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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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INTRODUCTION

« Ce qui caractérise les méthodes des services publics, c'est l'existence d'un certain nombre de règles que les agents sont tenus de respecter en toutes circonstances ; au contraire le fondement essentiel des méthodes qui ont la faveur de l'industrie et du commerce, c'est l'absence de règles fixes. (É) Par suite d'une déformation progressive de la mentalité des fonctionnaires, le souci du respect des formes finit par devenir une obsession, qui rejette à l'arrière-plan celui de la bonne exécution elle-même ». C'est ainsi que dès 1930, Maurice Israël exprimait le manque de performance de l'achat public, dans sa thèse sur l'Etat acheteur1. La liberté contractuelle de droit privé, comme les techniques managériales de ce secteur, tant lors de la passation d'un contrat, qu'à l'occasion de son exécution, doivent être une source d'inspiration pour un achat public qui se veut de plus en plus performant.

Une problématique actuelle. La problématique de la performance de l'achat public n'est donc pas nouvelle, mais à l'heure où la situation des finances publiques locales et étatiques est particulièrement préoccupante, la recherche d'économie ressurgit de plus belle, au sein d'un poste de dépense particulièrement important puisque représentant près de 10% du PIB (190 milliards d'euros pour les achats des administrations publiques selon l'INSEE)2. Si les acheteurs privés ont compris depuis longtemps que l'achat pouvait être un levier d'économie, cette considération était complètement absente des débats au sein du secteur public. Depuis une quinzaine d'années un changement de mentalité se met progressivement en place3 et s'est traduit sémantiquement dans la doctrine par l'abandon du terme de « commande publique », pour lui préférer celui « d'achat public ». Les marchés publics ne sont plus seulement juridiques, ils sont aussi économiques.

Aujourd'hui néanmoins, Jean-Arthur Pinçon évalue encore entre 30 et 50 milliards, les économies envisageables dans les achats publics4, si bien que d'importants efforts doivent

1 M. ISRAËL, L'Etat acheteur, PUF, 1930, p. 223.

2 Sénat, Mission commune d'information sur la commande publique, Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, p. 30.

3 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique », JCP A n° 43, 2012.

4 V. J.-A. PINÇON, Le gâchis - 30 milliards d'euros perdus par an dans les Achats Publics, l'Harmattan, 2015.

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encore être fournis. Il faut en effet dépasser complètement l'adjudication moyenâgeuse et son procédé unilatéral, pour faire pleinement la place au mode contractuel et à une passation, puis une exécution toutes deux placées sous le signe de l'efficacité, en matière de marchés publics5.

L'obstacle principal à ce nouveau paradigme est d'une part un droit des marchés publics inadapté à la performance6, et d'autre part, des acheteurs qui ne sont responsables que de la conformité de leurs marchés, à un droit qui ne prône lui-même pas la performance7.

L'achat public. Les marchés publics « sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou plusieurs acheteurs soumis à (l'ordonnance du 23 juillet 2015) avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. »8 Ces contrats sont inclus au sein de la notion de commande publique qui désigne au sens large l'ensemble des contrats permettant à la personne publique de satisfaire ses besoins. Même si les contrats répondant davantage à une logique concessive, qu'à celle de commande devraient être exclus d'une telle notion, aussi bien le juge que le législateur ou le gouvernement, ont une vision extensive de cette notion de commande9. Cette étude se limitera pourtant aux marchés publics et ne s'attardera pas sur les efforts à faire en matières de performance pour les concessions, celles-ci demandant bien moins d'efforts en la matière.

Les marchés publics correspondent peu ou prou à la définition juridique que l'on peut donner à l'action d'acheter dans le secteur privé, puisque l'achat se définit comme « une opération par laquelle une entreprise ou une personne physique - l'acheteur - acquiert auprès d'une autre entreprise ou d'une personne physique - le vendeur - la propriété de biens ou le bénéfice d'une prestation de service en contrepartie d'un règlement, dans des conditions négociées, d'un montant déterminé qu'elles ont accepté. »10

Pour désigner les marchés publics, il est donc de plus en plus fait allusion à la notion « d'achat public ». Cette évolution terminologique est aujourd'hui à l'oeuvre au sein même des nouveaux textes relatifs aux marchés publics. Selon le Professeur Ubaud-Bergeron, ce

5 V. en ce sens : F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », AJDA 2009, p.1696.

6 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », RFDA 2014, p. 403.

7 V. en ce sens : A. TUECH, L'acheteur public : juriste et manager, Mémoire de fin d'étude dans le cadre du Séminaire Management des Organisations, IEP de Lyon, 2007, pp. 14-18.

8 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 4.

9 V. en ce sens : M. UBAUD-BERGERON, Droit des contrats administratifs, coll. Manuel, LexisNexis, 2015, p. 26.

10 J.-P. DENIS, A.-C. MARTINET, A. SILEM, Lexique de gestion et de management, Dunod, 9e éd., 2016, p. 8.

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changement sémantique illustre une prise de conscience, quant à la fonction économique de certains contrats publics, tels que les marchés publics11.

Le paradigme change. Une professionnalisation des acheteurs publics est en cours12. Ces derniers sont l'équivalent des pouvoirs adjudicateurs définis aux articles 10 et 11 de l'ordonnance du 23 juillet 201513 et leur compétence juridique ne suffit plus. Désormais l'objectif lors de la passation d'un marché public n'est plus seulement de garantir sa régularité. Ces achats s'intègrent en effet au sein d'une fonction achat empruntée à la gestion privée, qui a pour but « de procurer à l'entreprise les valeurs d'exploitation »14 qui correspondent à « l'ensemble des stocks de matières, de produits ou d'emballages appartenant à l'entreprise et relatifs à son exploitation »15. Cependant, à la différence du droit privé, les contrats d'achat public sont des contrats réglementés par des procédures de mise en concurrence strictes et contraignantes.

La performance. Cette notion est habituellement absente des réflexions juridiques. Le terme est davantage employé dans un contexte artistique, sportif ou économique16. Cette notion est surtout rattachée au vocabulaire managérial. Le management étant « l'Art de diriger en prenant en compte les contraintes immédiates sans pour autant perdre de vue les orientations souhaitables à long terme »17, la performance est quant à elle l'objectif principal à ne pas perdre de vue lorsque l'on dirige une organisation. Les « contraintes immédiates », comme les « orientations » à long terme ont toutes les deux pour objet la performance. Cette affirmation ne semble cependant valoir qu'au sein d'entreprises privées, comme si la performance était une notion non seulement absente du droit, mais également étrangère au secteur public.

La notion de performance est polysémique. Elle peut représenter à la fois, la mesure du résultat d'une action, l'action en elle-même, une action réussie18. Elle désigne donc aussi bien l'objectif, que les moyens mis en oeuvre pour l'atteindre. C'est à dire que la performance

11 M. UBAUD-BERGERON, Droit des contrats administratifs, op. cit., p. 27.

12 idem.

13 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 8.

14 J.-P. DENIS, A.-C. MARTINET, A. SILEM, Lexique de gestion et de management, op. cit., p. 9.

15 Ibid, p. 621.

16 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre la performance publique ? », AJDA 1999, p.195.

17 Web Dictionnaire Alternatives économiques.

18 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de Gestion, coll. Techniques de gestion, Economica, 1998, p. 319.

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doit inspirer aussi bien la politique (définition des objectifs), que la stratégie d'achat (actions mises en oeuvre pour atteindre les objectifs définis) d'une organisation.

Plusieurs fonctions sont donc reconnues à cette même notion19. D'abord, les économistes considèrent que la performance a une fonction d'objectif20. Cet objectif lie l'efficacité à l'efficience.

Efficace se dit d'une action, telle que celle d'acheter, « qui remplit bien sa tâche, qui atteint son but, qui aboutit à des résultats utiles »21. Une action efficace est donc capable d'atteindre un objectif préalablement défini. Tandis qu'une action efficiente, se dit d'une activité « qui aboutit à de bons résultats avec un minimum de dépenses »22. A la différence de l'efficacité, l'efficience s'intéresse donc aux moyens mis en oeuvre et vise à obtenir le meilleur résultat possible avec les moyens mis à disposition. Ces deux adjectifs ne doivent pas être confondus et sont par ailleurs pleinement complémentaires.

Ensuite la performance est un instrument de mesure. Sa fonction mesure est le corollaire de sa fonction d'objectif. Il s'agit de la « mesure ex post de résultats obtenus »23, afin d'exprimer « le degré d'accomplissement des objectifs poursuivis par une organisation. »24 Cette mesure doit être effectuée objectivement, au moyen d'indicateurs25. On préférera cette approche objective de la performance, plutôt que de voir la performance comme un véritable jugement de valeur, subjectif, par rapport à ce qu'on estime être un succès pour une organisation26. Par contre, la performance en tant qu'action destinée à l'accomplissement d'objectifs trouvera sa place dans les développements ultérieurs. Il s'agit en effet de décrire le processus menant au succès.

La performance a également une fonction de contrôle. La comparaison des résultats obtenus aux objectifs préalablement fixés doit également faire l'objet d'une analyse, qui doit amener à décortiquer l'activité en question, afin de distinguer les pans défaillants de l'activité, de ceux fonctionnant de manière optimale, comme le préconisait William Ouchi27.

19 V. en ce sens : N. BERNARDINI, La performance et les contrats de la commande publique, Master 2 Droit des contrats publics et Droit public des affaires, Université D'Aix-Marseille, 2014, p. 14.

20 Cette vision de la performance est décrite au sein de : A. DESREUMAUX, Introduction à la gestion des entreprises, coll. Colin U, Armand Colin, 1992.

21 Larousse.fr

22 Ibid.

23 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de Gestion, op.cit., p. 319.

24 Ibid.

25 Cette vision de la performance est décrite au sein de : E. M. MORIN, A. SAVOIE, G. BEAUDIN, L'efficacité de l'organisation - Théories Représentations et Mesures, Gaëtan Morin éditeur, 1994.

26 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de Gestion, op.cit., p. 319.

27 W. G. OUCHI, « A Conceptual Framework for the Design of Organizational Control Mechanisms », Management Science, Vol. 25, N° 9, 1979, pp. 833-848.

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Finalement, on pourra retenir pour cette étude, que la performance représente l'objectif principal pour une organisation, dont la réalisation est directement liée aux indicateurs choisis. Or ces indicateur doivent permettre d'apprécier la situation - performante ou non - de l'organisation en question en permettant de se concentrer sur certains aspects précis de l'activité. Au sein de ces indicateurs, un certain nombre de sous-objectifs sont prédéfinis et comparés ex post aux véritables résultats obtenus. Cette démarche de mesure est en elle-même performante et doit mener à un certain nombre de conclusions organisationnelles d'une ampleur plus ou moins grande. Ainsi la performance loin d'être un « mot éponge » est un ensemble. La performance c'est une démarche au service d'un objectif. Cependant, il s'agit surtout d'une exigence pratique, car loin d'avoir sa propre identité juridique, la source de la performance semble être davantage le bon sens organisationnel, que le respect d'une obligation.

L'objectif de performance appliqué à l'achat public. Certes la performance est une démarche au service de l'efficacité et de l'efficience mais cela ne nous indique pas pour autant au nom de quel but spécifique la démarche de performance doit être mise à profit en matière d'achat public. Ecologie ? Réduction des coûts ? Soutien à l'économie ? Réputation ? Respect du droit ?

La commande publique a plusieurs objectifs qui sont apparus progressivement et qu'il faut présenter par ordre chronologique. De prime abord, la commande publique a pour objet de répondre aux besoins de l'administration en cherchant à obtenir le meilleur rapport qualité-prix. Le second objectif de la commande publique est issu du droit européen. Il s'agit du principe de non-discrimination ou d'égalité concurrentielle. Enfin, le troisième objectif, qui est le plus récent a pour objet le développement durable et repose sur des considérations économiques, sociales ou environnementales28.

Dès lors, avec autant d'objectifs, la performance doit être entendue globalement. Ainsi la démarche de performance s'appliquera à chacun de ces objectifs. Cependant, chacun de ces objectifs n'est pas entièrement compatible avec les deux autres. De même, la poursuite de plusieurs objectifs sans une vision directrice, serait une démarche tout sauf performante.

Il faut un objectif principal qui sans empêcher l'accomplissement des deux autres, se situera hiérarchiquement au-dessus d'eux. Or pour une entreprise la performance équivaut à l'amélioration du rapport entre valeur et coût pour tendre à une création de valeur maximale.

28 S. THELLIEZ-HUGODOT, La définition de la commande publique par le pouvoir adjudicateur, Mémoire M2, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, 2013.

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L'achat étant un acte économique par essence, transposée pour la fonction achat et uniquement pour elle, cette vision de la performance dans le secteur public ne semble pas incongrue, surtout que l'objet principal de la commande publique est de répondre aux besoins de la personne publique. Ainsi un achat public performant désigne le fait « dépenser moins en améliorant la qualité des prestations livrées »29.

C'est un parti pris. Il s'agit d'une vision pragmatique de l'achat public qui n'est pas incompatible avec la poursuite des objectifs. Seulement, la priorité donnée à ces impératifs de coût et de qualité protègent les intérêts de l'Administration, et surtout, contribue à inscrire pleinement l'Administration dans une économie de marché, c'est à dire un système économique au sein duquel les agents économiques, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'individus et les organismes publics, ont la liberté de vendre et d'acheter des biens, des services ou des capitaux, en agissant en fonction de leurs propres intérêts30.

Un droit des marchés publics a évolué loin des considérations performancielles. En 1256, Saint Louis ordonne à ses officiers de jurer qu'ils adjugeront tous les contrats d'exploitation du domaine royal en les vendant au meilleur profit31. C'est la première définition de la commande publique. L'administration devait donc attribuer le marché au candidat qui formulait « l'offre de faire la meilleure chose au meilleur compte »32. Seul le prix avait de l'importance.

Progressivement cette stratégie d'achat est critiquée. Le maréchal Vauban en 1686, au milieu du chantier des fortifications qui ont fait sa renommée, exprime des remontrances au Ministre de la guerre de Louis XIV, Louvois. Il dénonce alors ce culte du bas prix et appel déjà de ses voeux, en substance, de choisir l'offre économiquement la plus avantageuse33.

Malgré ces remontrances, le droit des marchés publics s'est bien construit sur ces bases, en continuant d'encourager le choix de l'offre la moins-disante. Il s'agit en effet pour les agents publics de se limiter à choisir l'offre proposant le prix le plus bas. Cette construction s'illustre parfaitement par deux lois du 19ème siècle. L'ordonnance royale du 4

29 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », RFDA 2014, p. 403.

30 A. NACIRI, Traité de gouvernance d'entreprise, coll. Comptabilité, Presse de l'Université du Québec, 2011, p. 42.

31 V. en ce sens : X. BESANCON, Essai sur les contrats de travaux et de services publics, coll. Bibliothèque de Droit Public, LGDJ, t. 206, 1999.

32 J.-N. GUYOT, Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, 2e éd., 1784-1785, in F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

33 . BLANCHARD, Vauban, Fayard, 2007, in S. BRACONNIER, Précis du droit des marchés publics, le moniteur, 2e éd., 2009.

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décembre 183634, si elle utilise pour la première fois des mots tels que « concurrence » ou « publicité », ne s'éloigne pas pour autant de cette philosophie35.

Cette tendance est un non-sens économique, qui rejoint un impératif de « protection des deniers publics ». Cet objectif semble louable au premier abord, mais il se distingue pourtant d'une vision performancielle de l'achat public. Il faudrait en effet lui préférer un objectif de « bonne utilisation des deniers publics ». « Bonne utilisation » et « protection » sont deux notions proches, qui sont d'ailleurs le plus souvent confondues, mais la bonne utilisation des deniers publics suppose une prise en compte de la qualité, parallèlement à celle du coût lors d'un achat, ce qui n'est pas le cas de la notion de protection qui se concentre sur la question du prix36.

Pendant plus de 150 ans, les soucis rencontrés au cours de l'exécution des marchés publics n'ont pas suffit à permettre une évolution du droit. La comparaison de ces difficultés, apparaissant lors de l'exécution contractuelle et la somme extrêmement faible du marché, suffisait pour le choix de l'offre la moins disante à remporter l'adhésion générale. La logique de moyen régnait en maître.

Le tournant de la performance publique. Dans les années 90, plutôt que de réduire la voilure de l'Etat comme dans les années 80, on cherche à mettre en oeuvre le « mieux-état ». Une exigence de qualité des services publics commence à se mettre en oeuvre. Les dettes publiques, les affaires de corruption et le développement du marché intérieur européen vont avoir raison de ces pratiques dispendieuses en matière d'achat public.

Cette exigence de qualité des services publics va nécessairement atteindre les marchés publics, puisqu'un tel contrat est contrat administratif qui rappelons-le n'est autre « qu'un procédé de technique juridique mis à la disposition des agents publics pour assurer le fonctionnement régulier et continu des services publics (É). La justification de ce procédé technique spécial est dans la notion de service public. »37

34 Ordonnance du roi portant règlement sur les marchés passés au nom de l'Etat, prise en application de l'article 12 de la loi du 31 janvier 1833 pour l'approvisionnement en fournitures, la réalisation de biens et de prestations de services pour le compte de personnes publiques, in A.-A. CARETTE, Lois annotées: ou Lois, décrets, ordonnances, avis du Conseil d'État, etc. (1831-1844), Société Anonyme du Recueil Sirey, t. 2, 1945, pp. 341342.

35 V. en ce sens : P. BEZES, F. DESCAMPS, L'invention de la gestion des finances publiques : Elaborations et pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle (1815-1914), coll. Histoire économique et financière de la France, Comité pour l'Histoire économique et financière, 2010, pp. 201-208.

36 Ibid.

37 G. JéZE, « Le régime juridique du contrat administratif », RDP 1945, p. 251.

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En 1992, la recherche de l'offre économiquement la plus avantageuse apparaît pour la première fois en droit européen38, mais c'est seulement en 2001 que le premier Code des marchés publics eurocompatible apparaît en France et promeut le choix de l'offre la mieux-disante.

2001 c'est également l'année de la LOLF39. Cette loi organique va entièrement refonder le droit budgétaire français et imposer dans l'élaboration des lois de finances une « logique de performance ». S'inspirant de la loi américaine de 1993 intitulée Government Performance and Results Act, la gestion des finances de l'Etat change totalement, passant d'une logique de moyen à celle de résultat. L'efficacité de l'action publique, ainsi que son efficience tendent alors à s'imposer. Plus généralement, depuis plus de trente ans la simplification et la modernisation de l'action publique par des réformes telles que la RGPP ou la MAP contribuent à alimenter la naissance d'une gestion publique performancielle. Aussi, le droit des marchés publics tente-t-il depuis 2001 de se renouveler autour d'un nouvel objectif, mais des résistances fondamentales demeurent.

Un droit des marchés publics fondamentalement non performant. Même si le droit européen a permis au droit français d'adopter une approche mieux-disante lors d'une procédure de passation d'un marché public, ce droit ne s'est pas pour autant fondé sur une exigence de performance pour cela. Par contre, le droit national des marchés publics, même si il l'exprimait de manière paradoxale, en exigeant de ne s'intéresser qu'au prix, avait conscience dès le départ de l'impact de l'achat public sur les dépenses publiques.

Le droit européen des marchés publics partant du postulat que les personnes publiques étaient susceptibles de faire des choix davantage politiques, qu'économiques lors de la passation de ses contrats d'achat, a soumis les organismes publics à un droit de la mise en concurrence. De cette façon le principe de libre concurrence pouvait être respecté et le marché intérieur être achevé, grâce à la mise en oeuvre effective d'un principe de nondiscrimination.

Il faut finalement observer qu'un compromis entre les fondements du droit des marchés publics en droit français et ceux du droit européen se met progressivement en place. Le Code de 2001 puis plus explicitement ceux de 2004 et 2006 ont formellement fait découler les règles de mise en concurrence, d'une exigence d'efficacité de la commande

38 Dir. 92/50/CEE du conseil du 18 juin 1992 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de services, art. 24.

39 L. organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances, arts. 48, 51 et 54.

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publique et de bonne utilisation des deniers publics. L'illustration de ce compromis purement formel se trouve de nouveau à l'article 1er de l'Ordonnance de 2015 relative aux marchés publics40. Les principes fondamentaux de la commande publique, desquels découlent l'ensemble des règles relatives aux marchés publics sont donc formellement fondés sur une exigence de performance.

Cette précision normative reste cependant aujourd'hui purement théorique, puisque le droit des marchés publics, et par voie de conséquence l'action concrète des acheteurs publics, demeure un droit européen qui semble imperméable à une véritable considération d'efficacité et d'efficience, car il se focalise sur le bon fonctionnement du marché intérieur.

Il faudrait pourtant achever ce compromis. Le droit des marchés publics devrait se construire autour d'une exigence de performance, qui sans ignorer d'autres impératifs tels que le marché intérieur ou la lutte contre la corruption, pourrait permettre une prise en compte légitime des intérêts de l'Administration. Ainsi un droit des marchés publics performant pourrait naître et l'acheteur public, plutôt que de se focaliser sur la conformité des procédures de passation aux textes, pourrait devenir un véritable manager.

La responsabilisation des acheteurs publics : la performance par un changement du droit. Afin de mettre en place un achat public performant, il faut donc responsabiliser Ð au sens de la responsabilité en tant que notion juridique stricto sensu Ð les acheteurs publics non plus uniquement pour veiller à la conformité de leurs contrats au droit des marchés publics, mais aussi quant à l'efficacité et l'efficience de leurs achats. De même, tant le pouvoir exécutif que le législateur qu'ils soient européens ou nationaux doivent avoir à coeur de prévoir des procédures efficaces, simples et permettant un achat rationnel.

Le droit doit être l'outil de ce renouveau de l'achat. Aussi une véritable obligation juridique de performance, comme fondement du droit des marchés publics, permettrait cette responsabilisation des acheteurs publics. Ces derniers veilleraient alors à élaborer une politique d'achat public performante, c'est à dire que dans l'exercice de sa fonction achat, la collectivité publique devrait établir certains objectifs de performance précis, qui seraient sources de véritables économies.

40 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 1er : « Les marchés publics soumis à la présente ordonnance respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »

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De plus, avec une obligation de performance fondamentale à respecter, le droit des marchés publics, qu'il soit élaboré par les instances européennes et nationales, deviendrait de fait moins contraignant et la liberté contractuelle, sans pour autant devenir illimitée, serait revalorisée. La rencontre de l'offre et de la demande serait alors optimisée et les acheteurs ne se focaliseraient plus uniquement sur l'exigence de sécurité juridique, pour devenir non plus seulement des juristes, mais de véritables managers de l'achat public.

L'avènement du management de l'achat public : la performance par un changement des pratiques d'achat. Une fois la politique d'achat mise en oeuvre, on peut enfin s'interroger sur la mise en place concrète de techniques, procédures et autres comportements destinés à l'accomplissement des objectifs préalablement définis. Vient donc le temps d'une vision stratégique de l'achat permise par de nouvelles pratiques plus performantes.

Ce renouvellement Ð suffisant Ð des pratiques nécessite la conceptualisation juridique de la notion de performance en tant que véritable obligation, ainsi que son élévation au statut de fondement du droit des marchés publics. Néanmoins, cette refondation semble peu probable à court terme, au regard de la récente refondation du droit de la commande publique initiée par les directives européennes de 201441, l'ordonnance relative aux marchés publics de 201542 et le décret d'application de ladite ordonnance de 201643.

Il est regrettable qu'à l'heure d'une refondation de ce droit, la performance ne se soit pas imposée pleinement. Pour autant, sans être optimale, l'évolution permise par l'émergence de nouvelles techniques, grâce à l'aval des nouveaux textes, va dans le bon sens. Au coeur de ces textes, des techniques en provenance du secteur privé ou entièrement publiques ont en effet été permises, voire encourager à l'image de la dématérialisation, du sourcing, du coût du cycle de vie ou du recours à la négociation qui a été étendu. L'acheteur public se transforme peu à peu en un véritable manager, même si des efforts doivent encore être fournis.

Plutôt que de s'imposer par le haut, la performance est donc mise en oeuvre par le bas, par la pratique, de manière concrète au niveau des acheteurs et le droit prend en compte à

41 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics ; Dir. 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux ; Dir. 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

42 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

43 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

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posteriori certains de ces changements. Ce procédé était le plus réaliste et permettra peut-être un jour à la performance de s'imposer comme nouveau paradigme de l'achat public.

Le problème d'une telle évolution est qu'elle génère un manque de cohérence et d'efficacité retardant l'implantation d'une vision performante. L'importation de la performance ne sera pas optimale. Autrement dit, elle ne sera pas elle-même performante. La performance de l'achat public est, au même titre que l'achat, un objet de politique publique. Il faut donc que la politique publique consistant à rendre l'achat performant, soit elle même performante.

Problématique. C'est donc en ayant conscience que la performance doit agir à deux niveaux pour permettre aux pouvoirs adjudicateurs d'acheter de manière performante, qu'il faut se demander comment la reconnaissance juridique de la performance permettrait-elle de venir à bout des difficultés que rencontrent les acheteurs publics lors de l'élaboration d'une stratégie d'achat efficace et efficiente ?

Plan du mémoire. A cette question il convient de répondre que la notion juridique de performance doit prendre la forme d'une obligation afin de définir une politique d'achat performante (Partie 1), et ainsi encourager l'acheteur public à se responsabiliser pour mettre en place une stratégie d'achat performante (Partie 2).

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"