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Quelle place pour la psychologie dans une culture traditionnelle africaine ?

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par Manon Le Flour
Institut Catholique de Paris - DU Solidarités Internationales : action solidaire et dialogue interculturel 2016
  

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2. Les Eglises Evangéliques au Congo et leurs mouvances

Le terme d'Eglise évangéliques est polysémique comme l'écrit Dorier-Apprill et Ziavoula (2005) dans leur article. Ce mouvement à la particularité de mettre en avant l'expérience spirituelle vécue. Elles cherchent alors la conversion du coeur et se considèrent comme des communautés de vrais convertis qui se baptisent à l'âge adulte. Ces Eglises sont dirigées par les élites de la société, sensibles à la modernité et à la mondialisation, recherchant alors l'ouverture des paroisses vers l'occident. La plupart de ces Eglises s'autofinancent, c'est-à-

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dire que les activités proposées sont possibles grâce aux contributions des fidèles, lors des temps de culte par exemple. Les Eglises recrutent leurs fidèles auprès des catégories sociales plutôt favorisées comme nous explique Dorier-Apprill et Ziavoula (2005). Le public visé est alors les élites du pays, les potentielles jeunes élites ou encore les jeunes diplômés qui ne parviennent pas à trouver un emploi. En effet, je me souviens de mon premier culte à la paroisse du Centenaire à Brazzaville, j'avais été très surprise des montants annoncés par le pasteur lors de l'annonce du montant de la quête de la semaine précédente. Le montant annoncé s'élevait à plusieurs milliers, voir proche du million.

Les Eglises évangéliques comprennent le mouvement pentecôtisme actuellement en vogue dans de nombreux pays, comme en République du Congo. Selon Dorier-Apprill et Ziavoula (2005), ce mouvement religieux compterait plus de 150 millions de croyants dans le monde. Ce mouvement a la particularité de regrouper de nombreuses communautés de différentes tailles et dirigées par des leaders charismatiques. Cette mouvance a la particularité d'asseoir sa réputation sur le rigorisme moral et l'interprétation littérale de la Bible. Il rejette donc en bloc les religions traditionnelles africaines et le lien avec les ancêtres. De ce fait, « il manifeste une double revendication de rupture : prise de distance à l'égard de toutes les représentations et pratiques néo-traditionnelles (magie, culte des morts, funérailles somptuaires, mariage coutumier, polygamie), qui sont systématiquement « satanisées » - et rejet du « matérialisme dialectique » qui a occupé pendant des années le champ politique et culturel, prétendant canaliser le religieux au sein des seules sept Eglises reconnues par l'Etat » (Dorier-Apprill et Ziavoula, 2005, p.134). Dans leur recherche, Lallemant, Jourdain et Gruenais (1988), évoquent les églises pentecôtistes comme l'un des choix possible lors de l'itinéraire thérapeutique. Selon eux, ce mouvement est très hiérarchisé avec le Pasteur comme leader de la communauté. Pour ces derniers, l'appartenance à une Eglise chrétienne associée à une foi chrétienne forte est la solution pour se confronter aux pressions familiales mais surtout pour se protéger des puissances surnaturelles à l'origine des entraves au développement du pays. Apparaît alors l'émergence d'une nouvelle éthique versée sur l'individu. S'appuyant sur un modèle occidental, c'est alors le lien conjugal et la famille nucléaire qui sont mis en lumière. Ces nouveaux mouvements diffusent un modèle neuf où la place de l'individu est modifiée, au détriment de la communauté. Dorier-Apprill et Ziavoula (2005) associent ce changement à une modification de l'éthique actuellement basée sur un phénomène d'acculturation consentie. Ces mouvements religieux sont un excellent moyen de communication et de diffusion des nouveaux paradigmes promulgués par ces Eglises. Les

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auteurs notent que le réseau présent à Brazzaville a une structure souple et que ces dernières cherchent à se rattacher entre elles dans l'ensemble du pays, en laissant de côté les clivages ethno régionaux.

Il existe les Assemblées de Dieu présentes à Brazzaville. Certes, comme nous le disent Dorier-Apprill et Ziavoula (2005), elles sont minoritaires mais ce sont ces dernières qui ont joué un rôle important dans l'expansion du pentecôtisme pendant les années 1970. Il est intéressant de parler de ce petit mouvement religieux puisque son activité principale se base sur la guérison des malades. Ainsi, « les malades guéris ont constitué le vivier des adeptes, c'est pour cette raison d'ailleurs que malgré l'interdiction de la loi de 1977, ils ont résisté aux pressions, et même gagné le soutien de dignitaire du pouvoir qui y cherchent un appui spirituel » (Dorier-Apprill et Ziavoula, 2005, p.148).

Les Assemblées de Dieu offrent donc des cours bibliques afin de former la nouvelle génération de cadres religieux affichant des pratiques et des modes de guérison plus orthodoxes. Ils mettent également en place des campagnes d'évangélisation et des séminaires afin de propager leurs voix à travers le pays. Grâce aux dons, ils parviennent à acquérir des terrains ce qui va permettre de structurer le mouvement à travers les dynamiques locales. Cependant, après la loi « antisecte » de 1977, ils sont expulsés du Congo. Malgré tout, ce mouvement religieux ne disparaît pas totalement et continue de se développer dans la clandestinité. C'est de cette manière que les premières Eglises du réveil verront le jour. Les mouvements religieux indépendants deviennent légal en 1991 ce qui leurs permet de se multiplier rapidement. « Elles contribuent à un élargissement et une « banalisation » de la sensibilité religieuse pentecôtiste hors du contrôle direct des Assemblées de Dieu, qui deviennent minoritaires » (ibid.).

Afin de se différencier de l'Eglise protestante, le mouvement pentecôtiste et les autres mouvements indépendants partageant certaines idéologies, utilisent le nom Eglises du réveil pour se désigner.

Comme nous l'avons vu précédemment et comme le précise J-P. Bat (2014)44, le Congo connaît, comme nombreux de ses voisins, une augmentation fulgurante de l'Eglise du réveil sur le territoire. Ses Eglises sont partout, au milieu des quartiers et dans les périphéries. Ce sont de petits locaux pouvant accueillir quelques dizaines de personnes. Elles sont

44 Bat, J-P. (2014). « Les Eglises de réveil au Congo-Brazzaville », Afrique contemporaine, 2014/4 (n252), p.145-146

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essentiellement présentes dans les quartiers populaires tels que Bacongo, Kinsoudi, Mokondo à Brazzaville. Elles mettent en place des actions sociales, tel que des cours d'alphabétisation, pour aider les paroissiens et les fidéliser ainsi. Ce mouvement religieux a sa propre identité qu'elle transmet à travers ses logos, ses slogans, ses discours. Elles réunissent alors un tissu social composé par la communauté où certaines valeurs et idées sont diffusées et adoptées. « Le pasteur, point d'équilibre de la communauté, est bien plus qu'un ministre du culte. Il renoue pleinement avec la figure du guide spirituel... et temporel » (Bat, 2014, p.146).

Les Eglises du réveil, ayant une influence directe sur les populations, sont la cible du gouvernement actuel. En effet, avec les élections qui se sont déroulées en 2016, le gouvernement à la tête du pays avait tout intérêt à se lier avec ces nouvelles mouvances religieuses pouvant faire la différence. Toutes ces entités sont gérées administrativement par le Conseil Supérieur des Eglises de réveil (COSERCO) dirigé par Germain Loubouta. Hasard ou coïncidence, G. Loubouta est également le premier collaborateur d'Antoinette Sassou N'Guesso, femme du président de la république du Congo. Ainsi, « certaines Eglises de réveil sont dirigées par des personnalités politiques proche du pouvoir, à titre personnel ou à titre politique » (ibid..).

Il est alors clair que le lien entre le gouvernement et les institutions religieuses existe, donnant du pouvoir à l'un comme à l'autre. C'est également le cas pour l'Eglise Evangélique du Congo, reconnu dans tout le pays. En effet, l'EEC est l'église protestante la plus importante dans le pays et reconnaît le Pasteur Patrice N'souami comme président depuis 2005 et jusqu'à la fin de cette année 2016. Cette mouvance religieuse compte 500 000 fidèles, soit environ 17% de la population congolaise. Leur dogme et leurs pratiques sont centrés sur les Ecritures et une théologie protestante en opposition avec les phénomènes du « réveil » et la superstition en général venant de la tradition africaine. Cependant, selon Katie Badie pasteure dans une paroisse parisienne (2009)45, l'Eglise affirme son identité tout en rappelant ses origines africaines par l'utilisation de chants traditionnels par exemple. L'EEC est en lien avec de nombreux partenaires à travers le monde, montrant sa place dans une Eglise universelle. Au Congo-Brazzaville, l'EEC s'engage à plusieurs niveaux, dont de nombreux fronts sociaux comme la lutte contre le VIH/Sida, l'accueil des malades et des orphelins dans les centres de santé intégrés et les soins donnés dans les dispensaires, mais aussi dans le processus de réconciliation suite aux guerres civiles connues par le pays.

45 Fédération Protestante de France (2009, 14 octobre). « Cent ans de protestantisme au Congo-Brazzaville ». [En ligne] mis en ligne le 14 octobre 2009, Consulté le 22 août 2016

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Cette Eglise, faisant partie des sept reconnues pendant les périodes difficiles, possède certains privilèges et un lien étroit avec le gouvernement. En effet, chaque voiture de l'Eglise a le droit à un laisser passer sur le pare-brise leur permettant de passer outre les barrages policiers et/ou militaires. Elle est également financée en partie par le gouvernement et participe à certains programmes nationaux. Par exemple, l'EEC a décidé au sein de ces centres de santé intégrés de prendre en charge les personnes vivant avec le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). L'EEC a alors établi un partenariat avec le Conseil National de Lutte contre le VIH/Sida (CNLS), même si ça semble aller à l'encontre des valeurs diffusées par l'EEC. En effet, peu d'Eglises reconnaissent l'existence du VIH/Sida et encouragent le port du préservatif afin de ralentir l'expansion de la maladie. Malgré tout, le slogan congolais pour la lutte contre le Sida traduit cette forte présence des Eglises dans le pays : « Abstinence, Fidélité, Préservatif ». Leur seule limite est la prise en charge des patients homosexuels comme me l'avait précisé ma collègue psychologue au centre de santé intégré de La Source.

De part ce partenariat avec le gouvernement, ils travaillent également avec des ONG internationales tel que la Croix Rouge Française sur certains programmes de prise en charge des personnes vivant avec le VIH (PVVIH). C'est dans ce cadre là que j'ai effectué mon Service Civique à l'International, sur la continuité du projet R5, prenant en charge les adultes vivant avec le VIH et sur l'actuel projet R9 qui s'occupe des enfants vivant avec le VIH. Il y donc un réel lien entre les centres de santé intégrés de l'EEC et les organisations politiques et internationales agissant dans le pays.

Comme nous l'avons vu, la santé est au coeur des préoccupations de la religion chrétienne et ce depuis l'arrivée des premiers missionnaires. Ces derniers avaient pour mission de soigner les malades au sein des différents dispensaires ruraux. Au fil des années, en plus des dispensaires, des centres de santé et des hôpitaux sont apparus afin de soigner les malades mais également pour faire du prosélytisme.

Cependant, l'EEC ne propose pas réellement de soins adaptés pour les personnes atteintes de troubles mentaux. Cette dimension là, encore peu développée au Congo, n'est que peu prise en charge dans la vie quotidienne. Malgré tout, certaines structures religieuses proposent de prendre en charge ces personnes vivant avec des troubles psychiques.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"