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Le cadre juridique de la protection des savoirs traditionnels africains associés aux ressources génétiques sur l'agriculture et l'alimentation dans l'espace OAPI

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par Thierry Sourou WHANNOU
Institut de Droit Communautaire & Université de Bouaké - Master 2 en Droit Communautaire Africain 2010
  

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CHAPITRE 2 :

LA PROTECTION PAR UN RÉGIME SUI GENERIS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE OU PAR UN RÉGIME SUI GENERIS DISTINCT

La nature et les caractéristiques des savoirs traditionnels, comme nous l'avons vu, rendent difficile leur protection par les droits de propriété intellectuelle classiques. Dans cette entreprise remplie d'écueils, plusieurs questions juridiques se posent. Et cela conduit à se poser l'ultime question de savoir si le système de la PI, tel qu'il est, peut valablement contribuer à l'établissement des droits des communautés locales et autochtones sur leurs savoirs traditionnels, ou s'il faudrait l'adapter aux caractéristiques de cet objet si atypique ?

C'est en réponse à cette interrogation que vient la proposition d'un régime sui generis de protection. Mais si la question de la nécessité d'un régime juridique spécifique, c'est-à-dire sui generis (soit dit de son genre propre), ne pose plus problème, celle de savoir la forme que doit prendre un tel régime, continue de faire l'objet de débats et de réflexions au plan international.

Faudrait-il adopter un régime sui generis totalement nouveau, ou doit-on privilégier un régime de propriété intellectuelle sui generis ? Telle est la question qui conduit aux deux grandes options qui se présentent quant à ce qui de la protection des ST par un régime sui generis.

En effet un régime juridique sui generis est par essence conçu pour répondre aux spécificités d'un domaine, d'une situation, ou d'un objet que le droit veut appréhender, et dont la nature singulière empêche de classer dans une catégorie déjà connue. Par conséquent, en mettant en place tout régime sui generis de protection, le législateur doit donc tenir compte des particularités de son objet et des besoins spécifiques des bénéficiaires de la protection.

En matière de protection des savoirs traditionnels les expériences522(*) des différents pays et régions, montrent que les différents législateurs ont le choix de l'une ou l'autre des options, ou parfois des deux pour convenir à leurs objectifs dans la protection des savoirs traditionnels.

Dans le cadre de notre étude, nos analyses se limiteront à l'objet spécifique concernant notre sujet, à savoir les STARG. Autrement, nous ne nous intéresserons pas ici aux simples expressions de savoirs traditionnels.

Dans le présent chapitre, nous aborderons donc les différents mécanismes juridiques utilisés ou envisageables en l'état actuel des législations applicables dans notre espace de référence, à savoir l'OAPI.

Dans une première section, nous traiterons du régime de propriété intellectuelle sui generis à travers les différentes possibilités qu'offrent les instruments juridiques étudiés dans la première partie de ce travail.

La seconde section sera alors consacrée aux possibilités de protection par des mécanismes juridiques sui generis autonome523(*), qu'il s'apparente au système des DPI ou qu'il soit totalement distinct de la propriété intellectuelle.

SECTION 1ÈRE : Régime de propriété intellectuelle sui generis: quelles options possibles?

La première préoccupation à laquelle il nous semble important de répondre, avant de nous intéresser aux éléments concrets de la protection, est d'analyser ce qu'on peut entendre par régime de propriété intellectuelle sui generis.

Le concept de régime de propriété intellectuelle sui generis, comme la notion très vague de «régime sui generis » ne désigne pas un système figé. Comme tout régime sui generis, il est né de la «nécessité croissante de trouver des instruments juridiques adéquats à des nouvelles situations et produits, fruits de l'importante évolution scientifique des derniers siècles»524(*). Ce qui souvent a conduit à la mutation des droits de la propriété intellectuelle traditionnels, par création de nouveaux outils ou par changement de ceux existants. «Ainsi, un régime de propriété intellectuelle devient sui generis si l'on modifie certaines de ses caractéristiques de manière à tenir dûment compte des particularités de son objet et des besoins particuliers qui conduisent à la création d'un système distinct»525(*).

En matière de protection des savoirs traditionnels, il est également possible de modifier les principes et les règles qui constituent la propriété intellectuelle526(*), pour les adapter à cet objet nouveau, et aux besoins spécifiques de protection.

Dans la sphère juridique actuelle de l'OAPI, le droit d'Obtenteur Végétal (DOV), dont la création a été justifiée par la nécessité de protéger les variétés végétales, constitue un régime de propriété intellectuelle sui generis. Dans la suite, nous allons analyser ce système, qui représente un régime adapté à la protection sui generis des savoirs traditionnels, notamment ceux associés aux ressources génétiques sur l'agriculture en ce qui nous concerne (paragraphe 1).

Mais outre ce régime de DPI sui generis existant, il est encore des mécanismes adaptables par de légères modifications des outils de DPI conventionnels, sans toute fois créer un système nouveau (paragraphe 2).

Paragraphe 1er : La protection des STARG par le DOV dans le système de l'OAPI : un régime de propriété intellectuelle sui generis préexistant.

Le droit d'obtention végétale (DOV) est un droit de propriété industrielle issu du système créé par la Convention UPOV527(*), étudiée précédemment dans la première partie.

C'est ainsi que l'OAPI, à l'occasion de la révision de l'Accord de Bangui en 1999, pour se conformer aux exigences de l'ADPIC, notamment en ce qui concerne la création d'un régime juridique spécifique pour la protection des obtentions végétales, a adopté l'Annexe 10 à l'ABR sur les obtentions végétales. Cet instrument n'est entré en vigueur qu'en 2006, à cause des controverses entourant son application.528(*)

Le droit d'obtention végétale (DOV), bien qu'il soit constitutif d'un régime assez particulier, peut «dans une très large mesure être assimilé au droit des brevets»529(*), en ce qui concerne notamment les conditions posées pour bénéficier de la protection accordée par la loi.

Le DOV a été conçu, au départ, pour protéger les nouvelles variétés végétales, obtenues par sélections et croisements, selon les lois de Mendel530(*). Mais avec l'évolution de la biotechnologie, elles sont de nos jours obtenues, plus souvent, par manipulations génétiques. Certes «le droit d'obtention végétale (DOV) représente une forme, parmi d'autres, de droits sui generis sur les variétés végétales ».531(*) Et comme nous l'avons souligné dans la première partie de cette étude532(*), il a été subtilement imposé533(*) par les puissants défenseurs du système de la PI, comme constituant le seul système de protection sui generis efficace au sens de l'article 27.3 (b) de l'ADPIC534(*)

Faisons remarquer toute fois, que si le DOV est un droit de propriété sui generis pour la protection des obtentions végétales, il n'est pour autant pas conçu ou prévu au départ pour être constitutif d'un régime de protection des STARG.

Au demeurant, la protection des savoirs traditionnels par le DOV, à l'instar du brevet, n'est pas une entreprise facile. Car les conditions prévues par la Convention UPOV, notamment la version 1991, adopté dans l'Annexe 10 à l'ABR, et que doit remplir les variétés présentées par les obtenteurs en vue de l'octroi d'un Certificat d'Obtention Végétale (COV) sont très difficiles à accomplir. Ce qui a priori hypothèque considérablement l'octroi d'un DOV pour des variétés obtenues par les communautés locales et autochtones ou par des agriculteurs, grâce à des méthodes informelles, soit dit, par l'usage de leurs savoirs traditionnels.

Bien qu'étant un régime sui generis de PI, le DOV dans le cadre du régime UPOV, nécessite des modifications pour être adapté pour une protection adéquate des STARG.

* 522 Voir les expériences comparées et rapportées par les différents membres du Comité intergouvernemental de l'OMPI dans les documents WIPO/GRTKF/IC/5/7 et WIPO/GRTKF/IC/5/INF/2, WIPO/GRTKF/IC/5/INF/4, WIPO/GRTKF/IC/5/8.

* 523 Pour signifier des mécanismes ne dépendant pas des éléments de DPI existants.

* 524 TEIXEIRA-MAZAUDOUX Ana Rachel, op.cit., p. 119.

* 525 WIPO/GRTKF/IC/4/8, para. 34.

* 526 Rappelons-le, la propriété intellectuelle comme le définit le Comité intergouvernemental de l'OMPI, est « un ensemble de principes et de règles qui réglementent l'acquisition, l'exercice et la perte de droits et d'intérêts relatifs à des actifs incorporels susceptibles d'être utilisés dans le commerce ». V. doc. WIPO/GRTKF/IC/4/8, para. 34.

* 527 Cf. 1ère Partie, chapitre 1er, 1ère section, para. 2, A. point 2.

* 528 V. nos analyses supra dans la première partie, point 2, du A, sect. 2, para. 1er, du 1er chapitre.

* 529 Cour de Justice des Communautés Européennes, «Nungesser KG c/ Commission CE» CJCE 8 Juin 1982, Rec. 1982, p. 2015, in André Bernard, op.cit., p. 285.

* 530 les lois de MENDEL sont trois lois concernant les principes de l'hérédité biologique énoncées par le moine et botaniste tchèque (sous l'ancien empire autrichien) Gregor Mendel (1822-1884).

* 531 MATIP & alii., op.cit, p.5.

* 532 Voir supra, point 2, du A, sect. 2, para. 1er, au 1er chapitre de la première partie.

* 533 En dépit de la flexibilité qu'offrait l'art. 27.3 (b) de l'AADPIC aux Membres, le lobby des puissances industrielles au sein de l'UPOV et de l'OMPI, comme nous l'avons souligné dans la première partie, a poussé l'OAPI a adopté en 1999 l'Acte UPOV de 1991, or ils pouvaient d'une part, opter pour l'acte de 1978 et, d'autre part attendre jusqu'en 2006 pour se conformer.

* 534 Rappelons que l'art. 27.3 (b), a fait l'obligation aux États membres à l'ADPIC, de prévoir à défaut du brevet, la protection des obtentions végétales par un régime sui generis de PI (quelconque) efficace. Cette obligation comportait néanmoins une certaine flexibilité.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius