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Multi ethnicité et refondation des nations démocratiques en Afrique noire. Perspective d'un humanisme de la diversité.

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par Essodina BAMAZE Nà¢â‚¬â„¢GANI
Université de Lomé - Master II en Philosophie politique et du droit 2015
  

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1.2 La colonisation, un ferment de la diversité ethnique

Au compte des exigences qui imposent aux sociétés contemporaines d'en venir à s'interroger sur les règles ou les principes qu'elles doivent s'imposer à elles-mêmes pour assurer un traitement différencié de l'identité humaine (ou encore une prise en compte de la diversité humaine), il se trouve en amont la colonisation. À la lecture de l'Essai sur la décolonisation des identités, on est tout de suite frappé par l'insistance avec laquelle Renaut souligne l'hypothèse que « la problématique de la diversité humaine entretient un lien étroit avec la question coloniale et postcoloniale44 ». Tout le pari de Renaut est de montrer que parmi ce qu'il a nommé volontiers, à la lumière de Rawls, « circonstances de la diversité45 », pointe la colonisation. Pour clarifier cette idée, un argument fondamental est à considérer : la colonisation est un profond réducteur de la diversité humaine et donc de la diversité culturelle.

D'une façon globale, le projet de répandre une civilisation aux autres contrées de la terre avait comme fondement l'imposition d'une culture dominante (techniquement et scientifiquement) aux autres cultures. L'Occident, en se plaçant dans la posture de culture dominante, brisait ainsi les autres cultures qui devaient désormais se conformer à l'unique modèle de civilisation que constituait la civilisation occidentale. Du coup, en procédant à cette réduction de la diversité des cultures à une culture identique, mieux dit, en procédant à « la mise sous tutelle culturelle des populations indigènes46 », la colonisation sacrifie de ce fait la richesse culturelle contenue dans la diversité ambiante des cultures. C'est à ce prix que la colonisation, puissant vecteur d'un arrachement au « monde vécu », s'affirme comme l'expression d'un traitement violent de la diversité culturelle. L' « esclavagisation » des Noirs ainsi que la constellation des États-nations fournissent des exemples édifiants. Dans chacun de ces deux cas, ce qui fait apparaître la colonisation comme l'un des plus puissants négateurs modernes de la diversité culturelle réside dans la volonté manifeste de méconnaître l'autre dans sa différence culturelle comme un semblable devant jouir des droits identiques aux siens. Ceci a eu pour implication

44 A. Renaut, Un humanisme de la diversité, op. cit., p. 287.

45 Renaut Précise lui-même que la notion de « circonstances de la diversité » telle qu'il la conceptualise trouve ses repères philosophiques chez Rawls qui, en empruntant la notion à Hume, développe la notion de « circonstances de la justice ». Voir A. Renaut, Ibid., p. 73.

46 Ibid., p. 101.

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directe, au sein de l'État-nation, le principe de l'assimilation culturelle comme valeur indispensable à l'affirmation de l'humain en l'homme.

Soulignant le lien étroit entre colonisation et diversité ethnique des États d'Afrique noire, il faut dire que les effets déstructurant de la colonisation ont occasionné la mise en commun de populations hétérogènes au sein d'un même creuset national. Reprenant les propos de Debray, on reconnaîtra ici que la colonisation a laissé l'État d'Afrique noire « dans un monde réenchanté, fragmenté en identités closes et où toutes sortes d'intégrismes (...) donnent le ton47 ». À titre illustratif, dans son article de 198948, Nicolas soulignait que le Nigéria au lendemain des indépendances comptait environ 200 ethnies. De ce foisonnement de populations diverses, mises sous tutelle de l'État-nation, une seule difficulté mérite d'être évoquée : celle consistant à penser l'intérêt général en ayant à l'esprit les intérêts de ces populations diversifiées.

L'idée est que la colonisation a imposé l'État-nation à des réalités politiques et socioculturelles dont la difficile gestion postcoloniale est le reflet de la balkanisation. En procédant à une mise en rapport forcé de populations hétérogènes dans le creuset de l'État-nation, la colonisation posait ainsi les jalons d'une opposition entre les différents groupes ethniques ou entre les ressortissants d'espaces géographiques différents. Cette opposition trouvait sa source dans des politiques de gestion discriminatoire de ces populations. De ces politiques de gestion discriminatoires, la conséquence en est aujourd'hui l'existence à foison de conflits qui font de l'Afrique une terre de conflits. Pour preuve : à entendre, Côte-d'Ivoire, Soudan, Centrafrique, Libéria, Burundi, horreurs, cruautés et atrocités traversent les esprits de plus d'une personne. L'analyse de chacun de ces conflits témoigne de l'effectivité des politiques internes de marginalisation de certains groupes de population, lesquels groupes se sentent exclus de toute participation significative à la gestion des affaires étatiques. Sur ce point, les exemples à mobiliser pour s'en convaincre sont aussi multiples que connus. Simplement pour mémoire, retenons l'opposition devenue classique entre « Hutu » et « Tutsi » au Rwanda.

47 R. Debay, L'intellectuel face aux tribus, Paris, CNRS Éditions, 2008, p. 10.

48 Intitulé « Stratégies ethniques et construction nationale au Nigéria », in J.-P. Chrétien et G. Prunier (dir.), op. cit., p. 368.

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Au Rwanda en effet, l'idée de colonisation comme ferment de la diversité ethnique trouve ses repères dans la hiérarchisation raciale et sociale induite par la politique du colon belge. « Hutu » et « Tutsi », ces deux peuples parfaitement homogènes au plan linguistique et culturel, ont vu leur conflit naître à partir du ferment idéologique qu'a véhiculé la politique coloniale de répartition du pouvoir, du savoir, des positions sociales et des richesses. Le qualificatif de « Seigneurs » Tutsi que brandissait le colon contre celui d' « esclaves » Hutus contribuait ainsi à asseoir une haine entre ces deux peuples. Plus significatif encore est cette inégalité forgée de toute pièce entre ces deux peuples par le colon belge : « Les Batutsi étaient destinés à régner, leur seule prestance leur assure déjà, sur les races inférieures qui les entourent, un prestige considérable...49 ». Ce sont de pareils propos qui impliquent, en bonne logique, l'enracinement de la problématique identitaire en Afrique et qui y réconfortent la vie de ghetto ethnique vécue comme un traumatisme à partir de la colonisation. C'est dans ce cadre d'analyse que se situe Renaut, lorsqu'il écrit :

les États (...), notamment en Afrique subsaharienne, font eux aussi avec douleur l'apprentissage de la manière dont le retrait de la domination coloniale libère (...) des antagonismes pour l'apaisement desquels la réconciliation passera par un apprentissage de la démocratie50.

Faisant suite à ce qu'il désigne par « apprentissage de la démocratie », la tendance à l'édification de l'État-nation sera confrontée à des discours identitaires dont le plus en vogue est le discours « ethniciste ». Ce discours, perçu dans ce travail comme le résultat d'une « stratégie politique », participe depuis longtemps à la fermeture des identités ethniques surtout en périodes électorales. Ce qui suggère l'idée de la difficile émergence des nations démocratiques en Afrique noire.

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