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La fiscalité minière des exploitations artisanales: cas de la cassitérite et du coltan au nord Kivu et au sud Kivu

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par Desso KANINGINI WAKUSOMBA
Université pédagogique nationale - DEA 0000
  

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CHAPITRE III : LA TAXATION DE L'EXPLOITATION MINIERE ARTISANALE

Dans les pages précédentes, nous avons noté que le Code minier prévoit que le régime fiscal applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants et aux comptoirs agréés est régi par voie réglementaire conformément aux modalités fixées par le Règlement minier.66(*)

De ce fait, nous essayons dans les lignes qui suivent de revenir sur les prescrits du Règlement minier de la République Démocratique du Congo afin de bien appréhender les dispositions ayant trait aux différentes taxations mises en place en la matière, d'en évaluer la portée avant de considérer les autres pratiques à la base de taxations diverses dans le secteur ; pratiques qui ont une influence directe sur le comportement de différents acteurs.

III.1 Taxation selon la loi minière congolaise.

Ce sont les articles 537 et 538 du Règlement minier qui traitent des dispositions fiscales destinées aux exploitations artisanales. Ils stipulent, notamment :

Article 537 : du régime fiscal et douanier applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants et aux comptoirs agréés.

Sous réserve des dispositions de l'article 538 ci-dessous, le régime douanier, fiscal et parafiscal applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants ainsi qu'aux comptoirs agréés porte sur les contributions, impôts, taxes et redevances suivants :

III.1.1 Pour les exploitants artisanaux :

- le droit d'entrée et la CCA (actuelle TVA) à l'importation pour le petit matériel, équipements, liés à l'exploitation artisanale,

- le droit d'entrée pour réactifs,

- la taxe rémunératoire sur la carte d'exploitant artisanal.

III.1.2 Pour les négociants :

- la taxe rémunératoire sur la carte de négociant.

III.1.3 Pour les comptoirs agréés :

- la redevance annuelle anticipative à payer au trésor public, lors de l'agrément du comptoir et du renouvellement de celui-ci ;

- la caution à payer lors de l'agrément ;

- la taxe ad valorem, les droits de sortie, les taxes rémunératoires pour les services intervenants ;

- la taxe d'intérêt commun de 1% sur les transactions d'or et de diamant ;

- les impôts et taxes pour lesquels les comptoirs agréés sont des redevables légaux ;

- la taxe rémunératoire pour le travail d'étranger.

La taxe d'intérêt commun visé au point c, 4ème tiret de l'alinéa 1er du présent article peut être étendue à d'autres substances minérales de production artisanale par voie d'arrêté interministériel des Ministres ayant les Mines et les Finances dans leurs attributions.

Les ministres ayant les mines et les finances dans leurs attributions fixent par voie d'Arrêté Interministériel conjointement le taux, l'assiette et les modalités de perception des droits, taxes et redevances relevant du régime douanier, fiscal et parafiscal applicables à l'exploitation artisanale ainsi que les sanctions applicables en cas de contravention.

En ce qui concerne les comptoirs agréés, l'arrêté interministériel susvisé détermine également :

a) Les valeurs minimales des achats annuels et les quotités trimestrielles d'achat des substances minérales précieuses ;

b) Le montant de la caution à payer lors d'agrément du comptoir ;

c) Le montant de la redevance annuelle anticipative à verser au compte du Trésor, lors de l'agrément et du renouvellement de celui-ci ;

d) Le taux de la taxe ad valorem à payer à chaque exportation ;

e) Le montant de la taxe sur la carte de travail d'étranger ;

f) Les modalités de la caution et de la perception des redevances et taxes visées.

Article 538 : du régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'exploitation artisanale.

Le régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'exploitation artisanale ne soustrait pas les exploitants artisanaux, les négociants et les comptoirs agréés de leurs obligations douanières, fiscales et parafiscales et du paiement des autres contributions, impôts, droits, taxes et redevances prévus par la législation douanière, fiscale et parafiscale.

On peut toutefois lire sur le portail de la Direction Générale des impôts ( www.dgi.gouv.cd) sur la page consacrée à la présentation de la fiscalité minière ce qui suit : « il existe encore un vide juridique au sujet des textes réglementaires appelés à régir le régime fiscal de cette catégorie d'exploitants. C'est en définitive les dispositions du droit commun en matière des Petites et Moyennes Entreprises telles que définies par le Code des Impôts qui sont d'application en vertu de l'article 538 du Règlement minier ».

Pour mettre en application les prescrits ci-dessus de la loi minière et comme annoncés par celle-ci, des arrêtés interministériels successifs qui suivent ont été pris:

1) Arrêté Interministériel n°017/CAB/MIN/2005 et n° 205/CAB/MIN/FINANCES/2005 du 12/08/2005 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Cet arrêté qui énumère les droits, taxes et redevances dus par les exploitations artisanales reprend pourtant à son article 2 que lesdits droits concernent le titulaire des droits miniers et celui des droits de carrière. Or, les exploitants artisanaux, les négociants et les comptoirs agréés ne sont ni l'un ni l'autre si on considère les définitions des termes énoncés par le code minier.

2) Arrêté Interministériel n° 3154/CAB.MIN/MINES/01/2007 et n° 031/CAB.MIN/FINANCES/2007 du 08 août 2007 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Cet arrêté qui abroge les dispositions de celui de 12 août 2005 a été pris en considérant la nécessité de maximiser les recettes de l'Etat en vue de contribuer à la réalisation des objectifs du gouvernement matérialisés par la loi budgétaire de 2007.

Ainsi, cet arrêté introduit des nouveaux droits et procède à l'augmentation de taux des diverses perceptions.

Il a été modifié par celui n° 0003/CAB/MIN.MINES/01/2007 et n° 006/CAB/MIN/FINANCES/2007 du 09/01/2008 qui y a rajouté des droits supplémentaires (Taxe d'extraction des matériaux de construction) sans changer les droits déjà déterminés.

3) Arrêté Interministériel n° 0495/CAB.MIN/MINES/01/2008 et n° 195/CAB/MIN/FINANCES/2008 du 22 août 2008 fixant les performances, le régime douanier, fiscal et parafiscal applicable aux exploitants artisanaux, négociants, comptoirs d'achats des substances minérales de production artisanale et entités de traitement ou de transformation.

Par son intitulé déjà, puis par son contenu, cet arrêté de 2008 est le premier à avoir le mérite de se conformer (jusqu'à un certain niveau) aux prescrits du Règlement minier en reprenant les éléments relatifs au régime douanier, fiscal et parafiscal ainsi que les performances en rapport avec l'activité artisanale des substances minérales.

L'arrêté confirme les taux des droits, taxes et redevances repris dans l'arrêté du 09/08/2007 qu'il ne fait que revoir (art. 3).

Il énumère les obligations douanières, fiscales et parafiscales en charge des exploitants artisanaux, des négociants, des comptoirs agréés et des entités de traitement ou de transformation des substances minérales de production artisanale (art.2) autant qu'il fixe les performances exigées aux opérateurs dudit secteur.

Au terme de cet arrêté, la redevance annuelle anticipative payée lors de l'agrément de comptoirs devient un acompte sur l'impôt sur les bénéfices et profits car elle devient déductible de la base imposable lorsque le comptoir est installé en République Démocratique du Congo en tant que société de droit national ou entreprise individuelle.

Cet arrêté fixe en outre les quotités de la taxe rémunératoire de 1% revenant aux services intervenants tel que fixé en vertu de l'article 537 du Règlement minier autant qu'il abroge explicitement les dispositions fixant le régime de taxation unique des activités d'exploitation artisanale des substances minérales (art. 10 et 11).

4) Arrêté Interministériel n° 0533/CAB.MIN/MINES/01/2008 et n° 275/CAB.MIN/FINANCES/2008 du 02 décembre 2008 modifiant et complétant l'arrêté interministériel 0495/CAB.MIN/MINES/01/2008 et n° 195/CAB/MIN/FINANCES/2008 du 22/08/2008.

La prise de cet arrêté est une réponse à la crise financière internationale et son incidence sur l'économie nationale en général et le secteur minier en particulier.

A l'occasion de cette modification, certains taux des droits, taxes et redevances ont été revus à la baisse dont ; notamment, les droits de sortie (passés de 3 à 1%).

5) Arrêté Interministériel n° 0249/CAB.MIN/MINES/01/2010 et n° 042/CAB/MIN/FINANCES/2010 du 05 octobre 2010 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Il reconfirme les dispositions de l'arrêté du 09 août 2007 et, revient aux tarifs des taxations d'avant la crise financière internationale.

6) Arrêté Interministériel n° 0458/CAB.MIN/MINES/01/2011 et n° 304/CAB.MIN/FINANCES/2011 du 14 novembre 2011 modifiant et complétant l'arrêté interministériel n°0249/CAB.MIN/MINES/01/2010 et n° 042/CAB.MIN/FINANCES/2010 du 05/05/2010 portant fixation des taux des droits, taxes et redevances à percevoir à l'initiative du Ministère des Mines.

Cet arrêté a été pris pour revoir à la baisse le taux de la carte d'exploitant artisanal et du négociant en vue de faciliter l'exercice de leur activité. Il vise de même la prise en compte des droits et redevances concernant les coopératives minières ainsi que l'exploitation et la commercialisation des pierres de couleur de production artisanale.

7) Arrêté Interministériel n° 0459/CAB.MIN/MINES/01/2011 et n° 295/CAB.MIN/FINANCES/2011 du 14/11/2011 fixant les taux, l'assiette et les modalités de perception des droits, taxes et redevances relevant du régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'exploitation artisanale des substances minérales ainsi que les performances minérales des comptoirs agréés.

Cet arrêté est la réplique de celui du 22 août 2008. Il reprend les impôts, droits, taxes et redevances tel que repris ci-dessous.

Il nous revient de constater, après avoir considéré ces différents textes, que le secteur de la production artisanale des minerais est réellement régi par des dispositions spécifiques.

Ainsi, pour ce qui est du régime fiscal et douanier, nous notons les impôts et autres droits ci-après tels que stipulés par les arrêtés interministériels du 22/08/2008 et du 14/11/2011 (en leurs articles 2è).

Il s'agit de :

- Les impôts réels : impôt foncier, impôt sur les véhicules et la taxe spéciale de

circulation routière.

- Les impôts sur les revenus :

+impôt professionnel sur les rémunérations

+impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés

+impôt cédulaire sur les revenus locatifs

+impôt mobilier

+impôt professionnel sur les bénéfices.

- Les droits et taxes à l'importation et à l'exportation.

Pour ce qui est de la parafiscalité, les autres droits, taxes et redevances dus par les exploitants, les négociants et les comptoirs agréés, sont repris en partie dans le tableau ci-dessous :

Tableau n° 3 : Quelques impôts, taxes, redevances et droits dus pour l'exploitation artisanale du coltan et de la cassitérite.

Catégorie de prélèvements

I

Arrêté du 12/08/2005

2

Arrêté du 08/08/ 2007

3

Arrêté du 22/08/ 2008

4

Arrêté du 02/12/2008

5

Arrêté du 05/05/ 2010

6

Arrêté du 14/11/2011

7

Arrêté du 14/11/ 2011

A. Droits et redevances

1) Carte d'exploitation artisanale

Cassitérite

Coltan

2) Carte de négociant

Cassitérite

Coltan

3) Comptoirs

a) Redevance annuelle

Cassitérite

Coltan

b) Caution

Cassitérite

Coltan

c) Agrément d'acheteurs

Cassitérite

Coltan

B. Taxe rémunératoire.

Cassitérite

Coltan

C.Taxe d'intérêt commun (ETD)

Cassitérite

Coltan

B. Droits et taxes à

l'exportation.

Cassitérite

Coltan

C. Autorisation

d'exportation

- produits miniers

- matières minérales à l'état brut

D. Redevance minière.

- pierres précieuses

E. Autres.

-autorisation d'achat de cassitérite

-autorisation d'achat des substances autres que l'or et le diamant.

-frais de dépôt pour demande d'agrément de l'acheteur des comptoirs des substances autres que l'or et le diamant (cassitérite, coltan, wolframite, ...)

-frais de dépôt lors de la demande d'agrément ou de renouvellement des comptoirs des substances minérales

20 FF

20 FF

300 FF

300 FF

6000 FF

-

3000 FF

-

-

-

-

-

-

-

-

-

50 FF

500 FF

4% de la valeur du produit marchand.

300 FF

800 FF.

25 USD

25 USD

500 USD

500 USD

6000 $

20000 $

3000 $

10000 $

-

-

1%

1%

-

-

-

-

150$

-

4%

100 $

200 $

25 USD

25 USD

500 USD

500 USD

6000 $

20000 $

3000 $

10000 $

500 $

500 $

1%

1%

1%

1%

3%

3%

-

-

-

25 USD

25 USD

-

-

5000 $

5000 $

1000 $

-

250 $

250 $

1,25%

1,25%

1%

1%

1%

1%

-

-

-

25 USD

25 USD

500 USD

500 USD

6000 $

20000 $

3000 $

10000 $

500 $

500 $

-

-

1%

1%

-

-

150 $

-

4%

100 $

200 $

5 USD

5 USD

250 $

250 $

6000$ 20000$

3000$

10000$

-

-

-

-

1%

1%

1%

1%

-

-

-

100 $

5 USD

5 USD

250 USD

250 USD

6000 $

20000$

3000 $

10000$

500 $

500 $

1%

1%

1%

1%

1%

1%

-

-

-

Source : compilation des données en annexe aux 7 arrêtés interministériels cités ci-haut

La loi minière a prévu une taxe rémunératoire pour l'intervention à divers niveaux des services publics autorisés à oeuvrer dans le secteur. Les différents arrêtés en ont fixé le taux et aussi la répartition.

Les quotités retenues sont celles reprises ci-dessous :

v arrêté du 22/08/2008 (pour le coltan et la cassitérite).

Taxe rémunératoire 1% sur la valeur à l'exportation

CEEC 30%

SAESSCAM 5%

CTCPM 5%

OCC 25%

OFIDA 15%

OGEFREM 10%

TRESOR PUBLIC (DGRAD) 10%

v arrêté du 02/12/2008 (pour cassitérite +or et coltan + or).

Taxe rémunératoire 1,25% sur la valeur à l'exportation

Services relevant du Ministère des Mines 24%

OFIDA 5%

CEEC 65%

OCC 2%

TRESOR PUBLIC (DGRAD) 4%

NB : Le CEEC procède à la perception et à la répartition de la taxe destinée aux services intervenants.

v arrêté du 14/11/2011

Taxe rémunératoire 1% sur la valeur à l'exportation

Cassitérite coltan

-Services relevant du Ministère des

Mines - 19%

-DGDA - 14%

-CEEC - 28%

-OCC - 23%

-OGEFREM - 8%

-TRESOR PUBLIC (DGRAD) - 8%

On peut remarquer que les textes ci-haut évoqués n'ont pas répondu exactement aux prescrits de la loi ; notamment, des dispositions de l'article 537 du Règlement minier qui stipule entre autres que l'arrêté interministériel fixe aussi bien le taux que l'assiette et les modalités de perception des droits, taxes et redevances relevant du régime douanier, fiscal et parafiscal applicables à l'exploitation artisanale ...

Aucun arrêté n'a, par exemple, fixé le taux des droits fiscaux confirmant ainsi le vide juridique qui fait que les opérateurs relevant de cette catégorie ne soient régis que par les dispositions de droit commun.

De même, le nombre des droits reconnus pour l'activité semble exorbitant; toutes les taxes n'étant même pas reprises dans le tableau ci-dessus.

III.2 Taxation effective des minerais d'exploitation artisanale au Nord

et au Sud-Kivu.

Il existe un écart considérable entre les dispositions fiscales légales et les pratiques observées ; entre les administrations qui ont la responsabilité d'encadrer l'exploitation et le commerce des produits miniers et celles qui prélèvent des taxes sur ce commerce. Autant il y a d'administrations, autant il y a des taxes.

Selon la réglementation congolaise, les Administrations sont au nombre de 5 tandis que celles qui prélèvent effectivement taxes et redevances varient en fonction de la richesse de l'imagination des fonctionnaires et surtout de la présence physique des administrations là où l'exploitation et le commerce des produits miniers ont cours.

Cinq services sont officiellement commis à l'exportation. Il s'agit de67(*) :

v la DGDA (Ofida), elle perçoit la taxe de sortie à l'exportation de 5% de la valeur des produits à exporter. Elle collecte aussi les droits alloués à l'OGEFREM et au FPI.

v la Division des Mines, qui contrôle les produits miniers à l'exportation et délivre l'autorisation d'exportation. Elle reçoit 45% de la taxe rémunératoire de 1.25% de la valeur à l'exportation.

v l'OCC, a la charge de contrôler la qualité et la quantité des produits et délivre le Certificat de Vérification à l'Exportation (CVE). Il perçoit 1,2% de la valeur de la quantité à l'exportation.

v le CEEC (Centre d'Expertise, d'Evaluation et de Certification), certifie la qualité et surtout l'origine des produits miniers. Il perçoit 55% de la taxe rémunératoire de 1,25%.

v la Division du Commerce extérieur, enregistre les données des produits à l'exportation et à l'importation et est supposée assurer la promotion des exportations sur le marché extérieur. Elle ne perçoit rien.

A côté de ces frais proportionnels, les mêmes services ou certains d'entre eux, exigent également des frais fixes en rapport avec certaines étapes de leurs prestations.

- la Division des mines taxe 50 USD pour délivrer l'autorisation d'exportation ;

- l'OCC facture une redevance de 140 USD par lot au titre de frais d'analyse ;

- le CEEC exige 100 USD par lot pour le certificat d'origine.

- la DGRAD impose 50 USD par conteneur pour la licence d'exportation.

- la DGDA taxe 60 USD par conteneur pour la déclaration à témoin.

Etc.

Cependant, un chapelet d'autres institutions et services s'improvisent aux comptoirs des produits miniers durant le pesage et l'enfûtage et exigent un paiement sans pour autant être couverts par un quelconque texte ; Il s'agit de : DGRAD, Gouvernorat de province, l'ANR, la DGM, la Police des Mines, la DEMIAP et la GR (GSSP)68(*).

L'enfûtage est au fait un moment important dans la chaine d'opérations essentielles sur les minerais à exporter. `C'est une procédure longue et fastidieuse qui consiste à peser des vieux bidons, les remplir jusqu'à ras bord de cassitérite (ou de coltan), sceller leur couvercle, poser un plomb, recalculer leur poids et les charger dans un conteneur, ... tout cela en présence de six ou sept fonctionnaires venus délivrer un certificat d'exportation, percevoir diverses taxes et toucher, au passage, un petit billet.

Cette dernière perspective explique l'extrême assiduité des agents de l'Etat à cette cérémonie. Ils prennent tous quelque chose ; sinon, ils ne se déplacent pas et ça bloque le camion. A chaque mise en fûts, les comptoirs découvrent de nouveaux services, de nouveaux sigles'.69(*)

A ces prélèvements des services à caractère national viennent s'ajouter les taxes et redevances des services et autorités locales comme l'Autorité coutumière, le Territoire, le Gouvernorat de province.

Le tableau ci-dessous reprend la chaîne de taxation pour les minerais du Nord-Kivu jusqu'en 2008, qui présente une situation identique à celle de la province du Sud-Kivu.

Tableau n° 4 : Taxes et commissions imposées sur la chaîne de commerce des minerais de Walikale à Goma70(*)

Taxe ou autre redevance

Service

Montant

Droit coutumier

Autorité coutumière

5% de la production

Droit de supervision

 

5% de la production

Taxe Territoriale

Administration du Territoire

50 $ par tonne

Taxe Provinciale (Walikale)

Province

25 $ par tonne

Small and Medium Enterprises Inspectorate

SAESSCAM

5 $ par tone

Impôt

DGI

17,50 $ par tonne

Taxe de transport (usage de la piste)

TRANSCOM

12,50 $ par tonne

Taxe des mines

Bureau minier

5 $ par tonne

Taxe EAD (Goma)

Province

1% de la valeur du produit exporté (24$/tonne)

Droit de sortie/douane

DGDA (OFIDA)

5% de la valeur du produit à exporter (120$/ tonne)

Redevance Fret maritime

OGEFREM

0,59% de la valeur du produit à l'exportation (14$/tonne)

Autorisation d'exportation

Division des mines (DGRAD)

45% de 1,25% de la valeur du produit à exporter (13,50$)

Certificat d'origine

CEEC

55% de 1,25% de la valeur du produit (16,50 $)

Certificat de Vérification à l'exportation

0CC

1,2% de la valeur du produit exporté (19,2 $/tonne).

Licence d'exportation

Commerce extérieur (DGRAD)

50 $ par lot.71(*)(soit 2 $/tonne).

Certificat d'origine

CEEC

100 $ par lot (soit 4$/tonne).

Frais d'analyse

OCC

140 $/lot (5,60$ par tonne).

PV témoins à l'enfûtage

DGDA (OFIDA)

60 $ par lot (2,40 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

OCC

30 $ par lot (1,20 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

Division Mines

30 $ par lot (1,20 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

CEEC

20 $ par lot (0,80 $ par tonne).

PV témoins à l'enfûtage

Commerce Extérieur (DGRAD)

20 $ par lot (soit 0,80 $/tonne).

PV témoins à l'enfûtage

Gouvernorat de Province

20 $ par lot (0,80 $ par tonne).

source : sources diverses à Walikale et à Goma.

Les différents pourcentages cumulés de la valeur du produit à l'exportation ainsi que les forfaits imposés font entre 14,21% et 15,2% par tonne de cassitérite à l'exportation. De même il faut noter que les redevances forfaitaires que l'exportateur paie lors du PV à l'enfûtage n'ont aucun document justificatif et l'on pourrait donc douter de la nature officielle ou mieux légale de leur prélèvement.

Pour ce qui est de négociants et selon certains d'entre - eux, même si tous vos documents sont en règle et établis en bonne et due forme, vous devez payer quelque chose pour être tranquille. Il s'agit notamment de la fiche d'identification (10 USD), la fiche technique (15 USD), la fiche de recensement (3USD), l'échantillonnage d'un colis (5 USD).

D'autres taxes sont payées au moment de l'embarquement des minerais à l'aéroport et au débarquement ; à l'instar de vérification de la carte d'identité (1$), les frais des services aéroportuaires (10 $), les frais du service d'hygiène (3 $), les frais du service d'immigration (5 $).72(*)

Sur certains sites, il existe d'autres acteurs qui exigent aussi des paiements. A Bisie (Nord-Kivu), par exemple, les redevances sont perçues par « l'association des négociants ambulants », « l'association des porteurs », « l'association des transporteurs aériens » et, les FARDC.

En outre, les taxes versées aux autorités locales peuvent être extrêmement élevées73(*) :

- les mineurs payent l'équivalent de la production de deux heures de travail par semaine aux FARDC ;

- ils paient l'équivalent de la production de deux heures de travail par semaine au Chef de Groupement ;

- le travail d'une journée entière par semaine doit être donné au Chef coutumier ;

- 30% de la production quotidienne doivent être donnés au Mwami ;

- chaque commerçant paie 5 USD par mois au Mwami pour avoir l'autorisation de faire le commerce.

On note que les taxes et redevances prélevées par les fonctionnaires publics et propriétaires fonciers de droit coutumier atteignent les 25% de la valeur des produits à exporter dont 10% versés au site d'extraction et 15% payés par le négociant et le comptoir74(*).

Si certaines taxes ont été revues à la baisse à la suite, notamment, des réclamations des opérateurs économiques, à l'instar des droits de sortie qui étaient de 5% de la valeur à l'exportation jusqu'en 2008, passés d'abord à 3% puis à 1% dès la deuxième partie de l'année 2008, il faut noter que des taxes non reprises dans aucun arrêté interministériel sont créées par d'autres services publics en dehors des dispositions de la loi en la matière.

Il suffit, pour s'en convaincre, de consulter par exemple, les nomenclatures des taxes des provinces mais aussi des notes d'instruction de certains services publics, pour s'en rendre réellement compte.

Considérons, pour ce faire et à titre d'exemple, quelques articles des différentes nomenclatures de la province du Sud-Kivu.

Tableau n° 5 : Taxes de la Division Provinciale des Mines et Géologie

Désignation

Arrêté de 2009

Arrêté de 2010

Arrêté de 2011

Arrêté de 2012

1.Taxe sur les transactions des matières précieuses d'exploitation artisanale perçue sur les transactions entre creuseurs et les comptoirs

Equivalent de 1% de la transaction

Equiv. de 1% de la transaction

1% de la transaction

1% de la transaction

2. Carte de commissionnaire des substances minérales

Equivalent en FC de 50 $ par an

Equivalent de 50 $ par an

Equivalent de 50 $ par

Equivalent de 50 $ par an

3.Taxe sur le transport des substances minérales

-coltan

-cassitérite-wolframite

0,2$/kg

0,1$/kg

0,2$/kg

0,1$/kg

0,2$/kg

0,1$/kg

-

-

4.Transfert des minerais du Sud-Kivu vers d'autres provinces

1% de la valeur FOB

1% de la valeur FOB

1% de la valeur FOB

-

5.Autocollant

-coltan

-cassitérite

3$/colis

2$/colis

3$/colis

2$/colis

-

2$/colis

2$/colis

2$/colis

6.Identification des personnes majeures sur les sites d'exploitation artisanale.

1$/mois par personne

1$ par mois par personne

1$ par mois par personne

1$/mois/personne

7.Taxe sur frais de rémunération pour service rendu du négociant.

10$/mois/négociant

10$ par mois par négociant

10$ par mois par négociant

10$ par mois par négociant.

8.Carte d'exploitation artisanale.

-secteur stannifère

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25 USD

9.Carte de négociant des substances minérales d'exploitation artisanale.

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500 USD

10.Agrément tiers-transporteurs des minerais d'exploitation artisanale

*transporteur aérien

*transporteur lacustre

-bateau

-boat

*transporteur routier

-véhicule de 5 à 10 T

-véhicule de moins de 5T

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500$/transporteur

250$

150$

250$

150$

Source : arrêtés portant nomenclatures de taxes de la province du Sud-Kivu pour les exercices 2009, 2010, 2011 et 2012.

En considérant ce tableau, on constate donc que l'entité Province du Sud-Kivu crée d'autres droits non reconnus par la loi régissant le secteur ou applique des taux non conformes aux prescrits de celle-ci.

Cette longue liste de taxations diverses est cause d'une inquiétude commune tant aux négociants qu'aux exportateurs du fait du niveau élevé des taxes prélevées `pour le compte de l'Etat.' La conséquence est alors un alourdissement de frais et donc une réduction de marge de profit ; avec pour effet d'encourager la contrebande au profit des pays voisins.

C'est cette prolifération de services intervenants et de droits à payer dans la chaine de production et de commerce qui pousse les opérateurs économiques à trouver des voies de contournements vis-à-vis de leurs obligations douanières, fiscales et parafiscales.

On notera donc que les creuseurs sont soumis aux taxes officielles et aussi aux taxes totalement illégales. A Kamituga (Sud-Kivu), par exemple, les creuseurs et les négociants payent des taxes à la DGI, les droits coutumiers, la carte de mine et la taxe du territoire.75(*)

Didier Defailly dit que les négociants subissent des taxes que la loi ne reconnait pas ou des taxes qui font double emploi du fait de l'application à différents niveaux. Selon lui ; pour eux, le rythme d'activité est hebdomadaire : les agents des négociants sillonnent les carrières de coltan en fin de semaine (samedi et dimanche), suivis sur leurs talons par les agents de l'Etat (Mines 1$/kg ; DGRAD 0,5 $/kg ; transcoms 0,06$/kg ; militaires divers 1$/kg) ; de même que celui du « mwami » pour la location coutumière de l'emplacement (2 à 5 USD par semaine).76(*)

Le passage de porteurs utilisés par les négociants n'est pas laissé en reste. Il leur faut franchir « les barrières », une espèce de bureaux d'octroi, des vastes enclos aménagés à la sortie des campements, où tous les services administratifs, faute de pouvoir accéder aux puits, prennent leur revanche. Aucun récépissé n'est délivré en contrepartie de leur dîme prélevée au nom de l'Etat. Celui qui est de bon coeur te demande 1.000 francs ; avec un autre, cela peut être 1.500 ou 15.000 francs. D'autres péages les attendent, tout au long du chemin, à chaque halte dans un village : 200 francs ici, 300 francs là-bas, 4.900 francs à l'arrivée, ...77(*)

Les comptoirs quand à eux sont soumis à des taxes légales et à des redevances qui ne rentrent pas dans le cadre de la loi qui encadre l'activité. Ils subissent la multiplicité des taxations qui amoindrissent sensiblement leur marge bénéficiaire et les mettent à mal vis-à-vis de leurs collègues installés dans les pays voisins.

En résumé, nous comprenons qu'à tous les stades de l'exploitation artisanale, il y a une telle taxation qu'il est difficile de comprendre que ce commerce puisse exister et encore moins, prospérer et contribuer à l'expansion économique.

Et il faut se dire que les listes ci-haut présentées ne concernent que les taxations officielles. Si on considère que du fait de la situation de gouvernance particulière de cette région d'autres redevances sont exigées par les rebelles de tous bords, il y a lieu de comprendre qu'il n'y a d'autres issues pour les opérateurs du secteur que de se « débrouiller » étant donné qu'ils ne peuvent abandonner une activité qui constitue leur gagne pain.

En tant qu'entreprise à part entière, les comptoirs d'achat, par exemple, subissent toutes les autres taxes et redevances de tous les autres services publics à l'instar de l'Ipmea, l'environnement, ...sans compter qu'ils doivent faire face à leurs charges régulières de fonctionnement et payer leurs impôts.

Au fait, il faut seulement comprendre qu'il y a « des nombreuses irrégularités dans l'application des taxes fiscales à l'exploitation minière artisanale ainsi qu'aux minerais qu'elle produit, y compris les disparités entre les provinces. L'extraction artisanale est particulièrement sujette à la taxation illégale qui fait peser un fardeau énorme sur les mineurs et les négociants (autant que les comptoirs agréés).

Les cas les plus extrêmes de taxation illégale vont jusqu'au partage de 30% du produit avec certaines autorités et groupements communautaires pour payer les services publics dont surtout les services de sécurité»78(*).

De manière plus précise, on peut noter que « près de 10% de la valeur des produits exportés par les comptoirs sont absorbés par des taxes, ce qui réduit leur marge bénéficiaire et tend à encourager la contrebande au profit des pays voisins où la législation minière est plus avantageuse.»79(*) 

Ainsi, « les comptoirs se lamentent régulièrement au sujet de la pléthore de taxes auxquelles ils sont assujettis et qui représentent parfois plus de 10 fois celles payées par leurs homologues rwandais ».80(*) A titre d'exemple, Adamon Ndungu cite le cas du Burundi où l'ouverture d'un comptoir d'achat d'or ne coûte que 10.000 USD contre 50.000 USD en RDC.

Les comptoirs se plaignent de la multiplicité de contrôles, souvent inutiles et dont le seul but est la perception de taxes. Car, `malgré cette vigilance, cet engorgement bureaucratique, (au moins) la moitié du minerai du Kivu passe la frontière en contrebande, souvent à l'incitation de ceux-là même qui étaient chargés de la surveiller ; en échange d'autres « petits billets »'.81(*)

Les détails divers sur le commerce, la taxation et la fraude des minerais d'exploitation artisanale repris dans le chapitre suivant viennent étayer ces différentes assertions des uns et des autres.

* 66 Code minier de la RDC, article 261

* 67 Pole Institute, « Ressources naturelles et flux du commerce transfrontalier dans la région des grands lacs », in Revue Regards Croisés n° 19, Goma, Juillet 2007, pp. 20-21.

* 68 Pole Institute, op cit, p. 45

* 69 Boltanski, (C.), op. cit. ; p. 197.

* 70 Pole Institute, idem, pp. 50-51.

* 71 Généralement, un lot équivaut à 25 tonnes.

* 72 Adamon Ndungu Mukasa et Janvier Kilosho Buraye, op.cit. , p. 234

* 73 Pact, Etude Promines, op.cit., pp. 91-92.

* 74 DFID, Rapport sur les Flux financiers et services bancaires liés au commerce des ressources naturelles et d'autres produits de base en République Démocratique du Congo, avril 2008, p. 4.

* 75 CEDAC, étude sur la gestion des ressources naturelles en RDC, cas de la Province du Sud-Kivu, 01/ 2009, p. 23

* 76 Didier Defailly, op.cit., p.

* 77 Boltanski, Christophe ; op.cit., p. 95.

* 78 Pact, Inc, Etude PROMINES, op.cit, p. 5

* 79 Adamon Ndungu et al, op.cit, p. 235

* 80 GARRET, N., Walikale. Artisanal Cassiterite Mining and Trade in North Kivu - Implications for Poverty Reduction and Security, Washington, D.C., Communities and Small-Scale Mining Initiative, 2008, p.53; cité par Adamon Ndungu et al, op.cit., p. 231.

* 81 Boltanski, C., op.cit. ; p. 198

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