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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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B. L'application de la logique de performance à l'achat public

La performance de l'achat public : une véritable politique publique. « Le droit des marchés publics a eu pour ambition dès ses origines de constituer un régime juridique devant assurer la conclusion du meilleur contrat. Il s'agissait d'imposer à une administration prodigue des obligations garantissant une utilisation parcimonieuse des deniers publics. »218 Les finances publiques sont donc en grande partie la première légitimation d'un droit contractuel particulier appliqué à l'achat.

De plus, la « culture de gestion » a fait une entrée remarquée au sein de l'Administration, puisqu'elle s'est heurtée à de nombreux obstacles. La logique « coût-efficacité », importée du secteur privé, était pour certains esprits corporatistes radicalement incompatibles avec le service public. Néanmoins, la LOLF pleinement en vigueur depuis 2006, puis la RGPP de 2007 et finalement la nouvelle MAP de 2013 ont tout de même aidé à inscrire cette nouvelle méthode de gouvernance dans les esprits219.

Or au sein de ces différentes politiques de modernisation, l'achat public s'est toujours trouvé en bonne place, comme lorsque le Conseil de modernisation des politiques publiques a fixé comme objectif en 2007 de réduire le coût des achats de l'Etat220. La première finalité est le moindre coût pour les finances publiques. Ainsi, comme on avait déjà eu l'occasion de le relever brièvement, la performance de l'achat public devient elle même une politique publique dont l'efficacité doit être recherchée.

Il faut donc s'intéresser à « la performance de la performance » en matière d'achat public. Le droit de l'achat public doit donc être revu à l'aune de cet objectif, car c'est ainsi que cette fonction abandonnera une culture purement administrative, pour s'adapter à la

217 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, Mémoire de fin d'étude dans le cadre du Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2009, p. 45.

218 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA, 2009, p.1696.

219 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 123.

220 Conseil de la modernisation des politiques publiques, 12 décembre 2007.

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« culture de marché » dont parle Stéphane Braconnier dans son manuel de droit public de l'économie. Cette nouvelle logique anime désormais, qu'on le veuille ou non de plus en plus l'action publique221, et ce d'autant plus depuis les crises financières et bancaires de 2008 et 2010 qui ont fait apparaître la vulnérabilité des « dettes souveraines »222.

Une situation financière préoccupante au service d'une rénovation de l'achat public. Comme l'écrivait Gaston Jèze, « la plupart des grandes réformes politiques ou sociales ont eu des causes financières »223. De même, Léon Duguit rendait lui aussi plus précisément l'économie responsable des évolutions juridiques puisqu'il considérait que « le droit évolue avant tout sous l'action des besoins économiques (É) l'objet même des obligations de l'Etat et le sens de son action se trouvent déterminés par la situation économique du pays et les besoins de ses habitants »224. Ainsi tant politiquement que juridiquement, la situation financière a poussé au changement. Les contrats vont être les premiers impactés, avec notamment des montages au service du financement privé d'équipement et d'infrastructures, tels que les contrats de partenariats225.

Il devient essentiel de mesurer l'efficacité de l'achat public afin d'en tirer toutes les conséquences pour le fonctionnement des administrations et les règles de l'achat public. De nécessaires économies pourraient en effet être faites, comme le signale fort justement Jean-Arthur Pinçon, dans son livre « Le gâchis »226, qui dénonce une politique des achats publics qui coûterait 30 milliards d'euros par an aux contribuables : « On peut estimer que sur ces 300 milliards (somme consacrée aux achats publics consacrés à l'acquisition de biens et de services), 10 %, au minimum, sont gaspillés. 30 milliards partent donc en fumée chaque année (É), c'est tout simplement l'équivalent de la recette liée à l'impôt sur le revenu. »227

Maintenant que politiquement cette volonté est belle et bien affirmée à travers le SAE et désormais le DAE228, au sein du ministère de l'économie et des finances, l'importance des sommes en jeu laisse ainsi présager des changements juridiques.

221 M. BOUVIER, Les finances locales, LGDJ, coll. Systèmes, 11e éd. 2006, p.15.

222 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie, Op. cit., p. 48.

223 G. JÈZE, Cours de finances publiques, Giard, 1925-1931.

224 L. DUGUIT, « Les transformations du droit public », La mémoire du droit, 1999, p. 50 et 51

225 Ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariats.

226 V. J.-A. PINÇON, Le gâchis. 30 milliards d'euros perdus par an dans les Achats Publics, l'Harmattan, 2015.

227 JDE Edition Loire-Atlantique, 4 septembre 2015.

228 D. n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la direction des achats de l'Etat et relatif à la gouvernance des achats de l'Etat

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L'évolution du droit des finances publiques à l'appui du plaidoyer pour l'évolution du droit des marchés publics. Les principes directeurs qui ont régis la réforme du système financier sont similaires à ceux qui doivent aujourd'hui mener l'évolution de ce qu'on pourrait appeler le « système acheteur ». Comme il était admis que « l'essence des finances (était) l'ordre »229, « les responsables de la passation des marchés ont tendance à se focaliser sur le respect de la règle, parfois aux dépens de la rationalité économique »230. Comme ce fut autrefois le cas pour le droit public financier, le droit de la commande publique se trouve confronté à « l'urgence de modifier les dispositifs existants en vue de mieux les adapter »231.

Cependant, l'expérience des évolutions juridiques qui ont concerné les finances publiques doit également nous guider dans la théorisation des réformes futures qui sont aujourd'hui nécessaires pour le droit de l'achat public. Dès lors, si le droit doit être réadapté et prendre en compte des impératifs de gestion, il ne faut pas que le corpus juridique applicable aux acheteurs soit remis en cause par une conception gestionnaire. « L'absence de prise en compte », par la « conception juridique », de la « conception gestionnaire » du contrôle des deniers publics était la cause en finances publiques d'un grave manque de pertinence232. Cette ignorance mutuelle de la gestion et du droit est d'ailleurs dénoncée par le professeur Linditch au sujet du droit des marchés publics, puisqu'il considère que si la notion de performance « occupe aujourd'hui une place prépondérante elle le doit davantage aux praticiens, au management de la commande publique qu'au droit lui-même. »233.

Il vient que concernant l'achat public, il faut parvenir, comme pour les finances publiques à « concilier la recherche de l'efficacité de gestion et celle du respect de règles juridiques »234. La correspondance de cette recommandation financière avec celle qui fut faite par Laurent Richer est troublante. Ce dernier considère en effet la contrainte réglementaire comme l'éternel adversaire du « meilleur achat public »235. De même Florian Linditch admet que « le droit de la commande publique produit de la non performance »236. C'était également le cas du « droit public financier qui, il est vrai, a souvent pu être ressenti comme un frein à la dynamique gestionnaire, notamment en raison des contrôles de régularité qu'il

229 L. SAY, Nouveau Dictionnaire d'économie politique, BNF Gallica, 1894.

230 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. Cit., p. 329.

231 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 27.

232 Ibid., p. 30

233 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

234 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 30.

235 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. Cit., p. 329.

236 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art. préc.

impose ; d'où l'image passéiste voir archaïque qui lui a été volontiers accolée, à l'inverse de la logique de la gestion privée, ressentie comme une voie innovante, celle de la modernité »237. La LOLF a dans ce contexte a été salvatrice, en donnant au nouvel engouement pour la logique de performance, un cadre juridique adapté.

Ce nouveau droit financier qui a donné une assise à la nouvelle gestion publique a donc dû se transformer, mais au même titre que le droit des marchés publics, c'est bien au sein de la « nébuleuse du droit économique et des nouvelles régulations que ce droit prend maintenant place »238. Droit et finance, au même titre que les services publics sont donc devenus « des objets fondamentalement économique »239. Aussi le droit des marchés publics doit il devenir économiquement compatible à travers la prise en compte d'une obligation de performance, qui suppose de profondes modifications.

Finalement, il semble essentiel pour l'achat public de se doter d'une « Constitution de l'achat public », c'est-à-dire d'un cadre juridique susceptible non seulement de prendre en compte mais aussi parfois de permettre les évolutions de l'achat voulues par la pratique. Or ce cadre doit nécessairement être intégré au corpus juridique existant. C'est ainsi que les principes fondamentaux traduisent la nouvelle vision économique qu'il faut avoir de la commande publique (II).

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237 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances Publiques, Op. cit., p. 36.

238 Ibid.

239 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie, Op. cit., p. 48.

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