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Le conflit de 2012 et la détonation malienne. Les ressorts de la crise.

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par Myriam ARFAOUI
Université Lyon 3 Jean Moulin - Master 2 Sciences Politiques : Relations Internationales et Diplomatie. 2015
  

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B. Trafics criminels dans les couloirs de sable : les nouveaux produits du commerce saharien et transsaharien.

Les réseaux mondiaux de la criminalité ont transformé le Sahel-Sahara en plaque tournante des trafics régionaux et internationaux166. Peu contrôlé, aux portes de l'Europe, le désert est investi par des groupuscules adaptés à la physionomie de l'espace, et intégrés aux structures sociales ; « Depuis des siècles, des routes caravanières traversent le Sahel. Elles sont devenues les axes de transit privilégiés des trafics et de la contrebande, et fait du Sahara la plaque tournante des trafics de déchets toxiques, de pétrole, de véhicules, de médicaments, de drogues, de cigarettes, d'armes et d'êtres humains »167.

Les trafics sont de deux sortes : la contrebande sur des produits de premières nécessités, et les trafics lucratifs stricto sensu. La contrebande est justifiée et souvent rendue légitime par les autorités locales (lait, sucre, farine)168 ; « Les autorités algériennes qui tentent de lutter contre les trafics de drogues et surtout d'armes, sont moins dures à l'égard de la contrebande d'essence qui permet à des milliers de familles de survivre »169. Elle est une forme de survie du commerce local traditionnel et des échanges ; aux « liens qui ont survécu à l'effondrement des commerces caravaniers de longue distance du XIXème siècle, se sont substitués des contrebandes de biens »170. Les trafics illicites prolifèrent grâce aux difficultés physiques de l'espace et à la faiblesse du contrôle territorial, qui leur constituent une assise confortable et profitable. La tradition marchande du désert n'a pas disparu ; elle s'est réactivée vers la fin du XXème siècle entre les différentes rives du Sahara, et de part le monde, avec de nouveaux produits : le bétail et les dattes ont été remplacés par des produits alimentaires subventionnés, de l'essence, ou encore des drogues, des armes, des cigarettes, et des flux d'hommes.

Trois dimensions commerciales semblent évoluer dans cet espace, les deux dernières constituant une forme d'économie parallèle :

- Un commerce légal, avec des règles, des circuits, et des institutions établies. - Un commerce illégal, mais légitime (produits alimentaires, essence).

166Commission Ouest-Africaine sur les Drogues, « Pas seulement une zone de transit, Drogues, Etats et sociétés en Afrique de l'Ouest », West Africa Commission on Drugs, [En Ligne], juin 2014, p.12

URL : http://www.wacommissionondrugs.org/fr/wp-content/uploads/2014/11/WACD-Rapport-Complet-FR.pdf 167CUTTIER, Martine, « Les ressorts structurels de la crise au Sahel », op. cit.

168 SCHEELE, Judith, « Circulations marchandes au Sahara : entre licite et illicite », op. cit., p.153 169OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.229 170GOURDIN, Patrice, « Touaregs du Mali. Des hommes bleus dans une zone grise », op. cit.

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- Un commerce illégal et lucratif pour les groupes qui l'organisent (drogues, armes, otages).

L'économie parallèle des trafics et de la contrebande n'est pas une variable dépendante, ou annexe, de l'islamisme et du djihadisme africain - ces deux aspects de la conflictualité, même s'ils se mêlent en fonction des conjonctures, doivent être analysés comme des objets scientifiques à part entière171. Ils ne sont pas des données atomiques et extérieures au système sociopolitique sahélo-saharien. Ils n'évoluent pas en marge des sociétés172, mais y sont intégrés, et utilisent les structures sociales traditionnelles (liens tribaux, alliances) pour se perpétrer. Par ailleurs, ils constituent, pour les sociétés locales, un chemin d'accès vers la modernité et l'économie mondiale173 : « Les activités trafiquantes [...] (n'expriment pas) un état d'anomie ; loin de la marginaliser, elles contribuent, au contraire, à l'insertion accélérée de l'Afrique dans les flux et les réseaux de la mondialisation »174. Face à l'Etat défaillant en terme de développement, les trafics deviennent une alternative de reconnaissance et d'ascension sociale ; « La participation aux trafics, comme l'entrée dans des gangs ou dans des mouvements idéologico-politiques, offrent des modèles alternatifs d'ascension sociale »175. La criminalité se présente, pour ceux qui l'organisent et y participent, comme une opportunité, favorisée par la défaillance sécuritaire de l'Etat. Des personnalités politiques ou administratives participent à ce genre d'activités illégales, qui peuvent dans certains cas, se transformer en arme diplomatique. Par exemple, les flux de produits de contrebande (essentiellement de la nourriture) sont importants entre l'Algérie et le Mali - or lors de la rébellion touareg de 2006-09, l'Algérie menace de fermer les frontières et de plonger le pays dans la pénurie176.

« Au Mali, sous le régime d'Amadou Toumani Touré, le laxisme apparent sur la question des trafics était un laxisme organisé. Le pouvoir se servait des trafics qu'il pouvait contrôler pour favoriser tel ou tel groupe qui pouvaient contrebalancer l'influence des groupes touareg les plus hostiles, notamment ceux qui, comme les Ifoghas ont rejoint le MNLA. Instrumentalisant les groupes les uns contre les autres, à l'aide de projets de

171OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.228

172SIMON, Julien, « Le Sahel comme espace de transit des stupéfiants. Acteurs et conséquences politiques. », op. cit., p.126

173Ibid.

174SIMON, Julien, « Le Sahel comme espace de transit des stupéfiants. Acteurs et conséquences politiques. », op. cit., p.228

175OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité , op. cit., p.228

176Ibid., p.229

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développement, de postes électifs et d'accès à des rentes de trafic, le régime pratiquait ainsi une sorte d'indirect rule. Les trafics, comme d'autres types de rentes, étaient utilisés comme élément de politique à l'égard des confins nord du pays. »177

Les activités lucratives (cigarettes, drogues, armes) inquiètent la sécurité régionale, puisqu'elles confèrent aux groupuscules et groupes armés non-étatiques, un moyen pertinent d'influence et d'action politique et militaire178. Les alliances et convergences conjoncturelles d'intérêts entre mafias ou gang criminels, et groupes islamistes ou djihadistes africains, enrichissent les uns tout préservant les autres - certains groupes criminels se revendiquent djihadistes, d'autres sont l'un et l'autre à la fois, en fonction du contexte. Ainsi, se crée une sorte de cercle vicieux dans lequel, il est non seulement difficile de maîtriser la conflictualité dans son ensemble, mais également de distinguer les objectifs réels à court et long termes des protagonistes, et d'évaluer par la même la portée et l'impact de leurs actions. Quoiqu'il en soit, cette économie de protection179 entre groupes criminels et groupes islamistes ou djihadistes, est fonction de trois éléments : le recours à la violence assure la sécurité du transport des marchandises, la corruption des autorités locales facilite les flux, et les structures sociales permettent une communautarisation des trafics et de la contrebande. En dressant un portrait des différents trafics à forte rentabilité, il est possible d'identifier l'une des sources majeures du financement des groupes rebelles du Sahel-Sahara180, et l'interaction qui s'opère entre criminalité et djihadisme.

« La typologie d'acteurs impliqués est composite et déborde du milieu criminel. Ainsi, participent : des organisations criminelles latino-américaines (cartels) et européennes (mafias italiennes et « milieux » d'autres pays) ; des groupes mafieux ouestafricains (en particulier nigérians) ; des criminels plus ou moins connectés à certaines communautés qui circulent dans le Sahara ; des acteurs du salafisme-jihadisme

177OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité , op. cit., p.237 178« Actors involved in organized crime currently wield decisive political and military influence in northern Mali », LACHER, Wolfram, « Organized Crime and conflict in the Sahel-Sahara Region », Carnegie Endowment for International Peace, [En Ligne], septembre 2012

URL : http://carnegieendowment.org/2012/09/13/organized-crime-and-conflict-in-sahel-sahara-region

179Mark Shaw, directeur de la Global Initiative against Transnational Organized Crime, utilise la notion d'économie de protection pour expliquer les interactions entre les acteurs des trafics au Sahel-Sahara, dans IRIN, « Comprendre le crime organisé en Afrique », IRIN Nouvelles et analyses humanitaires, [En Ligne], 2014 URL : http://www.irinnews.org/fr/report/100312/comprendre-le-crime-organis%C3%A9-en-afrique

180LE PAUTREMAT, Pascal, « La drogue au Sahel : la source principale du financement des djihadistes », Slate Monde, [En Ligne], janvier 2013

URL : http://www.slate.fr/tribune/67413/operation-serval-terroristes-narcotrafiquants

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(MUJAO, groupe de Mokhtar Belmokhtar, AQMI) ; des individus de la communauté libanaise ; des membres des diasporas ouest-africaines en Europe ; enfin, de véritables mafias d'Etat. »181

La crise malienne a mis en exergue l'impact des trafics régionaux sur le financement des groupes armés maliens et sahélo-sahariens (Mokthar Belmokhtar est surnommé Mister Malboro182). Et, le transit de cocaïne, surtout dans le nord du pays, a permis l'affranchissement de plusieurs mouvements politico-militaires. Malgré son enclavement, le Mali demeure, dans ce paradigme, un espace de transition et de stockage privilégié des trafics en tout genre - il borde une mer de sable structurée par des routes sahariennes historiques, et se trouve par la même, dans l'un des principaux fuseaux du commerce transsaharien.

o Le trafic d'armes

Selon l'ONG Oxfam, sur 640 millions d'armes légères dans le monde, 100 millions se trouvent en Afrique183. Le continent a connu plusieurs vagues d'approvisionnement, à commencer par la Guerre Froide. Mais, l'offre régionale a fini par satisfaire les demandes locales. Ces armes, « fusils d'assaut, des pistolets automatiques, des mitrailleuses, des canons anti-aériens et des missiles antichars sol-air »184 se répandent à travers les routes du désert, en suivant les zones de conflits185. Elles sont ainsi recyclées dans leur usage, redéfinissant localement les enjeux de pouvoir et les avantages ; « Les armes se déplacent des foyers de tension qui s'éteignent vers les espaces de conflits émergeants »186. Le commerce légal entre Etats est parfois détourné, permettant l'approvisionnement de certains groupes politico-militaires, et contribuant à la perte de trace. Par exemple, lors de la rébellion touareg des années 1990, certains militaires distribuent des armes au groupe contre-insurrectionnel Ganda Koy187. La chute du colonel Kadhafi a participé à l'explosion du nombre d'armes en circulation dans la région - surtout chez les Touareg ayant intégré les Légions Islamiques ou

181OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.237 182SALEM, Lemine Ould M., Le Ben Laden du Sahara : sur les traces du jihadistes Mokhtar Belmokhtar, Paris, Broché, 2014, p.27

183AMARI, Chawki, « Sahel : le trafic d'armes se porte bien, merci », Slate Afrique, [En Ligne], janvier 2012 URL : http://www.slateafrique.com/81337/sahel-le-marche-des-armes-sahel-al-qaida-libye-algerie 184CUTTIER, Martine, « Les ressorts structurels de la crise au Sahel », op. cit.

185OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.230

186Ibid. 187Ibid.

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les Légions Vertes188. Certaines villes sahélo-sahariennes sont devenues de véritables carrefours du commerce des armes, qui commencent à être acheminées vers le Mali189. Aujourd'hui encore, ce n'est pas tant la gravité politique d'un territoire, d'une ville, ou d'un lieu, qui le rend attractif aux groupes armés. Mais, ce sont ces groupes même qui, à travers les circuits de criminalité, reconstituent des villes-étapes, des oasis mafieuses, transformées en nouveaux hubs de la circulation marchande.

« En 2008, les autorités maliennes signalent des trafics d'armes venant de Guinée (originaires de la Sierra Léone et du Libéria). Des armes transitent également, à cette époque, du Mali vers l'Algérie. L'impact de la crise libyenne de 2011 est important. La situation des arsenaux libyens est préoccupante. Armes légères, mais également missiles sol-air, lance-roquette antichars, explosifs (du Semtex notamment) et d'importants stocks de gaz de combat sont à vendre et commencent à être acheminé vers le Mali, mais également vers la Tunisie, l'Algérie et le Proche-Orient. Des convois à destination du Mali sont interceptés au Niger et en Algérie pendant l'année 2011. De plus, les soldats touaregs d'origine malienne de l'armée libyenne rentrent au Mali après la fin du conflit. Un certain nombre d'entre eux, avec des véhicules blindés légers, des mitrailleuses, des canons antiaériens et des moyens de transmission, contribueront à former le MNLA. Parallèlement, AQMI ira se ravitailler sur le marché libyen pour consolider son important stock d'armes dans le Massif de Tigharghar (Adrar des Ifoghas), qui sera ultérieurement détruit par l'opération Serval. Mais les armes qui vont alimenter les groupes combattants du nord-Mali viendront aussi pour une grande partie des casernes de l'armée régulière abandonnées lors de la fuite de l'armée des différentes localités du nord du pays. »190

o Le trafic d'hommes

Ce trafic a deux dimensions au Sahel-Sahara : l'immigration et le commerce d'otages.

L'immigration régionale n'est pas un phénomène nouveau : elle est l'adaptation des flux humains et sociaux, aux paradigmes modernes ; les frontières, leur porosité, et l'existence de mêmes groupes ethniques dans des Etats différents. Certaines minorités, ou opposants politiques, vont se réfugier dans des Etats voisins (les Touareg en Libye par exemple), et obtenir temps, appuis, et parfois moyens de résistance, en fonction des enjeux politiques entre

188PLANTADE, Ydir, « La Nouvelle géopolitique post-Kadhafi explique les problèmes actuels au Mali », op. cit. 189AMARI, Chawki, « Sahel : le trafic d'armes se porte bien, merci », op. cit.

190OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.230-231

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les Etats concernés. L'immigration internationale suit trois axes : un axe occidental le long de l'océan Atlantique, un axe central passe par Gao ou Agadez, et un axe oriental depuis la Somalie aux côtes libyennes. Cette immigration internationale peut augmenter la distance des liens sociaux préexistants, et servir de pont aux divers trafics entre l'Afrique et l'Europe ; « Le nombre de migrants clandestins transitant par le Sahel est estimé à 120 000 par an »191.

Le commerce d'otages est lié au développement du tourisme dans la zone sahélo-saharienne et à la direction prise par le djihadisme depuis la guerre du Golfe. Il s'agit de porter atteinte aux symboles, aux intérêts des Etats occidentaux, tout en rentabilisant cette action. Ce qui crée une sorte de dilemme de la démocratie pour les Etats concernés : financer la rançon d'un otage, et a fortiori, le groupe armé qui l'a enlevé192. Ou, refuser de sauver l'otage au risque d'heurter l'opinion publique d'une société ultra médiatisée et de plus en plus personnaliste193. Le commerce des otages est devenu une source importante de revenu pour les groupes islamistes et djihadistes africains, « les otages sont considérés comme des prisonniers de guerre que le droit islamique autorise à échanger contre d'autres prisonniers ou une rançon »194 ; et également, un moyen de pression vis-à-vis des démocraties occidentales.

o Le trafic de cigarettes

Le trafic de cigarettes est l'un des plus actifs au Sahel-Sahara, et « témoigne de la capacité des réseaux illicites à valoriser à leur profit les savoir-faire nomades »195. La marchandise provient soit de détournements des circuits officiels, soit d'usines de contrefaçon implantées au Nigeria par exemple, et transite vers le marché maghrébin et européen ; « Aujourd'hui, le trafic entre le Mali et l'Algérie est estimé à 9000 cartons par semaine [...] Le volume d'affaire s'élèverait à 1,5 million de dollars sur le territoire malien »196. Les groupes

191CUTTIER, Martine, « Les ressorts structurels de la crise au Sahel », op. cit.

192PUDLOWSKI, Charlotte, « Comment l'Europe finance le terrorisme et Al-Qaïda via le paiement des rançons », Slate Monde, [En Ligne], juillet 2014

URL : http://www.slate.fr/story/90433/comment-europe-finance-terrorisme-rancons

193La société française notamment, ne semble plus uniquement individualiste (prépondérance de l'individu en tant qu'unité indéfinie). Mais, elle se rapprocherait plus de ce que nous appellerions une société personnaliste, c'est-à-dire, une société où l'individu est personnalisé, reconnu - son visage est connu, son nom est connu, sa vie est connue, grâce aux réseaux sociaux par exemple. Dans cette perspective, le chacun devient quelqu'un, mobilisant un genre d'hyper empathie qui agit sur l'opinion publique.

194PUDLOWSKI, Charlotte, « Comment l'Europe finance le terrorisme et Al-Qaïda via le paiement des rançons », op. cit.

195OCDE/CSAO (2014), Un atlas du Sahara-Sahel : Géographie, économie et insécurité, op. cit., p.232

196Ibid., p.233

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djihadistes ne participent pas directement à la distribution des denrées, se contentant de percevoir une taxe sur la protection des convois.

o Le trafic de drogues

Le Sahel-Sahara est aux portes de l'Europe, deuxième marché mondial de consommation de drogues. Le haschisch provient essentiellement du Maroc, et transite par la mer, en direction du sud-est de l'Espagne. La cocaïne vient d'Amérique du sud - les cartels ayant perdu leurs axes de distribution vers le nord du continent, visent désormais le marché européen.

« La drogue quitte la Colombie et traverse l'océan Atlantique à hauteur du 10ème parallèle car la Highway ten est moins risquée que la voie la plus directe. Parvenue par avion en Afrique de l'ouest à partir de l'archipel des Bissagos, au large de la Guinée Bissau, petit Etat au sud du Sénégal, elle est acheminée à travers le Sahara, par air ou par voie terrestre, selon deux routes. L'une au nord, traverse le Mali, le Niger, la Libye, et aboutit dans les Balkans ; l'autre, à l'est, après le Mali et le Niger, traverse le Tchad et le Soudan en direction du Proche-Orient. »197

En 2009, l'Office des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime estime le trafic au Sahel-Sahara à 900 millions de dollars198. Le Mali est approvisionné par les airs, depuis l'Amérique du sud, ou depuis les Etats côtiers. Un Boeing a été retrouvé calciné dans le nord du pays en 2009199, vers la région de Gao - les enquêteurs estiment qu'il proviendrait du Venezuela, et qu'il aurait transporté de la cocaïne. Bien que les substances illicites, comme l'alcool, ou la drogue, soient prohibées par l'islam, des fatwas200 autorisent leur vente aux koufar201 - la rentabilité de ces activités hautement lucratives doit servir à imposer le règne de la religion202.

197CUTTIER, Martine, « Les ressorts structurels de la crise au Sahel », op. cit.

198ABDERRAHMANE, Abdelkader, « Terrorisme et trafic de drogues au Sahel », Le Monde Afrique, [En Ligne], juillet 2012

URL : http://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/19/terrorisme-et-trafic-de-drogues-au-sahel_1735046_3232.html

199LE BRECH, Catherine, « L'organisation des filières de la drogue dans le Sahel », Geopolis, [En Ligne], juin 2013

URL : http://geopolis.francetvinfo.fr/lorganisation-des-filieres-de-drogue-dans-le-sahel-17351

200Jurisprudence islamique ou simple avis juridiques donnés par les jurisconsultes de la loi islamique (le faqih ou le mufti).

201Mot désignant les infidèles, soit, tous ceux qui ne sont pas musulmans sunnites.

202« Strictly speaking Islamic theology prohibits the consumption of drugs but does not explicitly warn gains selling them to support Islam. [...] In the Sahel, proximity to drugs trafficking can be justified as a way of supporting a good Islamic lifestyle. », Foreign and Commonwealth Office, «Trafickers and Terrorists: drugs violent djihad in Mali and the wider Sahel», Foreign & Commonwealth Office, [En Ligne], octobre 2013, p.5

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Au-delà de l'idéologie, ce genre de prescription rend légitime des activités illicites qui enrichissent leurs propriétaires et leurs agents. Elles deviennent, a fortiori, une source de revenus incontournable et régulière pour des groupes comme MUJAO ou AQMI.

URL: https://www.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/256619/Oct_2013_Trafficke rs_and_Terrorists.pdf

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus