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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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II. Le nécessaire contrôle de l'efficacité de l'achat public

Comme le fait justement remarquer Jean-Philippe Dolor dans son mémoire295, ce contrôle s'il comporte certaines faiblesses (A), tend de plus en plus à se développer afin de garantir une efficacité économique des contrats d'achat public (B).

A. Un contrôle de l'efficacité encore insuffisant

La faiblesse du contrôle organique interne. Cette faiblesse est dénoncée par Jean-Philippe Dolor dans son mémoire.

La commission consultative des marchés publics (CCMP)296 qui a été supprimée en 2013297, était dépourvue de compétence de contrôle. Au fur et à mesure des réformes, le pouvoir réglementaire a en effet supprimé cette compétence alors qu'à une époque, la commission spécialisée des marchés (CSM)298 crée en 2001, avait une véritable prérogative en la matière299. Pourtant ce contrôle apparaissait utile, puisqu'elle pouvait alors rejeter un marché inefficace et intimer au pouvoir adjudicateur de se justifier pour pouvoir poursuivre dans cette voie. Il n'y a donc plus d'organe indépendant destiné à ce contrôle de l'efficacité.

294 Voir en ce sens : « Les clauses incitatives : un outil au service de la performance des achats », interview de D. ADDA, conseil en propriété intellectuelle au sein du Cabinet TPC, locatis.info, 2015.

295 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, Mémoire de fin d'étude dans le cadre du Master 2 Contrats publics et partenariats, Université de Montpellier, 2012, p. 5.

296 D. n° 2009-1279 du 22 octobre 2009 relatif à la commission consultative des marchés publics.

297 D. n° 2013-420 du 23 mai 2013 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif.

298 D. n° 2001-739 du 23 août 2001 relatif aux commissions spécialisées des marchés.

299 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit. pp. 7-8.

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De plus un contrôle efficace suppose des moyens financiers, humains et techniques, ce dont sont globalement dépourvus l'Etat et les collectivités territoriales. Faute de ressources financières, il raisonne en effet en terme de moyen, plutôt que de se prêter à un véritable contrôle des dépenses, au regard des objectifs préalablement fixés300.

De même, tant qualitativement que quantitativement le personnel chargé d'un tel contrôle est également insuffisant, puisqu'il faut non seulement des juristes maîtrisant les procédures d'achat mais il faut également qu'ils aient une bonne connaissance économique. Aussi les acheteurs doivent être parfaitement conscients des préoccupations des différents services techniques. Ces derniers sont un rouage essentiel de l'efficacité puisqu'ils doivent veiller à exprimer le plus précisément et le plus justement possible leurs besoins301.

Si les élus disposent d'un pouvoir de contrôle global sur les affaires de la commune302, ils doivent aussi être obligatoirement informés des contrats sur le point d'être passé, préalablement à une assemblée plénière303. De même la transparence administrative, outre le fait qu'il s'agisse d'un principe fondamental, est l'objet de la loi CADA de 1978. Aussi les conditions semblent remplies pour que les élus puissent mettre en oeuvre ce contrôle. Cependant, le fait majoritaire prive bien souvent les élus de ce contrôle. Qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition, le plus souvent ils n'osent pas ou ne parviennent pas à remettre en cause des contrats qui se révèleront par la suite inefficace.

Les institutions chargées du contrôle externe ne disposent pas de pouvoir de sanction suffisant. Pourtant au même titre que l'absence de mise en concurrence et de publicité, l'inefficacité devrait pouvoir être sanctionnée par des organes dédiés à ces questions. Le respect du droit de la mise en concurrence n'est pas suffisant pour que la commande publique soit efficace.

Certes la Cour des comptes (CDC) et les Chambres Régionales des Comptes (CRC) contrôlent indirectement l'efficacité globale des marchés publics une fois terminés304, puisqu'elles ont la compétence pour examiner la gestion de l'Etat, des collectivités

300 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 13 ; R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 23.

301 Idem.

302 CGCT, art. L. 2121-13.

303 CGCT, art. L. 2121-12 et CAA Douai, 11 mai 2000, Commune Sangatte, n° 2000-134731.

304 J.-D. DREYFUS, les contrôles des collectivités territoriales, Jurissclasseur, Contrats et marchés publics n°5, 2007, étude 8.

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territoriales, ainsi que de leurs établissements publics respectifs305. Elles procèdent à la vérification de la sincérité des comptes, l'équilibre financier des opérations, ainsi qu'une comparaison des moyens mis en oeuvre et des résultats obtenus. Dès lors les politiques publiques, tel que l'achat public sont contrôlées du point de vu de l'efficacité.

Toutefois, ce contrôle est trop peu contraignant, puisque de simples lettres d'observation sont envoyées. Or ces lettres n'ont qu'un rôle préventif. Elles ont pour objet d'alerter et seulement d'alerter. Elles sont rendues publiques, font l'objet d'un débat en assemblée délibérante et une réponse de l'institution concernée est permise. Pourtant « l'observateur (n'a) aucun moyen d'intervention directe pour corriger les défauts, dysfonctionnements, voire irrégularités, constatés. » Il s'agit en effet « de normes techniques et non de normes juridiques, échappant par conséquent au domaine du droit. »306 Cette vision est cohérente avec les considérations du juge administratif qui considère que le contrôle de gestion « ne présente pas le caractère de décision faisant grief »307. Il a d'ailleurs jugé la même chose, plus spécifiquement, au sujet d'un avis rendu par des juridictions financières concernant des contrats passés par des collectivités308.

Ainsi il ne reste plus que la responsabilité politique des institutions défaillantes, qu'il serait possible d'engager en cas d'inefficacité contractuelle. Sauf qu'il ne s'agit pas d'un contrôle juridictionnel, mais bien d'un hypothétique contrôle démocratique permis par la transparence.

D'ailleurs il est possible d'expliquer cette réticence à donner de véritables moyens d'agir aux juridictions financières par la nécessité de protéger la décision politique de tout contrôle d'opportunité309. Il s'agit en effet d'un prérequis nécessaire à la libre administration des collectivités territoriales, qui est elle-même consacrée constitutionnellement310.

Finalement l'imprécision des objectifs des politiques publiques mis en place par les collectivités311, ainsi que le fait pour les CRC de privilégier un contrôle des coûts et de la régularité pour les marchés publics viennent renforcer l'inefficacité du contrôle

305 Constitution du 4 octobre 1958, art. 47-2 ; Code des juridictions financières pour les CRC, arts. 211-1 et 2118.

306 H.-M. CRUCIS, Droit des contrôles financiers des collectivités territoriales, coll. AJDA, le Moniteur, p.413.

307 TA Marseille, 1er mars 1995, Société Semica et commune de la Ciotat.

308 CE, 8 déc. 1995, Département de la Réunion, n° 154042 et s.

309 Réaffirmé par L. n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

310 Constitution du 4 octobre 1958, art. 72.

311 J.-L. GOUSSEAU, « Les chambres régionales des comptes et l'évaluation des politiques publiques locales », la revue du Trésor, n°1, 2008, p. 21.

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d'efficacité312. Tandis qu'en « matière de marchés publics, il est attendu des pouvoirs adjudicateurs, non seulement qu'ils en maîtrisent suffisamment la technique pour mener leurs actions en conformité avec la réglementation, mais encore que sur cette base, ils mettent à profit toutes les marges de manoeuvre que le code leur laisse pour tendre vers un achat efficient »313.

De la même façon, le juge administratif, en l'état actuel des choses, ne saurait de lui-même sanctionner la passation ou l'exécution d'un marché public au motif que le coût pour le contribuable serait trop élevé ou que la procédure utilisée ne serait pas adéquate pour obtenir le meilleur contrat. L'opportunité ne doit pas en effet se confondre avec la légalité. Le juge se limite donc à sanctionner l'erreur manifeste d'appréciation concernant le choix des critères et leur pondération314. Cette liberté accordée au pouvoir adjudicateur n'est que la suite logique de la jurisprudence européenne315. Mais surtout, cette liberté de choix des critères par le pouvoir adjudicateur ne doit souffrir d'aucune limite, car c'est ce qui permet de dire que la liberté contractuelle existe belle et bien, malgré l'encadrement juridique du choix du cocontractant316. Néanmoins, « cette position pourrait se comprendre en considérant que dans la mesure où les exigences en termes d'énonciation et d'exhaustivité des critères ont été satisfaisantes, le juge n'a plus qu'à craindre une sorte de dénaturation dans la comparaison des offres. »317 Sauf que ce n'est pas le cas et qu'un contrôle normal semblerait donc plus approprié. Pour autant, si l'opportunité demeure à l'écart de tout contrôle, le juge peut tout de même vérifier l'adéquation entre la prestation demandée et les besoins de la collectivité. Il s'adjoint ainsi à un contrôle de la proportionnalité du besoin avec l'objet du contrat et son prix318, sanctionnant toute disproportion319.

Cette impuissance des juridictions financières, comme du juge administratif, vient directement du fait qu'aucune norme n'impose de garantir une action contractuelle efficace afin de lier véritablement les collectivités territoriales à cette exigence320.

312 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 23.

313 L. RENOUARD, « le contrôle des juridictions financières », Actes du 15ème colloque de l'AFAC, in Commande publique : les contentieux de la passation, comment les gérer ?, Paris, 27 janvier 2011, p. 86.

314 CE, 1er avril 1998, Département de Seine et Marne, n° 157602.

315 CJCE, 20 sept. 1988, aff. 31/87, Gebroeders Beentjes BV contre État des Pays-Bas.

316 CE, 12 juin 1987, Cne de Cestas, n° 71507, 71961.

317 P.-M. CLOIX, « Contrôle juridictionnel et critères de choix », ACCP, juin 2007, p. 58.

318 P. NDIAYE, « Du contrôle de l'efficacité économique des contrats publics », in Mélanges en l'honneur du professeur Michel Guibal, G. Clamour, M. Ubaud-Bergeron (dir.), coll. Mélanges, Presses de la Faculté de Montpellier, 2006.

319 CE, 18 nov. 1998, Min. de l'intérieur c/ SARL « Les voyages Brounais », n°76131.

320 Conc. C. CHANTEPY sous. CE, 8 déc. 1995, Département de la Réunion, préc.

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Le contrôle externe est matériellement dépourvu. D'abord pour ce qui est l'inefficacité matérielle, Alain Ménéménis, au moment de relever les points forts du Code de 2006 mettait en exergue l'apport important de l'article 1er, mais a rapidement exclu toute ambition plus large que celle de garantir la libre concurrence : « On voit mal que puisse être sanctionnée une illégalité tirée de ce qu'aurait été méconnu l'objectif très général d'efficacité de la commande publique et de bonne utilisation des deniers publics. »321Autrement dit, cet article permet de sanctionner l'acheteur qui aurait fait un choix autre qu'économique, mais il n'a pas la prétention d'être un gage de performance en tant que tel.

Tout au moins, l'efficacité devrait aussi guider le législateur dans l'élaboration de la norme applicable aux marchés publics. Cette exigence de performance si elle anime les débats actuellement, ne saurait être néanmoins utilisée pour sanctionner directement les normes qui produisent de mauvais achats. Par exemple, il faudrait pouvoir sanctionner une procédure de mise en concurrence certes légale mais bien trop contraignante, ou le refus du législateur d'étendre les possibilités de négocier pour l'acheteur public.

Le Conseil Constitutionnel ou le Conseil d'Etat pour vérifier l'effectivité du principe d'efficacité de l'achat public vont se restreindre à vérifier qu'une mise en concurrence et une publicité suffisante seront mises en oeuvre. Pourtant, une procédure de concurrence trop restrictive, un acheteur public s'en remettant uniquement à un critère du prix, ou encore une mauvaise définition des besoins, sont autant de comportements pouvant être parfois préjudiciables pour l'efficacité de la commande publique, tout en demeurant bel et bien légaux.

Le Tribunal Administratif de Lille a cependant déjà pu considérer en 2011 que l'obligation de rejet des offres anormalement basses reposait sur l'objectif d'efficacité de la commande publique322. Le choix d'une telle offre pouvant effectivement conduire à une mauvaise exécution et à des pertes importantes pour le pouvoir adjudicateur. C'est une des rares fois que l'efficacité a été entendue comme un principe autonome, mais cela signifie également qu'il est possible de s'appuyer davantage sur cette exigence d'efficacité afin de contrôler au mieux l'achat public (B).

321 A. MENEMENIS, « Code des marchés publics 2006 : quelques points forts », AJDA 2006, p.1754.

322 TA Lille, 25 janvier 2011, Société Nouvelle SAEE, n° 0800408.

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