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Pragmatique, narrativité, illocutoire et délocutivité généralisées.

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par Jean Robert RAKOTOMALALA
Université de Toliara - Doctorat 2004
  

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10. CENSURE ET POSTULATION DU CORPS FÉMININ

RÉSUMÉ :

Cette étude met en évidence la différence radicale entre l'homme et la femme à partir de l'analyse du mythe biblique, celui d'Adam et d'Ève. Il en ressort que si l'homme appartient au monde profane du travail, par contre, la femme appartient au monde sacré. Il faut se rappeler que le sacré est ambivalent. Il y a le sacré vénérable et le sacré exécrable. La femme cumule ces deux sacralités. Mais dans la mesure où le sacré s'entoure d'interdit. La séduction féminine provient de la transgression d'un interdit fondamental : le monde sacré du jeu qui définit la femme selon le principe de l'intransitivité.

Mots clés : sacré, profane, interdit, totalité, transgression, séduction, postulation.

Abstract

This study highlights the radical difference between the man and the woman from the analysis of the biblical myth, that of Adam and Eve. It appears that if the man belongs to the secular world of work, however, the woman belongs to the sacred world. It must be remembered that the sacred is ambivalent. There is the sacred venerable and the execrable sacred. The woman has these two properties of sacred. But to the extent where the sacred surrounds himself banned. Feminine seduction comes from a fundamental banned transgression: the sacred world of the game that defines women according to the principle of the intransitivity.

Key words: sacred, profane, forbidden, totality, transgression, seduction, postulation.

10.1. INTRODUCTION

On peut dire que depuis toujours le sexe féminin est vigoureusement refoulé, censuré de diverses manières. On peut même dire que toutes sémiotiques confondues n'ont fait que censurer le sexe féminin parmi lesquelles la violence de l'excision. Néanmoins, l'objectif de cette communication n'est pas de militer pour l'égalité des sexes et encore moins de militer pour le féminisme. Son objectif est moins ambitieux : observer l'aspect pragmatique de cette censure en tenant compte que ce que la censure interdit, elle la postule en même temps ; et nous pouvons dire, en anticipation de notre formulation du problème que ce que la censure interdit, c'est la totalité comprise comme une autonomie, ou comme signe autonymique.

Autrement dit, ce qui se profile derrière ce titre est une illustration particulière de l'affirmation selon laquelle « nommer, c'est faire exister ». Une affirmation que partagent en même temps linguistes et anthropologues bien qu'il y ait certaines réserves sur ce pouvoir de l'énonciation. Commençons par sortir de ces réserves.

On oppose toujours à cette idée que nous voulons développer sous la thématique de la femme que le monde est l'univers sur lequel le langage s'est levé. Ce qui veut dire très exactement que le langage ne crée rien puisque le monde lui préexiste. À considérer cette

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objection dans une stricte interprétation, on aboutit logiquement à la notion de langage étiquette. Mais l'idée de langage étiquette se heurte à son tour à la question de la relativité linguistique mis à jour par Édouard SAPIR et Benjamin Lee WHORF, plus connue sous le nom de thèse de SAPIR-WHORF. (WHORF, 1980) Ainsi en Hopi, il n'y pas de notion d'indéfini incompatible au nombre comme cela se présente en français avec les articles du et qui n'a pas de pluriel pour déterminer les noms de substance continue comme l'eau, ou l'air.

On remarque également qu'en malgache, une langue qui ne connaît ni le genre ni le nombre dans laquelle l'article partitif et l'indéfini pluriel n'existent pas. Il ne s'agit pas d'interpréter cette absence comme inexistence de déterminant pour les catégories visées. Jean-Claude MILNER démontre que l'expression du partitif et de l'indéfini pluriel dans beaucoup de langue est un zéro phonétique, noté Ø, (MILNER, 1978).

En effet, si le langage ne consiste qu'à donner des étiquettes aux référents mondains, on ne s'explique pas pourquoi les choses ne sont pas nommées de la même manière dans toutes les langues naturelles. SAUSSURE pense que cette différence nominative est une conséquence de l'arbitraire du signe (SAUSSURE, 1982, p. 100 et sv). On connaît le déplacement de l'arbitraire opéré par BENVENISTE à partir des arguments propres à SAUSSURE lui-même :

« Ainsi du signe linguistique. Une des composantes du signe, l'image acoustique, en constitue le signifiant, l'autre, le concept, en est le signifié. Entre le signifiant et le signifié, le lien n'est pas arbitraire ; au contraire, il est NÉCESSAIRE. (...) Ce qui est arbitraire, c'est que tel signe, et non tel autre, soit appliqué à tel élément de la réalité, et non à tel autre. » (BENVENISTE, [1966] 1982, pp. 51-52)

Nous voulons suggérer que l'on ne peut parler d'arbitraire dans le sens saussurien ou dans le sens de BENVENISTE qu'a posteriori, quand on ne peut plus remonter la démarche phylogénétique ayant fait passer le protolangage au niveau du langage. La thèse de la relativité linguistique va dans ce sens : pour une société d'éleveur de zébu, il est crucial de pouvoir nommer les bêtes non seulement en fonction de la couleur de leur robe mais également en fonction de leur morphologie pour les services attendus de ces animaux : ainsi par exemple, un zébu sans bosses est appelé en malgache baria parce que les zébus de la sorte ont un comportement farouche et difficile à mettre au pas pour les travaux des champs comme pour piétiner la rizière avant le repiquage. Par contre ils sont très spectaculaires dans le savika15 où le héros doit s'accrocher d'une manière ou d'une autre à hauteur de l'encolure de l'animal qui se débat à travers des sauts pour se débarrasser de l'homme. Ce caractère morphologique importe peu au citadin malgache qui ignore complètement pourquoi l'équipe nationale de foot est appelée Barea16 de Madagasikara.

15 Une manière spécifique de d'affronter les boeufs à mains nues en s'accrochant à lui par les biais de son coup et de sa bosse afin de le faire tomber. Le savika n'est pas à confondre avec le torero.

16 Juste une variante lexicale de baria

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Cet exemple montre que les mots n'ont pas pour fonction de nommer les choses mais de créer un parcours de renvois que justifie la définition du signe dans la théorie triadique de PEIRCE, notamment dans la notion d'interprétant :

« Un signe ou representamen est un Premier qui se rapporte à un second appelé son objet, dans une relation triadique telle qu'il a la capacité de déterminer un Troisième appelé son interprétant, lequel assume la même relation triadique à son objet que le signe avec ce même objet ... Le troisième doit certes entretenir cette relation et pouvoir par conséquent déterminer son propre troisième ; mais, outre, cela, il doit avoir une seconde relation triadique dans laquelle le representamen, ou plutôt la relation du representamen avec son objet, soit son propre objet, et doit pouvoir déterminer un troisième à cette relation. Tout ceci doit également être vrai des troisièmes du troisième et ainsi de suite indéfiniment... » (PEIRCE, 1979, p. 147)

Nous allons maintenant, suite à l'exemple du baria à l'instant, voir que c'est ce système de renvois que nous préférons appeler « parcours d'évocations » qui engendre les différences entre les langues, parce que chaque société à l'intérieur d'une nation a un parcours d'évocations différent les uns des autres.

HJELMSLEV, dans son analyse de la fonction sémiotique qui s'établit entre « expression » et « contenu » arrive à la même conclusion en partant de la comparaison de plusieurs langues. Il en ressort que ce qui reste commun à toutes ces langues est le sens qui prend une forme différente dans chacune d'elles :

« Tout comme les mêmes grains de sable peuvent former des desseins dissemblables, et le même nuage prendre constamment des formes nouvelles, ainsi, c'est également le même sens qui se forme ou se structure différemment dans différentes langues. Seules les fonctions de la langue, la fonction sémiotique et celles qui en découlent, déterminent sa forme. » (HJLEMSLEV, 1968-1971, p. 70)

C'est dans ce sens que « nommer, c'est faire exister » puisque le mot a cette particularité de générer, en passant par le référent, ce parcours d'évocations qui diffère d'une société à l'autre au sein de la même communauté linguistique en fonction, justement, de la fonction sémiotique et celles qui en découlent. Parmi les linguistes sensibles à cette question, nous pouvons citer Charles P. BOUTON qui note au niveau de l'ontogénie de la parole deux démarches opposées mais complémentaires dont voici la seconde : « Dans un second moment, le mot devient en lui-même générateur de sensations, de sentiments, d'idées. Le langage devient en soi un procédé de connaissance. » (BOUTON, 1979, p. 265)

C'est ce que l'on appelle communément « démarche sémasiologique ». Pour sa part, l'Allemand Ernst CASSIRER soutient que le langage contribue à la construction du monde des objets : « L'idée ne préexiste pas au langage, elle se forme en lui et par lui » (CASSIRER, 1969, p. 66)

Il faut entendre par idée, l'idée de toute chose à laquelle nous pouvons penser. Ce qui ne signifie pas que les choses n'existent pas indépendamment du langage, mais elles ne peuvent pas être saisies en dehors du langage qui leur assigne le lien de chose à choses nécessaire à leur connaissance. C'est ce que souligne PEIRCE en ces termes : « être et devenir,

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c'est être représentable » (SAVAN, 1980, p. 11). Nous pouvons encore évoquer le logicien QUINE pour soutenir que le langage instaure la continuité dans un monde discontinu pour les services que l'homme en entend : « C'est pourquoi que j'ai dit et redit et au fil des années qu'être c'est être la valeur d'une variable. Plus précisément, ce que l'on reconnaît comme être est ce que l'on admet comme valeurs des variables liées. » (QUINE, 1993)

En définitive, lorsque l'on dit que « nommer, c'est faire exister » ; il ne s'agit pas de croire à une puissance démiurgique qui crée en même temps le nom et la chose ; mais au contraire, il s'agit de la puissance de liaison qui relie une chose aux autres selon un processus cognitif que résume cet aphorisme de WITTGENSTEIN : « [...], nous ne pouvons imaginer aucun objet en dehors de la possibilité de sa connexion avec d'autres objets » (2.0121) (WITTGENSTEIN, 1961, p. 30)

On peut multiplier, de la sorte, les références qui visent à montrer que le langage est un instrument privilégié de connaissance, c'est-à-dire d'organisation du réel qui se présente sous une forme discontinue. C'est à ce titre seulement que l'on peut rejeter l'idée du langage étiquette au profit d'un langage de construction.

Il nous semble que l'on ne peut plus, dans l'état actuel de nos connaissances, faire obstacle à l'idée du langage qui se situe au coeur du schème cognitif puisque l'idée de langage étiquette est complètement ruinée. En effet, en écho lointain au principe d'oubli que NIETZSCHE assigne au langage : « Le mot (le concept) ne désigne un fait ou un phénomène qu'à l'aide de l'abstraction en omettant plusieurs de leurs traits.

« Tout concept naît de l'identification du non identique. Aussi certainement qu'une feuille n'est jamais tout à fait identique à une autre, aussi certainement le concept de feuille a été formé grâce à l'abandon délibéré de ces différences individuelles, grâce à un oubli des caractéristiques » mais cette identification de la partie au tout est une figure de rhétorique : la synecdoque. (NIETZSCHE la nomme tantôt métaphore, tantôt métonymie) » (TODOROV, 1970, pp. 28-29)

Jean PETITOT, d'un seul coup de plume, scelle de manière convaincante l'inscription du langage dans le cognitif :

« La relation dominante est la relation signifié / signifiant (la cause du désir et non pas la validité du jugement), le référent n'étant qu'un tenant lieu (un artefact, un simulacre, un trompe l'oeil) servant de support » (BRANDT & PETITOT, 1982, p. 25)

Tout concourt donc à nous permettre de voir un peu plus clair dans notre problématique : s'il y a censure, c'est parce ce que ce tabou linguistique a des attaches plus fortes à la dimension cognitive du langage pour laquelle la référence ne s'arrête plus au réel - qui n'est qu'un simulacre - mais le traverse pour atteindre le parcours d'évocations. Il y a tabou linguistique parce qu'une fois le monde pris dans les rets du schème cognitif, la catégorie du réel s'évanouit comme une question inutile. Il s'agit là d'une conclusion à laquelle, avec son style propre, Robert de MUSIL nous convie :

« [...]. Toutes les possibilités que contiennent, par exemple, mille marks, y sont évidemment contenues qu'on les possède ou non ; le fait que toi ou moi les possédions

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ne leur ajoute rien, pas plus qu'à une rose ou à une femme. Mais disent les hommes du réel, "le fou les donne au bas de laine et l'actif les fait travailler"; à la beauté même d'une femme, on ne peut nier que celui qui la possède ajoute ou enlève quelque chose. C'est la réalité qui éveille les possibilités, et vouloir le nier serait parfaitement absurde. » (MUSIL, 1982, pp. 18-19)

Cette dernière remarque permet de comprendre pleinement que dans le langage, il n'y a que du langage qui s'autonomise dans un parcours d'évocations. Une autonomie qui est au coeur de la pragmatique et qui permet à cette discipline d'éviter le piège de la confusion entre langage et substance. C'est à cette confusion que HJLEMSLEV semble faire allusion dans la remarque suivante :

« A priori, on pourrait peut-être supposer que le sens qui s'organise appartient à tout ce qui est commun à toutes les langues, et donc à leurs ressemblances ; mais ce n'est qu'une illusion, car il prend forme de manière spécifique dans chaque langue ; il n'existe pas de formation universelle, mais seulement un principe universel de formation. » (HJLEMSLEV, 1968-1971, p. 98)

Ce que nous allons essayer d'illustrer par l'exemple suivant. Un individu habitant seul dans un appartement peut - dans l'intention de signifier sa présence - laisser lumières et téléviseurs allumés comme signe de sa présence au moment où il est justement dehors. Ou encore, afficher sur son portail l'écriteau « chien méchant » réalise accomplit l'avertissement souhaité qu'il existe ou non un chien à l'intérieur du domaine. De la même manière la reconnaissance d'une forme sémiotique entraîne toujours un parcours d'évocations que manifestent les actes de langage. C'est pourquoi que la sanction d'un acte de langage n'est pas la véridiction mais son apparition dans une existence token-réflexive, c'est-à-dire qu'un acte de langage n'est ni vrai ni faux, mais il est - au sens plein de ce verbe « être » - tout simplement.

Il nous semble que le passage du protolangage vers langage est une manifestation du parcours d'évocations dans la pragmatique. Autrement dit, l'émergence du langage est une question de pragmatique et que les premiers langages sont consignés dans ces premières littératures que nous appelons mythe.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon