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Multi ethnicité et refondation des nations démocratiques en Afrique noire. Perspective d'un humanisme de la diversité.

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par Essodina BAMAZE Nà¢â‚¬â„¢GANI
Université de Lomé - Master II en Philosophie politique et du droit 2015
  

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3.2 Aux fondements d'un humanisme de la diversité

L'apport de Renaut peut et doit être compris à partir d'une analyse de la pensée de Rawls, d'une analyse de la réhabilitation des appartenances communautaires

133 A. Renaut, Égalité et discriminations, op. cit., p. 8-9.

134 H. Guéguen, G. Malochet, Les théories de la reconnaissance, op. cit., p. 92.

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comme premier gage du lien social et d'une analyse du discours portant sur le droit à la différence.

3.2.1 L'héritage rawlsien du libéralisme politique

L'apport essentiel de Rawls dans la reconstruction du lien social et politique réside dans la place prépondérante accordée à la justice. Ainsi écrit-il tout au début de son ouvrage phare135 : « La justice est la première vertu des institutions sociales comme la vérité est celle des systèmes de pensée ». En effet, à l'opposé de l'utilitarisme136, Rawls envisage de mettre en place une société juste fondée sur la conviction que « chaque personne possède une inviolabilité fondée sur la justice qui, même au nom du bien-être de l'ensemble de la société, ne peut être transgressée137 ». Ayant ce but présent à l'esprit, Rawls envisage de construire une nouvelle vision de la justice dans laquelle tous les hommes s'accordent sur les principes censés définir les termes de base de leur association. Pour ce faire, il part de la fiction méthodologique de la « position originelle » dans laquelle les individus contractants agissent en êtres rationnels et autonomes, « mutuellement désintéressés ». Pour donner du crédit à sa nouvelle théorie, il évoque la nécessité d'un « voile d'ignorance » grâce auquel un choix des principes de la justice pourrait s'opérer en toute impartialité. Compris dans le sens ordinaire du voile, le « voile d'ignorance » recouvre les différences auxquelles pourraient s'attacher chaque individu contractant. C'est en ayant recours à ce voile que le modèle rawlsien de la justice s'affirme comme « équité » ou, si l'on préfère, comme impartialité : le voile d'ignorance « garantit que personne n'est avantagé ou désavantagé dans le choix des principes par le hasard naturel ou par la contingence des circonstances sociales138 ».

De cette démarche, Rawls en déduit deux principes fondamentaux de la justice que sont : le principe d' « égale liberté pour tous », le principe de la « différence » qui voudrait que les inégalités soient organisées de manière à avantager les plus

135 J. Rawls, Théorie de la justice, Paris, Editions du Seuil, 1987 [1971], p. 29.

136 En tant que courant de pensée philosophique, l'utilitarisme classique, à en croire Rawls, a pour postulat de base l'idée qu' « une société est bien ordonnée et, par là même, juste, quand ses institutions majeures sont organisées de manière à réaliser la plus grande somme totale de satisfaction pour l'ensemble des individus qui en font partie », Ibid., p. 49.

137 Ibid., p. 30.

138 Ibid., p. 38.

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démunis et le principe d'égalité des chances dans l'accès à toutes les positions sociales. Ce n'est qu'à ce prix que la justice, en tant que première vertu des institutions sociales, devient garante de la stabilité sociale. Mais pour mieux comprendre cela, il faut commencer par définir avec Rawls la stabilité sociale. L'état de stabilité sociale, nous dit Rawls, est un état qui « persiste indéfiniment dans le temps, aussi longtemps que des forces extérieures ne le troublent pas », au point que « si l'on s'en écarte, sous l'influence, par exemple, de perturbations extérieures, il existe des forces à l'intérieur du système qui tendent à le reconstituer, sauf si les chocs extérieurs sont trop grand139 ». Ainsi, l'idée que la justice rawlsienne est gage de stabilité est soutenable d'un point de vue double : d'abord, elle garantit et promeut le respect des droits de chacun ; ensuite, elle met en place une procédure politique qui permet aux individus de participer à la vie politique. Considérant la question de ce double point de vue, les principes de la justice rawlsienne, en assurant un ensemble de droits à l'individu et en proposant une répartition des biens sociaux et économiques ouverte à tous (sans perdre de vue les plus défavorisés), sont sources de stabilité. Puisque chacun s'y déploierait à soutenir ce qui garantit son bien :

Quand les deux principes sont respectés, les libertés de base de chaque personne sont garanties et, en raison du principe de différence, chacun tire un avantage de la coopération. Nous pouvons ainsi expliquer l'acceptation du système social et des principes qu'il respecte par la loi psychologique selon laquelle les personnes tendent à aimer, chérir et soutenir tout ce qui favorise leur propre bien. Puisque le bien de chacun est respecté, tout le monde acquiert le désir de soutenir le système140.

Par ailleurs, les publications qui vont suivre la publication de la Théorie de la justice annoncent une nouvelle orientation de la pensée de Rawls. Plus exactement, il est question dans ces publications de repenser la stabilité sociale et politique à partir du pluralisme inhérent aux sociétés libérales. Ainsi s'inscrit-il dans le débat qui engage libéralisme politique et pluralisme ambiant des visions du monde. Au fondement de ce débat qui engage nombreux d'auteurs contemporains, figure la problématique de la diversité des visions du monde. En effet, les sociétés démocratiques contemporaines se voulant pluralistes sont mises à bord de conflits en raison de la pluralité des conceptions se partageant l'espace public. Face à cela,

139 J. Rawls, Théorie de la justice, op. cit., p. 498.

140 Ibid., p. 207-2O8.

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l'urgence de fournir à l'humanité des perspectives susceptibles de rétablir le lien social et politique, découle d'une nécessité qui n'est plus à démontrer. Dans ce sillage, Rawls porte une attention particulière à la stabilité en proposant sa nouvelle théorie désormais bien connue de tous : le « consensus par recoupement ».

Pour lui en effet, même si à première vue, la pluralité des visions du monde semble prédisposer nos sociétés à des conflits, il convient de préciser que la possibilité des conflits ne doit pas être l'apanage des sociétés pluralistes. Pour ce faire, il importe de concevoir une structure politique susceptible de faire de nos différences une source mutuelle d'entente, gage de stabilité et de paix sociale. C'est ainsi que, partant de la pluralité des valeurs auxquelles se trouvent confrontées les démocraties contemporaines, Rawls, soucieux de restaurer la stabilité et le lien politique, met en avant le problème suivant : « Comment est-il possible qu'existe et se perpétue une société juste et stable, constituée de citoyens libres et égaux, mais profondément divisés entre eux en raison de leurs doctrines compréhensives, morales, philosophiques et religieuses, incompatibles entre elles bien que raisonnables ?141 ».

À la suite de cette interrogation, il s'agit de mettre en place un modèle réflexif capable d'élaborer des règles communes de coexistence pacifique. Il est question d'une réflexion consacrée à la recherche des principes communs de justice dans l'optique de garantir la coexistence au sein d'un même espace de plusieurs doctrines raisonnables mais incompatibles entre elles. Rawls se situe ainsi dans la nécessité de concilier le pluralisme comme un fait avec l'urgence d'une argumentation universaliste ; cette dernière étant posée comme le socle d'une vie harmonieuse entre les hommes. Résultat du « consensus par recoupement », Rawls souligne que ce consensus est un compromis commode entre les différentes doctrines. C'est donc un consensus au-delà du dissensus rendu possible grâce à la « position originelle » et à sa composante essentielle le « voile d'ignorance ». Ces deux concepts, considérés comme le fondement de l'éthique de la diversité chez Rawls, assurent la réalisation d'un consensus parce qu'ils recouvrent les situations de différences auxquelles peuvent se rattacher les partenaires de la discussion. On en conviendra à l'idée que le

141 J. Rawls, Libéralisme politique, Paris, PUF, 1995, p. 6.

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consensus en tant qu'une oeuvre de la raison humaine fonde et garantie l'unité sociale. C'est pourquoi chez lui :

L'unité sociale se fait grâce à un consensus sur la conception de la justice ; et la stabilité est possible quand les doctrines qui forment le consensus sont, d'une part, soutenues par les citoyens politiquement actifs de la société et que, d'autre part, les exigences de la justice ne sont pas trop en conflit avec les intérêts essentiels que possèdent les citoyens et qui ont été engendrés ou encouragés par leur organisation sociale142.

Il convient d'insister, à travers l'analyse de cette affirmation précitée, que Rawls se place dans la posture traditionnelle du libéralisme affirmant l'individu ainsi que l'inviolabilité de sa personne comme unique sujet de droit. Dans ce sens, il est capital de souligner que sa pensée perpétue un universalisme abstrait « compris comme un grave facteur de déshumanisation et d'aliénation143 ». En réalité, la théorie libérale qui procède de l'analyse rawlsienne nous a conduit à une harmonisation des formes sociales afin de poser les fondements d'une société politique stable et donc juste. Partant de cette version libérale, il s'agissait en fait de trouver une base commune pour sauvegarder l'unité politique au-delà de la pluralité des conceptions. Ce faisant, cette perspective finit par renvoyer l'expression des différentes identités à l'espace privé. Ainsi est-il question à travers ce type de libéralisme de promouvoir les droits individuels en consacrant l'inviolabilité de la personne de l'individu. Abstraction faite des exigences communautaires, la valorisation de l'individu se fait accompagner de la diffusion des valeurs universelles d'égalité, de dignité et d'unité.

Cette tendance affirmant l'individu contre la communauté couronne un débat dans le monde contemporain, dont Mesure et Renaut vont circonscrire les enjeux en ces termes-ci : « Dans ce débat, la question centrale est avant tout de déterminer si les principes libéraux, en valorisant exclusivement les libertés de l'individu considéré comme tel, isolément, n'ont pas fait preuve jusqu'ici, dans leur reformulation classique, d'une abstraction excessive144 ». Ce constat invite d'autres auteurs comme Taylor et Kymlicka à une relecture de la pensée rawlsienne au regard des luttes entreprises dans l'État de droit démocratique pour « protéger l'intégrité

142 J. Rawls, Libéralisme politique, op. cit., p. 172.

143 A. Renaut, Un humanisme de la diversité, op. cit., p. 277.

144 S. Mesure et A. Renaut, Alter ego, op. cit, p.15.

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des formes de vie et des traditions dans lesquelles les membres des groupes discriminés peuvent se reconnaître145 ». On y voit poindre alors la question des différences culturelles, ou, si l'on préfère, la question des droits culturels collectifs.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote