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La performance de l'achat public

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par Jérémy FASS
Université de Montpellier - Master 2 contrats publics et partenariats 2016
  

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B. Le nécessaire rééquilibrage des impératifs d'efficacité et d'efficience en tant qu'objectifs de la fonction achat

Plan. Tant l'efficacité que l'efficience sont des exigences qui accusent un retard préoccupant lors de la détermination des objectifs que doivent respecter les acheteurs publics (1), tandis que l'intégration de ces impératifs est une nécessité pour le service public (2).

507 Ibid.

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1) La difficile revalorisation des notions d'efficacité et d'efficience

Un certain optimisme. Certains auteurs ont fait valoir des signes encourageant en faveur de cette efficacité. Florian Linditch faisait en effet remarquer que nous étions passé du marché public à l'achat public. Aussi en 2012 il avançait que ces marchés publics, « depuis une dizaine d'années, (n'étaient) plus conçus comme une fin en soi, mais comme un véritable acte économique. »508 Pour lui « marchés et achats sont devenus indissociables et combinent objectifs économiques et respect de la réglementation. »509 Il est certain qu'une prise de conscience a eu lieu. Pour autant des progrès restent nécessaires.

Un objectif d'efficacité au second plan. Pour autant, encore en 2015, une note émanant du Conseil d'Analyse Économique a permis à deux économistes, Stéphane Saussier et le prix Nobel d'économie de 2014, Jean Tirole, de s'exprimer sur les techniques et changements juridiques à faire valoir pour « Renforcer l'efficacité de la commande publique »510. Aussi cette question reste centrale car « si la commande publique doit viser la meilleure performance possible en termes de coûts et de services, elle est régulièrement montrée du doigt pour son inefficacité. »511

De même le Sénat en 2015 a également rédigé un rapport consacré à la commande publique, avec une troisième partie dédiée à la formulation de « propositions (É) pour une commande publique plus simple, plus efficace et au service de l'économie. »512

Ces critiques trouvent un certain écho dans les écrits du Professeur Allaire qui faisaient état en 2009 « d'une tension constante entre la critique des contraintes qu'il fait supporter aux pouvoirs adjudicateurs et la résistance à rompre avec celles-ci. »513. Selon lui la « lourdeur du formalisme » des procédures de marchés publics trouve son origine dans la crainte d'un retour de la corruption qui avait marqué le début des années 90. Pourtant cette inquiétude est selon lui sans fondement, puisque le cadre juridique mis en place concernant le financement des partis politiques avait déjà amplement vidé de leur substance les liens entre corruption et achats publics.

508 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique », art. préc.

509 Ibid.

510 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique », Art. préc.

511 Ibid.

512 Sénat, « Mission commune d'information sur la commande publique », Op. cit.

513 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc.

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L'extrême inverse : la proposition de suppression du code. Loin d'être satisfait par le droit des marchés publics, certains ont entamé un plaidoyer pour la suppression du Code des marchés publics. L'ancien ministre du budget, père de la LOLF, Alain Lambert, qui en 2012 est alors sénateur, propose un projet de décret ayant pour objet la suppression du Code des marchés publics pour en faire uniquement un code de bonnes pratiques, ne pouvant être utilisé contre les acheteurs publics. Le but recherché étant « de favoriser la relance de l'économie (É), d'optimiser la qualité des achats, de parvenir à une meilleure gestion des deniers publics, grâce notamment à une application proportionnée à la commande passée permettant ainsi de garantir l'objectif qu'elle vise sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre. »514 Cette initiative n'a pas fait beaucoup d'émules, ne méritant qu'une vague « alerte » trois mois après, dans la revue contrats et marchés publics (de laquelle s'échappe une pointe d'ironie) par le Professeur Linditch515. Alain Lambert est un adepte de la simplification. Il considère en l'occurrence que les directives européennes sont amplement suffisantes, nul besoin d'« infantilisés avec des procédures interminables, coûteuses et inefficaces » les agents publics516. Il se repose ainsi sur le droit souple récemment consacré par le Conseil d'Etat517. François Villette, directeur de la commande publique de la ville de Saint-Ouen, s'est fait le relai de ces propositions, en y ajoutant une critique du corporatisme juridique, seule raison selon lui au maintien d'un tel code.518

Il semble que si cette idée était suivie, on tomberait alors dans l'extrême inverse. Il s'agirait en effet d'un déséquilibre en faveur cette fois de l'efficacité. Outre la discutable opportunité d'une telle proposition totalement utopique, cela reviendrait à nier le caractère essentiel de la sécurité juridique dans une optique de performance. « La sécurisation et l'archivage de documents retraçant les échanges avec les fournisseurs constituants des éléments de preuve du discernement exercé » ne pouvant suffire à sécuriser les achats. Il semble par ailleurs opportun de rappeler qu'en 2004 les acheteurs publics, rien qu'à la vue de la procédure adaptée avaient au départ reproduit à l'identique les procédures formalisées en vigueurs, même pour des achats d'un montant inférieur aux seuils519.

