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La constitution tchadienne du 04 mai 2018 et la consolidation de l'état de droit.


par Keumaye Tchiakika
Université de Dschang Cameroun - Master 2 en droit public 2020
  

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Conclusion du chapitre 1

La finalité de l'État de droit étant la sauvegarde des droits fondamentaux par la limitation des pouvoirs publics par le droit. Cette mission est, en grande partie, remplie par le juge constitutionnel tchadien. Les juges de l'administration, juge administratif et juge judiciaire, apparaissent comme un protecteur secondaire des droits et libertés fondamentaux des citoyens. Malgré les réformes institutionnelles qui ont profondément changé le statut du juge constitutionnel au Tchad, cela n'a pas empêché celui-ci de jouer pleinement son rôle de protecteur des droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution. De plus, le constituant tchadien n'a pu donner l'occasion aux citoyens d'accéder directement au juge constitutionnel comme cela se passe dans certains pays. Les juridictions administratives constituent une pièce importante dans l'édification de l'État de droit en soumettant l'État au droit. Le juge judiciaire vole également au secours des citoyens offensés par l'administration dans ses actions. Si la Constitution confère aux juges de l'administration la protection des droits et libertés fondamentaux, il faut souligner cependant que les citoyens ne maîtrisent pas assez les procédures devant les juridictions afin de dénoncer les atteintes portées à leurs droits fondamentaux.

Si les libertés sont protégées par le juge, il faudra limiter la puissance du pouvoir exécutif pour un bon encrage de l'État de droit au Tchad.

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CHAPITRE 2 : LA LIMITATION CONSTITUTIONNELLE DE LA
PUISSANCE DU POUVOIR EXÉCUTIF

Saint-Just avançait en 1793 que « le peuple n'a qu'un seul ennemi dangereux, c'est le Gouvernement »145. Cette affirmation montre que le pouvoir exécutif est potentiellement porté à menacer les droits et libertés du peuple. C'est dans ce sens que le constituant a entendu limiter le pouvoir exécutif en le soumettant au droit.

L'analyse de toute question liée au pouvoir exécutif requiert une définition préalable de celui-ci. Ainsi, au sens organique, le pouvoir exécutif désigne l'organe ou l'ensemble des organes chargés d'exercer à titre principal la fonction exécutive146.

Le nouveau constitutionnalisme issu des transitions démocratiques a apporté des profonds changements dans l'histoire politique et constitutionnelle des États africains en général et celle du Tchad en particulier. L'un des changements réside dans la constitutionnalisation du contrôle du pouvoir exécutif par l'Assemblée Nationale (Section 1). Ce contrôle qui trouve son fondement dans l'idée même de la soumission de l'État et de ses administrations au droit147 est perceptible. L'autre changement est la consécration

145 Cité par GICQUEL Jean, Droit constitutionnel et institution politiques, XVe édition, Montchrestien, 1990, p. 495.

146 MOYEN Godefroy, « L'exécutif dans le nouveau constitutionnalisme africain : les cas du Congo, du Bénin et du Togo », op. cit., p. 41.

147 La redécouverte du concept de l'État de droit par les philosophes et les juristes est l'un des phénomènes marquants de la fin du XXe siècle et du début du XXIe siècle. Il supposait une distinction entre l'État de droit et l'État de police suivant les thèses développées par certains juristes comme Mohl et Stahl. L'État doit se soumettre au régime de droit et l'administration, bien qu'elle puisse agir contra legem... La seconde étape date de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle lors de la floraison des travaux de Gerber qui trouvent leur couronnement dans l'oeuvre du juriste autrichien HANS Kelsen et leur philosophie dans le positivisme juridique. La troisième étape dite contemporaine suppose une substitution au lien civil fondé sur la guerre et la conquête, une société politique établie sur la paix, dans laquelle les litiges sont arbitrés par la négociation juridique et où le souverain doit reconnaître et garantir le droit à la sûreté des individus. Il se caractérise plus particulièrement par diverse institutions et techniques juridiques : indépendance des juges, séparation des pouvoirs, contrôle de

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constitutionnelle de la responsabilité des membres du Gouvernement (Section 2) qui est un élément important dans la réalisation de l'État de droit.

SECTION 1 : LE CONTRÔLE DE L'EXÉCUTIF PAR LE PARLEMENT

Le contrôle politique est l'une des missions assignées aux parlements à l'instar de la fonction législative. L'exercice de ces missions forme la fonction essentielle du parlement. Pourtant, à la différence de la mission législative dont les procédures sont largement détaillées par la Constitution148 et le règlement intérieur de l'AN, le contrôle parlementaire n'y est qu'à peine évoqué alors qu'il occupe une place prépondérante dans l'activité parlementaire. Cette prérogative reconnue à l'AN du Tchad est un moyen par lequel l'AN vérifie le bon comportement, c'est-à-dire la bonne application du programme d'actions, des lois, des règlements et du budget de l'État149. C'est également un vecteur de bonne gouvernance et de la construction d'un État de droit. De manière pratique, le contrôle parlementaire concourt à élever l'efficacité et l'efficience dans la gestion des affaires publiques.

Le contrôle exercé par le Parlement résulte également du principe de responsabilité des gouvernants, dans les démocraties pluralistes et libérales, où la souveraineté appartient au peuple. En effet, les titulaires du pouvoir d'État doivent en assumer l'exercice dans le cadre de leurs attributions légales respectives, mais également, rendre compte au peuple150. La fonction de contrôle est une des plus importantes activités du Parlement moderne151, en ce sens que l'essentiel de ses efforts portent sur cette fonction152. C'est un principe fondamental dans tout État de droit qui résulte du fait qu'aucun organe du Gouvernement n'a d'autorité qui s'étend au-delà des bornes qui ont été prescrites par la loi.

constitutionnalité des lois et de la légalité des actes administratifs ainsi que la protection des droits de la personne. Voir DUHAMEL Olivier, MENY Y., Dictionnaire constitutionnel, PUF, 1992, p. 415-418.

148 Voir titre V de la Constitution du 04 mai 2018.

149 BYAZA-SANDA LUTALA David, Le rôle des Commissions dans le contrôle parlementaire, rapport présenté au colloque de l'Association des secrétaires généraux des parlements francophones du 23 au 26 août 2011 à Libreville, p. 2.

150 DOUNA NANG-WEYE Dieudonné, L'apport du parlement à l'État de droit au Tchad, op. cit., p. 51.

151 BUJADOUX Jean-Félix, « le nouveau Parlement : la révision du 23 juillet 2008 », Fondation pour l'innovation politique, Novembre 2011, p. 22.

152 DEBBASCH Charles, BOURDON Jacques, PONTIER Jean-Marie et RICCI Jean-Claude, La Ve République, 2e édition, Paris, Montchrestien, 1985, p. 485.

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Au Tchad, le contrôle s'exerce à travers l'interpellation et les questions parlementaires (paragraphe 1), d'une part et le contrôle de l'exécutif à travers la commission d'enquête et l'évaluation de la politique publique, d'autre part (paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le contrôle de l'Exécutif à travers l'interpellation et les
questions parlementaires

Le contrôle de l'Exécutif est un moyen dont dispose l'AN pour s'informer. Ainsi, l'article 145 de la Constitution dispose que : « le Gouvernement est tenu de fournir à l'Assemblée Nationale les explications qui lui sont demandées sur la gestion et sur ses activités ». A cet effet, les activités informatives du Parlement sont déterminantes dans le fonctionnement des pouvoirs publics, car elles constituent les moyens à travers lesquels le peuple doit connaitre le contenu et les motifs des mesures prises par le Gouvernement153. L'initiative de l'information peut émaner de l'Exécutif soit parce que la loi contraint celui-ci à la transmettre au Parlement, soit il considère une telle initiative nécessaire dans le cadre de l'exercice de ses missions. Cependant, seule la recherche de l'information à l'initiative des parlementaires154 paraît nécessaire dans cette étude. Ainsi, l'information parlementaire participe à l'encadrement des pouvoirs de l'État. Il s'agit de l'interpellation (A) et les questions parlementaires (B).

A - L'interpellation des membres du Gouvernement

C'est en vertu des articles 145 alinéa 1 de la Constitution et 138 du Règlement intérieur de l'AN que les parlementaires font usage du mécanisme de l'interpellation, comme outil servant d'information au Parlement. Ce mécanisme s'inscrit dans le cadre de suivi de la mise en oeuvre effective des politiques publiques par l'Exécutif, car aux termes des dispositions précitées, le Gouvernement peut, dans l'exercice de ses fonctions, être interpellé par l'AN sur toutes questions d'actualité et d'intérêt national155.

En effet, l'interpellation apparaît comme un instrument d'analyse, de suivi et de contrôle du Gouvernement et des organismes publics, y compris la mise en oeuvre des

153 Commission des affaires parlementaires de l'Assemblée Parlementaire de la Francophonie, du 6-9 juillet 2006, p. 6.

154 DOUNA NANG-WEYE Dieudonné, L'apport du parlement à l'État de droit au Tchad, op. cit., p. 52.

155 Ibidem

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politiques et de la législation. Elle est une demande d'explication faite par un député au Gouvernement pour qu'il s'explique sur ses actions ou sur sa politique lors d'une séance publique de l'AN. Elle engage un débat auquel d'autres parlementaires peuvent prendre part. L'objectif de l'interpellation est de soutenir l'État de droit. Les parlementaires doivent protéger les droits des citoyens en contrôlant les politiques et en examinant d'éventuels abus de pouvoir, comportements arbitraires, et conduites illégales ou anticonstitutionnelles de la part du Gouvernement.

L'interpellation se fait au moyen d'une demande qui porte sur un fait ou un acte de gestion du Gouvernement ; et qui au regard de l'urgence et de la gravité du fait ou de l'acte nécessite une prise de position de l'AN. La demande doit être déposée au Bureau de l'AN au moins 72h avant la tenue de la séance156. La conférence des présidents de l'AN saisie, apprécie souverainement la demande et règle son inscription à l'ordre du jour. Lorsqu'elle juge recevable la requête, elle mandate le Président de l'AN pour communiquer au Gouvernement ou au membre l'objet de l'interpellation ainsi que les dates et heures de la séance qui y seront consacrées. Il s'ensuit qu'au cours de la séance, le député auteur de l'interpellation dont la présence est constatée en salle, dispose au maximum de 5 minutes pour en exposer la teneur. Il faut noter qu'aucun vote, de quelque nature que ça soit, ne peut avoir lieu à l'occasion de cette interpellation. Cependant, dans la pratique, les interpellations donnent lieu à de recommandations et à la constitution des commissions d'enquête.

Bien que l'interpellation prenne la forme des questions orales, les deux procédés ne doivent pas être confondus. Dans ce dernier cas, les ministres se bornent à répondre aux députés qui les interrogent, sans aucune autre intervention dans le débat et sans vote de clôture. L'interpellation comporte, au contraire, un développement plus long de la part de son auteur. Elle ouvre, par conséquent, un débat auquel peuvent participer d'autres députés157.

En fait, en raison de son importance, l'interpellation est l'un des modes de contrôle-information les plus usités au sein de l'AN du Tchad. C'est le procédé privilégié de l'opposition parlementaire qui y a souvent recours. A titre d'exemple, le Ministre des postes, des nouvelles technologies de l'information et de la communication a été interpellé par les députés le 11 novembre 2019 sur les questions en lien avec les nouvelles technologies, de l'information et de la communication. Le Ministre a été interrogé sur la restriction des réseaux sociaux, la mise en écoute des citoyens par l'Agence Nationale de Sécurité (ANS). Cette restriction constitue une atteinte aux droits des citoyens constitutionnellement consacrés. Le

156 Article 132 du Règlement intérieur de l'AN.

157 DOUNA NANG-WEYE Dieudonné, L'apport du parlement à l'État de droit au Tchad, op. cit., p. 62

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Ministre a énoncé les raisons sécuritaires pour expliquer cette restriction qui a duré à peu près un an. Il renchérit que « le Tchad est un pays de droit. Toutefois, pour des raisons de sécurité, les agents de renseignement surveillent et ce, pour la protection de nos citoyens »158.

Dans la même lancée, le Ministre de la santé publique a été interpellé par les députés le 04 mai 2020 sur la gestion de la pandémie de COVID-19 au Tchad. Les députés disent ne pas comprendre la gestion peu orthodoxe de la crise sanitaire en dépit des moyens injectés par le Gouvernement pour la prise en charge des malades du Coronavirus. De plus, la réquisition des hôpitaux pour la prise en charges des malades apparaît, aux yeux des députés, comme une exposition des citoyens tchadiens aux intempéries, alors que les citoyens ont droit à un environnement sain et doivent être bonne santé. En réquisitionnant les hôpitaux de tout genre, le Gouvernement foule au pied ces droits. Le député KEBZABO Saleh a fait des propositions telles que : l'ouverture d'un stade avec les tentes pour la prise en charge des malades, l'assouplissement de certaines mesures telles que la réouverture des marchés hebdomadaires dans les coins reculés, afin de permettre à la population rurale de survivre économiquement159.

Au regard de tout ceci, la pratique des interpellations reste dominante au sein de l'institution parlementaire tchadienne et contribue à la modération du pouvoir des institutions et organes de l'État. Elle a permis, à travers le passage des membres du Gouvernement, de faire la lumière sur les opérations du Gouvernement en fournissant un espace public où les politiques et les actions de l'Exécutif sont débattues et livrées à l'opinion publique. Il en est ainsi des questions qui, elles aussi, permettent d'évaluer d'éventuels abus de pouvoir.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote