordés à ces différentes régions prioritaires, la tendance à la priorisation des zones d'intérêts stratégiques se traduit également dans les volumes de fonds alloués dans le cadre des initiatives sécuritaires. Ainsi, dans le Sahel, la PSI - devenue TSCTP - qui avait un budget de 16 millions USD en 2005 a vu celui-ci augmenter jusqu'à 100 millions USD en 2007. Cette somme étant devenue le budget annuel de ce programme184(*). De même, selon les chiffres de 2011, l'EACTI, supervisée par le DOS avait un budget de 100 millions USD185(*). Par ailleurs, en Afrique de l'Est, depuis 2007 - date de la prise de pouvoir par l'Union des Tribunaux Islamiques en Somalie - l'aide militaire bilatérale des Etats-Unis destinée aux pays de la région a considérablement augmenté. Au Kenya, les financements du DOD sont passés de 453 000 USD en 2006 à 5 793 000 USD en 2007 ; en Ethiopie, on est passé de 63 000 USD en 2006 à 9 357 000 USD ; un autre exemple est celui de Djibouti où ces sommes sont passées de 15 000 USD en 2006 à 8 903 000 en 2007186(*). Ceci fait de l'année 2007, une année cruciale dans l'assistance militaire américaine en Afrique de l'Est. Ces chiffres permettent également de voir que le soutien accordé à l'Afrique dans les politiques sécuritaires de Washington était largement motivé par la stratégie de lutte contre le terrorisme187(*). Si donc la promotion des intérêts stratégiques constituent le principal référentiel de la mobilisation des programmes de coopération sécuritaire américains, l'on comprend tout logiquement que les zones qui ne présentent pas ces enjeux soient marginalisées.

2. Marginalisation des « zones périphériques »

Contrairement à la description faite plus haut, certains coins de l'Afrique sont considérés comme étant périphériques dans la planification stratégique américaine. Cela s'explique par le faible degré d'importance qu'ils représentent pour les USA. Les menaces aux intérêts américains n'y seraient pas aussi importantes et virulentes que dans les régions jugées prioritaires. A l'intérieur de l'Afrique de l'Est que nous avons identifié comme zone d'intérêt stratégique, ces disparités sont bien perceptibles. Lorsqu'on observe l'assistance militaire américaine assurée à travers la section 1206 de la National Defense Autorisation Act188(*) (NDAA) de 2006, l'on se rend compte que la somme attribuée à un pays comme l'Ethiopie - 34,800 USD entre 2006 et 2010 - est largement supérieure à celle allouée à un ensemble de pays que sont la Tanzanie, le Mozambique, l'Ile Maurice et les Seychelles. Cette dernière ne s'élève qu'à 9300 USD sur la même période et elle est presque concentrée sur la sécurité maritime189(*). Pourtant, l'essentiel de l'assistance américaine dans la région se focalise sur la lutte contre le terrorisme. L'on pourrait expliquer une telle déconsidération par le fait que ces Etats ne soient pas géographiquement proches de la Somalie comme le sont des pays tels que le Kenya, Djibouti ou encore l'Ethiopie. Cela ne leur conférant pas une position géographique clé dans le traitement de la menace terroriste à Mogadiscio. C'est pour cela que les Etats-Unis préfèrent d'autres acteurs plus proche du champ de bataille.

Une logique quelque peu semblable s'applique également à l'Afrique australe et aux Grands Lacs. En effet, bien que la partie Sud du Continent représente des enjeux pour les Etats-Unis - notamment d'énormes ressources naturelles et l'émergence de l'Afrique du Sud - la superpuissance n'y fait pas face à une menace de grande envergure comme le terrorisme ou la piraterie maritime. Et même en l'existence d'une menace réelle, Washington se sert de l'Afrique du Sud comme Etat pivot pour l'endiguer. Dans ce contexte, on peut naturellement comprendre que la région ne bénéficie pas d'un grand programme d'assistance sécuritaire.

Dans les Grand Lacs, depuis que le gouvernement soudanais et perçu comme étant la plus grande menace à la stabilité régionale, les Etats-Unis ont entrepris d'accorder le maximum de soutien aux ennemis de Khartoum190(*). C'est ainsi que le Rwanda et l'Ouganda ont bénéficié de son soutien militaire. Si cette assistance peut être prise en compte, elle n'a rien à voir avec celle dont ont bénéficié certains Etats du Maghreb ou de la Corne de l'Afrique. Par ailleurs la RDC qui vit un terrible conflit depuis le milieu des années 1990 ne bénéficie que de sommes très modestes de l'aide militaire américaine. Dans un conflit qui a fait plus de 5 millions de morts, Washington n'a pu débourser que 5,5 millions USD en 2009 pour la réforme d'une armée congolaise de 164 000 hommes. Celle-ci devant protéger 65 millions de personnes191(*). Cette somme est très insignifiante si on la compare à celle allouée à un petit Etat comme le Libéria. Ce pays en cette année 2009, a reçu 49,65 millions USD pour la formation de 2000 soldats devant protéger 4 millions d'habitants192(*). L'intérêt porté à ce pays peut être expliqué par la volonté de Washington de protéger ses intérêts économiques sur le terrain. L'habilitation des forces libériennes devrait leur permettre d'assurer la sécurité des groupes industriels américains qui opèrent dans cet Etat193(*).

Vu sous cet angle, la guerre de la RDC, plus dévastatrice que celle de la Somalie, ne fait pas l'objet d'autant d'attention de la part des USA. L'on n'observe pas un grand enthousiasme de la part de Washington pour la résolution du conflit congolais comme c'est le cas avec celui somalien. Celui-ci s'était déjà opposé à une intervention internationale décidée par les résolutions 1078 et 1080 du conseil de sécurité des Nations Unies194(*). Cette intervention devait être menée par une force multinationale. Et ce dans la perspective de venir en aide aux centaines de milliers de réfugiés qui avaient été attaqués dans leurs camps dans le Kivu par les rebelles Banyamulenge et l'armée rwandaise. Cette désinvolture, voire cette complicité américaine traduit le peu d'intérêt accordé par Washington à certaines problématiques conflictuelles en Afrique. Il s'agit de conflits qui ne remettent pas fondamentalement en cause ses intérêts. C'est pourquoi l'on n'a pas vu autant de fermeté de sa part face aux groupes rebelles congolais comme c'est le cas en Somalie. Par ailleurs on comprend difficilement pourquoi l'Union des Tribunaux Islamiques est qualifiée de groupe terroriste pendant que le M23, qui terrorise également la population pour l'atteinte d'objectifs politiques reste épargné de cette qualification. Par contre l'assistance sécuritaire américaine allait plutôt dans le sens du renforcement de la posture des groupes rebelles. Puisque ceux-ci bénéficiaient de l'appui du Rwanda, alors allié important de la superpuissance195(*).

Tout ce qui a été démontré plus haut montre à suffisance que les ressources allouées dans le cadre de l'assistance sécuritaire américaine ne reflètent pas les priorités les plus pressantes des africains196(*). Conséquence, cette assistance se déploie difficilement aujourd'hui, car elle aboutit à des résultats mitigés.

B. Résultats mitigés de l'assistance sécuritaire américaine

Ayant pour principal référentiel, la défense des intérêts américains, l'assistance militaire des Etats-Unis aux Etats africains n'aboutit pas très souvent aux résultats escomptés officiellement. C'est-à-dire la prévention et la réduction des conflits. Dans le soutien qu'il apporte aux autorités du continent, Washington a contribué à la construction d'Etats pivots qui sont des acteurs importants dans le maintien de la stabilité régionale (1) même si ceux-ci ont très souvent été tentés par l'aventure hégémonique (2).

1. Les Etats pivots : des acteurs importants pour la stabilité régionale

L'aide militaire américaine a un pan bilatéral assez important. Cette démarche consacre l'habilitation de certaines puissances régionales. Celles-ci devant désormais assurer le maintien de la stabilité à l'échelle de la région. La « politique de l'Etat pivot » est fondée sur la pratique renouvelée d'alliances techniques informelles avec certains Etats africains considérés comme leaders régionaux197(*). Cette politique a connu une nouvelle impulsion en raison de la mort de 18 soldats américains à Mogadiscio en 1993 et de l'arrivée au pouvoir de Bill Clinton lors des élections de Novembre 1994. La nouvelle administration est quelque peu réticente aux interventions militaires américaines en Afrique. D'où l'élaboration de la « doctrine Powell ». Alors secrétaire d'Etat, ce dernier estime qu'il faut cultiver des liens étroits avec les puissances régionales du continent qui devraient assurer la stabilité dans leurs régions198(*). Cela permettant à Washington d'éviter au maximum de s'engager directement sur le continent tout en conservant une capacité de maitrise des questions stratégiques cruciales qui y sont soulevées199(*). L'Etat pivot a un double rôle dans le maintien de la stabilité régionale. Il est non seulement un acteur diplomatique important, mais aussi un commando avancé pour les interventions militaires.

Forts du soutien qu'ils bénéficient des USA, les Etats pivots jouent un rôle diplomatique indispensable à la stabilité régionale. En effet, les partenaires clés de Washington travaillent soit à prévenir, soit à stabiliser les situations de crises intra et interétatiques. C'est à travers cette grille que l'on peut apprécier l'activisme diplomatique de l'Ouganda pour la résolution des crises qui sévissent dans la région des Grands Lacs. Ce fut le cas le 24 Novembre 2012 lorsque le Président Yoweri Museveni organisait le cinquième sommet extraordinaire de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). Celui-ci s'est tenu à Kampala. Ce même Etat avait déjà organisé d'autres sommets extraordinaires sur le même conflit. Ils ont lieu les 7 et 8 Août ; le 8 Septembre ; ou encore le 8 Octobre 2012. Les performances diplomatiques ougandaises se révèlent également le 9 Juin 2011. C'est à cette date que furent signés à Kampala, un accord entre le Gouvernement Fédéral de Transition (GFT) de Sharif Sheikh Ahmed et le représentant du parlement fédéral de transition en la personne de Sharif Hassan Sheikh Aden. Ces négociations se sont déroulées sous les auspices du président Museveni. Cet accord avait abouti sur une entente concernant le processus de terminaison de la transition200(*).

Sur un plan strictement militaire, certains Etats considérés comme étant pivots peuvent servir de tremplin ou de bases-arrière aux forces américaines. Mais ces derniers peuvent également eux-mêmes s'investir militairement dans les conflits régionaux en vertu de la puissance militaire qui est issue de leur coopération militaire avec Washington.

Dans le premier cas de figure, on peut noter le rôle de Djibouti dans la lutte contre la piraterie maritime dans la Corne de l'Afrique. Du fait de sa position géostratégique, ce pays constitue un véritable poste d'observation des activités liées à ce phénomène. C'est en vertu de cet atout qu'il abrite la base de la CJTF-HOA. Ce qui fait de lui, un hub anti-piraterie201(*). La base militaire du camp Lemonnier est aussi déterminante dans la lutte contre Al-Qaïda au Moyen-Orient. Elle est la base arrière de certaines attaques comme celle de Novembre 2002 au Yémen202(*). Cependant, force est de noter que ce pays ne se limite pas essentiellement à une posture de base arrière. Il s'investi également dans des interventions militaires. C'est ainsi qu'il avait décidé de l'envoi, en Somalie, de 1000 hommes en fin d'année 2011. L'objectif étant de sécuriser davantage la capitale Mogadiscio et participer notamment à la surveillance de l'aéroport203(*). L'activisme de Djibouti en Afrique de l'Est est certes considérable, mais elle n'est que très modeste à côté de celle du Kenya par exemple.

En effet, depuis le déclenchement de la guerre contre Laurent Désiré Kabila, le Kenya est désigné comme la nouvelle figure du dispositif américain dans les Grands Lacs. Bénéficiant de la plupart des programmes américains dans la zone, il est considéré comme le meilleur pilier régional possible204(*). C'est en vertu du soutien militaire américain que Nairobi était intervenu en somalie en Octobre 2011. L'objectif étant de combattre les milices Al-Shabaab mais aussi de protéger sa frontière Nord-est sans cesse harcelée par les raids des Shifta, c'est-à-dire des bandits somalis205(*). Cette action militaire a été porteuse d'une relative stabilité. Car en Novembre 2011, l'armée kényane a joué un rôle déterminant dans la prise du port de Kismaayo. Parce qu'ayant poussé en première ligne les miliciens de leur allié local Ahmed Madobe dont les forces ont ensuite assuré le plus gros de la sécurité de la région de Juba206(*). L'intervention kényane en Somalie est assez représentative du rôle que peut jouer un Etat pivot en matière de stabilité régionale. Cependant, cette posture de force dont bénéficient certains alliés de Washington sur le continent africain peut aboutir à une dérive hégémonique.

2. La recherche hégémonique : le revers de la médaille

La coopération militaire bilatérale américaine avec les Etats africains est fondée sur l'habilitation de certaines puissances régionales. Celles-ci s'érigent de facto en leaders sur certaines questions, notamment sécuritaires. Certains Etats pivots deviennent les principaux prétendants au pilotage des questions de sécurité et d'autres deviennent des puissances militaires interventionnistes.

Dans le premier cas de figure l'on peut citer l'Algérie. En effet, l'entretien de liens sécuritaires entre ce pays et les Etats-Unis a commencé à la fin des années 1990. Avec les attentats du 11 Septembre 2001, le profile géopolitique du Maghreb a significativement augmenté aux yeux des USA. Cet évènement ayant révélé la nécessité pour Washington de diversifier ses sources d'approvisionnements en hydrocarbures et d'engager une lutte intense conte le terrorisme207(*). Dans ce contexte, il renfoncera sa coopération sécuritaire avec l'Algérie afin qu'elle soit le principal pilier de la lutte contre ce phénomène dans la région. Par exemple, entre 2000 et 2010, l'aide bilatérale accordée à cet Etat a cru de 10%. Puisqu'elle est passée de 115000 USD à 1,7 millions USD. Or la conséquence de cette assistance est la prétention d'Alger à assurer le leadership régional en matière de contreterrorisme208(*). Cette volonté hégémonique a été perçue à l'occasion de l'initiation de la mise sur pied d'une base militaire conjointe en 2010. C'était un projet animé par l'Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger. Non seulement la majorité des 25000 hommes de la base de Tamanrasset étaient algériens, mais aussi le Maroc avait été malicieusement écarté. La raison de l'Algérie était que ce dernier Etat n'était pas concerné par les problèmes de sécurité du Sahel209(*). Mais en réalité cette marginalisation était une manière pour Alger de régler ses comptes à l'Etat marocain par rapport à la question du Sahara Occidental. Il s'agit là d'un exemple d'instrumentalisation de l'assistance militaire américaine à des fins géopolitiques.

La deuxième modalité d'expression hégémonique est basée sur les interventions militaires. Dans ce cas de figure, certains africains se servent du soutien militaire américain pour atteindre leurs objectifs géopolitiques à travers des actions armées extérieures. L'intervention éthiopienne en Somalie, dans cette perspective est un cas d'école. Cette campagne militaire a lieu en Décembre 2006. Officiellement, il s'agissait de combattre les groupes terroristes actifs dans le pays. Mais il faut noter que ce n'était pas la première fois qu'Addis-Abeba intervenait militairement en Somalie. Cela avait déjà été le cas en 1997 et en 1998, dans le souci de détruire les forces rebelles de l'Ogaden National Liberation Front (ONLF). L'action militaire demandé par le premier ministre Éthiopien Meles Zenawi visait les islamistes d'Al-Ittihaad al-islami. Car ce groupe est actif dans l'Ogaden qui revendique son autonomie face à l'Etat éthiopien210(*).Mais fondamentalement, l'interventionnisme d'Addis-Abeba dans la région s'explique non seulement par un besoin de désenclavement vers la mer Rouge - d'où son soutien aux indépendantistes du Somaliland - mais également par la nécessité de contrôler les îles Dalhak211(*). C'est ce que François THUAL résume lorsqu'il note que le grand enjeu des convulsions géopolitiques dans la Corne de l'Afrique a pour toile de fond, le verrouillage de la mer Rouge212(*).

Sur le plan des résultats, loin de restaurer la sécurité à l'intérieur de la Somalie, l'intervention militaire éthiopienne y militarise depuis le début de l'année 2007, des contradictions politiques et sociales et compromet la reconstruction progressive du tissu social et politique national213(*). Par ailleurs, il ya l'existence d'un non-droit dans le pays et les insurgés livrent une guerre à l'Ethiopie et au GFT. L'on dénonce également des abus commis par les forces du GFT et de l'Ethiopie214(*). L'implication américaine dans cette opération favorise la multiplication des radicaux sur le sol somalien. Ces derniers faisant front par un anti-américanisme215(*). C'est dans ce sens que l'on peut comprendre les propos de l'un des responsables d'Al-Qaïda, Ayman AL-ZAWAHIRI. Celui-ci demandait aux musulmans de mener le Djihad en Somalie dans « cette croisade lancée par les Etats-Unis et les Nations Unies contre l'islam et les musulmans»216(*). Cette déclaration montre les effets pervers de l'intervention américano-éthiopienne en Somalie. Elle montre également ce à quoi aboutit parfois l'assistance militaire de Washington à certains Etats africains.

Encadrée fondamentalement par la défense des intérêts nationaux, l'assistance militaire américaine traduit certaines logiques et dynamiques. Loin de répondre aux besoins sécuritaires des Etats africains, elle répond plutôt à d'autres exigences. Le principal référentiel est la lutte contre les nouvelles menaces. Par un effet d'entrainement, c'est ce nouveau paradigme qui se trouve au centre des priorités sécuritaires des africains. Ceci étant le fait de la multiplicité des programmes sécuritaires que Washington leur propose. Il ya ainsi une redéfinition du paradigme sécuritaire. Elle se traduit par la marginalisation de certaines problématiques et approches sécuritaires traditionnelles. En même temps, le débat sécuritaire et la mobilisation institutionnelle se font dans le sens des préférences et exigences des Etats-Unis. C'est ainsi que la lutte contre la piraterie maritime et le terrorisme sont érigés en priorité respectivement pour le Golfe de guinée et pour l'Afrique de l'Est. Ce faisant, la référence permanente à ces deux phénomènes fait de l'aide militaire américaine, une aide sélective. Car elle se déploie en fonction de l'ampleur de ces menaces. Les régions d'intérêts stratégiques sont privilégiées au détriment de celles « périphériques ». Cette sélectivité aboutit à la constitution d'Etats pivots, qui tout en assurant une relative stabilité régionale, peuvent être tentés par l'aventure hégémonique. Du coup, la stabilité tant recherchée s'en trouve entamée. C'est pourquoi l'assistance américaine aboutit à des résultats mitigés.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

La création du commandement américain pour l'Afrique en Octobre 2007 marque un tournant majeur dans la politique africaine des Etats-Unis. Car elle permet d'apprécier l'importance que représente désormais le continent dans la planification stratégique américaine. Par ailleurs, la mise sur pied de cette structure est le résultatd'une nouvelle approche dans la stratégie américaine de traitement de l'insécurité à travers le monde. Cette tendance novatrice est perceptible dans la doctrine qui encadre l'AFRICOM. Elle insiste sur la prévention des conflits notamment à travers la construction des capacités des forces de défense et de sécurité africaines. Issues des expériences d'Irak et d'Afghanistan, cette doctrine dite de Stability Operations met l'accent sur la formation militaire. Celle-ci devant permettre à Washington de limiter sa présence sur le terrain tout en maitrisant les situations de conflits au travers de forces sous-traitantes. Or contrairement à ce qui est annoncé dans le discours officiel américain, cette assistance sécuritaire entraine la cristallisation du débat sécuritaire sur des problématiques qui ne relèvent pas forcément des priorités africaines mais de celles américaines. En conséquence, l'on se trouve face à une assistance militaire qui a des logiques particulières liées à la préservation des intérêts américains. D'où sa sélectivité, puisque privilégiant des régions et des Etats dits pivots. Cette rationalité ne permet cependant pas de traiter véritablement l'insécurité sur le continent. Elle aboutit au contraire à des résultats mitigés allant d'une relative stabilisation à une création et une réactivation des crises et conflits.

Alors, malgré l'engagement dans l'habilitation des armées africaines, l'on se rend compte que l'AFRICOM a pour référentiel dominant, la défense des intérêts américains. Ce qui d'emblée édulcore le discours altruiste des USA lors de la création de cette structure. Si l'on considère même la particularité du contexte stratégique africain - avancée de la Chine, diversification des sources d'approvisionnement en hydrocarbures, prégnance du terrorisme, - l'on peut bien comprendre que ce commandement ait également pour mission, de renforcer la présence militaire américaine sur le terrain.

DEUXIEME PARTIE

L'AFRICOM DANS LE RENFORCEMENT DE LA PRESENCE MILITAIRE AMERICAINE EN AFRIQUE

Crée le 6 février 2007, l'AFRICOM est le sixième commandement géographique des Etats-Unis dans le monde. Dans le discours officiel, l'on évoque très souvent sa spécificité par rapport aux autres commandements américains. Ces derniers ayant été conçus selon les exigences géostratégiques de la guerre froide. Il fallait en effets contenir l'expansion de l'Union Soviétique à travers le monde. Cela recommandait l'adoption d'une approche offensive basée sur la puissance militaire. Contrairement à ces commandements géographiques, l'AFRICOM, selon les autorités américaines, rompt avec la posture militariste. Il met plutôt l'accent sur la prévention des conflits à travers la focalisation sur des questions économiques, sociales ou encore humanitaires. Ce qui pourrait faire penser à un certain altruisme de la part de Washington. Ce discours apparemment novateur suscite un certain nombre d'interrogations. La première concerne l'effectivité d'une telle transformation de la doctrine américaine d'engagement international. La deuxième est relative aux raisons fondamentales de la mise sur pied d'un commandement militaire pour le traitement de questions civiles. Si nous nous trouvons dans un champ géopolitique et si justement toute étude géopolitique s'attèle entre autres à mettre en évidence les motivations et les intentions des acteurs217(*), alors il serait très logique de questionner le rôle central de l'AFRICOM sur le continent africain. La première piste de réflexion devrait concerner le contexte particulier dans lequel est née cette institution. Celui-ci est marqué par la montée en puissance de la Chine en Afrique, la nécessité pour Washington de diversifier ses sources d'approvisionnements en hydrocarbures et surtout la lutte contre le terrorisme. Ce qui d'emblée recommande une posture des plus réalistes. Il serait d'ailleurs difficile d'imaginer des militaires « humanitaires » américains assister passivement à l'attaque des intérêts de leur pays par des groupes armés. Cela suppose que la présence militaire s'accompagne de la possibilité de l'usage de la force. Est-ce que face à de telles exigences, l'AFRICOM resterait toujours fidèle à sa doctrine de Stability Operations ? Cela est difficilement concevable face à l'importance des enjeux. Milady ORTIZ assimilait déjà ce commandement à deux autres dans le monde. Il s'agit du PACOM et du SOUTHCOM. Avec le premier, il partage la mission de la lutte contre les groupes insurgés pendant qu'il lutte contre le trafic de drogue comme le deuxième218(*). D'autres observateurs vont plus loin en voyant à travers la création de ce commandement, la volonté de Washington de mieux structurer sa présence sur le continent face à la menace terroriste219(*) et à la piraterie maritime. Et ce dans la perspective de mieux sécuriser ses approvisionnements en hydrocarbures. Ces défis sécuritaires sont tellement importants que l'AFRICOM s'attèle à renforcer la présence militaire américaine en Afrique. Or cela n'est possible qu'il reste fidèle à la culture stratégique des USA (chapitre IV) qui n'accorde qu'une place marginale à la diplomatie (chapitre III).

Chapitre III : La place marginale de la diplomatie dans les actions de l'AFRICOM

En tant que cadre doctrinal du commandement américain pour l'Afrique, La « Stability Operations », dans sa conception, s'attaque aux causes profondes des conflits. Et ce sont ces causes qui devraient le plus retenir son attention. Ce qui recommande une posture des plus diplomatiques. Car la diplomatie, grâce aux vertus de la négociation et du compromis, devrait permettre de désamorcer ou de résoudre pacifiquement les crises. C'est pour y répondre que les autorités américaines ont fait de ce commandement, une structure interministérielle. Il est pour ce faire constitué, au-delà du DOD, du DOS ou encore de l'USAID. L'inclusion du DOS devrait permettre à cette institution de mener à bien ses actions notamment sur le plan diplomatique. Mais l'implémentation des missions diplomatiques du DOS au sein du commandement n'est possible que s'il ya un réel équilibre civilo-militaire. Or de plus en plus, des voix s'élèvent pour s'inquiéter du risque d'affaiblissement du secrétaire d'Etat dans l'élaboration de l'agenda américain dans les relations avec les Etats étrangers220(*). Ce déséquilibre entre le civil et le militaire est également dénoncé par Mark MALAN. Pour ce dernier, la politique extérieure américaine est de plus en plus dominée par le Pentagone. Du coup, les capacités des civils à conduire des politiques de reconstruction à long terme se trouvent réduites221(*). Par ailleurs, il doute de la capacité de l'armée à construire les Etats, étant donné qu'elle a été conçue pour les envahir et non pour les construire222(*). Sur le terrain, ce pessimisme semble se confirmer à travers les actions concrètes de l'AFRICOM. Car s'il s'implique dans la prévention des conflits, toutes ses actions ne vont pas dans le sens d'une réelle diplomatie. C'est-à-dire d'une posture de rupture fondamentale face à la tradition interventionniste américaine. L'attitude de cette institution est plutôt tributaire de la nature des enjeux et de contraintes géostratégiques qui structurent l'environnement stratégique africain. Dans ce sens, plus ces enjeux sont importants, moins l'AFRICOM s'accommode des convenances diplomatiques. Cette hypothèse se vérifie assez clairement aujourd'hui dans les réponses qu'apporte cette structure (section II) aux problématiques sécuritaires complexes du continent africain (section I).

SECTION I : COMPLEXITE DES PROBLEMATIQUES SECURITAIRES EN AFRIQUE

Loin des conceptions et des perceptions simplistes des menaces qui règnent sur le continent africain, la question de l'insécurité en Afrique nécessite une analyse plus lucide. C'est-à-dire celle qui recherche une explication locale des problèmes. Cela permet d'éviter de tomber dans le piège de la généralisation abusive. Cette spécificité locale de l'insécurité rend assez complexe certaines crises et conflits. C'est notamment le cas de l'insurrection (A) et de la piraterie maritime en Afrique (B).

A. La question de l'insurrection en Afrique

Aujourd'hui, le continent africain est parsemé de groupes insurgés. La plupart d'entre eux s'érigent contre l'ordre politique interne et d'autres ont de plus en plus des tendances transnationales. Cependant ils ont tous pour point commun, l'encrage local de leurs origines. Donc loin des clichés qu'en donnent les acteurs dominants à l'échelle internationale, la compréhension de leurs dynamiques nécessite une étude locale fondamentale. Si l'on s'en tient aux deux qui vont être explorés ici, force est de noter que la problématique du GSPC ne peut se comprendre qu'à travers la question de l'aspiration à une plus grande participation politique en Algérie (1). De l'autre coté, l'on peut mieux appréhender les dynamiques de Boko Haram si on interroge l'état de la justice sociale au Nigéria (2).

1. Le GSPC et l'aspiration à une plus grande participation politique en Algérie

Suite aux élections municipales de Juin 1990, suivies du premier tour des législatives de Décembre 1991, la scène politique est sur le point d'être dominée par un parti confessionnel qui porte le nom de Front Islamique du Salut (FIS). Très vite l'armée reprend le pouvoir et écarte cette formation du paysage politique officiel du pays. C'est cette interruption du processus électoral par les militaires qui marque le début de l'insurrection armée dans le pays en Mars 1992. Ainsi, à la suite du « Congrès d'unification » d'Avril 1994, plusieurs groupes islamistes se retrouvent au sein du Groupe Islamique Armé (GIA)223(*). La constitution de ce groupe était une sorte de réponse à la répression dont faisaient face les islamistes, le FIS ayant été dissout en Mars 1992. Quelques années plus tard, précisément en 1998, c'est la naissance du GSPC sous la direction d'Amara Saïfi. Cette insurrection, à ses origines, se fixe pour objectif, de renverser le gouvernement algérien224(*). Ce qui montre clairement qu'il n'est pas fondamentalement un groupe Djihadiste comme ont tendance à le faire croire les acteurs dominants. Ce n'est que par la suite que son discours et son champ d'action ont évolué. S'étendant désormais à d'autres Etats du Maghreb comme la Mauritanie, l'objectif du GSPC intègre désormais la réislamisation de la société à travers l'établissement d'un Califat225(*). Cette évolution aboutit, le 11 Septembre 2006, à son association à Al-Qaïda. La fusion entre les deux groupes mène à la mise sur pied, en Janvier 2007, d'Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI). Cette nouvelle étape sonne l'entrée du GSPC dans le sillage du « djihadisme » international. Cette mutation de simples aspirations politiques locales à l'adhésion à un discours djihadiste international est le résultat de la stratégie d'Al-Qaïda. En effet, ce groupe s'investit dans la cooptation de groupes insurgés locaux et l'instrumentalisation de leurs frustrations pour les associer à son combat226(*). Dans ce sens, le groupe islamiste mondial établit des liens avec des insurrections locales en leur proposant ses financements, son savoir-faire, des conseils et du soutien en termes de propagande. En échange, il reçoit leur soutien qui se traduit par la promotion de la propagande djihadiste et la conduite d'actions terroristes locales227(*). Même si Al-Qaïda n'agit pas comme un haut commandement pour les niveaux supposés inférieurs, il assure leur dynamisme financier et opérationnel. Par ailleurs, il se nourrit de frustrations locales et les intègre dans des cadres idéologiques plus larges. Il ya donc un travail de redéfinition des mécontentements locaux en termes islamistes et djihadistes228(*). Cette démarche d'Al-Qaïda montre comment des groupes locaux comme le GSPC sont devenus des organisations djihadistes. Donc les origines de l'insurrection algérienne ne résident pas dans des aspirations djihadistes internationales.

En réalité, la reconversion islamiste, mieux, la radicalisation des membres du groupe est du à deux facteurs. Premièrement, leur participation à la guerre d'Afghanistan contre l'URSS et plusieurs contacts avec Oussama Ben Laden229(*). Deuxièmement, l'alliance à Al-Qaïda était moins due à une affinité idéologique qu'à des questions de financement. C'était la position de la faction dure du GSPC tenue par El Para qui refusait l'amnistie que proposait le gouvernement. Son objectif était de s'allier à Al-Qaïda pour bénéficier de ses faveurs, notamment financières. C'est entre autres cet opportunisme qui explique la reconversion djihadiste du discours de ce groupe. Ce qui montre qu'il ne relève fondamentalement pas du terrorisme international comme le disent les américains. Même devenu AQMI, il conserve son identité locale qui est liée à des questions de lutte politique interne avec le gouvernement algérien. Cette posture se vérifie assez clairement dans les dernières attaques du groupe. Notamment lors de l'attaque du site gazier d'In Amenas du 16 Janvier 2013. L'objectif des assaillants était de mettre le gouvernement algérien à l'épreuve et de démontrer son incapacité à gérer les crises. C'est une sorte de dénigrement politique qui ne relève pas d'emblée du djihadisme. Ainsi, un groupe que l'on qualifie d'une manière simpliste de « terroriste » recouvre une réalité beaucoup plus complexe et nécessite une analyse plus lucide comme ce pourrait être le cas avec Boko Haram.

2. Boko Haram et la recherche de la justice sociale au Nigeria

Contrairement aux clichés de qualification terroriste promus dans le cadre de la lutte mondiale contre le terrorisme, l'insurrection au Nord du Nigéria commande une plus grande attention sur les dynamiques sociopolitiques et socio-économiques qui structurent la société nigériane. En effet, ce pays est confronté à une crise de gouvernance. Puisque le gouvernement fédéral est incapable de subvenir aux besoins de base des populations du Nord du Pays à majorité musulmane. Cette partie affiche le plus mauvais résultat en termes de niveau d'éducation, de pauvreté ou encore de mortalité infantile230(*). A ces tares, l'on peut ajouter la corruption galopante, le chômage des jeunes. C'est ce chômage qui est à l'origine du phénomène des Almajiri. C'est-à-dire des milliers de jeunes provenant des familles défavorisées, n'ayant pas les moyens de les engager à l'école et n'ayant pour seul recours que les écoles coraniques et la mendicité231(*). Par ailleurs, dans l'Etat du Borno, les trois-quarts de la population vivent sous le seuil de la pauvreté ; seuls 2% des enfants de moins de 15 mois y sont vaccinés ; relativement à l'accès à l'éducation, 83% des jeunes sont illettrés, 48,5% des enfants en âge d'être scolarisés ne le sont pas ; enfin, 34,8% des musulmans de 4 à 16 ans n'ont jamais fréquenté une école232(*). Cette précarité crée des conditions propices à la prolifération du discours djihadiste qui, dans le cas d'espèce est instrumentalisé pour la revendication de la justice sociale.

En guise de rappel historique, c'est en 2002 qu'un groupe de jeunes islamistes fréquentant une mosquée de Maiduguri, capitale de l'Etat du Borno, déclare que les autorités de la ville et les autorités islamiques en général sont corrompues233(*). Après s'être installés dans le village de Kanama, les membres de cette nouvelle dynamique, sous l'impulsion de leur leader Muhammad ALI, adoptent une philosophie anti-Etat et invitent les musulmans à les rejoindre234(*). Après avoir été assiégé par la police dans une mosquée en 2003, ils retournent à Maiduguri où ils fondent leur propre mosquée. C'est depuis ce temps que l'on les désigne sous le nom Boko Haram. Condamné à la clandestinité depuis Juillet 2009, ce groupe estime que le délabrement de la société nigériane tire ses origines du système étatique tel que conçu par l'occident. C'est ce système qui est porteur des germes de la dépravation, de la corruption ou encore de l'injustice dont souffre le Nord du pays. D'où le slogan de ce groupe selon lequel « la civilisation occidentale est un péché ». Pour ces activistes, le seul moyen de sortir de cette situation est l'instauration de la Charia. La loi islamique serait dépositaire d'un code moral indispensable au processus d'épuration du corps social nigérian. Le califat ainsi souhaité serait garant du bien être socio-économique et moral de tout nigérian. La discrimination et l'injustice n'auraient aucune place dans cette société.

Par ailleurs, l'on pourrait également comprendre la secte Boko Haram à l'aune de la théorie du complot. Ainsi, ce groupe serait au coeur des batilles politiques entre le Nord musulmans et le Sud chrétien du Nigéria. Il aurait de ce fait pour objectif d'exacerber l'impression d'un pays à deux vitesses avec des lois différentes d'une région une autre235(*). Cette thèse de la conspiration postule également que les Yusufiyaas236(*) animeraient l'opposition nordiste en vue de miner l'assise d'un gouvernement présidé par un chrétien237(*). Cette approche est intéressante dans la mesure où elle souligne la dimension interne de l'insurrection au Nord du Nigéria. Même si cette organisation fait montre de tendances djihadistes transnationales aujourd'hui, cela est du, moins à ses postulats doctrinaux d'origine qu'aux contacts noués entre ses membres exilés et les réseaux djihadistes internationaux238(*). Cette précision est d'autant plus pertinente que le mouvement de M. Yusuf n'a pas initialement des visées djihadistes et terroristes. Mais c'est plutôt la répression des forces de sécurité qui contribuent à le radicaliser239(*).

Au vu de ces différentes démonstrations, l'on se rend bien compte que le conflit au Nord du Nigéria, à la base, n'est pas religieux. Il s'agit d'une révolte sociale basée sur une sorte de théologie de la libération en faveur de la justice240(*). La religion y est plutôt utilisée comme catalyseur dans la perspective de la mobilisation du plus grand nombre de membres. Par ailleurs, elle est perçue par les insurgés comme le principal, voire l'unique référentiel qui devrait encadrer la restauration de l'équilibre social au Nigéria. Ainsi la multiplicité des facettes explicatives de la question de Boko Haram tout comme c'est le cas avec le GSPC montre à suffisance la complexité de la problématique de l'insurrection en Afrique. Ce qui est aux antipodes des clichés simplificateurs qui ont pour principal référentiel, le terrorisme international. Cette démarche se perçoit également dans le traitement de la piraterie maritime qui est pourtant un problème tout aussi complexe que l'insurrection.

B. Le cas de la piraterie maritime en Afrique

Sur le continent africain, deux régions sont principalement touchées par le phénomène de la piraterie maritime. Il s'agit de la Corne de l'Afrique et du Golfe de Guinée. Si l'on peut expliquer la manifestation de ce phénomène dans ces régions par leurs propriétés stratégiques, l'on ne pourrait cependant pas négliger les problèmes auxquels font face les différents Etats qui les constituent. Ainsi, derrière le concept de piraterie maritime, se cache une réalité assez complexe. Ce phénomène est intimement lié aux problèmes auxquels les Etats africains font face. Vu sous cet angle, on pourrait l'expliquer non seulement par des facteurs socio-économiques (1) mais aussi par la vitalité des batailles politiques (2).

1. L'explication socio-économique du phénomène

Bien que cette théorie soit parfois nuancée, la piraterie maritime a bien des liens avec la situation socioéconomique des Etats. Ce phénomène vu sous cet angle émerge plus facilement dans un contexte de pauvreté et de déliquescence totale. Une telle société serait un terreau fertile au recrutement des pirates. Le chômage et le manque de perspective d'avenir condamnant les jeunes à vivre dans l'oisiveté et à se livrer à des pratiques illégales.

Dans la Corne de l'Afrique, la piraterie maritime est en majeure partie alimentée pas des personnes originaires de Somalie. Cette réalité n'est que logique lorsqu'on sait que cet Etat est aujourd'hui en faillite depuis la chute de Siad Barré en 1991. Depuis cette date, le pays a été plongé dans un état de délabrement et n'a jamais réussi à recouvrer une quelconque stabilité jusqu'aujourd'hui241(*). Cet état de décomposition avancée s'est accompagné d'une terrible crise humanitaire en raison des effets conjugués de la sécheresse, de la crise alimentaire et des violences242(*). Ainsi, lors de la crise alimentaire de 2011, 29000 personnes ont perdu la vie243(*). Par ailleurs, en 2009, 3,2 millions de somaliens dépendaient de l'aide humanitaire soit environ 40% de la population du pays. Le taux de prévalence de malnutrition chez les enfants s'élève à 18,6%244(*). Si l'on ajoute à cela le chômage en pleine effervescence dans un tel contexte, on comprend très clairement pourquoi de nombreux jeunes se lancent dans cette activité « lucrative » qu'est la piraterie maritime. Et ce dans la perspective d'assurer leur bien-être dans un Etat sans repères socio-économiques. Cette activité offre ainsi de l'emploi à des jeunes désemparés qui estiment n'avoir aucune autre source de revenus245(*).

Cependant, force est de préciser que l'explication socio-économique n'est pas exclusive. Elle est d'ailleurs contestée par une autre approche qui estime que ce phénomène n'a pas de lien direct avec la pauvreté. Car le Nigéria qui est l'un des pays les plus touchés du continent n'est pas le plus pauvre du littoral africain. Au contraire la piraterie y va de pair avec une période de croissance économique tirée par la hausse des prix du baril de pétrole au milieu des années 2000246(*). Pendant ce temps, on pourrait s'étonner de la relative absence de la piraterie dans des pays pauvres comme le Mozambique ou encore la RDC247(*). Ces nuances sont importantes dans la mesure où on pourrait s'interroger sur les moyens des pirates. En effet, les équipements utilisés ne peuvent être à la portée de pauvres marins. Il s'agit notamment des lance roquettes RPG-7, des radios, des radars, des GPS et parfois même des technologies comme Automatic Identification System (AIS). Ce dernier permettant aux ravisseurs d'identifier les navires à distance, leur approvisionnement, leur vitesse, la route et la destination248(*). Par ailleurs, il est difficilement compréhensible que de pauvres pécheurs somaliens puissent opérer jusqu'à 800 km des côtes comme ce fut le cas à la mi-novembre 2008 lorsque le supertanker saoudien, Sirius Star avait été détourné par des pirates249(*). En réalité, ce genre d'opération nécessite beaucoup de moyens. Car il faut disposer d'embarcation puissante et d'une énorme quantité de carburant. Si l'on ajoute à cela, la complexité des modes de versement et d'écoulement des rançons, on pourrait admettre l'intervention de grands hommes d'affaire dans les activités de piraterie maritime.

Si cette nuance valait la peine, elle n'évacue cependant pas la base socioéconomique du phénomène. Puisqu'en réalité, les milliers de jeunes sans emploi qui sont recrutés dans cette activité le sont facilement par manque de perspective d'avenir. Ils ne sont forcément pas les concepteurs ou les planificateurs des attaques, mais peuvent en être de simples exécutants. Leur disponibilité est indispensable pour la prospérité de la piraterie maritime. La pauvreté devient ainsi le catalyseur d'un phénomène qui se trouve également au coeur des batailles politiques.

2. Un phénomène au coeur des batailles politiques

Une autre variable explicative de la complexité du phénomène de piraterie maritime est son insertion dans une certaine mesure, dans les luttes politiques en Afrique. Elle peut être utilisée comme moyen d'expression des mécontentements, mais surtout comme marque des oppositions qui existent entre différents groupes. Le lien entre piraterie et politique peut être fait à l'aune de la définition que donne Carl SCHMITT à ce dernier concept. Pour cet auteur en effet, le principal critère du politique est la discrimination de l'ami et de l'ennemi dans le sens de l'expression du degré extrême de l'union ou de la désunion entre groupes différents250(*). Il poursuit en notant que l'ennemi est un ensemble d'individus groupés, affrontant un ensemble de même nature et engagés dans une lutte pour le moins virtuelle c'es-à-dire effectivement possible. Ce concept inclut au niveau de la réalité concrète, l'éventualité d'une lutte251(*). La politique se caractérise donc par un degré assez élevé d'opposition entre groupes, celle-ci donnant lieu à des luttes. Loin d'une simple opposition entre adversaires ou entre concurrents économiques, religieux ou culturels, le politique en est la traduction extrême. Cependant ce concept ne désigne pas un domaine d'activité propre mais seulement le degré d'intensité d'une association ou d'une dissociation d'êtres humains dont les motifs peuvent être d'ordre religieux, national, économique ou autres et provoquent, à des époques différentes, des regroupements et des scissions de types différents252(*).

Le concept du politique est étroitement lié à la théorie du partisan253(*). En effet, le partisan, en tant que combattant irrégulier254(*), remet en cause l'ordre de l'Etat ainsi que sa capacité à prétendre au monopole de la violence légitime. Dans le cas d'espèce, les pirates pourraient être assimilés à des partisans. Car même si les animateurs de cette activité ne s'inscrivent pas dans une lutte armée violente à la dimension d'une guerre civile, leurs actions peuvent tout de même traduire une certaine rébellion face à l'autorité étatique. Cela pouvant aller jusqu'à la prétention à une reconfiguration du paysage politique national.

En effet, la piraterie maritime est utilisée par certains groupes comme tactique de combat pour discréditer les autorités publiques, faire régner en permanence un sentiment d'insécurité généralisée ou encore affirmer leur autonomie. Au Nigéria par exemple, le MEND, créé en Septembre 2005 s'inscrit clairement dans cette logique. Même si la majorité d'explication des actions du mouvement le confinent souvent à de simples revendications socioéconomiques255(*), ses actions et ses revendications ont une portée politique assez importante. Tout d'abord, en commettant des actes de piraterie en haute mer contre des navires marchands et en sabotant les plateformes pétrolières des sociétés pétrolières étrangères, le MEND démontre l'incapacité des autorités fédérales à contrôler l'ensemble du territoire et à y garantir la sécurité pour les investisseurs étrangers. C'est donc une manière pour ces militants de discréditer le gouvernement, non seulement aux yeux des ses propres populations mais aussi de potentiels investisseurs. Il ya ici une politisation des milieux criminels et une criminalisation de l'opposition politique, la piraterie maritime faisant partie des répertoires de contestation politique256(*). C'est dans ce sens que les rebelles du MEND sont utilisés et financés par les gouverneurs locaux pour se débarrasser de leurs rivaux au moment des élections257(*). Les actes de piraterie que posent les pirates ainsi recrutés ont pour objectif, de démontrer l'incapacité des autorités en place à gérer l'Etat et à assurer le bien-être des populations. La violence ainsi mobilisée se substitue au débat politique. Mais elle est porteuse d'arguments tout aussi pertinents que ceux mobilisés au cours d'un débat politique normal.

Pour revenir au cas du Nigéria, du fait de la multiplication des actes de piraterie par le MEND, la production nationale a décru de 20%. Cela a forcément eu un effet néfaste sur l'économie et donc sur la réputation du gouvernement nigérian. Cet aspect est d'autant plus pertinent que le Nigéria tire 80% de ses revenus fiscaux de la production pétrolière258(*). Donc asphyxier cette activité revient à porter un coup sérieux à l'ensemble de l'économie du pays. L'on voit ainsi clairement comment la piraterie maritime est utilisée à des fins de compétition politique. Cette grille de lecture pourrait dans une certaine mesure expliquer l'arrivée au pouvoir en Avril 2011 de Goodluck Jonathan259(*). Car dans l'histoire du Nigéria, c'est la première fois qu'un ressortissant de la région du Delta du Niger est élu président. Ses prédécesseurs ayant été des nordistes. Cette élection intervient un peu plus de cinq ans après la création du MEND. Ce groupe qui succède au NDPVF260(*), en entreprenant ses actions violentes dont la piraterie maritime, a forcément participé au dénigrement des régimes dirigés par les musulmans et a renforcé la victimisation du peuple du Delta. Ceci aurait attiré les faveurs électorales des populations en faveur de l'un des ressortissants de cette région.

Une autre criminalisation des luttes politiques est la revendication par certains groupes de leur autonomie. La piraterie maritime est parfois utilisée comme tactique de combat. Celle-ci leur permet d'affirmer leur capacité de nuisance et surtout de faire plier les autorités dont ils revendiquent l'autonomie. L'exemple le plus patent est celui des mouvements autonomistes de la péninsule de Bakassi. En effet, des groupes tels que le BAMOSD261(*) et le Bakassi Freedom Fighters se montre très actifs dans ce type de lutte. Ils sont tous très remontés contre la rétrocession de la péninsule pétrolifère au Cameroun par le Nigéria du fait de la signature des accords de Green Tree entre les deux pays en Juin 2006 par les deux Etats262(*). C'est ainsi que le BBF avait mené une grande opération de piraterie le 31 Octobre 2008 en attaquant un Supply Boat, le SS SAGITTA en manoeuvre de sécurisation d'un Tanker en chargement ainsi que ce tanker263(*). Ces différentes démonstrations montrent quels sont les usages politiques de la piraterie maritime. Il s'agit en réalité de la dimension complexe d'un phénomène que les acteurs dominants de la scène internationale considèrent très souvent comme étant fondé sur un réseau bien organisé à l'échelle internationale. Sans renier la dimension transnationale et internationale de la piraterie, l'on précise juste que sa compréhension passe par une prise en compte de l'environnement politique, économique, social et même culturel dans lequel elle se développe. Or lorsque l'on analyse les réponses qu'apporte l'AFRICOM aux problématiques sécuritaires africaines, on a du mal à percevoir toutes ces précautions.

SECTION II : LA REPONSE DE L'AFRICOM AUX PROBLEMATIQUES SECURITAIRES AFRICAINES

Le traitement de l'insécurité en Afrique est une tâche assez ardue, du fait de la complexité des problèmes qui y sont répertoriés. Cela nécessite beaucoup de précautions ainsi qu'une grande attention. Et ce dans le souci de ne pas tomber dans les catégories simplistes dans lesquelles sont très souvent classés les groupes qui animent cette insécurité. Or lorsqu'on explore avec acuité les paradigmes théoriques et doctrinaux à travers lesquels est conçu l'AFRICOM, l'on se demande bien si toutes ces précautions sont prises. En réalité, l'un des principaux référentiels de la politique américainede sécuritéen Afrique est l'éradication des nouvelles menaces. C'est ce référentiel qui semble dominer les réponses qu'apporte le nouveau commandement américain aux problématiques sécuritaires sur le continent. On comprend dès lors pourquoi les actions sécuritaires de la nouvelle structure américaine se fondent sur une construction de la menace liée à des logiques cognitives particulières (A) même si le cadre doctrinal de cette institution lui impose une certaine implication civilo-militaire (B).

A. Logiques cognitives et construction des menaces

Pour comprendre les réponses du commandement américain aux problématiques sécuritaires africaines, il est important d'explorer les logiques cognitives américaines liées à la conception et à la construction de la menace. En tant que situation organisée ou exploitée par un adversaire avec une intention hostile visant à causer des dommages matériels ou immatériels étendus et durables264(*), toute menace se perçoit en fonction d'un système de référence. Celui-ci étant lui-même fondé sur des propriétés cognitives existant dans la société. Cela donne au concept de menace, une flexibilité qui s'opère dans le sens des objectifs stratégiques des dirigeants. Ce postulat est bien perceptible non seulement dans la stratégie d' « agrégation » américaine relative à la qualification « terroriste » des groupes armés (1) mais aussi dans l'utilisation du concept d' « espaces non gouvernés » en Afrique (2).

1. La stratégie d' « agrégation » dans la qualification « terroriste » des groupes armés

Parmi les missions de l'AFRICOM, figurent en bonne place, les questions de sécurité sur le continent africain. Cet aspect est d'autant plus important que la conflictualité en Afrique est animée par de nombreux groupes armés. Que ce soit le MEND, AQMI, Boko Haram ou encore Al Shabaab, la liste est assez longue. Dans un tel contexte, on peut comprendre que les intérêts américains soient menacés. Puisque cette superpuissance est très souvent accusée d'être impérialiste. Depuis l'émergence de ces nouvelles formes de menaces de l'ère post-guerre froide, l'approche sécuritaire américaine a connu une évolution. Les représentations dominantes de la sécurité changeant au gré des époques, des civilisations, des cultures et des circonstances politiques265(*). Même si l'approche de lutte contre les menaces a changé, l'on peut tout de même faire un rapprochement entre la démarche de l'époque de la guerre froide et celle d'aujourd'hui. Il s'agit de la tendance à la « généralisation ». En effet, celle-ci consiste à considérer tout conflit local comme relevant de catégories conflictuelles internationales. Dans ce sens, la spécificité des conflits est négligée au profit de leur insertion dans des structures conflictuelles plus larges. C'est ce que BERSCHINSKI appelle la politique d « agrégation » ou policy of agregation. Celle-ci consiste à mettre toutes les insurrections - qu'elles soient locales, régionales ou internationales - sous la seule bannière du terrorisme international266(*). Elle a été définie en 2001 lorsque l'administration Bush lançait la Global War On Terror (GWOT). C'est cette « agrégation » qui structure la guerre mondiale contre le terrorisme.

En effet, les tristes évènements des Etats-Unis en 2001 ont créé une psychose qui, à son tour a entrainé une reconstruction sémantique et idéologique abusive du terme terrorisme. En conséquence, la plupart des groupes politico-militaires sur le continent sont assimilés au terrorisme267(*). Or ces groupes combattent très souvent pour des questions légitimes. Cette approche est issue de l'idéologie anti-terroriste post-11 Septembre qui commande la qualification terroriste des activités criminelles et donc l'invention de l'ennemi268(*).

Dans le cadre de la stratégie d'agrégation, la menace est monolithique, dans ce sens que les groupes armés en Afrique ne sont pas étudié en fonction de l'environnement dans lequel ils opèrent. Le traitement de la menace a pour principal référentiel, la lutte contre le terrorisme. Sans interroger les causes qui président à l'émergence de ces groupes, la démarche « agrégative » insiste sur la promotion des initiatives anti-terroristes269(*). Puisque le combat que mènent les mouvements armés en Afrique n'est perçu qu'à l'aune du terrorisme international. Or chaque insurrection locale est en partie basée sur des problèmes locaux assez complexes. Vu sous cet angle, les différents groupes n'ont pas forcément pour référentiel, la promotion du djihad international même s'ils peuvent avoir des contacts avec les organisations terroristes internationales270(*). Tous ces groupes ont des revendications qui méritent une attention. C'est le cas du GSPC qui aspire à une plus grande participation politique en Algérie ; ou encore de Boko Haram qui revendique une meilleure redistribution des rentes étatiques au Nigéria. Ce sont ces revendications qui sont souvent instrumentalisées par les groupes terroristes internationaux. D'où la reconversion djihadiste des revendications qui ne l'étaient pas au départ271(*).

En réalité, la politique d' « agrégation » est largement motivée par la culture stratégique américaine où il ya une tendance permanente à la diabolisation de l'ennemi selon une perception manichéenne du monde. Ce qui donne à ce dernier, un caractère amoral qui lui ôte le droit à l'existence politique. C'est-à-dire qu'il n'est plus un interlocuteur avec qui l'on peut discuter, puisqu'il est identifié au mal. Il ne mérite qu'une punition brutale et violente272(*). Il s'agit d'une approche policière et pénale de résolution des conflits. Elle met l'accent sur la punition qu'on doit infliger au contrevenant et non sur la possibilité de dialoguer avec lui. La conception essentiellement punitive des engagements militaires américains s'explique également par une conception strictement opérationnelle de la stratégie. Héritée de JOMINI, ce principe insiste sur la nécessité de la conduite de la guerre par des professionnels, à l'abri de toute considération politique. Car l'ingérence du politique dès le début des hostilités risquerait de porter préjudice à la réalisation des objectifs militaires273(*). La guerre n'est donc pas - comme le prétendait CLAUSEWITZ - la continuation de la politique par d'autres moyens. Son objectif est de gagner et de remporter des victoires274(*). Une action militaire brutale et débarrassée de toute négociation politique est ce qui est réservé aux groupes insurgés africains qui sont considérés comme faisant partie du terrorisme international.

Relativement au comportement de l'AFRICOM, certains observateurs s'inquiétaient déjà de le voir poursuivre cette stratégie. Cette inquiétude n'est pas fortuite, car les différentes actions anti-terroristes de ce commandement sur le continent démontrent clairement ses allures belliqueuses. Ainsi, depuis 2007 - date de sa création - les Etats-Unis ont mené au moins sept raids militaires contre des cibles d'Al-Qaïda en Somalie. En l'occurrence, il ya eu des attaques comme celle navale de Mars 2008 contre Saleh Ali Saleh ; l'attaque d'un missile de croisière américain au centre de la Somalie qui a causé la mort de Aden Hashi Ayro - chef d'Al Shabaab- et celle d'autres cadres du groupe275(*). A travers ces interventions militaires, on perçoit bien que Washington ne fait pas de différences entre Al-Qaïda - qui est une organisation globale - et Al Shabaab - qui est une insurrection locale liée à des problèmes locaux et spécifiques. C'est dans ce sens que face aux attentats de Kampala de Juillet 2010, l'AFRICOM avait estimé que cette opération menée par des rebelles somaliens démontrait la capacité d'Al-Qaïda à exporter le conflit hors du territoire somalien et donc, cela constituait une menace directe à la sécurité des Etats-Unis276(*). Cette position du nouveau commandement américain est assez représentative de la démarche de définition et d'invention de la menace qui est profondément constructiviste. Ceci permettant à Washington de multiplier ses possibilités d'intervention sur un continent qui est considéré comme étant parsemé d' « espaces non gouvernés ».

2. La mobilisation du concept d' « espaces non gouvernés » en Afrique

La construction et la désignation des menaces sont importantes dans le dispositif stratégique américain. Elles passent par la structuration d'un système de référence cognitif sur lequel s'appuient les décideurs pour leur production discursive. En effet, la cognition influence à la fois l'interprétation d'une situation, l'évaluation d'une menace, les comportements, actions et réactions des acteurs277(*). C'est à l'aune de ce cadre théorique que l'on peut lire l'érection du concept d' « espaces non gouvernés » comme l'un des points focaux de la stratégie sécuritaire américaine en Afrique. Si l'idée est contenue dans la Stratégie de Sécurité Nationale, ce terme est utilisé en 2003 par Donald Rumsfeld. Il déclare alors: « There are ungoverned areas in the world, as the general said, and that is a problem. That makes it easier for people who are trying to evade attention and capture to continue function, because literally areas that no one is governing»278(*). Cette idée est aussi évoquée dans un article de Stewart M. POWELL, paru dans l'Air Force Magazine en 2004. Pour les auteurs de ces travaux, le désert Nord-africain est un aimant pour les terroristes du fait de sa surface, du manque de contrôle et d'autorité de l'Etat qui y règne279(*). Pour le DOD, il s'agit d'un espace physique ou non physique où il ya une absence des capacités étatiques ou de la volonté politique permettant d'y exercer un contrôle280(*). Dans le discours officiel américain, ces espaces africains sur lesquels l'autorité des Etats n'est presque pas exercée sont des terreaux favorables au développent d'activités terroristes et criminelles. Les exemples cités à cet effet sont le Sahel, le Delta du Niger, la Somalie, la RDC ou encore le chenal du Mozambique281(*). C'est également dans ce sens qu'aborde le général WARD lorsqu'il déclare : « les régions non contrôlées du Trans-Sahara et de la Corne de l'Afrique offrent un sanctuaire aux terroristes liés à l'islamisme extrémiste, aux trafiquants de drogue et aux groupes insurgés »282(*).

L'émergence de ce concept marque une évolution paradigmatique dans la pensée stratégique américaine. Il est devenu l'élément descriptif du paradigme sécuritaire post-11 Septembre283(*) et une menace pour le XXIe siècle. Si la pertinence de ce nouveau paradigme sécuritaire n'est pas à renier complètement, l'on peut cependant interroger l'opportunité de sa mobilisation, les objectifs et les logiques qui le sous-tendent. Sous cet angle, il semble qu'il s'agisse encore d'un terme qui fait partie du répertoire conceptuel des Etats-Unis. Il permet à Washington de mieux mener ses actions extérieures tout en évitant de faire face aux invectives de l'opinion nationale et internationale. C'est un outil rhétorique dans le discours de l'AFRICOM parce qu'il redéploie l'image de l'identité africaine ancrée dans la politique étrangère des Etats-Unis284(*). Loin de traduire la réalité des menaces en Afrique, il est basé sur des représentations qui insistent sur l'incapacité des africains à contrôler leurs territoires et donc à se gouverner. Le continent serait ainsi chaotique, puisque vulnérable au face au terrorisme, au désordre, à l'instabilité, à la pauvreté, aux maladies, aux crimes et à la corruption. Face à ce triste tableau, Washington présente son soutien comme étant salutaire285(*). Or cette démarche essentiellement idéologique trahit la volonté des USA de justifier certaines de leurs actions au travers de l'AFRICOM. En réalité, étiqueter l'Afrique comme un terreau du terrorisme international justifie la multiplication de programmes sécuritaires américains. Or que ce soit les programmes de formation des militaires ou ceux civils, cela renforce la présence militaire américaine. Puisque sous le nouveau commandement, les militaires sont les principaux exécutants des taches du DOD, du DOS ou encore de l'USAID. L'on voit clairement que derrière cette construction de la menace, l'objectif est de permettre à l'AFRICOM d'exécuter dans la plénitude, la politique définie dans la GWOT.

La dimension idéologique de ce concept est illustrée par l'ambigüité même du terme « gouverné ». A l'observation, on se rend compte que dans une certaine mesure, les Etats frappés d' « ingouvernabilité » sont ceux dans lesquels les populations sont plus ou moins hostiles aux valeurs américaines. C'est notamment le cas de la Somalie où l'Union des Tribunaux Islamiques avait été bien accueillie dans certaines partie du pays par plusieurs somaliens286(*). Ce qui implique clairement un rejet de valeurs extérieures promues par les autorités jusqu'alors en place. A travers cela, transparait le postulat selon lequel la gouvernabilité telle que définie par les Etats-Unis, est liée à l'application de politiques compatibles à celles américaines, notamment l'économie de marché et la démocratie libérale287(*) .

Tout comme la stratégie d' « agrégation » qui permet une qualification terroriste plus aisée de différents groupes politico-militaires africains, le concept d' « espaces non gouvernés » est du ressort des constructions de la part de Washington. Même si ces deux concepts permettent d'inscrire les actions militaires américaines dans des catégories légales relativement acceptables par l'opinion mondiale, ils édulcorent cependant la bienveillance annoncée dans le cadre de l'AFRICOM. Puisque le cadre doctrinal de cette institution la prédestinait prioritairement à des missions civiles.

B. La réponse civilo-militaire aux questions sécuritaires africaines

Si l'on s'en tient au discours officiel américain, le commandement américain pour l'Afrique a pour trame fondamentale, la prévention des crises. Cette approche marginalise en quelque sorte les campagnes militaires au profit d'activités civiles. La mise en prépondérance de telles activités permet de traiter les problèmes à leurs racines pour des solutions durables. Dans cette perspective, l'AFRICOM s'investit dans des questions non seulement socio-économiques (1) mais aussi humanitaires (2).

1. L'implication socio-économique de l'AFRICOM

Au-delà des réponses militaires, le commandement américain apporte également des réponses sociales aux problématiques sécuritaires africaines. Cette nouvelle démarche s'inscrit dans la perspective d'une approche globale de la sécurité. Elle prétend au règlement durable et rapide des crises par la synergie d'actions réalisées par les différents intervenants dans les domaines de la gouvernance, de la sécurité, et du développement économique et social288(*). Si ce paradigme consacre la mise en prépondérance des civils dans les activités sécuritaires, sous l'AFRICOM, il est en majeure partie, le fait de militaires.

Le traitement de questions sociales et économiques par le commandement américain a pour objectif d'empêcher l'augmentation de la pauvreté, du chômage, des maladies ou encore de l'analphabétisme. Puisque ces éléments sont de nature à créer un environnement favorable au développement d'activités illicites telles que la piraterie maritime, les trafics de tout genre et même le terrorisme. Les populations désemparées pouvant facilement être recrutées par les réseaux internationaux qui animent ces différents phénomènes. L'on comprend dès lors que le commandement américain soit impliqué dans des projets agro-pastoraux sur le continent. En effet, lorsqu'on sait qu'après l'agriculture, l'élevage est la deuxième plus grande ressource alimentaire de l'Afrique de l'Ouest, la construction de lieux de vaccination et de soin du bétail semble déterminante pour son éclosion. Cette activité s'inscrivait dans le cadre du programme d'assistance de l'AFRICOM qui a fondé et facilité la construction et la réhabilitation de sept centres de vaccination et d'examen du bétail à travers la Mauritanie289(*).

* 1 Le comportement des autorités américaines vers l'Afrique était ambigu. Car elles ne voulaient pas s'aliéner leurs alliés de l'OTAN. Voir P. DUIGNAN, L. H. GANN, L'Afrique et les Etats-Unis. Une histoire, Paris, Economica (trad.), 1990, pp. 368-369.

* 2 Yves BOYER, « Le regain d'intérêt américain pour l'Afrique : quelles conséquences militaires et stratégiques », Note de la Fondation Pour la Recherche Stratégique, décembre 2006.

* 3 Caroline PAILHE, « La politique pyromane de Washington : les transferts militaires des Etats-Unis vers le Moyen-Orient », Rapport du GRIP, Bruxelles, 2009, p.12.

* 4 Lauren PLOCH, «Africa Command. US Strategic interest and the role of the US military in Africa», Congressional Research Service, July 22, 2011, disponible sur www.fas.org , consulté le 15 Mars 2013.

* 5PLOCH, ibid.

* 6Face à la non-intervention des Etats-Unis au Rwanda en 1994, G. W. Bush faisait observer que même si « personne n'aime voir cela sur son écran de télévision », la décision de l'administration Clinton était la bonne.Voir Peter SCHRAEDER, « Finie la rhétorique, vive la géopolitique »,Politique africaine, n°82, Juin 2001, p.136.

* 7Alain FOGUE, « le commandement militaire américain pour l'Afrique (AFRICOM) : un élément du projet géostratégique américain en Afrique », Diploweb.com, 21 Novembre 2011.

* 8«About AFRICOM,» United States Africa Command website, available onlineat http://www.africom.mil/AboutAFRICOM.asp, consulté le 14 Décembre 2013.

* 9Alain FOGUE, « AFRICOM...», op. cit.

* 10Cité par Alain FOGUE, ibid.

* 11Ibid.

* 12 Consulté le 7 juillet 2013

* 13Stefan GANZLE, «AFRICOM and US Africa policy: `pentagonising' foreign policy or providing a model for joint approach?,» African Security Review, Institute for Security Studies, March 2011, p. 73.

* 14Ibid.

* 15Hervé COUTAU-EGARIE, « Doctrine », in Thierry de MONTBRIAL, Jean KLEIN, Dictionnaire de stratégie, Paris, Paris, PUF, 2000, p. 193.

* 16Lucien POIRIER, Le Chantier stratégique. Entretiens avec Gérard Chaliand, Hachette-Pluriel, 1997, p. 129. Cité par Pascal VANNESSON, « Penser les guerres nouvelles : La doctrine miliaire en question », Pouvoirs, n° 125, pp. 81-82.

* 17 Pascal VANNESSON, « Penser les guerres nouvelles : La doctrine miliaire en question », ibid., p. 82.

* 18 Bruno COLSON, « Culture stratégique », in Thierry de MONTBRIAL, Jean KLEIN, op. cit., p. 150.

* 19 Cité par Bruno COLSON, ibid. p. 151

* 20 Colin S. GRAY, Modern strategy, Oxford University Press, New York, 1999, p. 36.

* 21 Ibid. p. 37.

* 22 Loup FRANCART, « L a démarche doctrinale », Objectif doctrine, janvier 1999, p. 10-12. Cité par Pascal VANNESSON, « Penser les guerres nouvelles : La doctrine miliaire en question », op. cit., p. 82.

* 23 Hervé COUTAU-BEGARIE, « Doctrine », in Thierry de MONTBRIAL, Jean KLEIN, op. cit., p. 193

* 24 Vincent DESPORTES, L'Amérique en Armes. Anatomie d'une puissance militaire, Paris, Economica, 2002, 158.

* 25 COUTAU-BEGARIE, ibid.

* 26 Ibid.

* 27Thierry de MONITBRIAL, « Stratégie », in Thierry de MONTBRIAL, op. cit., p. 527

* 28Carl Von CLAUSEWITZ, De la guerre, Paris, Perrin (trad.), 2006, p. 78.

* 29Martin MOTTE, « Géostratégie », in Thierry de MONTBRIAL, ibid., p. 268.

* 30Parlant du « Consensus de Washington », les USA ont proposé, dans le cadre de l'AGOA, des accords commerciaux pour 37 Nations éligibles. A condition que celles-ci libéralisent, dérégulent, privatisent et ne sapent pas les intérêts de politique étrangère des Etats-Unis. SAUTMAN, HAIROUG, 2007, p. 82. Cité par Darrel D. IRWIN, «How the Dragon of Prosperity Uses State Power and Resources in Africa to Displace Western Influence», National Strategy Forum Review, Volume 22, Issue 1, Winter 2013, p. 12.

* 31Ibid., p. 14

* 32Caroline PAILHE, « La politique pyromane...», op. cit., p. 19.

* 33Timothy A. HAZEN, « AFRICOM : A new National Security Approach for the 21st Century ? », National Strategy Forum Review, Volume 22, Issue 1, Winter 2013,disponiblesur le site www.nationalstrategy.com.pp. 6-7.

* 34Ibid., pp. 9-10.

* 35Alain FOGUE, « le commandement militaire américain pour l'Afrique (AFRICOM)... », op. cit.

* 36Stefan GÄNZLE, «AFRICOM and US Africa policy», op. cit., p. 76.

* 37Ibid.,p. 80.

* 38Ibid., p. 76.

* 39 Theresa WHELAN, «Why Africom», US Department of Defense, August 2007. Disponible sur le lien ( http://no0ilcanarias.files.wordpress.com/2012/10/why-africom-whelan-august20071.pdf), consulté le 13 Novembre 2013

* 40 Ibid.

* 41 Rich JUERGENS, «AFRICOM: Combatant Command for the 21st Century», Joint Forces Staff College, 13 June, 2008, pp. 8-10.

* 42 Ibid., p. i.

* 43 M SAADOUNE, « L'AFRICOM opérationnelle le 1er Octobre », Le quotidien d'Oran, 30 Septembre 2008. Disponible sur www.algeria-watch.org , consulté le 8 Septembre 2014.

* 44 Ibid.

* 45 Amadou Bamba NIANG, « L'Africom : un commandement pour mettre l'Afrique sous-tutelle », Afribone, 19 Novembre 2007, www.afribone.com , consulté le 9 Septembre 2014.

* 46 Ce concept sera utilisé pour designer les Etats-Unis d'Amérique.

* 47allAfrica, « Liberia: Report Reveals Why Ellen Wants Africom in Liberia », 11 Octobre 2012. Disponible sur http://allafrica.com/stories/201210110846.html, consulté le 10 Septembre 2014.

* 48Ibid.

* 49Hans MORGENTHAU, Politics among Nations. The struggle for power and peace, New York, Alfred A. Knopf, second edition revised and enlarged, 1955, pp. 3-12.

* 50Dario BATISTELLA, Théories des relations internationales, 2eédition, Paris, Presses de la FondationNationale des Sciences politiques, 2006, p.287

* 51M. Finnemore, K. Sikkink, « Taking Stock, The constructivist Research Program in international relations and comparative politics », Annual Review of Political Science, 2001, pp. 391-416.

* 52Madeleine GRAWITZ, Méthodes des sciences sociales, Paris, Dalloz, 2001. p. 422.

* 53J-C.Loubet DEL BAYLE, initiation aux méthodes des sciences sociales, Paris-Montreuil, L'Harmattan, 2007, p.24.

* 54Madeleine GRAWITZ, ibid., p.424.

* 55DESPORTES Vincent, PHELIZON J. F., Introduction à la stratégie, Paris, Economica, 2007, p. 30.

* 56 Ibid.

* 57Ce concept qui fait de la supériorité technologique, un élément déterminant pour la victoire se trouve limité dans un contexte où la menace est diffuse au sein de la population. Les frappes de précision et à distance n'ont plus droit de cité. Voir Général Vincent DESPORTES, Le piège américain. Pourquoi les Etats-Unis peuvent perdre les guerres d'aujourd'hui, Paris, Economica, 2011, pp. 249-254.

* 58Ibid., p.222.

* 59Ibid.

* 60Theresa WHELAN, «Why AFRICOM,» op. cit.

* 61Philippe BOULANGER, Géographie militaire, Paris, Ellipses, 2006, pp. 214-217.

* 62Theresa WHELAN, «Why AFRICOM,» op. cit.

* 63Robert BERSCHINSKY, « African Dilemma: The Global War On Terrorism, capacity Building, Humanitarianism, and the future of U.S. Security Policy in Africa. », Strategic Studies Institute of the U.S. Army War College, November 21, 2007, disponiblesur http://www.strategicstudiesinstitute.army.mil/pdffiles/pub827.pdf. consulté le 15 Mai 2014.

* 64 Nicole VILBOUX, Les stratégies de puissance américaines, Paris, Ellipses, 2002, p. 25

* 65Ibid., pp. 26-27.

* 66Ibid., p.30.

* 67DOD, Chairman of the Joint Chiefs of Staff, Joint Pub 3-07 : Joint Doctrine for Military Operation Other Than War, Washington DC, 16 juin 1995, p. I-1.

* 68N. Vilboux, Les stratégies de puissance américaines, op.cit. p. 31.

* 69 Ibid.

* 70Dibril DIOP, « l'Afrique dans le nouveau dispositif sécuritaire des Etats-Unis. De la lutte contre le terrorisme à l'exploitation des opportunités commerciales. Les nouveaux paradigmes de l'interventionnisme américain », CERIUM, Université de Montréal, juin 2009, p. 6.

* 71 Niagalé BAGAYOKO-PENONE, « Approches française et américaine de la sécurité en Afrique subsaharienne », La Revue Internationale et Stratégique, n. 42, été 2001, p. 166.

* 72 Vincent DESPORTES, Le piège américain. Pourquoi les Etats-Unis peuvent perdre les guerres d'aujourd'hui, op. cit., p. 274.

* 73Ibid., pp. 274-275.

* 74Henry KISSINGER, Nuclear Weapon, cité par V. DESPORTES, ibid., p.274.

* 75Philippe BRAILLARD, Gianluca MASPOLI, « La « Révolution dans les affaires militaires : paradigmes stratégiques, limites et illusions », Annuaire Français de Relations Internationales, Volume III, 2002, p. 632.

* 76Antoine-Henri JOMINI, Précis de l'art de la guerre, Paris, Perrin, 2001, p. 287.

* 77Carl Von CLAUSEWITZ, De la guerre, op. cit., p. 78.

* 78Gérard CHALIAND, Arnaud BLIN, Dictionnaire de stratégie militaire, Paris Perrin, 1998, p. 232.

* 79 Cité par Gérard CHALIAND, ibid., p. 34.

* 80Al-Ayat, « Irak, l'échec américain », Courier International, 15 Mars 2013 Disponible sur www.courrierinternational.com consulté le 28 janvier 2014.

* 81JCS, Stability Operations, Joint Publication 3-07, 29 Septembre 2011, p. vii.

* 82Paul HAERI, De la guerre à la paix, pacification et stabilisation post-conflit, Paris Economica 2008, p. 67.

* 83Vincent DESPORTES, Le piège américain..., op. cit., p. 264.

* 84Frank BURBAGE, « L'efficacité militaire : spécificité et paradoxe », Entretien avec le colonel Patrick Destremau, Cahiers Philosophiques, 2010/1, n° 121, pp. 109-113.

* 85JCS, «Stability Operations» Joint Publication 3-07, op. cit. pp. vii-viii.

* 86 Statement of General Cater HAM before the Senate Armed Services Committee, DOD, 2012 Posture, United States Africa Command, March 1st , 2012, disponiblesur le site de l'AFRICOM www.africom.mil. consulté le 22 Novembre 2013.

* 87Yves AUNIS, « AFRICOM, un laboratoire de mise en oeuvre de l'approche globale », in Diplomatie, 15 Février 2011.

* 88Jean Du Bois de GAUDUSSON, « Nouveaux conflits, Solutions nouvelles ? », Questions Internationales, n° 5, janvier-février 2004, p. 4.

* 89Bernard WICHT, « Vers l'ordre oblique : la contre guérilla à l'âge de l'infoguerre », in Hervé COUTAU-BEGARIE (dir.), Stratégies irrégulières, Paris, Economica, 2010, pp. 831-836.

* 90Ibid., p. 835.

* 91Alain FOGUE, Enjeux géostratégiques et conflits politiques en Afrique noire, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 10.

* 92Banque Mondiale, Briser la spirale des conflits. Guerre civile et politique de développement, Paris, Nouveaux Horizons, 2005, pp. 87-88.

* 93Ibid., p.31.

* 94Voir données statistiques du SIPRI.

* 95Unicef, Les enfants, les DSRP et les budgets au Tchad, Notes de Synthèse, février 2009, p. 3.

* 96Cherif OUAZANI, « Operation Remobilisation », Jeune Afrique, n. 2683, du 10 au 16 Juin 2012, p. 24.

* 97Données du SIPRI.

* 98Ibid.

* 99Cherif OUAZANI, « Operation Remobilisation », op. cit., p. 27.

* 100JCS, Stability Operations, Joint Publication 3-07, op. cit., p. ix.

* 101 White House, National Security Strategy of the United State of America, Washington, DC, Septembre2002, p. v.

* 102 BELLAMY, « L'engagement des Etats-Unis en matière de sécurité en Afrique », Bulletin de la sécurité africaine, n° 1, Juin 2009, Centre d'Etude Stratégique d'Afrique, disponible sur le lien http://www.africacenter.org, consulté le 4 Février 2014.

* 103Emmanuel GREGOIRE, « Le Sahara. Quelques signes inquiétants de conflits à venir... », Les Grand Dossiers de Diplomatie, n. 7, février-mars 2012, p. 90.

* 104Sophia CLEMENT-NOGUIER, « Un concept aux multiples facettes. Sécurité du fort contre asymétrie du faible », Revue Internationale et Stratégique, n. 51, Automne 2003, p. 92.

* 1052010 Quadrennial Defense Review.

* 106DOD, «News Briefing with principal Deputy under Secretary Henry from pentagon», February 7, 2007.

* 107Vincent DESPORTES, J. F., PHELIZON, Introduction à la stratégie, Paris, Economica, 2007, p. 74.

* 108Cité par DESPORTES (Vincent), Le piège américain..., op. cit., p. 266

* 109William ASSANVO, « Etat de la menace terroriste en Afrique de l'Ouest », Les Notes d'Ovida, n° 12, juillet 2012. Disponible sur www.ovida-afrido.org consulté le 11 Mai 2013.

* 110Ibid.

* 111Franck-Emmanuel CAILLAND, Bruno DELAMOTTE, « Terrorisme et contre-terrorisme après les attentats du 11 Septembre 2001 », in Pascal BONIFACE (dir.), Les leçons du 11 Septembre, Paris, PUF, 2001, p. 60.

* 112Nathalie CETTINA, terrorisme, l'histoire de sa mondialisation, Paris, L'Harmattan, 1999, p. 20.

* 113Jean-Pierre FILIU, « Could Al-Qaeda turn African in the Sahel ?», Carnegie Papers, number 112, June 2010, disponible sur http://carnegieendowment.org/files/al_qaeda_sahel.pdf consulté le 15 Mai 2013.

* 114Emmanuel OGALA, «exclusive: Boko Haram gets N40million donation from Algeria», Premium Times, May 13, 2012. http://premiumtimesng.com, Consulté le 2 Mars 2014.

* 115A. R. GANDOUR, Jihad humanitaire. Enquête sur les ONG islamiques, Paris, Flamarion, 2002. Cité par Dibril DIOP, « l'Afrique dans le nouveau dispositif sécuritaire des Etats-Unis. De la lutte contre le terrorisme à l'exploitation des opportunités commerciales. Les nouveaux paradigmes de l'interventionnisme américain », op. cit., p. 4.

* 116Patrick DOMBROWSKY, « Dangereuse Corne de l'Afrique », Géostratégiques, n. 38, 1er trimestre 2013, p. 17.

* 117Cité par Dibril DIOP, « L'Afrique dans le nouveau dispositif sécuritaire des Etats-Unis... » op. cit, p. 6.

* 118Ibid., p. 13-14.

* 119Pierre ABRAMOVICI, « Activisme Militaire de Washington en Afrique », Le Monde Diplomatique, Juillet 2004, p. 14.

* 120D. DIOP, juin 2009, op. cit. p. 14.

* 121Lauren PLOCH, «Africa Command: U.S Strategic Interests and the Role of the U.S. Military in Africa», Congressional Research Service, Report for Congress, July 2007.

* 122Alain FOGUE, « Le Commandement Militaire Américain pour l'Afrique », op. cit.

* 123Lauren PLOCH, Juillet 2007, op. cit.

* 124D. DIOP, juin 2009, op. cit. p. 12.

* 125A. FOGUE, Ibid.

* 126Informations disponibles sur le site d'AFRICOM.

* 127Ibid.

* 128Simon LETENDRE, « Le péril maritime : l'exemple du canal de Suez », Perspective Monde, Université de Sherbrooke, 24 février 2008.

* 129Luis AMARO, « L'Afrique de l'Ouest, la nouvelle aventure des impérialismes états-unien et européen », Investig'Action, disponible sur http://www.michelcollon.info/IMG/article_PDF/article_a2843.pdf, consulté le 6 Septembre 2014.

* 130International Maritime Organization,Annual Report on Acts of Piracy and armed Robbery Against Ships, London, April 2, 2013, p. 2.

* 131Ibid.

* 132Hassan DJAMA FARAH, « Djibouti : un hub anti-piraterie et un acteur principal de médiation dans la crise somalienne », Diplomatie, n. 56, mai-juin, 2012, p. 44.

* 133Rapport annuel 2008 du Bureau Maritime International consacré à la piraterie.

* 134 Ces données sont issues d'un croisement entre les rapports du BMI de 2008 et de 2011, mais également celui de l'IMO de 2012.

* 135 E. Susan RICE (Remarks by), At a security Council Debate on Piracy and Maritime Armed Robbery in the Gulf of Guinea, New York, February 27, 2012.

* 136Ce concept traduit l'augmentation impressionnante des flux commerciaux à travers la mer. Voir Martin MOTTE, « Stratégie maritime », in Thierry de MONTBRIAL et Jean KLEIN, Dictionnaire de stratégie, op. cit., p.563.

* 137Ibid., p. 560

* 138Cité par Martin MOTTE, « Stratégie maritime », ibid., p. 559.

* 139 Report of the conference held at Chatman House, «Maritime security in the Gulf of Guinea,» London, December 6, 2012, pp. 31-32.

* 140Howard JASON, « Obangame Express 2013 comes to a successful close », disponible sur www.africom.mil, Consulté le 15 Janvier2014.

* 141Ibid.

* 142Statement of General Cater HAM, 2012 Posture, March 1st, 2012, op. cit.

* 143Jim FISHER-THOMPSON, « Les partenariats régionaux des Etats-Unis au service de la lutte contre le terrorisme », 27 Mai 2006.

* 144Gregory M.KAUSNER, Institute for Foreign Policy Analysis - USSOCOM Conference, Washington, DC, June 5, 2013.

* 145 Eustache AKONO ATANGANE, « Le problème de la délimitation des espaces maritimes en Afrique centrale », Revue Africaine d'Etudes politiques et stratégiques, n°4, Université de Yaoundé II, 2007, p. 253.

* 146Ibid., p. 244..

* 147Ibid., pp. 255.

* 148Ibid., p. 253.

* 149Antoine-Denis N'DIMINA-MOUGALA, « Le pétrole, source de conflits territoriaux en Afrique centrale au XXe et au début du XXIe siècle », ENJEUX, n° 26, janvier-mars 2006, p. 54.

* 150 Disponible sur le Site de la Commission du Golfe de Guinée.

* 151Agences France Presses, 19 Novembre 1999, cité par AKONO Eustache « Le problème de la délimitation des espaces maritimes en Afrique centrale », op. cit., p. 246.

* 152Jean-Dominique GESLIN, « Gabon-Guinée Equatoriale, Mbanié convoité par les pétroliers », cité par Eustache AKONO, « Le problème de la délimitation des espaces maritimes en Afrique centrale », op.cit., p. 253.

* 153 Ces accords précisaient les modalités de retrait et de transfert d'autorité dans la péninsule de Bakassi. Celle-ci revenant désormais au Cameroun.

* 154Olivier BRAULT, LCL, French Air Force, «Roles for SOF in a staggering Nigeria», Air Command and Staff College Air University, Maxwell Air Force Base, Alabama April 2009, pp. 9-10.

* 155Au-delà des différends entre Etats du Golfe de Guinée, la question de la délimitation des frontières entraine des problèmes identitaires. C'est le cas des mouvements indépendantistes tels que le BakassiFreedomFighters, au Cameroun qui n'accepte pas le verdict de la CIJ et qui espère se séparer de ce pays. En Guinée Equatoriale, la difficile coupure des zones de souveraineté a donné naissance au Movimento para la Autodeterminacion de la Isla de Bioko (MAIB) qui a des prétentions séparatistes. Ce mouvement, tout comme celui qui a été cité plus haut, constitue une menace d'éclatement de la Guinée Equatoriale. Or on n'entend presque pas leur nom lors des grands sommets sur la sécurité maritime. Peut-être uniquement comme des groupes de pirates qu'il faut combattre.

* 156Africa Presse, « Sommet sur la Sécurité maritime dans le Golfe de Guinée: Solidarité africaine, crédibilité pour le Cameroun », disponible sur www.africapresse.com, consulté le 4 Février 2014.

* 157La Brève du Golfe de Guinée, 1ère Année, n°1, mai, 2009, p. 1.

* 158Site de l'Association France- Guinée Equatoriale, www.france-guineeequatoriale.org consulté le 12 Aout 2013

* 159J. V. NTUDA EBODE, « prévenir et traiter les menaces de l'après Bakassi, une nécessité », Honneur et fidélité, Mai 2010, p.16.

* 160 Ibid.

* 161Dibril DIOP, « L'Afrique dans le nouveau dispositif sécuritaire des Etats-Unis... », op. cit., pp. 1-2.

* 162 DNI John M. McCONNELL, Remarks during a Senate Armed Services Committee hearing, February 27, 2008.

* 163Cité par Lauren PLOCH, «Countering Terrorism in East Africa: The U.S. Response»,Congressional Research Service, November 3, 2010, p. 13.Disponible sur http://fas.org/sgp/crs/terror/R41473.pdf, consulté le15 Avril 2013.

* 164PLOCH, ibid., p. 23

* 165Ibid., p. 24.

* 166Ibid., p. 25.

* 167CJTF-HOA, Fact Sheet, December 2006.

* 168PLOCH, «Countering Terrorism in East Africa...», op. cit., p. 26.

* 169Robert BERSCHINSKI, «AFRICOM's dilemma: The «Global War On Terrorism», capacity Building, Humanitarianism, And the Future of U.S. Security Policy in Africa,» op. cit.

* 170Ibid.

* 171Andrew CAWTHORNE, « U.S. Says AL-Qaida Behind Somali Islamists, », Reuters News, Via Factiva, December 14, 2006.

* 172Interview avec David KILCULLEN, International Review of the Red Cross, vol 93, n° 883, p. 596.

* 173Ibid.

* 174Ibid., p. 592.

* 175Ibid., p. 596.

* 176Judah GRUNSTEIN, « General Vincent Desportes: The Likely War », Small War Journal, 2008, www.smallwarjounal.com, consulté le 20 Juin 2013.

* 177Ibid.

* 178Nicole VILBOUX, Les stratégies de puissance américaine, op. cit., p. 18.

* 179DibrilDIOP, juin 2009, op. cit., p. 13.

* 180Ibid., p. 9.

* 181Même si ce dernier a déjà eu lieu dans d'autres régions, la plupart de ses activités jusqu'ici se sont déroulées dans des Etats du Golfe de Guinée.

* 182Lauren PLOCH, « Countering Terrorism in East Africa: The U.S. Response », op. cit. p. 30.

* 183Ibid., p. 33.

* 184U.S. Government Accountability Office (GAO), Combating Terrorism: Action Needed to Enhance Implementation of Trans-Sahara Counterterrorism Partnership, July 2008

* 185Stefan GANZLE, «AFRICOM and US Africa Policy: `Pentagonising' foreign Policy or providing a model for Joint approaches?» op. cit., pp. 74.

* 186 U.S. Department of State, Congressional Budget Justifications for Foreign Operations FY2005-2011 for State Department bilateral figures; U.S. Department of State Bureau of African Affairs for regional figures; and Office of the Secretary of Defense, AFRICOM, and DSCA for DOD figures.

* 187GANZLE, «AFRICOM and US Africa Policy: `Pentagonising' foreign Policy or providing a model for Joint approaches?» op. cit., p. 74.

* 188La Loi d'Autorisation de la Défense Nationale a créé une autorisation triennale permettant conjointement au DOD et au DOS de planifier, d'exécuter et de superviser des programmes de formation annuels, régionaux ou bilatéraux allant jusqu'à 300 millions USD.

* 189U.S. Department of Defense.

* 190 René LEMARCHAND, « La politique des Etats-Unis dans l'Afrique des grands lacs », Floride, Avril 1999.

* 191Marc MALAN, « U.S. Civil Military-Imbalance for Global Engagement. Lesson from the Operational Level in Africa », Refugees International, July 2008, p. i.

* 192Ibid.

* 193 C'est notamment le cas de la Soros Fund Management ainsi que de la Newmont Mining Corporation, appartenant respectivement à Georges Soros et à Nathaniel Rothschild.

* 194Jean Daniel ABA, « Les approches française et américaine du maintien de la paix en Afrique », Revue Africaine d'Etudes Politiques et Stratégiques, n° 7, Université de Yaoundé II, 2010, pp. 97-98.

* 195René LEMARCHAND, « La politique des Etats-Unis dans l'Afrique des grands lacs », op. cit.

* 196Mark MALAN, « U.S. Civil-Military Imbalance ... », op. cit., p. i.

* 197 Niagalé BAGAYOKO, « La politique américaine de sécurité en Afrique subsaharienne sous le président Clinton », Afrique Contemporaine, n° 197, p. 16.

* 198Peter J. SCHRAEDER, « Finie la rhétorique, vive la géopolitique », Politique Africaine, n°82, juin 2001, pp. 139-142.

* 199Niagalé BAGAYOKO-PENONE, « La politique américaine de sécurité en Afrique... », ibid.

* 200Safeworld, Back to the basic: The trust deficit and What the Kampala accord tells us about the need for more inclusive decision making process, July 2011. www.saferworld.org, consulté le 11 Novembre 2013.

* 201Djama FARAH HASSAN, « Djibouti : un hub anti-piraterie et un acteur principal de la médiation dans la crise somalienne», op. cit., p. 44-46.

* 202Jean-Marie COLLIN, « Situation de Djibouti et intérêts militaires étrangers », Association Culture Progrès, Avril 2011.

* 203DJAMA FARAH, « Djibouti : un hub anti-piraterie ... », op. cit., p. 46.

* 204Niagalé BAGAYOKO-PENONE, « Approches française et américaine de la sécurité en Afrique subsaharienne », op. cit., p. 162.

* 205Gérard PRUNIER, « Terrorisme somalien, malaise kényan », Le Monde diplomatique, novembre 2013, p. 10.

* 206Ibid.

* 207J. P. ENTELIS, cité par Alexis ARIEFF, « U.S. - Algerian Security Cooperation and Regional Counterterrorism », IRRI, July, 2011.

* 208Ibid.

* 209Ibid.

* 210Dibril DIOP, 2009, op. cit. p. 3

* 211 Ils constituent le lieu de transit de la route maritime entre Eilat et l'Océan indien. Au vu de cette propriété stratégique, leur contrôle pourrait servir de monnaie d'échange à l'Ethiopie face aux puissances occidentales qui veulent prévenir une arabisation de la mer Rouge : route maritime importante. Voir François THUAL, Controller et contrer. Stratégies géopolitiques, Paris, Ellipses, 2000, pp 125-238.

* 212Ibid., p. 155.

* 213Roland MARCHAL, « Somalie : un nouveau front antiterroriste ? », Les Etudes du CERI, n°135, juin 2007.

* 214 Robert BERSCHINSKI, «AFRICOM's dilemma: The «Global War On Terrorism», capacity Building, Humanitarianism, And the Future of U.S. Security Policy in Africa,» op. cit.

* 215Roland MARCHAL, ibid.

* 216 Audio Message from Dr. Ayman AL-ZAWAHIRI Issued by as-Sahab Addressed to Muslims: «Set Out and Support Your Brothers in Somalia» - January 2007, disponible sur https://ent.siteintelgroup.com/Multimedia/site-institute-1-4-07-zawahiri-audio-support-somali-brothers.html, consulté le 15 Mai 2013.

* 217François THUAL, Contrôler et contrer, op. cit. p. 7.

* 218Milady ORTIZ, « U.S Africa Command: A New Way of Thinking », National Security Watch, Ausa Institute of Land Warfare, 13 March 2008.

* 219Dibril DIOP, juin 2009 op. cit. p.15.

* 220 L.PLOCH, « Africa Command: U.S. Strategic Interests », cité par ORTIZ Milady, « U.S Africa Command: A New Way of Thinking », op. cit.

* 221Mark MALAN, « U.S. Civil-Military Imbalance for Global Engagement ..., op. cit., p. i.

* 222Ibid.

* 223William ASSANVO, « Etat de la menace terroriste en Afrique de l'Ouest », op. cit.

* 224Ibid.

* 225Ibid.

* 226David KILCULLEN, « Countering Global Insurgency », op. cit.

* 227Ibid.

* 228BERSCHINSKI, « AFRICOM's Dilemma... », op. cit.

* 229Omar CHIKHI, l'ex-conseiller aux affaires religieuses du GIA cité par Evan F. KOHLMAN, « Two Decades of Jihad in Algeria : The GIA, the GSPC, and Al-Qaïda », The NEFA Foundation, May 2007, p. 5, disponible sur http://www.actforamericaeducation.com , consulté le 4 Septembre 2014.

* 230ASSANVO, « Etat de la menace terroriste en Afrique de l'Ouest », op. cit.

* 231Ibid.

* 232VICKY Alain, « Aux origines de la secte Boko Haram », Le Monde Diplomatique, avril 2012, disponible sur http://www.monde-diplomatique.fr, consulté le 22 Avril 2014 .

* 233Pascal De GENDT, « BokoHaram, le reflet des problèmes nigérians », Analyses et Etudes, Siréas, Bruxelles, novembre 2012.

* 234Ibid.

* 235Antoine PEROUSE DE MONCLOS, « BokoHaram et le terrorisme islamiste au Nigéria : insurrection religieuse, contestation politique ou protestation sociale », Questions de recherche, n°40, Juin 2012, p. 18 disponible sur http://www.ceri-sciences-po.org/publica/qdr.htm, consulté le 6 Mai 2013.

* 236C'est le nom donné aux fidèles de Mohammed Yusuf, ex-chef spirituel de BokoHaram.

* 237Antoine PEROUSE DE MONCLOS, « Boko Haram... », ibid., p. 20.

* 238 Ibid., p. 15.

* 239Ibid., p. 16.

* 240Ibid., p.10.

* 241Patrick DOMBROWSKY, « Dangereuse Corne de l'Afrique », op. cit., p. 13.

* 242DibrilDIOP, «  Les dispositifs militaires et juridiques suffisent-ils pour venir à bout de la piraterie ? », Centre d'Etudes et de Recherches Internationales, Université de Montréal, septembre 2009, p. 3.

* 243Macleans CA, « U.S. estimates nearly 30,000 children have died in famine », 5 août 2011.

* 244Dibril DIOP, Ibid

* 245Karsten vonHOESSLIN, « La nébuleuse pirate en Somalie », Diplomatie, n° 56, mai-juin 2012, p. 42.

* 246Marc-Antoine PEROUSE DE MONCLOS, « La piraterie maritime au Nigéria : un phénomène ancien en voie de modernisation », Diplomatie, n° 56, mai-juin 2012, p. 49.

* 247Ibid.

* 248DibrilDIOP, «  Les dispositifs militaires et juridiques suffisent-ils pour venir à bout de la piraterie ? », op. cit., p. 8.

* 249Ibid.

* 250Carl SCHMITT, La notion de politique. Théorie du partisan, trad. Paris, Flammarion, 1992, p. 64.

* 251Ibid., pp. 67-70.

* 252Ibid. p. 77.

* 253David CUMIN, « La théorie du partisan de Carl SCHMITT », in Hervé COUTAU-BEGARIE (dir.), Stratégies irrégulières, op. cit., p. 51

* 254 C'est-à-dire un combattant qui n'appartient pas à l'armée étatique, ibid., p. 52.

* 25560% des 31 millions d'habitants que compte le Delta du Niger vivent sous le seuil de la pauvreté, alors que cette région génère à elle seule 95% des entrées en devises et 80% du budget d Nigéria. Le MEND revendique à cet effet, l'attribution de 25 à 50% des revenus pétroliers aux régions productrices au lieu des 13% qui leur sont actuellement alloués. Voir Michel LUNTUMBUE, « Mouvement pour l'Emancipation du Delta du Niger », GRIP, Note d'Analyse, 7 octobre 2011.

* 256Marc-Antoine PEROUSE DE MONCLOS, « La piraterie maritime au Nigéria : un phénomène ancien en voie de modernisation », op. cit., p. 50.

* 257Ibid. p. 49.

* 258 US Department of Energy, «OPEC Revenues Fact Sheet», January 2006

* 259Cette date est utilisée sous réserve de ce que ce président est arrivé au pouvoir plus tôt. Car il avait succédé constitutionnellement à Yar'Adua le 9 mai 2010, après avoir assuré l'intérim depuis le 9 Février de la même année.

* 260 Force des Volontaires du Peuples du Delta du Niger.

* 261 Mouvement Pour l'Auto-détermination de Bakassi.

* 262J. V. NTUDAEBODE, « Prévenir et traiter les menaces de l'après Bakassi, une nécessité », op. cit., p. 14.

* 263Ibid.

* 264Daniel HERVOUET, Franck BORNOIS, Comprendre la Défense, Paris, Economica, 1999, p. 25.

* 265André COLLET, Défense et Sécurité Internationale face aux défis du XXIe siècle, Panazol, Lavauzelle, 2005, p. 10.

* 266Robert BERSCHINSKI, « AFRICOM's Dilemma: The Global War On Terrorism, Capacity Building, Humanitarianism, And the Future of US Security Policy in Africa », op cit.

* 267Marc Louis ROPIVIA, « criminalité et activités illicites dans le golfe de Guinée : interprétation critique et typologie », in Piraterie et terrorisme : De nouveaux défis sécuritaires en Afrique centrale, Institut Friedrich Ebert Stiftung, Presses Universitaires d'Afrique, Yaoundé, Mars, 2010, pp 221-222.

* 268Ibid., p. 230.

* 269 Robert BERSCHINSKI, « AFRICOM's Dilemma: The Global War On Terrorism... », op. cit.

* 270David KILCULLEN, « Countering Global Insurgency », op. cit.

* 271Ibid.

* 272DESPORTES V, Le piège américain, op. cit., pp. 108-109.

* 273Ibid., p. 125.

* 274Ibid. pp. 28-29.

* 275 Lauren PLOCH, « Countering Terrorism in East Africa: The U.S. Response », op. cit. p. 14.

* 276 Carter HAM before the senate, April 7, 2011, op cit.

* 277Vincent EIFFLING, « Approche cognitive de la position américaine sur les aspects sécuritaires de la question nucléaire iranienne », Note d'Analyse, Université Catholique de Louvain, octobre 2010, disponible sur le lien http://www.uclouvain.be/265598.html. consulté le 17 Mai 2014.

* 278 Donald Rumsfeld, cité par McNeill CASEY,  «Ungoverned Spaces: African and U.S Foreign Policy in Africa», Honors Capstone, Spring 2008.

* 279Stewart M. POWELL, « Swamp of Terror in the Sahara », Air force Magazine, November 2004, p. 51.

* 280Theresa WHELAN, «Africa's Ungoverned Space», Nacao&Defesa, N° 114-3, 2006, p. 64.

* 281Ibid., p. 69.

* 282 William E. WARD, «US Africa Command 2008 Posture Statement», Stuttgart, March 13, 2008.

* 283 McNeill CASEY, «Ungoverned Spaces: African and U.S Foreign Policy in Africa», op. cit.

* 284Ibid.

* 285Ibid.

* 286L. PLOCH, « Countering Terrorism in East Africa ...», op. cit. p. 6.

* 287McNeill CASEY, « Ungoverned Spaces: African and U.S Foreign Policy in Africa », op. cit.

* 288Yves AUNIS, « AFRICOM, un laboratoire de mise en oeuvre de l'approche globale », op. cit.

* 289US AFRICOM Public Affairs, « AFRICOM's Humanitarian Assistance Program Helps Ranchers in Mauritania », disponible sur le site de l'AFRICOM.

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