514 A. LAMBERT, « projet de décret portant abrogation du Code des marchés publics », art. 2, www.alain-lambert.org (aujourd'hui supprimé), 2013.

515 F. LINDITCH, « Suppression du code par le sénateur Lambert », Veille, Contrats et Marchés publics, alerte n°2, 2014.

516 A. LAMBERT, « projet de décret portant abrogation du Code des marchés publics », art. préc.

517 V. en ce sens : Conseil d'Etat, Étude annuelle, Le droit souple, La Doc. fr., 2013.

518 F. VILLETTE, « Plaidoyer pour (un vrai) management de l'achat public », art. préc.

519 S. D'AUZON, « Et si la meilleure façon de simplifier le Code des marchés publics était de l'abroger ? », www.lemoniteur.fr, 2013

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Cette liberté doit en effet nécessairement s'accompagner d'une responsabilisation. Aussi cette proposition serait elle envisageable à condition de développer parallèlement un objectif de performance, accompagné d'un contrôle de gestion, et d'une réforme ayant pour objet de professionnaliser les acheteurs publics, quant à la logique économique à adopter.

Autrement dit, ce n'est pas d'envolées lyriques, de propositions médiatisées et provocatrices dont l'achat public a besoin. La performance de l'achat public ne sera pleinement accomplie qu'au moyen du droit dans toute sa rigidité, car comme le précise d'ailleurs le Vice-Président du Conseil d'Etat Jean-Marc Sauvé, « l'hyper-oxygénation peut être cause de grands troubles »520. Plutôt que de remettre la responsabilité de 15% de la richesse nationale au droit souple, il serait préférable de privilégier un changement de paradigme521, en ne construisant ni le droit des marchés publics, ni les différentes politiques d'achat public « contre » quelque chose - en l'occurrence les dérives « certaines » des organismes publics - mais plutôt « pour » quelque chose : la performance.

L'absence d'une culture du contrôle de l'efficacité, au profit d'un contrôle de la régularité522. Outre les carences matérielles que l'on a déjà pu observer, la culture qui anime les acheteurs publics est aussi un facteur important de ce déséquilibre qu'accuse l'efficacité. Si bien que les choix non-économiques que peuvent faire les personnes publiques, bien qu'encadrés dans des règles strictes, peuvent s'expliquer par ce que Raphael Galligani appelle dans son mémoire « l'effet culture ». La volonté des acheteurs publics est alors mise en cause, puisque ce sont eux qui exercent parfois une préférence locale.523

Aussi en l'absence d'une telle culture de l'efficacité, le contrôle de la régularité prime. Les organes de contrôles externes donnent la priorité aux risques juridiques, plutôt qu'aux risques de gestion. Originellement, même le contrôle effectué par les CRC était un contrôle de « régularité des recettes et des dépenses, c'est à dire leur conformité avec les lois, décrets et règlements » afin de vérifier la légalité des mesures prises par les ordonnateurs et non leur efficacité, sans pour autant se substituer aux tribunaux administratifs524.

520 J.-M. SAUVÉ, « Avant-propos », Éditorial, in Conseil d'Etat, Étude annuelle, Le droit souple, Op. cit., p. 6.

521 V. en ce sens : F. Allaire, « Dépasser le droit des marchés publics », art. préc..

522 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 23 ; J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des contrats publics, op. cit., p. 16 et s..

523 P. PENAUD, Y. JONCOUR, « L'achat public. Optimiser la fonction achat-approvisionnement dans le secteur public », coll. Service public, Éditions d'organisation, 2000, p. 282.

524 J. RAYNAUD, « Les contrôles ces chambres régionales des comptes », Ed. Sornan, 1995, p. 165.

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Puis ce contrôle s'est mué en contrôle de gestion notamment avec une loi de 2001525. Il s'agit alors pour la Chambre régionale de vérifier que les objectifs fixés préalablement par les actes de gestion sont bien respectés. L'opportunité de fixer tel ou tel objectif est cependant laissée à la discrétion des collectivités.

Finalement, il reste que les services d'achat internes se focalisent sur le respect de la norme526, alors que l'efficacité devrait les accaparer compte tenu de son importance pour l'intérêt général (2).

2) L'efficacité de l'achat public : une nouvelle exigence du service public

L'efficacité économique, un principe additionnel du service public527. Cette notion d'efficacité n'est pas souvent accolée à celle de service public. Les services publics ne sont pas destinés à être rentables. Les contraintes et obligations auxquelles la gestion des services publics est soumise ne vont pas non plus dans le sens de la performance.

Pourtant, le principe d'adaptabilité ou de mutabilité du service public issu des « lois Rolland » recommande une adaptation constante des services publics afin que ceux-ci correspondent au mieux aux besoins des usagers, comme à l'intérêt général528. Ainsi le service public gagne en qualité et améliore son fonctionnement. Ce principe s'entend juridiquement, économiquement, socialement et techniquement529.

Il est possible de considérer ce principe comme découlant de la continuité du service public, mais il semble tout de même que ces principes se séparent, puisque le principe de mutabilité s'intéresse autant à garantir un service public de qualité, plutôt qu'à seulement permettre d'en assurer la continuité530. Or cette exigence de qualité semble pouvoir être le socle d'un principe d'efficacité du service public.

C'est sans doute la raison pour laquelle efficacité et mutabilité ont été rapprochées. Conformément à ce principe, il faudrait en effet adapter « les moyens à la disposition du service pour lui permettre de fournir sa prestation dans des conditions optimales »531. Il vient

525 L. n 2001-1248 du 21 décembre 2001, préc.

526 P. NDIAYE, « Du contrôle de l'efficacité économique des contrats publics », Op. cit., p. 375

527 V. en ce sens : G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op. cit., 2011, p. 690 et s.

528 P.-L. FRIER, J. PETIT, Droit administratif, 9e éd., coll. Domat, LGDJ, 2014.

529 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op. cit., p. 629.

530 M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN G. DUPUIS, Droit administratif, 12e éd., coll. Université, Sirey, 2010.

531 A.-S. MESCHERIAKOFF, Droit des services publics, coll. Droit fondamental, PUF, 1997, p. 189.

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que l'activité du service public doit s'adapter aux défaillances du marché, en vertu d'un principe de performance, grâce au droit de la concurrence532. Il est alors possible de trouver au sein des principes fondamentaux du service public, un fondement à la performance de l'achat public, dont l'objet est justement de donner les moyens au service public de mettre en oeuvre sa mission d'intérêt général.

Surtout que le principe de mutabilité oblige l'Administration à s'adapter lorsque l'intérêt général l'impose. Aussi les évolutions de l'intérêt général doivent entraîner, sur ce même fondement, des évolutions du droit ou du comportement des agents publics a fortiori. Le juge a d'ailleurs donné les moyens aux administrations d'honorer ce principe en considérant que nul n'avait un droit au maintien d'un service public, si l'intérêt général imposait sa suppression et qu'il n'était pas « obligatoire È533. De la même façon, la personne publique est tenue à de tels changements lorsqu'ils s'imposent. Elle pourra même être sanctionnée sur le fondement de la responsabilité pour faute en cas d'inaction ou d'une adaptation insuffisante.

Finalement, ce principe peut être un outil de légitimation d'une action publique performante. Ce principe de mutabilité sous-entendrait effectivement un devoir de performance pour les services publics et de fait l'achat public pourrait en profiter. Efficacité, rentabilité, qualité ou transparence sont autant de règles qui sont nées de l'adaptation nécessaire du service public au marché. La RGPP est un bon exemple de cette nouvelle dynamique pour les services publics.

La faiblesse juridique du principe de mutabilité empêche la performance de devenir une nouvelle « loi Rolland ». Originellement ce principe est un droit pour les personnes publiques, quand il est une obligation seulement pour les usagers qui doivent accepter sans broncher les modifications du fonctionnement des services publics. Alors même que cette vision un peu archaïque du service public est fortement critiquée534, il semble peu probable qu'un tel principe puisse fonder un véritable droit à l'adaptation pour les usagers et un véritable devoir pour les personnes publiques. De plus, ce principe demeure « infra-juridique »535 et n'a jamais été pleinement consacré. Finalement, la notion d'efficacité

532 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op. cit., p. 694

533 CE, Sect., 27 janvier 1961, Sieur Vannier, Rec., p. 60.

534 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, op. cit., p. 629.

535 Ibid.

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reste incompatible avec l'idée fondatrice du service public et cette incompatibilité joue en défaveur de l'achat public.

Une revalorisation du sous-objectif d'efficacité est donc au préalable nécessaire pour aboutir à une stratégie d'achat permettant à l'Administration d'acheter de façon performante. Il est possible de passer par le haut de la hiérarchie des normes en imposant de respecter une obligation de performance. Cette méthode permettrait une évolution plus efficace des pratiques. Il reste que c'est davantage une transformation par le bas qui a lieu. Ces changements concernent aussi bien les hommes que les procédures (Section 2).

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