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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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Chapitre 2 : Du juriste au manager de l'achat public

Plan. Comme le soutenaient deux praticiens, dès 2005 : « La balance de l'achat public comporte donc deux plateaux : la sécurité juridique, et la logique économique. La vocation de l'acheteur public est de réaliser le bon équilibre entre ces deux paramètres, et non pas seulement de faire de simples gains financiers. »460 Il convient de s'interroger ici sur les sous-objectifs que doivent avoir tant l'acheteur public que le droit des marchés publics, afin de mettre en place une politique d'achat performante. Il s'agit donc d'élaborer une stratégie d'achat, qui consiste à déterminer la manière d'atteindre cette performance.

A cette fin deux objectifs doivent tout d'abord s'équilibrer, de façon à avoir une importance équivalente lors de l'élaboration de cette stratégie : la régularité du contrat et une passation ainsi qu'une exécution efficace. Or il s'impose rapidement le constat d'un retard de l'objectif d'efficacité de l'achat au dépend d'une stratégie axée exclusivement sur la sécurité juridique de ce dernier (Section 1).

Dès lors, il semble nécessaire de décrire ce que devrait être une stratégie d'achat proactive, en se concentrant sur les différentes techniques permettant un achat efficace. Ces techniques doivent être destinées d'une part à avoir une meilleure gestion du contrat, et d'autre part à professionnaliser les acheteurs publics (Section 2).

Section 1. L'achat public ou l'objectif d'équilibre entre l'efficacité managériale et la sécurité juridique

Plan. Aussi, après s'être intéressé à l'utilité d'une sécurisation juridique de l'acte d'achat (I), il faudra mettre en avant le retard qu'accusent les préoccupations liées à l'efficacité des acheteurs publics (II).

I. La sécurité juridique, gage d'efficacité

Plan. La sécurité juridique, tant dans son aspect formel, que dans son aspect matériel, s'inclut pleinement dans une stratégie de performance. Cet objectif devrait guider tant l'élaboration du droit applicable de l'achat public (A), que sa mise en oeuvre (B).

460 V. LEBON (Attachée territoriale), F. PISTONE (acheteur), « Le coût économique de la sécurité juridique des marchés publics », AJDA 2005, p.1817.

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A. La sécurisation du droit applicable

L'exigence de qualité de la norme. Dans une optique d'efficacité de l'achat public, la sécurisation du droit en lui-même semble évidemment recommandable. La sécurité juridique et l'efficacité juridique sont étroitement liées.

La sécurité juridique dans sa dimension matérielle, exige une norme de qualité. Cette exigence a même été consacrée constitutionnellement, à travers les objectifs à valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi461. Cette exigence appliquée au droit des marchés publics est depuis longtemps réclamée et s'est progressivement précisée au fur et à mesure, depuis l'époque où Michel Guibal réclamait en 1994 une « simple » codification462 de ce droit des marchés publics. Cette sécurisation du droit fût de tout temps un enjeu d'efficacité.

La lisibilité du droit applicable aux marchés publics : une nouvelle ordonnance porteuse d'espoir. La nouvelle ordonnance de 2015 était porteuse de beaucoup d'attentes quant à la clarification du droit des marchés publics. François Brenet exprime parfaitement un certain optimisme lorsqu'il écrit qu' « il faut espérer qu'elle concrétise le début d'une ère nouvelle, marquée par une plus grande lisibilité et une plus grande facilité d'accès à la règle juridique, le tout au service d'une meilleure efficacité de l'achat public. »463. Il semblerait donc que cette réforme ait répondu aux attentes de simplification et de consolidation, servant ainsi une intelligibilité, qui est créatrice de performance. Le professeur Noguellou se range également à cet élan positif puisque, selon elle, « l'ordonnance du 23 juillet 2015 marque, à n'en pas douter, une simplification du droit français des marchés publics. »464.

Les raisons de cette simplification et de cette consolidation du droit de l'achat public se rattachent selon le Professeur Brenet à deux facteurs. Bien sûr, d'une part, l'Union Européenne avec sa nouvelle directive relative aux marchés publics avait initié un mouvement de clarification et de rationalisation du droit applicable à l'achat public. D'autre part, et c'est là le facteur le plus intéressant pour nous, il semblerait que se soit la situation économique problématique qui ait poussé les décideurs politiques à des changements

461 Cons. Const., 16 déc. 1999, n° 99-421, L. portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains codes.

462 M. GUIBAL, « Codification et simplification du droit des marchés publics », AJDA 1994, p.6.

463 F. BRENET, « Les nouvelles bases du droit des marchés publics », AJDA 2015, p.1783.

464 R. NOGUELLOU, « Le nouveau champ d'application du droit des marchés publics », AJDA 2015, p.1789.

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radicaux. Les bienfaits économiques d'un texte intelligible seraient donc bien présents dans leurs esprits.

La simplification du droit des marchés publics par l'ordonnance du 23 juillet 2015. Cette ordonnance abroge le Code des marchés publics, l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs et entités adjudicatrices non soumis au CMP, ainsi que celle du 17 juin 2004 relative aux contrats de partenariat465. La doctrine s'accorde à dire que le gouvernement a sur-transposé les directives. Le droit de la commande publique était trop sophistiqué. Si bien que de trop nombreux textes disparates s'appliquaient.

Or ce défaut avait depuis longtemps été relevé puisque « l'éclatement des sources écrites et non écrites applicables en matière de contrats publics (É) (était) en contradiction avec la nécessaire sécurisation juridique des décisions prises par les collectivités publiques. »466 Plus particulièrement, ce sont les créations successives de contrats globaux sur-mesure qui sont venues contribuer à ce « trop plein législatif ». Selon Gabriel Eckert « la multiplication des contrats spéciaux, chargés chacun de répondre, plus ou moins efficacement à une difficulté circonstancielle ou aux besoins de tel ministère, apparaît comme la négation même de la loi, laquelle doit avoir une vocation générale. »467 En outre, la simplification est intervenue à deux autres niveaux.

D'abord la notion de marché public s'est trouvée unifiée et étendue, notamment par la réunification des notions de marché et de contrat de partenariat, ce dernier ayant vocation à devenir un marché de partenariat. Aussi la « concrétisabilité »468 de cette notion de marché public fût donc permise. Un texte normatif est clair non seulement lorsqu'il répond à une exigence de lisibilité, mais également lorsqu'il est aisément concrétisable par le juge qui doit statuer dans un cas d'espèce.

Ensuite, un fondement législatif a été donné au droit des marchés publics, mettant un terme plus que souhaitable aux constructions maladroites et improbables du juge administratif pour tenter de légitimer la mainmise du gouvernement sur la « réglementation » des marchés publics. Cette question est symptomatique des difficultés de modernisation du

465 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 102.

466 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des délégations comme modèle ? », art. préc.

467 G. ECKERT, « Réflexions sur l'évolution du droit des contrats publics », RFDA, 2006, p.238.

468 Terme théorisé par A. FL†CKIGER, « Le principe de clarté de la loi ou l'ambiguïté d'un idéal », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 21, 2007.

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contrat administratif, puisque de facto ce dernier n'a pas la même protection juridique que son homologue privé, alors que la notion de contrat est commune aux deux corpus juridiques. Ceci alors que les droits de propriété, privés ou publics469 ou la liberté contractuelle privée et publique, ont certes leurs particularités respectives, mais disposent théoriquement de la même protection constitutionnelle.

C'est en effet la compétence réglementaire qui était retenue, pour élaborer les textes applicables aux marchés publics aussi bien de l'Etat470, que des collectivités471. Le Code ne serait en effet, d'une part, qu'un « code de procédure administrative. », permettant à l'Etat de « se l'imposer à lui-même par voie réglementaire. »472 et d'autre part, la survivance d'un décret d'habilitation de 1938 justifiait la compétence du gouvernement pour mettre en place cette fois les règles applicables aux marchés publics des collectivités territoriales.

Outre le fait que cette construction juridique était très critiquée473 et fortement instable, le véritable enjeu selon Yves Gaudemet est « ni plus ni moins de reconnaître dans le contrat administratif un véritable contrat, nettement dégagé de la gangue des procédures, un accord de volontés générateur d'obligations, et non plus seulement une modalité particulière d'administration »474. Pour cela il fallait donc reconnaître que l'article 34 de la Constitution impose au législateur d'élaborer ce droit, au même titre que les contrats de droit privé475. Autrement dit, les obligations juridiques, qu'elles naissent d'un contrat de droit civil ou de droit administratif ont la même nature. Selon Yves Gaudemet il s'agit dans tous les cas d'obligations civiles. La protection accordée à l'une ou l'autre doit donc être la même et doit surtout être consacrée à l'échelon constitutionnel476. Peut-être même, que les atermoiements, hésitations et autres imprécisions qui entourent depuis toujours le droit des marchés publics trouvent en partie leur explication dans ce déséquilibre et cette place bien trop importante qui était accordée au gouvernement ? En tout état de cause, la simplification du droit des marchés publics est née avec son rehaussement législatif.

469 Cons. const., 25-26 juin 1986, n° 86-207 DC, relative à la Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social.

470 CE, Ass., 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, n° 238039.

471 CE, Ass., 29 avr. 1981, Ordre des architectes, n° 12851.

472 Concl. D. PIVETEAU, sous CE, Ass., 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour d'appel de Paris, préc.

473 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, p. 316.

474 Y. GAUDEMET, « Le contrat administratif, un contrat hors-la-loi », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 17, 2005.

475 Cité par Y. GAUDEMET dans l'article précité : F. LUCHAIRE, « Fondements constitutionnels du droit civil », Revue trimestrielle de droit civil, 1982, p. 245.

476 V. en ce sens : Y. GAUDEMET, « Prolégomènes pour une théorie des obligations en droit administratif français », Recueil en l'honneur de Jean Gaudemet, Nonagesimo anno, 1999, p. 613.

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Finalement la simplification se retrouve aussi dans le détail des mesures, puisque les notions de pouvoir adjudicateur et d'entité adjudicatrice ont elles aussi été simplifiées. La notion de marché de travaux est également simplifiée en se démarquant de la maîtrise d'ouvrage publique477. Un rapprochement opportun des législations européenne et nationale peut être observé, ce qui est là encore facteur de lisibilité, de sécurité et donc de performance.

Un droit stable. Quoi qu'il en soit, cette réforme doit être la dernière. Il faut que le droit des marchés publics se stabilise, car c'est un prérequis pour la performance.

»478

Pouvoir anticiper, pouvoir maîtriser l'ensemble des règles, ainsi que leur portée est essentiel pour mettre en place une politique d'achat performante. Il faut que des pratiques puissent naître et s'améliorer et surtout perdurer. Cette exigence performancielle d'un droit stable fait échos aux recommandations qui avaient déjà été faites en 2005, après la seconde réforme, par le professeur François Lichère : « L'efficacité de la commande publique mais aussi sa rentabilité, en ces temps favorables à l'analyse économique du droit, s'accommodent mal de changements intempestifs en raison des pertes de temps liées à l'adaptation à la norme et des coûts induits (achats de nouveaux logiciels, formation du personnel, etc.).

C'est dire si aujourd'hui cette revendication mériterait d'être entendue, plus de 10 ans déjà après qu'elle ait été formulée.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera