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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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II. Une liberté contractuelle résiduelle

Plan. Au moment d'acheter, les personnes publiques ne sont pas libres puisqu'elles sont contraintes par un certains nombre de règles principalement procédurales qui nuisent à leur liberté contractuelle, alors que cette dernière est un prérequis à toute démarche de performance (A). C'est sans doute ce qui explique que réforme après réforme du droit des marchés publics, les personnes publiques se voient octroyer des libertés lors de leurs achats (B).

A. La liberté contractuelle comme prérequis performanciel

La liberté contractuelle des personnes publiques est au fondement de la distinction contre performante entre l'achat public et l'achat privé. Selon Laurent Richer, « la liberté contractuelle de l'Etat peut être conçue comme un investissement du champs politique par le droit civil, ce qui va dans le sens d'une «dépolitisation« du droit public, d'un rapprochement avec la société civile. »403 Alors même que le Professeur Richer s'empresse d'ajouter qu'à l'image de la propriété des personnes publiques, la liberté

402 M. DELMAS-MARTY, « Réinventer le droit commun », Recueil Dalloz 1995, p. 1.

403 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. cit., p. 7.

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contractuelle des personnes publiques possède sa propre originalité, son propre contenu, il apparaît que le canal pour pouvoir s'inspirer des techniques privatistes est matérialisé par la liberté contractuelle. L'origine de la divergence contre-performante entre achat public et achat privé se situe dans le contenu donné à la liberté contractuelle.

Sur l'existence de la liberté contractuelle des personnes publiques. Pour beaucoup d'auteurs cette liberté est inexistante. Les contrats administratifs ne seraient pas fondés sur l'autonomie de la volonté404, celle-ci n'existerait pas en droit administratif, au motif qu'il s'agirait d'un « principe essentiellement civiliste »405. Certains diront même qu'il n'y a même pas de véritable contrat en droit administratif406. La plupart sont moins extrêmes et considèrent simplement que la liberté contractuelle des personnes publiques est tellement moindre comparée à celle des personnes privées, qu'elle ne peut fonder un contrat. D'autres encore estiment qu'il s'agit d'une compétence accordée par la loi, permettant aux personnes publiques de signer des contrats. Ils reprennent ainsi la thèse du Professeur Vedel qui soutenait qu'il n'y a pas de cause contractuelle en droit administratif407. Dès lors la liberté contractuelle n'existerait pas et les personnes publiques bénéficieraient « simplement, et le cas échéant, de pouvoirs plus ou moins discrétionnaires d'user du procédé contractuel »408, autrement dit cette liberté ne serait qu'une affaire de compétence.

Pourtant la liberté contractuelle a bien été consacrée en 2006 par le Conseil Constitutionnel409. Cela n'a rien d'étonnant car comme le dit très bien Laurent Richer : « l'Administration est en négociation permanente avec les acteurs économiques » et ces relations s'apparentent donc à celles qu'ont les particuliers entre eux. Il fallait donc une protection adéquate. Le Conseil d'Etat avait d'ailleurs, bien plus tôt, consacré cette liberté410.

Sans volonté, pas de performance. « Le rôle de la volonté demeure l'essence du contrat et son critère le plus sûr : le contrat est en effet le mode volontaire de souscription des obligations »411 autonomie de la volonté et liberté contractuelle sont donc bien les

404 G. PEQUIGNOT, Théorie générale du contrat administratif, Thèse Montpellier, 1944.

405 Concl. GAND sous CE, 28 nov. 1958, Langlois, Rec. 590.

406 COHEN-TANUGUI, Le droit sans l'Etat, PUF, 1985.

407 G. VEDEL, Essai sur la notion de cause en droit administratif français, Sirey, 1934.

408 E. PICARD, « La liberté contractuelle des personnes publiques constitue-t-elle une liberté fondamentale ? », AJDA 1998, p. 651.

409 Cons. const., 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC, Loi relative au secteur de l'énergie.

410 CE 20 janv. 1989, SA GBA Berry-Loire, n° 49756 ; CE, 28 janvier 1998, Sté Borg Warner, n°138650.

411 M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, coll. Thémis droit privé, PUF, 2004, p. 58.

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fondements des contrats de droit civil. L'existence de cette volonté est ce qui permet la validité du contrat. C'est le règne du subjectivisme.

Le droit des marchés publics est l'exact opposé. Son fondement est la contrainte. Le droit des marchés publics existe dans un seul but : choisir l'offre économiquement la plus avantageuse. Fondamentalement, la dernière chose qui doit de fait intervenir lors d'un achat par les pouvoirs adjudicateurs est la volonté tant de l'opérateur, que de l'acheteur. Dès lors, le contrat est quant à lui, validé par « l'économie des volontés »412. Cette vision va à l'encontre même de l'utilisation du mode contractuel. On parle cette fois « d'objectivisme contractuel »413.

Aussi Frédéric Allaire considère très justement que « cette logique fondamentale, induite par l'obligation de mise en concurrence et sa chronologie, s'avère impropre à réaliser les objectifs de performance qui sont assignés au droit des marchés publics parce que l'économie des volontés ne coïncide pas avec l'économie de l'acte contractuel. » Autrement dit, la logique de l'adjudication Ð même si elle a été fortement améliorée avec le passage du choix moins-disant à celui du mieux-disant Ð a été conservée, tandis que l'instrument formalisant cette commande est devenu le contrat, avec l'équilibre et la subjectivité qu'il suppose.

S'en remettre au droit objectif pour parvenir à une rencontre optimale de l'offre et de la demande est utopique. Aussi le droit des marchés publics doit seulement permettre d'éviter Ð et encore pas toujours Ð une disproportion manifeste entre l'offre et la demande. C'est insuffisant pour parvenir à un achat efficace, car « n'ayant pu dépasser sa fonction palliative, le droit des marchés publics est même iatrogène en ce qu'il affecte l'exigence de gestion administrative performante. »414 Aussi « s'il est envisagé de satisfaire une exigence de performance, le droit doit rompre avec la tentation de l'évaluation objective du contrat et par conséquent accepter de reconsidérer l'acheteur public. »415.

Avec les récents octrois de libertés, il semble que le droit des marchés publics prenne progressivement cette direction et fasse de plus en plus confiance aux acheteurs publics (B).

412 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

413 Idem.

414 Idem.

415 Idem.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault