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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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II. L'impératif de performance inhérent aux principes fondamentaux de la commande publique

Plan. Le développement du droit de la concurrence, avec l'extension du respect du principe de libre concurrence aux personnes publiques a justifié un rapprochement entre les principes fondamentaux de la commande publique et l'exigence d'efficacité de la commande publique (A), cependant cette formalisation de la performance de l'achat public n'a pas pour autant été permise (B).

A. Les prémisses d'une formalisation juridique de la performance par la soumission des personnes publiques au droit de la concurrence

La libre concurrence au service de l'efficacité économique. La concurrence se justifie par l'efficacité économique qu'elle permet, puisqu'elle lutte « contre le pouvoir de monopole ou de marché, c'est-à-dire la capacité dont dispose une entreprise ou un groupe d'entreprises contrôlant une part relativement importante du marché, d'induire une hausse des prix en réduisant les quantités offertes et en obligeant ainsi les consommateurs à se détourner vers d'autres biens, au risque de gaspiller des ressources économiques rares. »240

« La libre concurrence n'est pas une fin en soi, c'est un moyen d'atteindre une fin donnée. »241 De manière générale, Montesquieu résumait que « c'est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et qui établit les vrais rapports entre elles. »242. L'utilité de cette notion est de faire ressortir le bon sens économique des rapports commerciaux, de façon à ce que ceux-ci soient le plus équitables possibles. Il faut s'efforcer de dompter la compétition inhérente au marché car c'est précisément une compétition commerciale « saine » qui permet d'obtenir les meilleurs produits et services aux meilleurs prix. Une concurrence librement exercée, qui s'oppose à une compétition commerciale déloyale, a donc pour objectif premier de dompter la mondialisation en permettant l'efficacité économique. Or la garantie d'une concurrence « loyale » est permise par le droit de la concurrence.

La libre concurrence s'est progressivement imposée, puisque les acteurs économiques « au lieu de se livrer à une lutte acharnée » finissent souvent par se rapprocher et s'entendre.

240 L. VOGEL, Traité de droit commercial, M. GERMAIN (dir.), LGDJ, 2001, 18e éd., p. 561-562.

241 N. KROES, « La libre concurrence n'est pas une fin en soi... », Revue des droits de la concurrence, n° 3, 2007.

242 MONTESQUIEU, « De l'esprit des lois », GF Flammarion, 1993.

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Il en résulte une restriction, voir une suppression de toute concurrence qui est fortement préjudiciable pour l'économie.243 D'où un encadrement de la concurrence qui s'impose. Ainsi le droit de la concurrence se justifie par l'imperfection du marché244.

La libre concurrence signifie que les opérateurs économiques sont donc libres d'exercer leur activité économique de production, de vente ou de consommation et l'Etat ne fait que réguler le marché. Grâce à la rivalité entre les personnes, qui est garantie par le droit de la concurrence, on souhaite que le prix d'une marchandise soit continuellement en train de « «graviter« autour de son prix «naturel«, c'est-à-dire son coût de production. » 245 Autrement dit, la garantie d'une libre concurrence est efficace car elle permet le meilleur prix.

Le droit de la concurrence appliqué à l'achat public. Depuis longtemps maintenant, le droit de la concurrence s'applique en Droit public246, ainsi qu'en matière de marchés publics247. Ces règles de concurrence sont complétées par les règles de mise en concurrence développées au sein des directives. D'une part, le droit de la concurrence protège l'acheteur public face aux risques d'ententes ou d'abus de position dominante. Il est mis en oeuvre par l'Autorité de la concurrence. Mais d'autre part, le juge administratif contraint l'acheteur public. L'Union Européenne a en effet depuis longtemps identifié la nécessité pour la commande publique d'être encadrée, afin de réaliser le marché intérieur. Les directives Travaux de 1971 et Fournitures de 1976 248 , faisaient suite aux deux directives « libéralisation » de 1969 et 1971, qui mirent théoriquement fin à la préférence nationale en matière de marché fournitures et de travaux. Puis sous l'impulsion de Jacques Delors, une coercition fut mise en place pour garantir l'application de procédures de mise en concurrence, l'absence de sanction ayant effectivement ruiné toute chance de survie des directives précédentes. Ces directives font suite à la remise d'un Livre blanc qui avait identifié l'ouverture à la concurrence européenne des marchés publics comme une nécessité pour mettre en oeuvre le marché unique souhaité par le Président de la Commission Jacques

243 M. PEDAMON, Droit commercial, commerçants et fonds de commerce, concurrence et contrats du commerce, Dalloz, 1994, p. 399.

244 A. et G. DECOCQ, Droit de la concurrence. Droit interne et de l'Union européenne, 3 éd., LGDJ, 2008, p.9.

245 M. GLAIS, « Les fondements d'une politique de la concurrence », in Concurrence et régulation des marchés, Cahier français, n° 313, 2003, p. 20.

246 CE, 3 nov. 1997, Société Millions et Marais, n° 169907.

247 CE, 8 nov. 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, n° 222208.

248 V. en ce sens : C. BRECHON, « l'échec des directives Travaux et Fournitures de 1971 et 1976 », RFDA 1989, p. 8.

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Delors249. Finalement l'Acte unique Européen est signé en 1987 et donne un cadre juridique au développement des prochaines directives relatives aux marchés publics250.

L'objet du droit de la mise en concurrence. Le droit de la concurrence a normalement pour objet de faire adopter aux entreprises « un comportement concurrentiel afin de maintenir les structures et assurer un meilleur fonctionnement des mécanismes du marché. »251 A cet égard, il est important de garantir, par l'application des règles, une autonomie dans la détermination du comportement que l'opérateur doit avoir, notamment au regard du choix de ses offres, de ses ventes et de ses achats252. Le droit de la mise en concurrence semble être quant à lui le complément nécessaire du droit de la concurrence, puisqu'il a pour objet de garantir le libre accès à la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la transparence tant lors de la passation, que de l'exécution.

Les personnes publiques sont théoriquement soumises autant que les personnes privées à ce principe de libre concurrence. Pourtant paradoxalement les directives européennes et leurs transpositions successives en droit français ne semblent pas permettre une véritable liberté pour les personnes publiques. Un ensemble de règles contraignantes vient encadrer leurs achats, car les personnes publiques sont susceptibles de faire des choix non-économiques. Celles-ci peuvent en effet décider, selon le postulat du droit européen, de mettre en oeuvre un protectionnisme économique à l'égard des entreprises nationales ou même locales lors de leurs achats. C'est d'ailleurs ce qu'a pu juger la CJCE, qui a effectivement considéré que la « finalité du droit communautaire des marchés publics était d'éviter qu'un « organisme financé ou contrôlé par l'Etat, les collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public se laissent guider par des considérations autres qu'économiques. »253 La concurrence est alors davantage vue comme un modèle économique

249 Commission européenne, Livre Blanc sur l'achèvement du marché intérieur, COM(1985) 310 final, 1985,

Bruxelles.

250 Pour plus de détail sur l'évolution des directives européennes jusqu'au dernière directives de 2014 : V. L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. Cit., pp. 323-324.

251 C. BOUTAYEB, Droit matériel de l'Union européenne, LGDJ, coll. Lextenso éditions, 3e éd., 2014, p. 208.

252 Idem.

253 CJCE, 12 déc. 2002, Universal Bau AG, aff. C-470/99, Rec. p. I-11617, point 52 et 3 oct. 2000, University of Cambridge, aff. C-380/98, Rec. I p. 8035, point 16 ; CJCE, 1er févr. 2001, Commission c/ France, aff. C-237/99, Rec. I p. 939, point 41.

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et social254 et la libre concurrence, comme un principe d'organisation permettant de le réaliser. Ce principe de libre concurrence servant de fondement à un ensemble normatif255.

Ces contraintes sont donc spécifiques aux marchés publics. Des procédures « complexes, plus longues et plus onéreuses » sont imposées aux acheteurs publics, faisant naître un risque contentieux élevé, absent en droit privé256. L'existence de ce risque explique que l'impératif de sécurité juridique des marchés publics ait pris le pas sur celui de l'efficacité, paradoxalement à l'objet premier du droit de la concurrence.

Les traces d'une exigence de performance fondées sur la libre concurrence en droit national. Comme cela a déjà pu être souligné, l'ordonnance du 23 juillet 2015 fait valoir que « les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »257. L'ordonnance reprend ainsi sur ce point le Code des marchés publics de 2006. Sous l'empire du Code de 2001, l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics étaient « assurées par la définition préalable des besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse. »258

La définition préalable des besoins et la recherche de l'offre économiquement la plus avantageuse sont des conditions indispensables pour assurer la performance de l'achat public car « La dépense publique efficace est celle qui maximise la contrepartie obtenue en réduisant autant que possible les charges administratives. » 259 Par suite, la mise en concurrence est supposée permettre une allocation optimale des ressources. Enfin il faut ajouter comme facteur de la performance de l'achat public la participation de la mise en place d'un achat durable260.

254 L. ZEVOUNOU, Le concept de concurrence en droit, Thèse de doctorat en droit, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, 2010, p. 11.

255 P. BONASSIES, «Les fondements du droit communautaire de la concurrence: la théorie de la concurrence moyen », in Mélanges en l'honneur de A. Weill, Dalloz-Litec, 1983, p.51-67.

256 B. NAYRAUD, L'optimisation de l'offre et la demande en Marchés publics, Mémoire Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2012, p. 28.

257 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 1er.

258 CMP 2001, art. 1er.

259 L. Richer, « la concurrence concurrencée : à propos de la directive 2014/24 du 26 février 2014 », Contrats et Marchés publics, n° 2, 2015.

260 L'absence de ce dernier outil a pu être critiquée plus haut.

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Mise en concurrence et rationalisation des dépenses publiques : une corrélation pas toujours évidente. Cependant, la libre concurrence au sens européen a toujours exclu toute considération financière, car comme le relevait déjà il y a presque 20 ans Philippe Terneyre, « on pourrait dire qu'en droit communautaire un marché public n'a pas pour objectif de faire en sorte, comme en France, que les finances publiques du «pouvoir adjudicateur« soient préservées, mais seulement d'obliger ce dernier à traiter, dans un environnement concurrentiel et de façon égale, des entreprises candidates, de toutes nationalités et de toutes tailles. »261 Les nouvelles directives font mention de cette exigence d'efficacité de la dépense publique262 afin de légitimer les règles de soutien aux PME, qui n'ont pas pour but de garantir le principe de libre concurrence. Le principe de bonne utilisation des deniers publics est ainsi détourné de son utilité d'origine par le droit européen.

Pourtant, les phénomènes parallèles de discipline budgétaire et de saisine du droit des contrats administratifs par le droit de la concurrence se rejoignent en droit français, au sein de l'article 1er de la nouvelle ordonnance. L'exigence de performance implicitement contenue dans cet article démontre surtout l'adéquation des principes de libre concurrence et de protection des deniers publics. L'efficacité économique est en effet l'objet du droit de la concurrence, mais est également le principal outil, d'une bonne utilisation des deniers publics.

Dès lors l'efficacité Ð et par voie de conséquence la performance Ð devrait être une notion sanctionnée juridiquement, avec une valeur normative propre et autonome. Il serait alors possible de considérer qu'il s'agit d'une notion juridiquement effective au-delà de son existence formelle au sein des principes directeurs de la commande publique (B).

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984