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Les dispositifs d'encadrement du public du parc des Princes et leurs effets.

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par Mathieu Kerrien
Université Paris-Est Marne-la-Vallée - Master Espaces, Sociétés et Territoires 2014
  

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III. Le Parc des Princes, sécuritaire et ludique : un espace aseptisé

La sécurité au Parc des Princes peut être analysée par plusieurs prismes différents. En plus des dispositifs d'encadrement du public parisien précédemment évoqués, on peut s'intéresser à la marge de manoeuvre offerte au public du PSG par la direction du club en s'adaptant aux singularités fonctionnelles et architecturales du Parc des Princes. A l'intérieur de ce stade, une nouvelle configuration et vision du supporterisme voit le jour par la mise en place de restriction concernant la liberté d'action.

1. Des modifications du règlement intérieur pour modérer les comportements des supporters

Historiquement, les associations de supporters organisés étaient responsables de l'animation des tribunes. Celles-ci permettaient d'encourager l'équipe et de transmettre des émotions et des sensations fortes. Cette action est d'ailleurs analysée par Eric Wittersheim dans son livre paru en 2014117. Même s'il affirme que les émotions représentent pour un chercheur une thématique très difficile à évaluer et à analyser puisqu'elle est subjective et difficilement quantifiable, il soutient l'idée que plus on se trouve vers le bas du virage, plus on est situé proche des supporters les plus fervents, plus les sensations visuelles et auditives sont exacerbées. Ceci s'amplifie d'autant plus lors des rencontres à fort enjeu, lorsque l'adversité est particulièrement forte. Cette donnée évolue dans le sens inverse lors des matchs peu importants et lorsqu'on occupe une position plus élevée dans les gradins.

117 Witthersheim E., op cit., novembre 2014.

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Ces émotions interviennent dans les moments qui sont les plus recherchés par les supporters. Ils justifient la somme financière apportée en début de chaque saison. En reprenant la thèse de Norbert Elias qui affirme que dans une société apaisée où on observe une régression du seuil de violence tolérée par la société118, l'affrontement physique semble être remplacé par l'affrontement sportif. La concurrence est désirée par les supporters qui voient leurs émotions exacerbées lors des grandes rencontres. Ces émotions qui résultent d'une concurrence sportive, sont défendues par des joueurs passionnés. C'est le cas de Pauleta, joueur idolâtré par le public parisien puisqu'il est meilleur buteur de l'histoire du PSG, qui avoue regarder encore des vidéos de temps en temps pour se remémorer l'ambiance du Parc des Princes.119

Sauf que pour créer, transmettre et diffuser ces émotions simultanément, les supportes étaient organisés et hiérarchisés120. Pour les responsables des associations de supporters, l'objectif était de voir et d'entendre un maximum de personnes dans la tribune. Comme le dit le sociologue Nicolas Hourcade : « A partir des années 1980 - 1990, on a des groupes qui veulent encourager l'équipe en permanence et qui veulent bien faire leur `métier de supporters' »121. Pour cela, l'ancien porte-voix du « Kop of Boulogne » surnommé « Bouquin » raconte son expérience : « J'étais à califourchon sur le triangle avec un mégaphone, je me rappelle sentir ce truc.... Comme si toute la tribune, tout le stade vibrait et je me souviens, même les mecs à coté, à l'unisson vibraient également. C'était énorme. »122

Ces supporters organisés prônaient leur indépendance vis-à-vis de toute autre institution. De cette façon, ces associations organisaient leur propre manière de supporter l'équipe. Elles le faisaient de manière autonome tout en étant attentives à ce que faisaient les autres groupes pour ne pas les copier et pour se démarquer. Pour cela, chaque association organisait ses propres tifos ou drapeaux pour organiser un supporterisme singulier, festif et participatif. Cette caractéristique était réservée aux tribunes situées derrière les buts et marquait leur singularité par rapport au reste du public du stade. Celle-ci est confirmée par Amar, ancien porte-parole de l'association située à Auteuil « Lutèce Falco » aujourd'hui dissoute : « Le fait d'avoir des groupes structurés, avec des gens qui étaient vraiment là pour lancer des chants, avec des gens qui étaient vraiment là pour avoir des idées de tifos, des choses comme ça, et des gens qui étaient capables de les mettre en oeuvre... Et aussi grâce à un club qui nous suivait derrière, avec toutes les discordes qu'on pouvait avoir entre eux et nous, un club qui nous permettait de réaliser ces choses-là »123 manifestait la singularité des tribunes populaires du Parc des Princes.

La liberté d'action des associations étaient très grande, ce qui satisfaisaient certains dirigeants amoureux du PSG à l'instar d'Alain Cayzac, membre du comité directeur du club depuis 1986 et président entre 2006 et 2008 : « Ils (les supporters organisés) étaient là pour le meilleur et pour le pire. Non seulement je n'ai pas eu à me plaindre d'eux mais au contraire, je considère

118 Elias N., op cit, décembre 1976, pages 2-21. 119Whenwewerekids, op cit, 70min, 2013.

URL: https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA.

120 Charroin P., op cit, novembre 1990.

121 Ibid.

122 Ibid.

123 Ibid.

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qu'ils ont fait beaucoup pour... je vais dire pour m'aider à sauver le club. »124. A cette époque, cette indépendance et cette liberté d'action accordée aux supporters dérangeaient les dirigeants de la Ligue de Football Professionnel (LFP). Ces supporters étaient susceptibles d'être critiques envers les instances du football. Ces dernières sont alors entrées en relation conflictuelle avec les associations. Depuis l'été 2010 et la mise en place du Plan Leproux, le PSG refuse d'avoir des associations de supporters organisés. Pis, pour lutter contre l'animation des tribunes perçue comme transgressive par les responsables du football français et du PSG, les dirigeants du club parisien ont interdit toute banderole, ainsi que l'usage d'engins pyrotechniques. En effet, il est aujourd'hui interdit d'entrer dans le stade avec le matériel du fan selon la définition de Jean-Michel Roux125, c'est-à-dire des tambours, mégaphones, fumigènes, etc. Pour cela, les dirigeants du PSG ont fait changer le règlement intérieur du Parc des Princes. Le PSG en tant qu'occupant exclusif du Parc des Princes, établissement public pour une durée de 30 ans, est en droit de faire régir ses propres règles. D'ailleurs, l'entretien avec Madame Leprince m'a permis de me rendre compte du respect formel de cette règle par les agents de sécurité :

« Avec ses copains, ils avaient récupérer pleins de drapeaux qu'ils ont cousu avec une machine à coudre pour faire un grand grand truc. On leur refuse de le mettre ! Ils ont même pas le droit de le mettre au début du match ».

(Entretien réalisé au domicile de Madame Leprince le 29 avril 2015)

Plusieurs personnes dans le stade m'ont affirmé trouver ces interdictions comme un manque de respect aux supporters et à l'histoire du football.

Par conséquent, cette perte d'autonomie du public parisien et ces interdictions concernant le matériel du supporter ultra inhibent la capacité d'action et d'expression des supporters. Les tribunes du Parc des Princes sont uniformes. Dorénavant, le public semble suivre le déroulement du match et agit en fonction de la succession des temps forts et du score. J'ai pu observer cette évolution lors du match entre le PSG et l'ETG le 18 janvier. Voici une partie de mes notes de terrain retranscrites le lendemain de la rencontre.

- A la 14e minute du match, l'Evian Thonon Gaillard ouvre le score grâce à un but de Barbosa.

- A la 20e minute, quelques dizaines de supporters n'hésitent pas à insulter les joueurs du PSG. Ils ne forment pas un groupe uni. Au contraire, ils semblent être éparpillés dans les tribunes. On entend alors des injures : « bougez-vous le cul bande d'enculés ». Ces offenses n'étaient pas prononcées en même temps. Dans ce cas, elles étaient difficilement compréhensibles mais on les entendait bien à cause du silence qui régnait dans le stade à la suite de l'ouverture du score des adversaires.

Ces insultes constituaient un chant contre l'équipe.

124 Ibid.

125 Roux J-M., op cit, été 2014, pages 60 - 62.

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- A la 23e minute du match, dans ce même silence, on entend plusieurs fois : « et il est mort le Parc des Princes ». Ce chant fut lancé par une petite dizaine de personnes regroupées au bas de la tribune. En raison du calme général qui subsistait dans la tribune, ce chant collectif avait une forte résonnance et était facilement compréhensible. Par cette action, le petit groupe contrastait avec le reste du public.

Ce chant repris en coeur par une minorité du public à proximité du groupe était destiné contre le nouveau public et la direction du PSG.

- A la 25e minute, le PSG se met à dominer. En quelques secondes, plusieurs occasions nettes réveillent le public du stade. Des encouragements fusent depuis les tribunes de manière confuse. Ce n'est pas du tout organisé et structuré.

Ces cris d'encouragements individualisés font suite à la réaction positive des joueurs du PSG. Le public semble suivre le rythme du match de manière spontanée.

- A la 30e minute, le PSG égalise grâce à un but de son défenseur David Luiz.

- A la 31e minute du match, l'égalisation du PSG a redonné de la vie et de la joie dans les tribunes. Le petit groupe de supporter situé au bas de la tribune Auteuil lance un nouveau chant à l'honneur du PSG. Cette fois-ci, il est repris par une large majorité de supporters présents dans la tribune.

Dès que le PSG est revenu à la marque à la suite d'un temps fort, un chant organisé a pu se répandre dans la tribune.

- A la 38e minute, le PSG mène pour la première fois au score grâce à un but de Marco Verratti.

A 2 - 1 pour le PSG, on constate directement une meilleure ambiance dans les tribunes et un soulagement pour le public. Les chants sont repris par plus de monde ce qui structure et appuie les encouragements.

Puisque le PSG domine le match et mène au score, les joueurs du PSG semblent plus décontractés. Alors, ils se permettent de beaux gestes techniques. Ces derniers sont tous salués par des applaudissements généraux et des exclamations.

Lorsque le PSG domine, joue bien et mène au score, le public encourage l'équipe collectivement en suivant les chants toujours émis par le petit groupe de supporters situés en bas de la tribune.

On constate dans cette prise de note l'évolution du comportement du public en fonction de l'évolution du score du match. Hormis le petit groupe de supporters qui chantent presque continuellement (que ce soit pour critiquer ou encourager l'équipe), le public suit le rythme du match et encourage lorsqu'il est satisfait du spectacle proposé. Par conséquent, il est directement dépendant de ce qu'il se passe sur le terrain.

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Ainsi, l'absence d'objets ou d'instruments constitue une grande difficulté pour le public en vue d'organiser un chant puissant et collectif. Sans cette dimension collective, cette « fusion, cette émotion au même moment »126 (Viola, ancien porte-voix des « Lutèce Falco ») le Parc des Princes est devenu un lieu aseptisé et hyper-contrôlé comme si l'animation des tribunes était synonyme de transgression et de danger.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams