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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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Section 2. La caractérisation d'une obligation de performance appliquée à l'achat public

Plan. L'objectif de performance doit être conceptualisé juridiquement afin que sa prise en compte soit la plus efficace possible. Cette obligation n'existe pas pour l'instant, pour autant elle apparaît dans le discours, dans les institutions, dans la science administrative et même dans les textes normatifs. Dès lors sa maîtrise devient une nécessité. Il faut donc s'attacher à être prospectif.

« L'obligation » semble être le modèle juridique qui est le plus à même d'accueillir, l'exigence de performance globale car celle-ci permet une responsabilisation tant des acheteurs publics que des opérateurs répondant à la commande publique (I), cependant pour avoir de véritables effets, cette obligation devrait être garantie par un contrôle efficace (II).

I. L'obligation de performance ou la responsabilisation des acheteurs publics

Après s'être intéressé à catégoriser juridiquement une telle obligation de performance de l'achat public (A), il sera possible de nous intéresser à la problématique de la sanction d'une telle obligation (B).

A. Typologie de l'obligation de performance

Une obligation de bien contracter semble émerger. L'obligation de performance de l'achat public rejoint en partie une obligation de bien contracter qui a récemment émergée de la jurisprudence du Conseil d'Etat273. Cependant, le juge administratif semble avoir exclu les marchés publics de ce phénomène.

Le juge administratif qui avait à connaître un contrat de partenariat devait vérifier que les conditions de l'ordonnance de 2004274, à savoir, alternativement, l'urgence, la complexité ou l'opportunité étaient remplies. Aussi cette analyse in concreto pouvait parfois ressembler à s'y méprendre à un véritable contrôle de l'opportunité. Avec l'ordonnance du 23 juillet 2015

273 M. SENO, « Existe-t-il une obligation de bien contracter dans les contrats publics ? », Gazette du Palais, 2010, n° 275, p. 14.

274 O. n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, art. 2.

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ce contrôle subjectif s'est accru puisque désormais, pour passer un contrat de partenariat, l'acheteur doit démontrer que « compte tenu des caractéristiques du projet envisagé, des exigences de service public ou de la mission d'intérêt général dont l'acheteur est chargé, ou des insuffisances et difficultés observées dans la réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat présente un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projet. »275 Un contrôle très précis du choix d'un marché de partenariat devra donc être effectué. Cette analyse du juge s'appuie plus précisément sur « les aspects financiers, juridiques et administratifs, ainsi qu'en termes de performance, de partage des risques et de délai, des options étudiées »276.

Le juge en fit de même concernant les délégations de services publics. Le juge a effectivement décidé de contrôler la durée de ses contrats, dans le silence des textes. La durée optimale est une condition essentielle du « bon contrat ». Le juge par ce contrôle s'immisce dans le contrat sur le fondement d'une obligation de bien contracter, qu'il a créé de toutes pièces.277

Néanmoins, le juge semble avoir créé une telle obligation en raison des nécessités de plusieurs espèces, plus que dans un objectif global. Ce contrôle du bon contrat est très réduit, en matière de marchés publics. Le contrôle du bon contrat se limite en effet à vérifier que la procédure de passation a été respectée, puisque le juge des référés précontractuels doit se contenter « de rechercher si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auxquels ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente. »278 Même si son contenu semble encore trop rétréci, la qualité du contrat est bien sanctionnée et l'obligation de bien contracter existe bel et bien279.

Il faut donc s'attacher à lui donner un contenu plus large, en s'appuyant sur cette brèche ouverte par le Conseil d'Etat, d'où l'utilité d'une obligation se rapportant spécifiquement à l'achat public. Surtout que, comme l'a déclaré le vice président du Conseil d'Etat Jean-Marc Sauvé, « le juge administratif est chargé d'assurer l'intégrité et

275 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 75.

276 CE, 23 juillet 2010, SNSO, n° 326544.

277 CE, Ass., 8 avr. 2009, Cie générale des eaux et commune d'Olivet, n° 271737 et 271782 ; confirmé par CE, 11 aout 2009, Sté Maison Comba, n° 303517 ; conf. CE, 21 mai 2010, cne de Bordeaux, n° 334845.

278 CE, 3 oct. 2008, SMIRGEOMES, n° 305420.

279 J.-D. DREYFUS, « Pour un renouveau du référé précontractuel », AJDA 2010, p. 1553.

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l'efficacité »280 des contrats publics, sans exception. Le « bon contrat » est une notion trop subjective qui est incluse dans la notion plus large de performance. Il peut être définie comme un contrat « clair, lisible et équilibré »281.

Or de telles qualités semblent d'une part bien insuffisantes pour constituer un achat performant, et d'autre part, on peut douter que ces éléments soient toujours utilement vérifiés par le juge, sans tomber dans un subjectivisme absolue et dangereux pour la liberté contractuelle. De même afin d'encadrer les pouvoirs du juge et préserver la liberté contractuelle, ainsi que pour garantir une certaine prévisibilité qui est essentielle aux relations d'affaire, il semble nécessaire de préciser le contenu de l'obligation de performance.

Un devoir moral de performance. « La cohésion d'un groupement repose sur une multitude d'obligations de caractère juridique allant souvent de concert avec des pouvoirs ou des autorités reconnus activement à d'autres personnes. »282 La performance est avant tout une obligation morale, qui s'est imposé à tous, au fur et à mesure que la logique de marché progressée. Il faut en effet optimiser la rencontre de l'offre et de la demande.

Le débiteur de ce devoir moral de performance en l'espèce est la personne publique, mais le créancier de cette obligation a une personnalité plus imprécise car multiple. La personne publique est en effet redevable d'une obligation de performance de son achat auprès de la société, puisqu'elle accomplit effectivement des activités de services publics, en utilisant l'argent du contribuable pour répondre à ses besoins qui sont nécessairement liés auxdits services. Cependant comme l'écrit François Terré à propos du devoir moral, une telle notion d'obligation « ne saurait être entendue efficacement de manière aussi diluée. »283 C'est pourquoi il faut tenter de préciser cette obligation pour pouvoir en faire une véritable obligation juridique qui se définit comme un « un lien de droit, (É) entre deux personnes en vertu duquel l'une d'elles, le créancier, peut exiger de l'autre, le débiteur, une prestation ou une abstention. »284

280 J.-M. SAUVÉ, « Discours d'ouverture de la 4e édition des entretiens du Palais Royal : «Contrat de partenariat, marché public, délégation de service public... Que et comment choisir ?« », LPA, n° 170-171, n° spécial, 2010, p. 3.

281 S. DUHR, op. cit., p. 22.

282 F. TERRE, Les obligations, Dalloz, coll. Précis, 10e éd., 2009, p. 1.

283 Idem.

284 Idem.

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La nature de l'obligation. L'exigence de performance pourrait théoriquement prendre la forme tant d'une obligation de moyen que de résultat.

D'abord il pourrait s'agir d'une obligation de moyen. Le débiteur devrait alors tout mettre en oeuvre pour que cette exigence de performance soit prise en compte. Il doit être « prudent et diligent » et « faire de son mieux ». L'obligation de moyen semble plus adaptée qu'une obligation de résultat car il n'est pas possible de déterminer de manière péremptoire ce qu'est un résultat performant.

Il serait cependant tout à fait possible de fixer préalablement un certain nombre de résultats à atteindre au cours de l'exécution d'un contrat. On sanctionnerait alors la nonperformance soit à raison du manque d'ambition des résultats attendus, soit dans l'hypothèse où les objectifs fixés préalablement n'auraient pas été atteints au cours de l'exécution.

Il semble que l'obligation de performance de l'achat public puisse se partager en deux types d'obligations.

Dans un premier temps, le législateur devrait être soumis à une obligation type « obligation de moyen ». Il serait en effet bienvenu que ce dernier se sente davantage concerné par un souci d'efficacité. Pour cela il devrait être obligé d'élaborer des lois respectant un principe fondamental de performance, mais cela implique nécessairement au préalable une affirmation constitutionnelle et législative de cette exigence de performance.

Dans un second temps, l'acheteur public devrait être quant à lui soumis à une « obligation de résultat », à condition que le contenu de cette dernière soit au préalable précisément décrit par le législateur et le gouvernement.

Il vient finalement que l'obligation de performance de l'achat public doit par conséquent agir à tous les niveaux de la hiérarchie des normes.

La source de l'obligation : la responsabilité. Cette obligation de performance trouve sa source dans la responsabilité puisqu'il s'agit « d'une obligation de répondre d'un dommage devant la justice et d'en assumer les conséquences envers la société. »285 La faute en question serait la contre-performance et le préjudice serait une mauvaise utilisation des deniers publics ou une utilisation non-optimale de ceux-ci. Pourtant habituellement lorsque l'on parle d'une réparation à l'égard de la société, on se situe plus dans le volet pénal, alors qu'en l'occurrence il s'agit seulement d'une obligation administrative.

285 G. CORNU, Vocabulaire juridique, coll. Quadrige, Puf, 2011, p. 908.

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Cette responsabilisation est essentielle. Les acheteurs publics doivent se sentir concernés non seulement par la régularité de leurs contrats d'achat, mais également par l'efficacité de ceux-ci. Autrement dit, la dimension managériale de la responsabilité publique doit se concilier avec la dimension juridique de cette même responsabilité286. Cette responsabilisation des gestionnaires publics sur leurs résultats est née avec la LOLF, puisqu'alors « la dimension auparavant implicite des référentiels de responsabilité rendant complexe la mise en cause personnelle des gestionnaires, laisse place à une dimension explicite par des référentiels et indicateurs prévus au sein des programmes. »287 Le corollaire de la performance de l'achat public est donc bien la responsabilité de l'acheteur public.

Il reste que derrière cette notion de responsabilité, apparaît immédiatement après la problématique de la réparation (B).

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault