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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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Partie 1: La nécessaire consécration d'une identité

juridique pour la performance de l'achat public

Plan. Définir une politique d'achat performante revient à fixer des objectifs pour l'acheteur. Certes l'objectif principal pour ce dernier est d'être performant, mais comment rendre cet objectif effectif ? Pour cela il faut avant tout qu'il se sente obligé de l'être. L'émergence d'une obligation de performance devient donc essentielle pour guider ensuite les acheteurs publics dans l'élaboration de leur stratégie d'achat qui vise quant à elle à permettre l'accomplissement de cet objectif de performance de l'achat public.

La difficulté de la consécration juridique de la performance réside dans le fait que la performance est d'une part un concept économique, qui d'autre part s'inscrit à l'origine dans le secteur privé. De plus, lorsqu'elle est inculquée à l'achat public, celle-ci doit nécessairement s'entendre globalement. Il demeure pourtant que le droit des achats publics évolue en prenant appui sur une exigence fondamentale, qu'il reste à définir.

Il vient que l'incorporation de la performance au droit des marchés publics, suppose au préalable de prendre conscience des enjeux d'une telle définition. En premier lieu, du fait de sa nature publique, l'obligation juridique de performance implique de dépasser l'inadéquation fondamentale entre droit public et performance. En second lieu, pour définir cette obligation de performance, il faudra être attentif à ne pas laisser l'objectif de performance se globaliser à l'excès, en encourageant un achat à la croisée des intérêts de la société, de l'environnement et de l'Administration. (Chapitre 1).

La performance économique trouve son origine dans la modernisation de l'Etat qui a directement impacté la droit financier public. De même, le principe de libre concurrence a progressivement démontré qu'il ne servait pas uniquement l'objectif d'achèvement du marché intérieur, mais bien une meilleure utilisation des deniers publics, en garantissant l'efficacité de la commande publique. Aussi avec de tels fondements, il est judicieux de s'interroger sur les contours que pourrait adopter une obligation de performance de l'achat public si elle devait un jour apparaître explicitement dans le droit positif (Chapitre 2).

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Chapitre 1 : Les enjeux de la conceptualisation juridique de
la performance

Plan. Dans la perspective de définir juridiquement la performance de l'achat public, il semble primordial de poser un cadre à cette réflexion. D'abord, un achat public efficace et efficient revient à imposer un objectif de performance à l'action publique, ce qui implique une compatibilité entre le droit administratif et cette exigence, au moins en ce qui concerne la fonction achat de l'Administration (Section 1).

Mais ce n'est pas le seul enjeu auquel il faut faire face. La performance de l'achat public s'entend globalement en raison du développement durable que les personnes publiques doivent servir. Cela suppose de parvenir à un achat équitable qui sera efficace tant pour la société et l'environnement, que pour le pouvoir adjudicateur (section 2).

Section 1. Une performance publique

Plan. Bien que la modernisation de l'Etat soit en marche, la nature réfractaire à toute performance du droit administratif demeure (I). La spécificité des contrats publics d'achat permet cependant une rencontre de la performance et du droit applicable à l'Administration (II)

I. L'idée contre-nature d'une gestion publique performante

Plan. Le droit administratif semble réfractaire à toute gestion publique performante (A), pourtant une gestion publique performante va finir par s'imposer (B).

A. Le droit administratif, un droit réfractaire à l'idée de performance

La performance réduite au statut de donnée scientifique. La gestion publique se définit comme « l'ensemble de pratiques ou de connaissances théoriques ou techniques relatives à la conduite des organisations »44, qui sont en l'occurrence publiques. Il s'agit donc, au premier abord, davantage de « science administrative » que véritablement de « droit

44 P. BEZBAKH, S. GHERARDI, Dictionnaire de l'économie, coll. À présent, Larousse, 2011, p. 358.

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administratif » 45. Les deux matières sont initialement distinctes46. Pourtant, l'analyse du droit administratif renferme nécessairement une réflexion autour de l'Administration en tant qu'entité47, voire même le supplante pour devenir véritablement le « droit de l'action publique »48.

Il reste que les réflexions autour de la prise en compte d'une exigence de performance dans le fonctionnement des administrations restent néanmoins le plus souvent réservées à la science administrative. L'évaluation des performances des politiques publiques, telle que la performance de l'achat public, n'est pas juridique49. Le droit administratif semble donc impropre à accueillir de telles exigences. Dès lors, les réflexions autour du rendement ou de l'efficacité de l'action administrative restent résiduelles50.

Le constat : la performance, un objectif secondaire pour le droit administratif. « Le droit administratif français n'a jamais eu le rendement pour préoccupation centrale. »51 Le meilleur exemple de cette opposition farouche est le droit de la fonction publique. Il se pose en effet la question depuis plusieurs années de l'instauration d'un « véritable management de la fonction publique »52, mais celui-ci doit faire face à plusieurs obstacles statutaires comme « la sécurité de l'emploi (É), le régime disciplinaire inadapté aux exigences d'une gestion dynamique des ressources humaines ou le système de la notation indifférent à la nécessaire rétribution des mérites (É), etc. »53.

A côté de ces réflexions autour du management de la fonction publique, d'autres difficultés juridiques ont été rencontrées par les personnes publiques, notamment pour valoriser leurs propriétés avec la règle de l'inaliénabilité du domaine public, ou pour faire coïncider le principe de libre concurrence européen avec la notion de puissance publique. C'est ce qui a pu faire dire respectivement aux professeurs Chevallier et Caillosse que le droit

45 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », AJDA 1999, p.195.

46 A.-F. VIVIEN, « Les études administratives », 1845, in P. CHRETIEN, N. CHIFFLOT, M. TOURBE, Droit administratif, coll. Université, Sirey, 14e éd.,2014.

47 J. CAILLOSSE « Sous le droit administratif, quelle(s) administrations(s) : réflexion sur l'enseignement actuel du droit administratif », Mélanges Gustave Peiser, coll. Droit public, P.U.G. Grenoble, 1995, p. 63.

48 P. CHRETIEN, N. CHIFFLOT, M. TOURBE, Droit administratif, op. cit., p. 41.

49 J. Caillosse, « Le droit administratif contre la performance publique ? », art. préc.

50 Ibid.

51 Ibid.

52 Ibid.

53 Ibid.

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administratif était un « îlot à part dans la société »54 et un « pôle de résistance »55 à toutes avancées des préoccupations relatives à la performance.

Cette résistance devrait avoir pour conséquence de garantir le règne de la bureaucratie, en tenant l'entreprise privée à l'écart de la gestion de l'intérêt général. Il peut ainsi être observé une distinction stricte des principes de gestion privée et publique56, qui illustre la difficile appréhension de la performance par le droit administratif.

Les raisons de la difficile appréhension juridique de la performance par le droit administratif. « Le droit administratif tend ainsi à être perçu comme un ensemble de règles rigides et obsolètes, bloquant l'indispensable modernisation administrative et freinant le dynamisme économique et social È57. A l'origine de cette difficile appréhension on trouve nécessairement la définition du droit administratif.

Ce droit peut se définir, au sens large, comme le droit de l'Administration, comprenant l'ensemble des règles de droit relatives à son activité58. En retenant une telle conception, les principes de gestion publique pourraient alors s'inscrire dans le champ d'application de ce droit qui devrait s'adapter aux exigences de gestion, telle que la performance.

C'est cependant une conception bien plus restrictive qui triomphe habituellement59. Dans un sens plus circonscrit, le droit administratif se définit par défaut. Il correspond en effet à l'ensemble des règles dérogatoires du droit privé. La pénétration du droit administratif par des exigences du secteur privé semble alors exclue par essence. Le droit administratif est exorbitant et rien qu'exorbitant. Son autonomie suppose qu'il se façonne lui-même. Ses sources juridiques lui sont propres. Aussi les fondements existants, qui composent le socle de ce droit en deviennent des obstacles obligés à toute nouvelle notion. Or la performance est une notion qui est au départ économique, propre à la gestion privée et au service du profit des entreprises. Celle-ci ne semble pas armée, en théorie, pour intégrer le corpus des règles administratives. C'est donc bien l'exorbitance du droit public qui fait en théorie obstacle à une prise en compte de la performance, puisque celui-ci se défini par opposition à l'entreprise

54 J. CHEVALLIER, « Changement politique et droit administratif », in Les usages sociaux du droit, PUF, 1989, pp. 293-326.

55 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », Art. préc.

56 J. CHEVALLIER, « Changement politique et droit administratif », Art. préc.

57 Ibid.

58 Ibid.

59 R. CHAPUS, Droit Administratif, Montchrestien, coll. Domat, t. 1, 15e éd., 2001.

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et au marché. Il puise sa raison d'être au sein de la distinction public-privé, alors qu'il ne devrait s'agir que « d'un univers mental »60 , d'un dualisme « superficiel » et non d'une dissociation pouvant se vérifier matériellement.

La nécessité de dépasser la distinction entre secteur privé et secteur public. Il faudrait donc se contenter théoriquement d'une approche purement gestionnaire de la performance publique sans cesse freinée par les résistances du droit administratif, car comme le souligne Jacques Chevallier en parlant de l'Administration « l'amélioration de ses performances et de ses résultats (passe) par la mise en cause de ses privilèges et par sa soumission au droit commun. »61 Ainsi cette nouvelle démarche de performance revient certes à s'inspirer des méthodes du secteur privé, mais implique également une soumission à certaines règles de droit privé.

En dépit de ce que peut affirmer le professeur Linditch qui soutient que « le droit peut toujours évoluer (É) cette quête de la performance suppose surtout que soit diffusée une nouvelle culture financière et budgétaire dans tous les services, techniques, mais également juridiques »62, c'est bien la conceptualisation juridique de la notion de performance qui permettra une prise en compte, elle même efficace, des exigences qu'elle suppose.

La première condition d'un tel changement est l'évolution vers une autre conception du droit administratif, en renouvelant ses fondements et derrière ceux-ci, la conception même de l'Etat, puisque le droit administratif a ceci de « miraculeux »63, qu'il est produit par l'Etat qui s'y soumet lui-même ensuite (B).

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway